Les Misérables (film, 1958)

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Les Misérables
Description de cette image, également commentée ci-après
Le « Paris des Misérables des années 1830 »
Photo historique par Louis Daguerre :
Le boulevard du Temple, fin 1838-début 1839
Titre original Les Misérables
Réalisation Jean-Paul Le Chanois
Scénario Jean-Paul Le Chanois, René Barjavel d'après l'œuvre de Victor Hugo
Acteurs principaux
Sociétés de production Pathé Cinéma
DEFA
Serena Film
Pays de production Drapeau de l'Allemagne de l'Est Allemagne de l'Est
Drapeau de la France France
Drapeau de l'Italie Italie
Genre Drame
Durée 242↔180 min
Sortie 1958

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

Les Misérables est un film franco-italo-est-allemand réalisé en deux époques par Jean-Paul Le Chanois d'après le roman homonyme Les Misérables de Victor Hugo. Il est sorti en 1958. C'est l'une des quatre coproductions cinématographiques de la France avec la République démocratique allemande.

« Je considère ce film sur la générosité humaine comme un achèvement de ma carrière. »

— Jean-Paul Le Chanois. Le Temps des cerises[1].

Synopsis[modifier | modifier le code]

Jean Valjean, un paysan condamné à cinq ans de travaux forcés pour avoir volé un pain, sort du bagne de Toulon en 1815 après y avoir passé dix-neuf ans, sa peine initiale ayant été prolongée à cause de ses multiples tentatives d'évasion. Son destin bascule lorsque l'évêque de Digne, Monseigneur Myriel, se dévoue pour lui éviter d'être de nouveau incarcéré à la suite du vol qu'il a perpétré dans sa maison. Dès lors, Jean Valjean va s'évertuer à ne faire que le bien autour de lui au détriment de son propre bonheur.

Fiche technique[modifier | modifier le code]

Distribution[modifier | modifier le code]

Production[modifier | modifier le code]

Ce film est la plus audacieuse des quatre coproductions qu'ont menées à bien la France et l'Allemagne de l'Est à la fin des années 1950. Cette coopération culturelle a vu le jour à la suite de la déstalinisation entreprise en février 1956 lors du XXe congrès du Parti communiste de l'Union soviétique. Le studio d'État de la République démocratique allemande, la Deutsche Film AG, a également coproduit avec la France Les Aventures de Till l'Espiègle en 1956, Les Sorcières de Salem en 1957 et Les Arrivistes en 1960. Après quoi, la RDA a décidé de cesser toute coopération. Une des raisons évoquées par Alexander Abusch, ministre de la culture de 1958 à 1962, était que la RDA ne se trouvait pas suffisamment représentée idéologiquement dans ces œuvres dans lesquelles elle avait dû faire trop de concessions à une définition artistique bourgeoise et réactionnaire[7]. Peu de temps après, en , était érigé le Mur de Berlin.

Scénario[modifier | modifier le code]

Avec un scénario coécrit avec René Barjavel, moyennement respectueux de la trame romanesque, Le Chanois parvient à restituer les formidables déploiements dramatiques de l'œuvre de Victor Hugo. Porté par le souffle hugolien, le réalisateur s’applique à retranscrire les cas de conscience de Valjean. Ainsi, fidèle au poète, il illustre avec les éléments tourmentés (mer déchaînée et cieux couverts de nuées) l’admirable séquence de la « Tempête sous un crâne » de Valjean avant l’auto-dénonciation de celui-ci au tribunal, puis son calvaire dans les égouts et enfin son symbolique et lent chemin de croix dans les rues du Marais autour de la demeure de Cosette qui fut sa rédemption.

Attribution des rôles[modifier | modifier le code]

  • Cette adaptation du roman de Victor Hugo doit beaucoup à sa distribution. C'est la puissance angélique d'un Jean Gabin-Valjean face à la veulerie et à la sournoiserie d'un génial Bourvil-Thénardier qui, campant jusqu'alors des rôles de « gentil naïf », surprend par son interprétation de méchant comme le père Thénardier (il hésita longtemps avant d’accepter ce rôle).
  • Danièle Delorme incarnant une poignante Fantine qui se sacrifie par amour maternel, aux prises avec le redoutable Javert (Bernard Blier).
  • C'est aussi la présence de comédiens très rares au cinéma : une des plus grandes tragédiennes de la scène, Silvia Monfort, transcendée par son rôle d'Éponine, va jusqu'à adopter les regards et la gestuelle du personnage décrit par Hugo avec « ses airs égarés et ses mouvements d’orfraie ». Elle fait face à un autre être d’exception, l’acteur-chanteur-poète Giani Esposito incarnant un Marius rêveur sans fadeur (Dominique Moncond'huy, professeur de littérature française à l'université de Poitiers, remarque que, dans la distribution, « Les apparitions de Silvia Monfort en Éponine et de Giani Esposito en Marius ont une vraie grâce. »[Note 2]).
  • Avalanche de « gueules de seconds rôles » avec Serge Reggiani en Enjolras (Dominique Moncond'huy distingue aussi « Un Reggiani en Enjolras, qui sait convaincre. »), Fernand Ledoux en monseigneur Myriel, Lucien Baroux en Gillenormand, Jean Murat en Pontmercy. Et même de troisièmes rôles comme Gabrielle Fontan en mère supérieure ou Madeleine Barbulée incarnant un signe salutaire du destin en « Sœur-Simplice-qui-ne-ment-jamais. »
  • Suzanne Nivette, qui incarnait Éponine dans la version d'Henri Fescourt (1925), tient ici le rôle de Mlle Gillenormand tandis qu'Émile Genevois, qui incarnait le personnage de Gavroche dans la version de Raymond Bernard, Les Misérables (1934), fait une brève apparition en « cocher d'omnibus. »

