La Dernière Tentation

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La Dernière Tentation
Auteur Níkos Kazantzákis
Pays Drapeau de la Grèce Grèce
Genre Roman
Version originale
Langue Grecque
Titre Ο τελευταίος πειρασμός
Lieu de parution Athènes
Date de parution 1954
Version française
Traducteur Michel Saunier
Éditeur Plon
Collection Presses Pocket
Lieu de parution Paris
Nombre de pages 510
ISBN 2-266-01120-0
Chronologie

La Dernière Tentation (Ο τελευταίος πειρασμός, O televteos pirasmos) est un roman écrit par l'écrivain grec Níkos Kazantzákis. Publié en 1954 en Grèce, il paraît en 1959 en France. Ce roman met en scène notamment la tentation à laquelle est soumis Jésus agonisant sur la croix. Le titre a été longtemps détourné au profit du titre du film mais est désormais republié sous son nom authentique.

Dès la publication du roman, les autorités chrétiennes (catholique et orthodoxe) réagissent fermement contre le livre et l'auteur, l'accusant notamment de blasphème. Le Vatican place le roman dès sa sortie à l'Index librorum prohibitorum, la liste des livres prohibés (qui disparaîtra néanmoins quelques années plus tard, sous les papes Jean XXIII et Paul VI)[1].

En 1988, sort en salle le film du réalisateur américain Martin Scorsese, La Dernière Tentation du Christ, qui en est l'adaptation fidèle et fait l'objet de nouvelles réactions négatives de la part des autorités et associations religieuses voire de réaction très violente de la part de certains laïcs.

Structure[modifier | modifier le code]

Le roman est précédé d'une préface de l'auteur postérieure à la première édition du roman[2], dans laquelle il expose les principes qui ont présidé à son écriture : le Christ offre une double nature, charnelle et spirituelle, commune à chaque Homme, qui devient à cet exemple le siège d'une lutte entre ces deux natures : « Depuis ma jeunesse, mon angoisse première […] a été celle-ci : la lutte incessante et impitoyable entre la chair et l'esprit », préface p. 7.

Le roman en lui-même, long de 510 pages dans l'édition Pocket (Plon), se compose de 33 chapitres de longueur sensiblement égale. De même qu'il avait utilisé ce nombre pour son Odyssée (33.333 vers), Kazantzaki propose un lien évident entre le nombre de chapitres et l'âge auquel la tradition fait mourir Jésus.

Résumé[modifier | modifier le code]

L'intrigue se déroule durant les derniers mois du ministère de Jésus. Au début du roman, Jésus apparaît comme un homme empli de doutes, de craintes et de tourments intérieurs. Il est alors charpentier, fabriquant pour les Romains les croix destinées au supplice des Juifs insurgés.

Le récit suit de très près les récits évangéliques (notamment l'Évangile selon Matthieu), même s'il prend certaines libertés avec la tradition (Jésus y est amoureux, par exemple, de Marie Madeleine.) La rencontre avec Jean le Baptiste est le moment charnière du roman : Jésus revenant après la tentation au désert (dont l'existence explique le fait que celle sur la croix puisse être qualifiée de « dernière »), il apparaît alors comme un homme résolu qui entre dans la tragédie de son destin. C'est à ce moment, l'intrigue se rapprochant de la vision gnostique[réf. nécessaire] développée dans l'Évangile de Judas, qu'il pousse Judas à le trahir afin qu'il soit crucifié et que la prophétie puisse s'accomplir[3].

Dans la dernière partie du roman (54 pages sur 510[4]), Kazantzákis revisite les dernières heures de la vie du Christ. En pleine agonie sur la Croix, Jésus est soumis à une ultime tentation, celle de vivre la vie d'un homme ordinaire, marié, avec des enfants. Néanmoins, au terme de cette vie paisible, Jésus reçoit la visite des Apôtres qui lui expriment leurs doutes et leur incompréhension quant à son choix de fuir. Finalement, Judas apparaît, qui lui reproche avec colère ce qu'il considère être une trahison. Se dérobant à ces reproches, Jésus rencontre l'Apôtre Paul, prêchant une religion où lui, Jésus, serait mort sur la croix. La vérité et la nécessité de son destin apparaissent alors à Jésus, qui se ressaisit. Retournant alors sur la croix, il s'exclame avant de mourir avec une joie visible : « Tout est accompli » conformément à l'Évangile de Jean. C'est ce dernier court épisode qui donne son titre au roman. Ce paradoxe apparent est à analyser et comprendre pour saisir toute la finalité de l'œuvre.

