Lorelei

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Le rocher de la Lorelei
Carte du Rhin romantique

Loreley (Lorelei, Loreleï ou Lorely) est le nom d’un rocher qui culmine à 132 mètres au-dessus du Rhin à proximité de Saint-Goarshausen en Allemagne (Rhénanie-Palatinat)[1].

C’est l’endroit le plus étroit du Rhin car l'avancée du rocher réduit d’un quart la largeur du fleuve. Le courant très violent et les nombreux rochers immergés ont causé de nombreux accidents de navigation[1].

Loreley est aussi le nom d’une nixe (nymphe de la mythologie germanique) qui attire les navigateurs du Rhin jusqu'à leur perdition par ses chants, comme les sirènes de la mythologie grecque ancienne.

Cette légende de la Loreley sur son rocher a inspiré de nombreux artistes, dont le poète allemand Heinrich Heine qui écrivit en 1824 l’histoire Die Lore-Ley plus tard mise en musique et popularisée par le compositeur Friedrich Silcher. Le rocher de la Loreley est maintenant un site touristique très fréquenté, tant pour la beauté des lieux que pour la légende qui l’entoure.

La légende de la Loreley[modifier | modifier le code]

La Lorelei, au centre dans un méandre du Rhin, vu depuis à côté de la ville de Urbar (Rhin-Hunsrück). On aperçoit le château de Maus, Saint-Goarshausen, ou le château du Katz. Mai 2020.
Statue de la nymphe sur le quai du port au pied du rocher

Loreley est une jeune fille qui, assise sur le rocher du même nom, chante magnifiquement. Les marins passent en bateau et l’entendent. Ils sont comme envoûtés par ce chant si beau, si mélodieux, qu’ils en oublient les courants du Rhin et chavirent.

À l’origine, la Loreley a été conçue pour symboliser l’amour passionnel dans la littérature : dans une ballade (Zu Bacharach am Rheine…, 1801) du poète rhénan Clemens Brentano, la Loreley apparut d’abord comme le nom d’une femme. Laure Lay a été trompée par son amant. Sur le chemin du cloître, elle veut jeter un dernier regard du rocher sur son château. Alors qu’elle pense voir un bateau s’éloigner, elle tombe dans le fleuve.

Brentano a écrit plusieurs variations du thème de la Loreley. Le motif d’une femme blonde et malheureuse qui se peigne sur un rocher, apparaît pour la première fois dans son conte rhénan à partir de 1810.

Plus tard, elle passa d’un fantôme à une femme fatale. À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, elle prit pour quelques poètes la fonction de symbole national, semblable aux Valkyries. La littérature du XXe siècle se détourna de cette interprétation. Elle apparaît sous de nombreuses formes dont certaines sont ironiques, et perpétue ainsi le mythe de la Loreley.

En France, elle est surtout connue à travers le poème de Guillaume Apollinaire, La Loreley que l’on retrouve dans le recueil Alcools et qui est en fait une traduction/adaptation du poème de Brentano, ou encore dans Lorely de Gérard Labrunie dit Gérard de Nerval lors du récit de son voyage sur les bords du Rhin. La fée du Rhin sera également évoquée à travers de nombreuses chansons françaises, entre autres, comme Lorelei Sebasto Cha de Hubert-Félix Thiéfaine ou Laura Lorelei de Jacques Higelin.

Comme tous mythes, la légende de Loreley a plusieurs niveaux d'interprétation. Outre le premier degré de l'histoire, la légende peut être interprétée dans un niveau plus subtil comme le plan psychologique. Elle symbolise la puissance de nos sens qui supplante la raison, et entraîne l'homme dans des errements et des actions irrationnelles. Elle symbolise l'être humain attiré par le chant des sirènes qui le conduisent à sa perte[2].

Les rencontres européennes de la jeunesse de 1951[modifier | modifier le code]

Le poème de Heinrich Heine et le tableau de William Turner.

Symbole culturel associé au romantisme allemand, la Lorelei fut le siège des rencontres européennes de la jeunesse durant l’été 1951. En réponse au Festival international de la jeunesse organisé à Berlin-Est pour promouvoir le socialisme, les Hauts-commissaires occidentaux sollicitent le Deutscher Bundesjugendring (de) (Conseil fédéral de la jeunesse) afin d’organiser un événement favorisant l’appropriation de l’esprit européen par la jeunesse.

