La Nuit (film, 1961)

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La Nuit
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Marcello Mastroianni et Jeanne Moreau dans une scène du film.
Titre original La notte
Réalisation Michelangelo Antonioni
Scénario Michelangelo Antonioni
Tonino Guerra
Ennio Flaiano
Musique Giorgio Gaslini
Acteurs principaux
Sociétés de production Nepi Film
Sofitedip
Silver Film
Pays de production Drapeau de la France France
Drapeau de l'Italie Italie
Genre Drame
Durée 122 min
Sortie 1961

Série Trilogie de l'incommunicabilité

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

La Nuit (titre original : La notte) est un film franco-italien réalisé par Michelangelo Antonioni, sorti en 1961.

En 1960, Michelangelo Antonioni déclarait à propos de son film : « Avec La Nuit, j'arriverai à un résultat de compromis. Le compromis que l'on retrouve, aujourd'hui, dans la morale et même dans la politique. Les personnages, cette fois-ci, se sont trouvés, mais ils ont du mal à communiquer, parce qu'ils ont découvert que la vérité est difficile, elle demande beaucoup de courage et des résolutions irréalisables dans leur milieu[réf. nécessaire]. »

Synopsis[modifier | modifier le code]

À Milan, un couple d’intellectuels, l'écrivain à succès Giovanni Pontano et sa femme Lidia vivent, après plusieurs années de mariage, dans la grisaille de l'ennui et d'une incommunicabilité croissante. Ils rendent visite à Tommaso, un ami intime, écrivain comme Giovanni, qui finit ses jours dans une clinique. Tandis que Giovanni, pour oublier la douloureuse visite à son ami moribond, se rend à la promotion de son dernier livre, La stagione[Note 1] ; Lidia l'accompagne un moment puis part se balader dans Sesto San Giovanni[1], une zone en mutation qui lui ressemble, où des vestiges du passé s'effritent (comme la porte métallique de la cour d'une maison délabrée où elle est entrée, alertée par les pleurs d'une fillette isolée) et cèdent la place aux lignes rectilignes et froides des hautes tours d'affaires[Note 2]. Elle téléphone à Giovanni pour qu'il vienne la chercher. Quand il arrive, il reconnaît ce coin où Lidia et lui venaient se promener autrefois, mais constate que, malgré la voie de chemin de fer aujourd'hui recouverte de végétation, cette zone est restée la même, mais Lidia lui répond « pas pour longtemps ». Le soir venu, après s’être ennuyé dans une boîte de nuit, le couple se rend à la soirée d'un richissime industriel, Gherardini, qui souhaiterait que Giovanni écrive l'histoire de son entreprise. Dans la grande et luxueuse villa de son hôte, séparé un temps de Lidia, Giovanni passe un moment avec Valentina, la fille de l’industriel, tous deux essayant de tromper leur mal de vivre dans une brève et pathétique étreinte. Pendant ce temps, Lidia téléphone à la clinique pour prendre des nouvelles de Tommaso, mais il vient juste de mourir. Effondrée, elle semble alors vouloir s'oublier dans la folie ambiante, car une soudaine averse a incité des invités à se précipiter habillés dans la piscine. Alors qu'elle s'apprête à faire de même, elle en est dissuadée par Roberto, un homme qui l'a invitée à danser un peu plus tôt ; il lui propose une balade en voiture, mais elle le repousse lorsqu’il devient trop pressant. Au bout d’une longue nuit déprimante, l'aube surprend Lidia et Giovanni dans le jardin silencieux de la villa désertée. Ils trouvent enfin le courage de se parler, évoquant leur bonheur enfui et la lassitude de leur vie. On comprend que le couple, en plein désarroi, va se donner une dernière chance lorsque Giovanni embrasse soudain Lydia avec ferveur.

Fiche technique[modifier | modifier le code]

Distribution[modifier | modifier le code]

Marcello Mastroianni (de dos), Bernhard Wicki (alité) et Jeanne Moreau (scène à la clinique).
Marcello Mastroianni (de dos), avec en caméos : au centre, l'éditeur Valentino Bompiani, et à droite, le poète italien Salvatore Quasimodo (scène de dédicaces aux éditions Bompiani)

Production[modifier | modifier le code]

Casting[modifier | modifier le code]

Lors de son entretien avec Michel Ciment dans l'émission radio Projection privée diffusée par France Culture, le [5], Jeanne Moreau indique qu'elle n'a pas perçu de cachet pour tourner dans ce film.

