Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes

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Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes
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Page de titre de la 2e édition (1568).

Auteur Giorgio Vasari
Pays Drapeau de l'Italie Italie
Genre Littérature artistique
Version originale
Langue Italien
Titre Le Vite de' più eccellenti architetti, pittori et scultori italiani, da Cimabue infino a' tempi nostri, descritte in lingua toscana[1]
Éditeur Lorenzo Torrentino (1re éd.)
Filippo et Iacopo Giunti (2e éd.)
Lieu de parution Florence
Date de parution 1550, et la 2e éd. en 1568
Version française
Date de parution 1839-1842 (10 vol.), première trad. fr. intégrale

Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes (titre original de la première édition en italien : Le Vite de' più eccellenti architetti, pittori et scultori italiani, da Cimabue infino a' tempi nostri), couramment abrégé en Le Vite ou Les Vies, est un ouvrage écrit en toscan au milieu du XVIe siècle par Giorgio Vasari et consacré à plus de 200 artistes de la fin du XIIIe siècle à l'époque contemporaine, dont beaucoup de Florentins. Paru initialement en 1550 à Florence, puis, largement remanié, en 1568, il est considéré comme un des textes fondateurs de l'histoire de l'art[2] : il s'agit en effet de la première histoire générale de l'art moderne produite en Europe[3].

Contexte[modifier | modifier le code]

La publication de l'ouvrage s'inscrit dans un programme médicéen visant à mettre en valeur les gloires toscanes, inauguré par la fondation en 1541 de l'Academia Florentina, dont l'activité consiste à démontrer que la poésie moderne est d'origine toscane. Les Vies de Vasari doivent établir la primauté de l'art toscan, et plus encore, florentin. L'orgueil local et l'esprit partisan sont ainsi à la base même de l'entreprise[3].

Éditions originales[modifier | modifier le code]

La première édition est publiée par Vasari en 1550, sous le titre Le Vite de' più eccellenti architetti, pittori et scultori italiani, da Cimabue infino a' tempi nostri: descritte in lingua Toscana, da Giorgio Vasari, pittore aretino. Con una sua utile & necessaria introduzione a le arti loro[1]. Elle comprend deux tomes :

En 1568, Vasari fait paraître une seconde version mise à jour et augmentée de nouvelles biographies et de portraits des artistes, désormais intitulée Le Vite de' più eccellenti Pittori, Scultori, e Architettori, Scritte, e di nuovo Ampliate da M. Giorgio Vasari Pit. e Archit. Aretino[4]. A la suite de la page de titre, l'édition 1568 a ajouté un motto (paraphrase de Virgile Enéide VIII, vv. 470-471) : "Hac sospite nunquam | Hos periisse viros, victos | Aut morte fatebor.", ce qui signifie: "Celle-ci [cette oeuvre littéraire de Giorgio Vasari] existante [littéralement: ayant été sauvée, étant sauve (adjectif sospes, pitis, à l'ablatif absolu)], jamais je ne reconnaîtrai que ces hommes [les artistes dont la vie est racontée dans le livre] ont péri ou ont été vaincus par la mort."

Les Vies sont réparties en trois parties avec les mêmes limites chronologiques que dans la première édition ; toutefois la troisième partie occupe deux volumes. La Vie de Michel-Ange occupe 82 pages à elle seule.

Contenu[modifier | modifier le code]

L'ouvrage est divisé en trois parties faisant suite à un préambule (Proemio).

Vasari décrit en détail la vie, les œuvres et les choix stylistiques des artistes, raconte leurs excentricités, reprend des anecdotes et des légendes en y ajoutant des commentaires personnels[5],[6],[7],[8],[9] pour chacun des artistes, en une métaphore architecturale, de l'enfance à la maturité et à la mort, entre commencements et achèvements, dans une perspective non seulement historique mais aussi mythographique. De nombreux récits constituent en effet de pures inventions poétiques[10][source insuffisante]. Dans sa première édition, Vasari inclut 142 hommes et une seule femme, Properzia de’ Rossi[11],[12]. Dans sa seconde édition, il ajoute à la fin de la biographie de Rossi de brèves mentions de Plautilla Nelli, Lucrezia Quistelli della Mirandola (en) et Sofonisba Anguissola[12].

À une époque sans réelle classification ni hiérarchisation de diverses périodes artistiques de la part des historiens d'art, les critiques modernes y voient, malgré tout, « une ligne progressive fortement structurée » (comme Venturi, Schlosser, Chastel, Recht, Ferroni et Giorgio Patrizi), plus qu'« une juxtaposition fragmentaire de biographies » (comme Giuseppe Toffanin)[13].

De nombreux artistes sont présentés avec leur portrait gravé, donc beaucoup ont été exécutés par « Maestro Coriolano », Cristoforo Coriolano[14].