Personnages principaux [modifier | modifier le code]

  • Jésus : personnage central du roman, décrit selon le « humain, trop humain » nietzschéen[5], est en proie au doute jusqu'au moment de sa crucifixion.
  • Marie-Madeleine : La cousine de Jésus. Ayant été rejetée par Jésus qui lui refuse le mariage et une vie normale, elle se prostitue[6]. À travers leur relation apparaît la possibilité d'un Jésus vivant une vie terrestre normale.
  • Judas : Partisan zélote, souvent désigné sous le sobriquet de « rouquin ». Il naît entre Jésus et lui une véritable amitié qui le pousse à accepter de le trahir[7]. À travers leur relation apparaît la possibilité d'un Jésus combattant contre l'occupant romain.
  • Jean le Baptiste : Celui qui convainc Jésus de réaliser son destin divin[8].
  • Paul : l'Apôtre qui n'a pas connu Jésus mais qui, alors que celui-ci est au cœur de sa vie « normale » lors de sa dernière tentation, proclame que l'Église existe malgré lui[9] et expose, en creux, sa lâcheté.

Écriture et édition[modifier | modifier le code]

Le roman expose un thème qui a la faveur de N. Kazantzaki[10] : la vie, la prédication et la Passion d'un Jésus Christ déchiré entre son humanité et sa divinité. Ainsi, dès 1921, il lui consacre une tragédie, Christos. En 1948, il écrit le roman Le Christ recrucifié (ou La Passion grecque). La première version de La Dernière Tentation est rédigée en 1942 à Égine, sous le titre Les Mémoires du Christ. Le roman prend sa forme finale à Antibes en 1950-1951, ville où l'auteur a écrit la majeure partie de ses romans les plus connus. La première édition se fait à cette date en Norvège. Puis Kazantzaki parvient à le faire éditer dans son pays natal, la Grèce en 1954.

La traduction en langue française est assurée par Michel Saunier[11], traducteur de nombreuses œuvres d'auteurs grecs contemporains. Le livre paraît en France en 1959 chez Plon. On peut considérer que c'est la parution de ce livre en France qui a marqué la véritable diffusion internationale de l'œuvre[12]. Enfin, le roman est dédié à « Marie Bonaparte, écrivain, princesse Georges de Grèce » bien qu'aucune indication n'en soit portée dans l'édition française[13].

Principes et influences philosophiques[modifier | modifier le code]

Il est difficile de déterminer de façon absolue en quoi le roman a une valeur démonstrative[14] (où l'intrigue découle d'une philosophie et la met en scène, à l’instar de la trilogie du Cycle du Ā de A. E. van Vogt mettant en scène la sémantique générale énoncée par Alfred Korzybski) ou s'il s'agit d'une confluence (une intrigue et une philosophie se rencontrent). Et comme de nombreux critiques de son œuvre[15], c'est cette dernière hypothèse que la quatrième de couverture valide : « […] son œuvre est influencée par Nietzsche et Bergson et imprégnée de l'obsession du message évangélique »[16] (Extrait de la présentation de l'auteur par l'éditeur sur la 4e de couverture).

Concernant l'influence de Nietzsche, l'étude de la préface du roman est riche d'enseignement. N. Kazantzaki l'entame ainsi : « Depuis ma jeunesse, mon angoisse première […] a été celle-ci : la lutte incessante et impitoyable entre la chair et l'esprit. » (préface p. 7). Ce mot lutte est répété pas moins de 18 fois dans cette seule préface. Or ce combat interne n'est pas sans évoquer le concept nietzschéen de volonté de puissance[17], concept que le philosophe Alain a par la suite précisé sous le terme d'« expansion du moi ». Ainsi, lorsqu'il rejette la chair, Jésus marque de fait sa détermination à devenir meilleur esprit[18].

