Le Bassa et le Marchand

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Le Bassa et le Marchand
Image illustrative de l’article Le Bassa et le Marchand
Gravure de Benoît-Louis Prévost d'après Jean-Baptiste Oudry, édition Desaint & Saillant, 1755-1759

Auteur Jean de La Fontaine
Pays Drapeau de la France France
Genre Fable
Éditeur Claude Barbin
Lieu de parution Paris
Date de parution 1678
Chronologie

Le Bassa et le Marchand est la dix-huitième fable du livre VIII de La Fontaine situé dans le second recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1678.

Texte[modifier | modifier le code]

LE BASSA ET LE MARCHAND

Dessins de Benjamin Rabier (1906)
Dessins de Benjamin Rabier (1906)

Un Marchand Grec en certaine contrée
Faisait trafic. Un Bassa[N 1] l’appuyait ;
De quoi le Grec en Bassa le payait,
Non en Marchand : tant c’est chère denrée
Qu’un protecteur. Celui-ci coûtait tant,
Que notre Grec s’allait partout plaignant.
Trois autres Turcs d’un rang moindre en puissance
Lui vont offrir leur support[N 2] en commun.
Eux trois voulaient moins de reconnaissance
Qu’à ce Marchand il n’en coûtait pour un.
Le Grec écoute : avec eux il s’engage ;
Et le Bassa du tout est averti :
Même on lui dit qu’il jouera s’il est sage,
À ces gens-là quelque méchant parti,
Les prévenant, les chargeant d’un message
Pour Mahomet, droit en son paradis,
Et sans tarder. Sinon ces gens unis
Le préviendront, bien certains qu’à la ronde,
Il a des gens tout prêts pour le venger.
Quelque poison l’envoira[N 3] protéger,
Les trafiquants qui sont en l’autre monde.
Sur cet avis le Turc se comporta
Comme Alexandre ; et plein de confiance
Chez le Marchand tout droit il s’en alla ;
Se mit à table : on vit tant d’assurance
En ses discours et dans tout son maintien,
Qu’on ne crut point qu’il se doutât de rien.
Ami, dit-il, je sais que tu me quittes :
Même l’on veut que j’en craigne les suites ;
Mais je te crois un trop homme de bien :
Tu n’as point l’air d’un donneur de breuvage.
Je n’en dis pas là dessus davantage.
Quant à ces gens qui pensent t’appuyer,
Écoute-moi. Sans tant de Dialogue,
Et de raisons qui pourraient t’ennuyer,
Je ne te veux conter qu’un Apologue.
Il était un Berger, son Chien, et son troupeau.
Quelqu’un lui demanda ce qu’il prétendait faire
D’un Dogue de qui l’ordinaire
Était un pain entier. Il fallait bien et beau
Donner cet animal au Seigneur du village.
Lui Berger pour plus de ménage
Aurait deux ou trois Mâtineaux,
Qui lui dépensant moins veilleraient aux troupeaux,
Bien mieux que cette bête seule.
Il mangeait plus que trois mais on ne disait pas
Qu’il avait aussi triple gueule
Quand les Loups livraient des combats.
Le Berger s’en défait : Il prend trois chiens de taille
A lui dépenser moins, mais à fuir la bataille.
Le troupeau s’en sentit, et tu te sentiras
Du choix de semblable canaille.
Si tu fais bien, tu reviendras à moi.
Le Grec le crut. Ceci montre aux Provinces
Que, tout compté, mieux vaut en bonne foi
S’abandonner à quelque puissant roi,
Que s’appuyer de plusieurs petits Princes.

— Jean de La Fontaine, Fables de La Fontaine, Le Bassa et le Marchand, texte établi par Jean-Pierre Collinet, Fables, contes et nouvelles, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 324

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Pacha ou gouverneur de la province
  2. Appui
  3. enverra

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