Les Démons

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Les Démons
Auteur Fiodor Dostoïevski
Pays Drapeau de l'Empire russe Empire russe
Genre roman philosophique
Version originale
Langue Russe
Titre Бесы
Lieu de parution Saint-Pétersbourg
Date de parution 1871 et 1872
Version française
Traducteur Boris de Schloezer
Éditeur Gallimard

Les Démons ou Les Possédés (titre original russe : Бесы) est un roman de l'écrivain russe Fiodor Dostoïevski publié en feuilleton à partir de 1871 dans Le Messager russe, et dont la composition débuta en 1869[1]. Il raconte l'histoire de jeunes révolutionnaires voulant renverser l'ordre établi, et dont le chef, Piotr Stépanovitch Verkhovensky, souhaite que Nicolaï Vsévolodovitch Stavroguine, aristocrate fascinant toutes les personnes qu'il rencontre, prenne sa place à la tête du groupe.

Dostoïevski, conservateur et nationaliste convaincu, voulait exprimer dans ce roman sa crainte des révolutionnaires à travers une fiction mettant en scène les héros (les conservateurs) face aux « ennemis de la Russie » (les socialistes, les nihilistes) ; il souhaitait de plus montrer la filiation directe entre le libéralisme des années 1840 et le nihilisme des années 1870, comme sa lettre au futur Alexandre III le montre bien. Cependant, le livre se révèle être une critique clairvoyante de toutes les idéologies : les démocrates et les socialistes n'y sont pas les seuls possédés (par des idées), les fanatiques religieux et les ultra-conservateurs aussi. Mikhaïl Bakhtine explique cela par le fait que Dostoïevski n'essaie pas d'imposer sa vision du monde à travers ses personnages, mais les laisse « vivre », s'exprimer, ce qui lui ôte toute possibilité d'exprimer ses propres opinions à travers eux.

L'idée de ce roman était venue à Dostoïevski avant la nouvelle de l'assassinat pour insoumission de l'étudiant Ivanov, un membre de l'organisation « Vindicte du peuple » par son dirigeant, Serge Netchaïev, le [2]. Cet événement joua un rôle important dans la genèse de l'œuvre.

La « confession de Stavroguine[3] » à l'évêque Tykhone fut rejetée par Mikhaïl Nikiforovitch Katkov, l'éditeur (elle aurait de toute façon été censurée) et donc supprimée de l'édition originale. Elle ne parut qu'en 1922[4]. L'équilibre du roman s'en trouva en quelque sorte rompu, sans contre-poids à tous ces « démons », et la fin de Stavroguine manquait de cohérence. Cet ultime chapitre a été rétabli.

Les Démons ou Les Possédés ?

Il existe une discussion sur la traduction du titre. Le terme russe Бесы signifie « les démons[5] » et non « les possédés ». Les deux épigraphes sont peut-être à l'origine de la confusion. La première citation est un extrait du poème Les Démons[6] d'Alexandre Pouchkine (le titre du roman de Dostoïveksi est le même que celui du poème d'Alexandre Pouchkine, Бесы). La seconde citation, tirée de l'Évangile selon Luc[7] relate l'épisode où Jésus, ayant libéré un possédé, autorise les démons à se réfugier dans un troupeau de pourceaux, qui se précipitent alors dans le lac du haut d'une falaise.

Selon le slaviste Georges Nivat, Les Démons est le titre correct ; le titre Les Possédés est une erreur de la traduction anglaise reprise par Albert Camus[8]. Les traductions françaises de Boris de Schoelzer et d'André Markowicz vont dans le même sens. Les explications données par Dostoïevski et reprises par Pierre Pascal[9] confortent cette traduction.

Les Possédés est cependant le titre de la première traduction française de l'œuvre (par Victor Derély), parue chez Plon en 1886.

Publication et accueil

La première publication du roman eut lieu dans Le Messager russe (Rouskii vestnik) en 1871 pour les deux premières parties, et en 1872 pour la troisième partie. La première édition en volumes séparés eut lieu à Saint-Pétersbourg à 1873[10].

