Langues en voie de disparition

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Les langues en voie de disparition sont les langues dont le nombre de locuteurs décroît au point de les faire disparaître (voir : mort d'une langue). Parmi les quelque 7 000 langues du monde[note 1], un grand nombre est en train de disparaître et ce phénomène s'accélère d'année en année.

Selon l'UNESCO[modifier | modifier le code]

L'UNESCO considère que les langues appartiennent au patrimoine culturel immatériel de l'humanité et œuvre pour la diversité linguistique par des programmes de sauvegarde des langues en danger. L'organisme fournit les chiffres suivants[1] :

  • 50 % des langues sont en danger de disparition ;
  • une langue disparaît en moyenne toutes les deux semaines ;
  • si rien n'est fait, 90 % des langues vont probablement disparaître au cours de ce siècle.

Les linguistes sont préoccupés par ce phénomène, car les langues qui disparaissent sont souvent des langues qui contiennent des phénomènes linguistiques rares, voire uniques, et s'ils n'ont pas été répertoriés, enregistrés, étudiés, ils seront perdus à jamais.

L'UNESCO a notamment publié un atlas mondial des langues en danger, dont quelques exemples sont présentés dans les sections ci-dessous[note 2] Il est possible de signaler à l'UNESCO une langue en danger, l'atlas est donc en perpétuelle évolution et il recense en 2 464 langues.

En Europe[modifier | modifier le code]

Belgique[modifier | modifier le code]

Toutes ces langues régionales, bien que reconnues par les institutions (francophones), sont en danger.

Espagne[modifier | modifier le code]

D'après l'UNESCO, cinq langues sont recensées : le basque (euskara) comme étant vulnérables, l'aragonais, l'asturien-léonais et le gascon sont considérées en danger, et le guanche, langue de la population indigène des îles des Canaries, est éteinte. La base de données Ethnologue de SIL International en comptabilise plus, et compte notamment les versions espagnoles et catalanes de la langue des signes[1],[2].

France[modifier | modifier le code]

Langue  Classification
Alémanique, dont l'alsacien vulnérable
Auvergnat, dialecte occitan sérieusement en danger
Basque vulnérable
Berrichon sérieusement en danger
Bourbonnais, dialecte occitan sérieusement en danger
Bourguignon sérieusement en danger
Breton sérieusement en danger
Champenois sérieusement en danger
Corse en danger
Flamand occidental vulnérable[note 3]
Franc-comtois sérieusement en danger
Francique mosellan vulnérable
Francique rhénan vulnérable
Francoprovençal ou Arpitan en danger
Gallo sérieusement en danger
Gascon, dialecte occitan en danger
Languedocien, dialecte occitan sérieusement en danger
Ligurien, dont le monégasque en danger
Limousin, dialecte occitan sérieusement en danger
Lorrain sérieusement en danger
Normand sérieusement en danger
Picard ou ch'ti sérieusement en danger
Poitevin sérieusement en danger
Provençal, dialecte occitan sérieusement en danger
Provençal alpin, dialecte occitan en danger
Roussillonnais, dialecte catalan en danger
Saintongeais sérieusement en danger
Wallon en danger
Yiddish en danger

Aucune de ces langues n'a obtenu de statut, ni n'est reconnue par la loi. La Constitution française reconnaît uniquement, depuis la loi constitutionnelle du , que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». La France a signé mais pas ratifié pour autant la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ce qui lui vaut des reproches du Conseil économique et social des Nations unies qui a, en 2008, « suggéré » et « recommandé » à la France d'« envisager » la ratification de cette Charte[3]. Les seules langues qui ne sont pas en danger sont celles parlées dans des pays voisins, où elles sont plus protégées. C'est pour cette raison que le catalan, en danger en France mais très utilisé en Espagne, n'est pas considéré comme une langue en danger ou vulnérable par l'UNESCO.

Suisse[modifier | modifier le code]

Le romanche est une langue officielle suisse encore faiblement parlée dans le canton des Grisons. En 2000, elle n'était plus utilisée en tant que langue principale que par 35 095 personnes, soit 0,5 % de la population résidente en Suisse[4].

Russie[modifier | modifier le code]

En 2010, l'Atlas UNESCO des langues en danger dans le monde considère toutes les langues des peuples de la fédération de Russie, à l'exception du russe et du tatar, comme étant en danger à des degrés divers, dont une vingtaine « en situation critique » et une quinzaine « éteintes »[5],[6].