Tournage[modifier | modifier le code]

Accueil[modifier | modifier le code]

En 2023, projection d'un cycle « Jeanne Moreau » avec La notte et The Lovers (Les Amants) à l'Aero Theatre (en)[8] de Santa Monica (Californie).
  • Dans le générique de fin de leur film La Vie de Brian, les Monty Python invitent le spectateur, ayant apprécié leur film, à regarder La notte.
  • Les Échos[9] : « Comment oublier Lidia (Jeanne Moreau) et Giovanni (Marcello Mastroianni), un couple à la dérive, promenant son mal-être entre un cocktail littéraire, un ami qui se meurt à l'hôpital, une soirée chic dans une famille d'industriels à la Agnelli, une héritière, Valentina (Monica Vitti, son actrice fétiche, sa compagne) ? Tout n'est qu'ennui, errance, jusqu'au petit matin, où ils se retrouvent sur une pelouse. Étreints malgré tout. Lidia, Giovanni, Valentina émergent de La notte (La Nuit), Ours d'or à Berlin en 1961. [...] Au début des années 1960, Antonioni atteint son acmé : L'avventura (1960), La notte (1961), L'Éclipse (1962). Son langage cinématographique est à maturité : poids des silences et des temps morts, impossibilité d'exprimer les choses, correspondance entre les décors, l'environnement et les états d'âme, recherche de l'épure (grâce à la photographie de Gianni Di Venanzo). De là, naît le poncif du « cinéaste de l'incommunicabilité ». [...] Mais Antonioni est d'abord le cinéaste des affleurements, des regards en biais, de l'inconscient. Le style déroute. »
  • Télérama[10] : « La Nuit est au centre d'une trilogie commencée avec L'avventura (1960), poursuivie avec L'Éclipse (1962). On parlait alors d'incommunicabilité, de faillite du couple, de désert de l'amour... Pas faux mais un peu pompeux : car ce qui frappe surtout aujourd'hui, c'est le caractère incroyablement ténu de cet univers graphique de dislocation sourde et d'éboulement discret où l'humain souffre surtout de ne pas être dans le monde, mais détaché, à côté, en face... Dans la très belle scène finale du parc encore endormi, ce sont deux solitudes qui s'étreignent. »
  • Ciné-club de Caen[11] : « La notte est le titre d'une toile de Roberto Sironi, que l'on aperçoit un instant dans le film. [...] La nuit occupe bien ici une place centrale. Elle s'intercale entre une première partie constituée d'une visite à la clinique où se meurt Thomaso et d'une errance dans Milan et un épilogue d'une tragique tristesse sur la fin d'un amour. [...] Comme à son habitude, Antonioni oppose le monde moderne, sa formidable inventivité, sa présence manifeste, ses lignes droites et ses bruits, aux corps fatigués, malades ou hystériques, incapables d'imaginer une nouvelle aventure, une nouvelle aube à leurs parcours. [...] Le monde moderne nous défie de vivre à sa mesure. Sa splendeur n'a presque plus besoin de l'être humain et Lidia apparaîtra ainsi minuscule à l'extrême gauche du plan. Comme le dit Lidia, « Tout milliardaire a besoin de son intellectuel », mais Antonioni, maître d'un art qui est aussi une industrie, ne s'en offusque probablement pas. Giovanni remarque ainsi la beauté de la villa conçue par l'architecte Luigi Vietti (it). [...] L'amour de Valentina, interprétée par Monica Vitti est probablement une voie plus forte et poétique que l'enlisement de son amour évanoui avec Lidia. [...] Comment, dans ce monde qui se transforme, en arrive-t-on à s'aimer aussi mal ? Si les lignes des bâtiments sont droites, les pensées des hommes sont trop courbes et seul l'instinct des femmes leur permet de trouver, un peu mieux, leur chemin. »
30 ans plus tard, Jeanne Moreau et Marcello Mastroianni sont de nouveau réunis dans Le Pas suspendu de la cigogne de Theo Angelopoulos (1991).
À la 5e place des 10 films préférés de Sebastián Lelio et Dustin O'Halloran[Note 6] :
  • Sebastián Lelio (réalisateur) : « Bien que le film se déroule durant une très courte période, vous ressentez l’infini dans cette nuit. L’élégance, le style, la décadence et la crise existentielle de tout le monde à l’écran — tous ces éléments sont si puissants lorsqu’ils sont combinés. Il y a une intensité qui peut être générée en comprimant le temps d’un film, et La notte en est un excellent exemple. »
  • Dustin O'Halloran (musicien) : « Le casting de La notte, avec Marcello Mastroianni, Jeanne Moreau et Monica Vitti, est parfait. Ce sont quelques-uns de mes acteurs européens préférés ; leur style est sobre et peut transmettre beaucoup juste d'un regard, mais ils pourront souvent vous impressionner par l'explosion de leurs émotions. Ce que j’aime le plus dans La notte, en dehors des acteurs, c’est le travail de la caméra et la façon dont Antonioni capture la lumière. Le noir et blanc de Gianni Di Venanzo est magnifique ; je suis toujours attiré par sa dramaturgie. Chaque image est comme une belle photographie calme et profonde, même lorsque ce n’est que le cliché d’un bâtiment. Il trouve la beauté dans les objets du quotidien. [...] Quelque chose de simple peut être beau s’il est photographié de façon appropriée. »