Le théâtre de plein air accueille conférences, débats, représentations théâtres, danses folkloriques, qui se succèdent durant cinq décades, de juillet à septembre. Plus de 35 000 jeunes y participent, pour l’essentiel des Allemands (60 %), des Français (20 %), et des Britanniques (10 %)[3]. Des thèmes très variés sont traités lors des différents séminaires, allant des relations internationales aux politiques économiques et sociales, mais selon une approche centrée sur l’idée fédérale[4]. Le discours de clôture fut prononcé par Paul-Henri Spaak, alors président du Mouvement Européen.

La Lorelei et les arts[modifier | modifier le code]

Heinrich Heine, La Loreleï (1824)[modifier | modifier le code]

Texte original Traduction française littérale Traduction de Pierre Le Pan Autre essai

Ich weiß nicht was soll es bedeuten,
Daß ich so traurig bin;
Ein Märchen aus alten Zeiten,
Das kommt mir nicht aus dem Sinn.

Die Luft ist kühl und es dunkelt,
Und ruhig fließt der Rhein;
Der Gipfel des Berges funkelt
Im Abendsonnenschein.

Die schönste Jungfrau sitzet
Dort oben wunderbar;
Ihr goldnes Geschmeide blitzet,
Sie kämmt ihr goldnes Haar.

Sie kämmt es mit goldnem Kamme
Und singt ein Lied dabei;
Das hat eine wundersame,
Gewaltige Melodei.

Den Schiffer im kleinen Schiffe
Ergreift es mit wildem Weh;
Er schaut nicht die Felsenriffe,
Er schaut nur hinauf in die Höh.

Ich glaube, die Wellen verschlingen
Am Ende Schiffer und Kahn;
Und das hat mit ihrem Singen
Die Lorelei getan.

Je ne sais pas ce que cela signifie
Que je sois aussi triste ;
Un conte des temps anciens
Ne me sort pas de l'esprit.

L'air est frais, et il fait sombre
Et calmement coule le Rhin
Le sommet de la montagne étincelle
Dans la lumière du soleil au crépuscule.

La plus belle jeune fille est assise
Là-haut merveilleusement
Ses bijoux d'or brillent,
Elle peigne ses cheveux d'or.

Elle les peigne avec un peigne d'or
Et chante une chanson en même temps
Qui est une étrange,
Puissante mélodie.

Ce chant saisit le batelier dans sa barque
avec une violence sauvage
Il ne voit pas le récif
Il regarde seulement là-haut, dans les hauteurs.

Je crois que les vagues engloutissent
À la fin le marin et la barque
Et cela avec son chant
La Lorelei l'a fait.

Je ne sais dire d'où me vient
La tristesse que je ressens.
Un conte des siècles anciens
Hante mon esprit et mes sens.

L'air est frais et sombre est le ciel,
Le Rhin coule paisiblement
Les sommets sont couleur de miel
Aux rayons du soleil couchant.

Là-haut assise est la plus belle
Des jeunes filles, une merveille.
Sa parure d'or étincelle,
Sa chevelure qu'elle peigne

Avec un peigne d'or est pareille
Au blond peigne d'or du soleil,
Et l'étrange chant qu'elle chante
Est une mélodie puissante.

Le batelier sur son esquif
Est saisi de vives douleurs,
Il ne regarde pas le récif,
Il a les yeux vers les hauteurs.

Et la vague engloutit bientôt
Le batelier et son bateau…
C'est ce qu'a fait au soir couchant
La Lorelei avec son chant.

Je ne sais pour quelle raison
La tristesse m'a pris ;
Une très ancienne chanson
ne quitte mon esprit.

L'air est frais et l'ombre descend ;
Le calme Rhin chemine ;
Dans les ors du soleil couchant
Le rocher s'illumine.

Tout en haut, une jeune fille,
Au charme merveilleux
Dans sa parure qui scintille,
Peigne ses blonds cheveux.