En 2018, la Russie adopte une loi supprimant de facto l'étude obligatoire des langues minoritaires du pays, y compris dans ses républiques autonomes qui possèdent, à côté du russe, une ou plusieurs autres langues officielles[7],[8]. Concrètement, cette loi permet aux écoliers autochtones de prendre des leçons supplémentaires de russe, pour peu qu'ils le désignent comme leur langue maternelle, au lieu de suivre les cours de leur véritable langue d'origine. Or, pour des raisons liées à leur avenir professionnel ou autre, de nombreux non-Russes sont susceptibles de prétendre que le russe est leur langue maternelle et de se soustraire ainsi à l'apprentissage d'idiomes ethniques locaux[9],[10], phénomène déjà observé au Tatarstan[11] et au Bachkortostan[8]. La loi suscite en Russie de vives critiques de la part de certains experts et activistes d'origine non-russe qui dénoncent la dérive assimilationniste et linguicide des autorités[6],[12],[13],[14].

En Asie et Moyen-Orient[modifier | modifier le code]

En Océanie[modifier | modifier le code]

Australie[modifier | modifier le code]

  • Presque toutes les langues aborigènes d'Australie sont en grand danger de disparition[16]. Certaines sont peu connues et étudiées. D'autres, font l'objet de projets de revitalisation[17], tel le kamilaroi (ou gamilaaray)[18], bien qu'elle n'ait plus de locuteurs natifs à l'heure actuelle. La plupart de ces langues ne survivront probablement pas aux prochaines décennies.

En Afrique[modifier | modifier le code]

Afrique du Nord[modifier | modifier le code]

Les parlers des petits îlots berbérophones de l'Algérie centrale et occidentale, la Tunisie et le Sahara[19].

Cameroun[modifier | modifier le code]

Côte d'Ivoire[modifier | modifier le code]

En Amérique[modifier | modifier le code]

Amérique du Nord[modifier | modifier le code]

Canada[modifier | modifier le code]

Le Canada compte 74 langues en danger selon l’Alliance for Linguistic Diversity[20] qui se répartissent en dix familles linguistiques[21]. Selon l'UNESCO, les deux tiers des langues autochtones parlées au Canada sont « menacées », tandis que l'autre tiers est considéré comme « vulnérable »[22].

Parmi les langues autochtones déclarées lors du recensement en 2011, seules quelques-unes telles que les langues crie, l'ojibwé, l'oji-cri, l'inuktitut et le chipewyaen, seraient viables[23]. Pour [près] de la moitié des langues autochtones du Canada, les locuteurs se trouvent recensés en Colombie-Britannique[23] qui compte 34 langues et plus de 90 dialectes[24].

Langues en voie de disparition ou pratiquement éteintes par ordre décroissant du nombre de personnes qui parlent couramment la langue en 2018.

Colombie-Britannique

Amérique du Sud[modifier | modifier le code]

De nombreuses langues autochtones sont en danger dans les Amériques, notamment en Colombie[25] et au Brésil.

Dans les Andes, le quechua comme l'aymara est de moins en moins parlé dans les provinces, et pourrait disparaître au cours des prochaines générations[réf. nécessaire].

Documentation et sauvegarde des langues[modifier | modifier le code]