À sa sortie, le roman reçut un accueil public enthousiaste, ce qui permit à Anna Grigorievna Dostoïevskaïa de préparer une seconde édition à compte d'auteur au début 1873[11],[12]. En revanche, il suscita de vives réactions de la part des socialistes, athées, progressistes, qui considéraient l'ouvrage comme un pamphlet à leur encontre, ce qui par contrecoup entraîna une vive réaction de la critique littéraire. Les critiques de l'époque, à tendances populiste (Nikolaï Mikhaïlovski), révolutionnaire ou libérale, déniaient à l'ouvrage une quelconque valeur littéraire, trouvaient les personnages trop caricaturaux, ou y voyaient encore une falsification de la réalité. Ainsi, selon Piotr Tkatchev, Dostoïevski n'était qu'un rétrograde allié du pouvoir et ses personnages des « hommes malades »[13].

Sous le régime soviétique, le roman ne fut cependant jamais réédité (sauf en 1935, présenté et commenté par Leonid Petrovitch Grossman, grand spécialiste de Dostoïevski, et en 1982) la critique contre les milieux révolutionnaires du XIXe siècle ne plaisant pas aux censeurs soviétiques.

Aujourd'hui, cet ouvrage est considéré comme un classique de la littérature, et pour certains critiques comme ayant pressenti les dérives totalitaires du XXe siècle.

Plan du roman

Première partie

  1. En guise d'introduction
  2. Le prince Harry. Proposition de mariage
  3. Les péchés d'autrui
  4. La boiteuse
  5. Le serpent subtil

Deuxième partie

  1. La nuit
  2. La nuit (suite)
  3. Le duel
  4. Tout le monde est dans l'attente
  5. Avant la fête
  6. Piotr Stépanovitch se démène
  7. Chez les nôtres
  8. Le tsarévitch Ivan
  9. Une « saisie » chez Stéphane Trophimovitch
  10. Les flibustiers. Une matinée fatale

Troisième partie

  1. La fête
  2. La fin de la fête
  3. La fin du roman
  4. Décision suprême
  5. La voyageuse
  6. Nuit de peines et d'angoisses
  7. Le dernier voyage de Stéphane Trophimovitch
  8. Conclusion

Chez Tikhone (La confession de Stavroguine)

9. Chez Tikhone

Adaptations

Au théâtre

  • Le , Albert Camus termine l'adaptation du roman de Dostoïevski pour le théâtre, projet venu à l'idée de l'auteur en octobre 1953. En 1955, lors d'une émission radiophonique en hommage à l'auteur russe, Camus déclare avoir découvert le roman à l'âge de vingt ans. Il a eu une influence notable sur l'œuvre de l'écrivain français : « L'ébranlement que j'en ai reçu dure encore, après vingt autres années ».
  • 1972 : Reprise de Les Possédés d'Albert Camus, mise en scène de Jean Mercure, Théâtre de la Ville

Au cinéma

À la télévision

Notes et références

  1. Les Démons, Introduction p. XI, Bibliothèque de la Pléiade.
  2. Les Démons, Introduction p. XIV.
  3. Les Démons, Troisième partie, chapitre 11.
  4. Jacques Catteau, article « Fiodor Dostoïevski » in Efim Etkind, Histoire de la littérature russe, tome 3,p. 993.
  5. L. Chtcherba, Grand Dictionnaire russe-français, article « Бес », p. 17, Drofa, Moscou, 2008.
  6. Alexandre Pouchkine, Oeuvres complètes, tome II,, poème « Les Démons », p. 144, L'Âge d'Homme, Lausanne, 1981.
  7. Évangile selon Luc, chapitre VIII, versets 32-36.
  8. Georges Nivat, Vivre en russe, p. 9, Éditions l'Age d'homme, collection « Slavica », Lausanne, 2007.
  9. Les Démons, Introduction, p. XV, Bibliothèque de la Pléiade.
  10. Les Démons, Notice bibliographique, Bibliothèque de la Pléiade
  11. Jacques Catteau, article « Fiodor Dostoïevski » in Efim Etkind, Histoire de la littérature russe, tome 3, p. 995.
  12. Anna Grigorievna Dostoïevskaïa, Mémoires d'une vie, p. 299. L'épouse de Dostoïevski donne une description très précise des aspects pratiques de l'édition littéraire à l'époque.
  13. Jacques Catteau, Ibid.

Éditions françaises

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Bibliographie

  • Anna Grigorievna Dostoïesvkaïa, Mémoires d'une vie, traduit par André Beucler, Mémoire du Livre, Montréal, 2001, (ISBN 2-913867-21-9) Document utilisé pour la rédaction de l’article

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