La répartition suivante correspond à l'édition de 1568 et respecte les dénominations et orthographes, en italien, des noms choisies par Vasari dans son ouvrage, qui peuvent donc être différentes de celles sous lesquelles ces artistes sont communément connus en français (par exemple : Pietro Perugino au lieu du Pérugin ou Vittore Scarpaccia au lieu de Carpaccio).

Préambule[modifier | modifier le code]

  • Dédicaces (Dedica del 1550 al Duca Cosimo De' Medici)
  • Introduction aux trois arts du dessin : architecture, sculpture et peinture

Première partie[modifier | modifier le code]

Deuxième partie[modifier | modifier le code]

Troisième partie[modifier | modifier le code]

Réception[modifier | modifier le code]

Les Vies ont été immédiatement un très grand succès d’édition et l'ouvrage a été maintes fois traduit et imité. Elles sont toujours disponibles en librairie dans des éditions bon marché. Cependant certains auteurs ont accusé Vasari de chauvinisme. Dans la préface de son Abrégé de la vie des plus fameux peintres, Antoine-Joseph Dézallier parle des « exagérations de Vasari »[15] et l’accuse de partialité envers les Toscans[16].

Analyse[modifier | modifier le code]

Vasari fait appel à de multiples sources d'informations, et en particulier, à la littérature des guides et répertoires énumérant et décrivant les œuvres d'art notables des églises et des palais ; il se sert également des anecdotes retrouvées ici et là, jusqu'à en faire la base vivante d'une histoire dont le récit coloré échappe à l'énumération morne et répétitive[17]. L'anecdote et la « petite histoire » s'intègrent dans une conception très forte de l'histoire et de son développement : la théorie de l'art est formulée dans les différentes introduction aux trois parties des Vies. L'ouvrage constitue ainsi la plus brillante et la plus approfondie des synthèses de l'histoire de l'art italien du XIVe au XVIe siècle, justifiant, dans une large mesure son influence[3].

L'auteur y exalte cependant systématiquement l'art florentin, sous couvert d'une histoire générale et italienne. Son influence est renforcé par le caractère souvent bien plus « patriotique » des histoires de l'art qui tendent à lui répliquer, à Venise et ailleurs[3].

Gravure[modifier | modifier le code]

Dans l'édition de 1568, Vasari ajoute un chapitre consacré à la « Vie de Marcantonio Raimondi de Bologne et autres graveurs » qui constitue une sorte de première histoire de la gravure, depuis ses origines jusqu'à sa diffusion aussi bien au sud qu'au nord des Alpes. Le sujet est d'une importance telle pour Vasari qu'il accepte de déroger au parti pris général de son œuvre, jusque-là exclusivement consacrée aux artistes italiens[18].

Éditions[modifier | modifier le code]

Éditions italiennes[modifier | modifier le code]

  • Édition de 1550, dite édition « torrentiniana » : Le vite de’ più eccellenti architetti, pittori, et scultori italiani, da Cimabue insino a’ tempi nostri, descritte in lingua toscana, tome 1 (introduction, partie 1 et 2) et tome 2 (partie 3) sur Gallica (en toscan).
  • Édition de 1568, dite édition « giuntina » : Le Vite de' più eccellenti Pittori, Scultori, e Architettori, Scritte, e di nuovo Ampliate da M. Giorgio Vasari Pit. e Archit. Aretino parties 1 et 2, partie 3/1 et partie 3/2 (version texte) (qui contient aussi un essai de Giovanni Battista Adriani sur les arts antiques)
  • Giorgio Vasari, Le Vite de' piu eccellenti pittori, scultori et architetti. In questa nuova edizione diligentemente riviste ricorrette accresciute d'alcuni ritratti, & arricchite di postille nel margine con note Carlo Manolessi, t. Parte prima, e seconda, Bologne, Evangelista Dozza, (lire en ligne), t. Parte terza, primo volume, 1648, t. Parte terza, secondo volume, 1648
  • Giorgio Vasari, Vite de' piu eccellenti pittori scultori e architetti : scritte da Giorgio Vasari... corrette da molti errori e illustrate con note Giovanni Bottari, t. Primo, Rome, Per Niccolo' e Marco Pagliarini, (lire en ligne), t. Secondo, 1759, t. Terzo, 1760
  • Giorgio Vasari. Vite de' più eccellenti pittori scultori ed architetti. Edizione arricchita di note oltre quelle dell'edizione illustrata di Roma. Marco Coltellini, Livourne (1767-1772) (en ligne).
  • Le Opere di Giorgio Vasari, con nuove annotazioni e commenti di Gaetano Milanesi, Florence, G. C. Sansoni, 1878-1885 [1re éd. 1846-1870] (9 vol.) (en ligne).