Tournage[modifier | modifier le code]

Montage[modifier | modifier le code]

Un grand regret de Jean-Paul Le Chanois et sans doute des spectateurs : les chutes des nombreuses coupes effectuées au montage pour ramener la durée totale des deux époques à 3 h… Dans ses entretiens avec Philippe Esnault, Jean-Paul Le Chanois en témoigne : « Ce que je regrette, c'est que le film durait cinq heures et quart, ce qui était trop, d'autant que les producteurs réunis ont eu la folie de vouloir tout passer dans la même séance, avec un entracte au milieu, et des saucisses comme à l'Opéra de Bayreuth ! […] Si bien qu'ils ont dit assez vite que c'était trop long, qu'il fallait le réduire. J'ai commencé par refuser, mais on m'a fait entendre raison. […] J'ai coupé de mon mieux Les Misérables. […] Autrement dit, on a coupé beaucoup de scènes que je tiens pour belles. […] Il reste deux fois deux heures. On le passe en deux fois maintenant »[1],[4].

BO[modifier | modifier le code]

Notable composition musicale de Georges Van Parys, avec la participation de la Chorale populaire de Paris. Le thème principal (générique) a été réenregistré (stéréo) en octobre 2006 par l'Orchestre symphonique de Hongrie dirigé par Laurent Petitgirard dans le cadre de l'édition d'une anthologie des musiques de film du compositeur : Georges van Parys et le cinéma[2].

Box-office[modifier | modifier le code]

« Champion du box-office France de 1958 : Les Misérables de Jean-Paul Le Chanois » (CNC).
Box-office Mondial
Pays Année Box-office Source
Drapeau de la France France 1958 7 821 607 entrées [9]
Drapeau de l'Italie Italie 1958 4 740 000 entrées [10]
Drapeau de l'URSS Union soviétique 1958 24 400 000 entrées [11]

Vidéographie[modifier | modifier le code]

Les Misérables, en deux époques, coffret 2 DVD, collection Les Années Cinquante, Éditions René Chateau, 2002[5].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Michel Audiard n'est d'ailleurs pas crédité au générique. Peut-être pressenti à l'origine pour collaborer à l'écriture, notamment en raison de ses affinités avec Jean Gabin, il n'y a pas contribué. Jean-Paul Le Chanois le précise dans ses entretiens avec Philippe Esnault : « J'ai aimé très tôt l'œuvre de Hugo, j'avais composé le scénario avec René Barjavel (qui avait travaillé un peu avec moi pour Le Cas du docteur Laurent). »
  2. Dominique Moncond'huy, chargé de répertorier les adaptations des Misérables à la scène et au cinéma dans l'édition 2018 de la Bibliothèque de la Pléiade, juge globalement que « Le film de Jean-Paul Le Chanois obtient un grand succès, mais force est de constater qu'il relève de l'académisme du cinéma français d'alors ». Voir Les Misérables Site officiel La Pléiade

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Extrait de l'essai, Le Temps des cerises, entretiens avec Philippe Esnault, pages 154 à 156, Éditions Institut Lumière/Actes Sud, 1996 (ISBN 2742706739).
  2. a et b 1 CD Universal Music-EmArcy Records, 2006.
  3. Durée initiale annoncée par le CNC. Soit quelque soixante minutes de scènes coupées.
  4. a et b Une considérable amputation de l'œuvre : scènes entièrement supprimées, notamment parmi les plus poétiques du roman (Cosette et Éponine dans le jardin de la rue Plumet, les enfants Thénardier complotant avec leurs copains), séquence « tempête sous un crâne » fortement raccourcie, bataille de Waterloo tailladée et, surtout, d'innombrables scènes supprimées lors de l'insurrection (au café Musain, convoi funèbre du général Lamarque, émeute dans les rues de Paris et multiples coupures à la barricade). Version visible sur YouTube (version anglaise recadrée au format d'image 1.33:1). Théoriquement, une copie de la version d'origine est archivée à Bois-d'Arcy.
  5. a et b Cette version est encore écourtée par rapport à celle qui fut projetée : 180 minutes contre 210, soit 31 minutes de moins. La séquence de la bataille de Waterloo a notamment été fortement mutilée au montage. Les critiques ont également mis l'accent sur la mauvaise restitution du Technicolor et du Technirama (format scope tronqué).
  6. Source : novellisation du roman (version abrégée) de Victor Hugo (ill. dessin à l'encre de chine par Victor Hugo « Gavroche rêveur », photogr. extraites du film Pathé cinéma), Les Misérables, Les Éditions de Paris, , 422 p.
  7. (de) Dagmar Schittly, Zwischen Regie und Regime : Die Filmpolitik der SED im Spiegel der DEFA-Produktionen, Ch. Links Verlag, , 352 p. (ISBN 978-3-86153-262-0, lire en ligne), p. 92
  8. Source : page 9 du livret écrit par Gérard Pouchain (dir.), Le Hugoscope : La Légende « Victor Hugo, un génie sans frontières », Paris, Éditions Écriture/CNDP, , 16 p. (ISBN 2-909240-51-7)Document utilisé pour la rédaction de l’articleÉdition avec portfolio pour l'anniversaire du bicentenaire de la naissance de Victor Hugo.
  9. « Box–office 1958 », sur Centre national du cinéma et de l'image animée (consulté le ).
  10. « JEAN GABIN BOX OFFICE », sur BOX OFFICE STORY (consulté le )
  11. « Отверженные - Les misérables », sur kinopoisk.ru (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]