Son peigne est d'or et elle chante
Une chanson jolie,
Dont se déroule l'étonnante
Et forte mélodie.

Le marin dans son frêle esquif
Y prend grandes douleurs ;
Ses yeux négligent le récif,
Levés vers les hauteurs.

A la fin la vague engloutit,
Je crois, barque et marin ;
C'est la Lorelei qui le fit
En chantant son refrain.

Littérature[modifier | modifier le code]

  • (de) Werner Bellmann, Brentanos Lore Lay-Ballade und der antike Echo-Mythos, in: Clemens Brentano. Beiträge des Kolloquiums im Freien Deutschen Hochstift 1978, éd. Detlev Lüders, Tübingen, 1980, pp. 1-9.
  • (de) Jürgen Kolbe, Ich weiß nicht was soll es bedeuten. Heinrich Heine Loreley. Bilder und Gedichte. Munich, 1976.
  • Guillaume Apollinaire : La Loreley, Alcools (nombreuses références de la légende).
  • Gérard de Nerval : Lorely, souvenirs d'Allemagne, récit de son voyage sur les bords du Rhin.
  • Sylvia Plath : Lorelei, Le Colosse (The Colossus) : poème écrit en 1958, publié en mars 1959 dans The London Magazine.
  • Pascale Roux : La Loreley. Rassemble les 41 traductions en français, parues de 1854 à 2020, du poème de Henri Heine, Paris, Éditions La Pionnière, 2020.

Musique[modifier | modifier le code]

Le poème de Heine a donné lieu à quantité de compositions musicales. La plus connue est le lied de Franz Liszt[5], mais l'on peut également citer :

Opéras[modifier | modifier le code]

Cinéma[modifier | modifier le code]

Ballets[modifier | modifier le code]

  • Germinal Casado : Loreley - Musique de Wolfgang Heinzel - Badisches Staatstheater - Karlsruhe, 1982

Peinture[modifier | modifier le code]

Die Lorelei, 1864, Eduard Jakob von Steinle

Autres média[modifier | modifier le code]

  • Dans le jeu vidéo Castlevania: Order of Ecclesia, un monstre, décrit comme une nymphe se servant de sa beauté et de sa voix pour tromper ses victimes et les attirer dans un cimetière aquatique, se nomme Lorelei (ou Lorelai selon les versions).
  • Dans l'épisode 15 de la série Marvel : Les Agents du SHIELD, Lorelei est une guerrière Asgardienne qui vient sur Terre pour en devenir la reine. Elle a le pouvoir de soumettre les hommes à sa volonté par la voix et le contact physique. Elle est pourchassée par Lady Sif qui se joint au S.H.I.E.L.D pour la capturer.
  • Dans le visual novel Fate/stay night, Lorelei est le nom de la musique du thème d'un des personnages, et plusieurs versets en sont chantés.
  • Dans la série Grimm (saison 2, épisode 9), la Lorelei est une créature d'origine mexicaine qui enlève de jeunes enfants pour ensuite les noyer.
  • Dans le jeu vidéo Monster Hunter : World Iceborne, la quête de chasse du Shara Ishvalda débloquée à la fin trame principale s'intitule "Lointaine Lorelei", en référence au chant du monstre ainsi qu'à son apparence lors de la première phase du combat.
  • Le rocher de Loreleï est mentionné dans le tome 2 de la série de BD Yoko Tsuno, L'Orgue du diable.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Informations sur loreley-info.com [lire en ligne]
  2. Jean Chevalier, Dictionnaire des symboles, Paris, Robert Laffont, , 1060 p. (ISBN 2-221-50319-8), p. 580
  3. Ludivine Bantigny « Genèses de l'Europe, jeunesses d'Europe. Entre enchantement et détachement », Histoire@Politique 1/2010 (no 10), p. 2-2.
  4. Rüdiger Bernhardt, Jérôme Vaillant, La Dénazification par les vainqueurs : la politique culturelle des occupants, Presses Universitaires de Lille, 1981, p. 34.
  5. Brigitte François-Sappey et Gilles Cantagrel (dir.), Guide de la mélodie et du lied, p. 355.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Article connexe[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]