Distinctions[modifier | modifier le code]

Récompenses[modifier | modifier le code]

Sélection[modifier | modifier le code]

Analyse[modifier | modifier le code]

En 1963, The Night à l'affiche du cinéma Jeanette d'Allentown (Pennsylvanie) : « Un nouveau genre de film...pour vous faire réfléchir et ressentir. »

On n’oublie pas le plan symbolique où Lidia, minuscule silhouette, se retrouve au pied d’une haute façade blanche lors de son errance dans Milan. « Après s’être cognés durant toute la nuit comme des billes de flipper à d’autres âmes aussi mal-en-point que les leurs, Giovanni et Lidia, mis à nu par les premières lueurs de l’aube, ne peuvent plus échapper à la vérité : le naufrage de leur union. La psychanalyse n’exclut pas l’élégance et jamais couple pathétique n’aura été aussi beau et sensuel que se dévisageant, seulement éclairé par la lumière du jour pointant. Défaits de tous artifices, Giovanni-Mastroianni et Lidia-Moreau, jeu minimaliste, visages exsangues et regards éperdus expriment parfaitement leur désarroi. Grâce aux forces conjuguées des acteurs et réalisateur La Nuit, ou l’épreuve d’un couple, est une œuvre qui se démarque par sa sobriété et reste un exemple de ce qu’un cinéma adulte peut produire pour répondre à nos problèmes existentiels[12]

Richard Brody[Note 7] : « Beaucoup de choses peuvent arriver en une nuit. L’action de La notte se déroule en un peu moins de vingt-quatre heures dans la vie d’un couple marié, en commençant à midi par leur visite à un ami mourant à l’hôpital, et en finissant tôt le lendemain au lever du soleil après une luxueuse soirée au cours de laquelle leurs tensions frémissantes les séparent ouvertement. L’histoire de Giovanni (Marcello Mastroianni), romancier, et de Lidia (Jeanne Moreau), sa femme, de profession non déclarée, est définie par le temps ; mais leur passé est hors écran — les premiers jours de leur amour et l’accumulation de leurs insatisfactions, le temps où il a écrit le livre pour lequel, au cours de cette journée, il est fêté à plusieurs reprises ; et l’avenir — la possibilité que Giovanni et Lidia puissent surmonter leur détachement, se souvenir de ce qui les a réunis, qu'ils puissent guérir leur hostilité et redécouvrir leur amour perdu. »

Postérité[modifier | modifier le code]

Le film a inspiré au peintre Axel Sanson le tableau La Notte[13].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. La Saison.
  2. Durant sa balade, témoin d'un violent affrontement entre deux chefs de bandes, elle s'interpose pour les séparer. Elle assiste ensuite à des lancés de mortiers d'artifice par des jeunes depuis un champ en jachère
  3. Lauréat 1959, voir Prix Nobel de littérature#Années 1950.
  4. Qui sera coscénariste du film suivant d'Antonioni, L'Éclipse.
  5. Image : Umberto Eco, caméo dans La Nuit
  6. Critique du 3 mai 2018 de Sebastián Lelio et du 24 juin 2021 de Dustin O’Halloran sur La notte - The Criterion Collection – Traduction libre de l'anglais par l'éditeur.
  7. Extrait de son essai La notte: Modern Love - The Criterion Collection (28 octobre 2013). Traduction libre de l'anglais par l'éditeur.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]