Cette même influence de la pensée nietzschéenne apparaît ailleurs dans la préface de façon plus transparente encore : « [...] le désir passionné des hommes, si humain, si surhumain [...] ». Or ce terme surhumain n'est pas sans évoquer la notion de Surhomme développée par Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra[19]. Ainsi, en dépassant une éventuelle vie d'homme « normal », le Jésus de Kazantzaki préférant le sacrifice sur la croix se place résolument du côté du sur-homme : l'homme étant dans la philosophie nietzschéenne un « sur-animal » qui doit encore évoluer, le sur-homme est ainsi une évolution à laquelle il doit aspirer : « (…) l'Homme est une chose qui doit être dépassée. C'est-à-dire que l'Homme est un pont et non un terme (…) » (Ainsi parlait Zarathoustra, Prologue)[20].

Pour en terminer avec Nietzsche, un dernier concept apparaît dans l’œuvre : la « Dualité fondamentale en morale », concept qui oppose la morale des forts et morale des faibles. Celui-ci apparaît lorsque Paul de Tarse parle en fin du roman. Celui qui représente l'Église institutionnelle énonce en effet : « Je me moque bien des vérités et des mensonges, de t'avoir vu ou pas, que tu aies été ou non crucifié. Moi, à force d'entêtement, de passion et de foi, je forge la vérité. Je ne m'efforce pas de la trouver, je la fabrique. […] ton corps, la couronne d'épines, les clous, le sang ; tout cela fait maintenant partie des instruments du salut, on ne peut plus s'en passer. D'innombrables yeux, jusqu'aux confins du monde, se lèveront et te verront crucifié dans l'air. Ils pleureront et les larmes purifieront leur âme de tous leurs péchés. » (p. 491-492 du roman). On voit ce lien fait entre ce que la religion est une construction destinée à soulager les faibles de leurs peurs devant la vie[21] et autorise l'expression de ce ressentiment qui favorise l'élaboration de valeurs morales permettant de lutter contre les forts par une dévalorisation de leur puissance.

Évoquons maintenant cette affirmation de l'éditeur concernant l'influence de Bergson sur Kazantzaki en général et sur le contenu du roman en particulier. L'idée qui vient en premier à l'esprit est la célèbre notion d’élan vital. Celui-ci se définit comme la force qui pousse l’évolution de toute chose, être ou non-être[22], selon un processus volontaire non planifié[23]. Or cet élan vital est cette force qui pousse Jésus à se transcender pour passer de la matière à l'esprit. Dans le roman, toute l'énergie de Jésus est centrée sur ce but : être lui-même crucifié afin de pouvoir accéder à une autre forme d'existence. C'est ce que nous lisons p. 444 : « Ne te cabre pas, Judas mon frère, dans trois jours je ressusciterai. […] Il y aura trois journées funestes […] [puis] nous nous réjouirons et nous danserons tous ensemble, le troisième jour, le jour de la résurrection ! » Ainsi, lorsque, dans un dernier sursaut, Jésus lance sur la croix : « Tout est accompli ! », c'est surtout « Tout peut commencer ! » que l'on peut entendre[24]. Ainsi, finalement, alors que le livre entier relate « la lutte de la chair et de l'esprit » évoquée dans la préface[25], sa finalité apparaît clairement : le but de Jésus était de passer d'un état matériel à un état purement spirituel[26].

Accueil[modifier | modifier le code]

Réactions négatives[modifier | modifier le code]