La hiérarchie des langues mondiales.
  • De 2008 à 2012, la Fondation Chirac a soutenu le programme Sorosoro pour la préservation et la revitalisation des langues en danger. Sorosoro signifie « langue, souffle » en araki, une langue du Vanuatu. Un programme a ainsi été lancé, visant à créer une encyclopédie numérique des langues ; ce programme a été interrompu en 2012, par l'arrêt du financement de Sorosoro.
  • Bien d'autres projets existent à l'échelle mondiale, visant à documenter et sauvegarder les langues en danger[28].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Le nombre de 7 000 langues est controversé, car il dépend de la définition de ce qu'est une langue, sur laquelle il n'y a pas consensus. La base de données Ethnologue.com donne le nombre de 7 099 langues (), mais l'estimation va de 3 000 à plus de 7 000 selon les sources[1].
  2. L’Atlas des langues en danger de l’UNESCO classe les six dialectes de l’occitan en danger (gascon, vivaro-alpin) ou sérieusement en danger (auvergnat, languedocien, limousin, provençal)[1].
  3. Sa position relativement favorable est due aux 1 000 000 locuteurs dans la province belge de Flandre occidentale.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d Atlas UNESCO des langues en danger dans le monde.
  2. www.ethnologue.com, consulté en .
  3. Observations faites à la France par le Comité des Droits économiques et sociaux, quarantième session, -.
  4. Population résidente en Suisse depuis 1900[xls].
  5. (ru) Константин Замятин, Анника Пасанен et Янне Саарикиви, Как и зачем сохранять языки народов России?, Helsinki,‎ , 179 p. (lire en ligne [PDF]), p. 53.
  6. a et b (ru) Раджана Дугарова, « Страна, где убивают языки », sur Сибирь.Реалии,‎ (consulté le ).
  7. Maxim Edwards, « Un professeur s'immole pour alerter sur l'avenir fragile des langues minoritaires de Russie », sur Global Voices, (consulté le ).
  8. a et b Emmanuel Grynszpan, « Le Kremlin prie les langues minoritaires de mourir en silence », sur Le Temps, (consulté le ).
  9. (ru) Виктор Хамраев et Кирилл Антонов, « Национальные языки подвели к третьему чтению », sur Коммерсантъ,‎ (consulté le ).
  10. (ru) Елена Барышева, « Не в ущерб русскому: что не так с законом РФ об изучении национальных языков », sur Deutsche Welle,‎ (consulté le ).
  11. (ru) Наталья Башлыкова, « "Это все националисты". Госдума отредактирует законопроект о добровольном изучении национальных языков », sur Daily Storm,‎ (consulté le ).
  12. (ru) Айса Халидов, « Перспективы сохранения языков народов РФ в условиях реализации "Закона о добровольном изучении родных языков" », Вестник Академии наук Чеченской Республики, vol. 3, no 46,‎ , p. 114-118 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
  13. (ru) Гор Алексанян, « Активисты с Кавказа разочарованы законом о родных языках », sur Кавказский узел,‎ (consulté le ).
  14. (ru) Эдуард Футурье, « Закон о добровольном изучении национальных языков будет доработан », sur Ридус,‎ (consulté le ).
  15. « Les langues araméennes modernes », sur Sorosoro (consulté le )
  16. (en) « Aboriginal Languages of Australian », sur www.dnathan.com (consulté le ).
  17. (en) Tasaku Tsunoda (en), « Language revitalization: revival of Warrungu (Australia) and maintenance of Maori (New Zealand) », Court essai sur la revitalisation du warrungu, .
  18. (en) Peter Austin, The Gamilaraay (Kamilaroi) Language, northern New South Wales — A Brief History of Research[PDF].
  19. ARABISATION, Salem CHAKER, Encyclopédie berbère : VI, 1989[PDF].
  20. Katharine Snider McNair, « L’importance d’un musée des langues au Canada – Ressources du Portail linguistique du Canada – Langues – Identité canadienne et société – Culture, histoire et sport », sur noslangues-ourlanguages.gc.ca, (consulté le ).
  21. « Langues autochtones au Canada ; section Langues en péril et langues en revitalisation » dans L'Encyclopédie canadienne, Historica Canada, 1985–. (consulté le )..
  22. Zone Société - ICI.Radio-Canada.ca, « Il ne reste que 170 locuteurs de la langue kutenai au Canada », sur Radio-Canada.ca, (consulté le ).
  23. a et b Colin Perkel, « Recensement : les langues autochtones déclinent aussi », sur La Presse, LaPresseFB, (consulté le ).
  24. a et b (en) Britt Dunlop, Suzanne Gessner, Tracey Herbert et Aliana Parker, « Report on the status of B.C. First Nations Languages » [PDF], sur fpcc.ca, (consulté le ).
  25. Cf. Liste des langues en danger en Colombie.
  26. (en) Katie Macdonald, « 6 Creative Ways to Save Endangered Languages Before They Disappear », Reader's Digest,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  27. Rémy Gerbet, « Benvinguda Lingua Libre ! », sur Blog de Wikimédia France, (consulté le ).
  28. Voir par exemple la liste de liens proposée par RNLD, le « Resource Network for Linguistic Diversity ».

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (fr + en + es) Christopher Moseley (dir.) et Alexandre Nicolas (cartographie) (préf. Irina Bokova), Atlas des langues en danger dans le monde, UNESCO, coll. « Mémoire des peuples », , 3e éd., 230 p. (ISBN 978-92-3-204096-1, résumé) Document utilisé pour la rédaction de l’article,
    • « Atlas des langues en danger », édition interactive, sur UNESCO (consulté le )
    • (fr + en) Atlas des langues en danger dans le monde : Projet UNESCO, UNESCO, , 20 p. (lire en ligne [PDF]) (code du document : CLT/CEI/DCE/ELP)/PI/2011/1).
  • Claude Hagège, Halte à la mort des langues, Paris, Éditions Odile Jacob, coll. « Poches Odile Jacob, 98. », , 381 p. (ISBN 2-7381-1182-3 et 978-2-7381-1182-1, OCLC 398102058).
  • Marie-Christine Hazaël-Massieux, Les créoles : l'indispensable survie, Éditions Entente, Paris, 1999.
  • Claude Hagège, Le Souffle de la langue, Odile Jacob, Paris, 1992.
  • Cyrille Talla Sandeu, De la standardisation du kwa': d'une esquisse morphologique à l'orthographe, Université de Yaoundé 1, Yaoundé, 2020.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]