Éditions françaises[modifier | modifier le code]

  • Vies des peintres, sculpteurs et architectes de Giorgio Vasari de Léopold Leclanché (trad.) et Philippe-Auguste Jeanron (éd.), 10 volumes, Paris, Just Tessier, 1839-1841 - en ligne dans le fonds INHA et sur Wikisource.
  • Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, traduction française et édition commentée sous la direction d'André Chastel, Paris, Berger-Levrault, collection Arts, 12 volumes (1981-1989).
  • Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes d'André Chastel. Réédition, Actes Sud, collection « Thesaurus », 2 vol. (2005) (ISBN 2-74275-769-4)
  • Vies d'artistes de Giorgio Vasari (édition bilingue, français-italien), traduction de Gérard Luciani (2002)
  • Vies des artistes, Giorgio Vasari, Les Cahiers Rouges, Grasset, 2007 (d'après la traduction de Léopold Leclanché) - Tomes IX et X en ligne sur archive.org
  • Vies des artistes, Giorgio Vasari, Éditions Citadelle & Mazenod, 450 ill., 2010, - (ISBN 978-2850883149) (d'après la traduction de Léopold Leclanché, seulement 35 « Vies » sont traitées, parmi les plus célèbres).

Éditions allemandes[modifier | modifier le code]

  • Giorgio Vasari, Lebensbeschreibungen der berühmtesten Maler, Bildhauer und Architekten, de Alessandro Nova Berlin (2004)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Voir la page de titre de l'édition de 1550.
  2. Germain Bazin, Histoire de l'histoire de l'art, de Vasari à nos jours, Paris, A. Michel, 1986 (ISBN 2-226-02787-4)
  3. a b c et d Daniel Arasse, L'Homme en perspective - Les primitifs d'Italie, Paris, Hazan, , 336 p. (ISBN 978-2-7541-0272-8), Vasari et la gloire de Florence, p.128
  4. Édition de 1568, page de titre des tomes 1 et 2 (lire sur Internet Archive).
  5. « Paolo Ucello aurait été le peintre le plus élégant et le plus original depuis Giotto, s’il avait consacré aux figures d’hommes et aux animaux, le temps qu’il perdit dans ses recherches sur la Perspective. »
  6. « On rapporte que Giotto, dans sa jeunesse, peignit un jour d'une manière si frappante une mouche sur le nez d'une figure commencée par Cimabue que ce maître, en se remettant à son travail, essaya plusieurs fois de la chasser avec la main avant de s'apercevoir de sa méprise. »
  7. « Plus fait pour la teinture que pour la peinture. » Vasari : le Vite, vol I, p.215
  8. Properzia de' Rossi : « elle fut surtout louée de son temps pour les noyaux de pêche ou d'abricot qu'elle ciselait »
  9. « les Grecs peignent des figures avec des yeux de possédés, les mains ouvertes, sur la pointe des pieds »
  10. Paul Barolsky, professeur d’art et littérature de la Renaissance italienne à l’Université de Virginie, « Le génie littéraire de Giorgio Vasari », conférence à l'Auditorium du Louvre, 26 septembre 2011.
  11. (en) Karen Chernick, « Properzia de’ Rossi, the Only Woman in Vasari’s Lives of the Artists », sur Artsy, artsy, (consulté le ).
  12. a et b (en) Frederika H. Jacobs, « Woman's Capacity to Create: The Unusual Case of Sofonisba Anguissola », Renaissance Quarterly, vol. 47, no 1,‎ , p. 74-101 (DOI 10.2307/2863112, présentation en ligne)
  13. V. Véronique Merieux, « La terza età des Vies de Vasari : dynamiques fondamentales et étayages », Chroniques italiennes, Spécial concours, numéro 1 Série Web, Université Paris 3, janvier 2002. Lire en ligne
  14. (en) Michael Bryan, Dictionary of Painters and Engravers, Biographical and Critical, vol. I : A–K, Londres, George Bell and Sons, (lire en ligne), p. 308.
  15. Antoine-Joseph Dézallier, Abrégé de la vie des plus fameux peintres, Paris 1749, p. vii disponible en ligne
  16. Dézallier, viii
  17. Chastel
  18. Mathieu Deldicque et Caroline Vrand (dir.), Albrecht Dürer. Gravure et Renaissance, In Fine éditions d'art ; Musée Condé, Chantilly, , 288 p. (ISBN 978-2-38203-025-7), p. 167

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Ismène Cotensin, « Animaux et animalité dans les Vite de Vasari et de ses successeurs », Italies, littérature, civilisation, société, no 12,‎ (lire en ligne)
  • Ismène Cotensin, L'héritage littéraire de Giorgio Vasari au XVIIe s. à Rome : Giovanni Baglione, Giovanni Battista Passeri et Giovanni Pietro Bellori, Neuville-sur-Saône, Chemins de tr@verse, coll. « chemins it@liques », (ISBN 978-2-31300392-3)
  • Ismène Cotensin, « Chapitre XXI. Maître et disciple dans les recueils de Vies d’artistes (Vasari et ses successeurs romains du XVIIe siècle) », dans Figures du maître : De l’autorité à l’autonomie, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Interférences », , 364 p. (ISBN 978-2-7535-2200-8, lire en ligne), p. 297-308

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]