Le livre fait scandale dès sa sortie. En effet, plusieurs points de l'histoire contredisent le Nouveau Testament et présentent Jésus comme faillible. Jésus y est décrit comme un homme presque ordinaire, empli de doutes et de peurs, amoureux de Marie-Madeleine et cédant à la tentation. Bien plus, à travers la « double nature du Christ » (vrai Dieu et vrai homme indissolublement uni) qui est au cœur du roman, resurgissent ces idées nestorianistes qui furent dénoncées par l'Église comme une hérésie lors du concile d'Éphèse[27] de 431. Cette doctrine affirmait que deux personnes, l'une divine, l'autre humaine, coexistaient distinctement et séparément en Jésus-Christ. Les autorités chrétiennes réagissent violemment contre l'auteur : l'Église grecque orthodoxe menace d'excommunier l'écrivain tandis que le Vatican porte le roman à l'Index Librorum Prohibitorum, la liste des œuvres prohibées[28]. Néanmoins, si l'Église grecque tente d'en faire interdire la diffusion en Grèce en vertu de lois sur le blasphème en vigueur dans ce pays[29], elle ne parvient pas à ses fins et l'œuvre reste autorisée à la vente. Paradoxalement, ces actions constituent désormais autant de véritables arguments de vente pour l'éditeur (au moins pour l'édition française) : « Voici le livre [...] qui valut à Nikos Kazantzaki une menace d'excommunication » (4e de couverture du roman)[30]. Ces condamnations formulées par les autorités religieuses orthodoxe et catholique se sont de nouveau exprimées lors de l'adaptation faite au cinéma par Martin Scorsese. En France, la sortie en salle en 1988 est l'occasion d'attentats qui font plusieurs blessés.

Réactions positives[modifier | modifier le code]

Il peut être considéré que l'œuvre de Kazantzaki en général et la Dernière Tentation en particulier a ouvert la voie à de nombreux auteurs sur une réinterprétation de la vie de Jésus au niveau littéraire[31]. Ainsi, Jésus peut devenir sujet littéraire au même titre que tout personnage historique.

Adaptations[modifier | modifier le code]

Opéra[modifier | modifier le code]

  • 1984 : The Last Temptation of Christ, adaptation sous forme d'opéra (livret de Sidney Berger), est produite dans une église à Milwaukee aux États-Unis par des membres du Lake Opera[13].

Cinéma[modifier | modifier le code]

Théâtre[modifier | modifier le code]

  • Une adaptation théâtrale en langue grecque est donnée en 2003 au théâtre national de Grèce (à Athènes) sous la conduite de Sotiris Hatzakis[13].

Évocation dans la culture populaire[modifier | modifier le code]

  • Dans le second épisode de la série d'animation Moral Orel diffusée sur la chaîne Adult Swim, le roman fait partie des nombreux livres brûlés par les censeurs qui utilisent une copie de La Dernière Tentation en guise de torche de fortune.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Notons que La Dernière Tentation y a été effectivement porté, comme le confirme Jesús Martínez de Bujanda dans sa préface à l' Index des livres interdits, Volume 11, Librairie Droz, 2002, p. 40 : « Un autre chapitre important de l'Index est la présence de grands maîtres de la littérature. On peut penser aux romanciers français du XIXè siècle [...] et aux auteurs interdits dans les années 1950 : Alberto Moravia, Curzio Malaparte, Niko Kazantzakis, André Gide et Simone de Beauvoir. » En effet, si l'Index Librorum Prohibitorum a cessé d'être publié par les autorités du Vatican en 1948, il n'a cessé d'être alimenté qu'en 1961 sous le pontificat de Jean XXIII date à laquelle le dernier livre y a été placé (La Vie de Jésus de l'abbé Jean Steinmann). En outre son abolition ne date que du 14 juin 1966 sous l'autorité du Pape Paul VI. Ceci est évoqué dans la préface au recueil : « L'Index Librorum Prohibitorum publié en 1948, et qui sera en vigueur jusqu'en 1966, est la dernière édition du catalogue des livres interdits que Rome commence à publier en 1559. [...] Le but de ce [livre] est d'établir un catalogue de tous les auteurs et de tous les écrits qui ont été mis à l'Index [...] jusqu'en 1966. », ibid p. 8
  2. « Devant l'esclandre que suscita la parution de La Dernière Tentation, Kazantzaki ajouta un avant-propos qui livre la clé d'interprétation du roman. » Roman & évangile : transposition de l'évangile dans le roman européen, Bertrand Westphal, Presses Universitaires de Limoges, 2002, p. 180.
  3. « En somme, « Judas sert objectivement la cause du salut » Évangile selon Judas, Maurice Chappaz, Paris, Gallimard, 2001, p. 94 ; il « est l’agent double de l’Évangile. Payé par le diable, subsidié par la Providence » Évangile selon Judas, Maurice Chappaz, Paris, Gallimard, 2001, p. 81.
  4. « Ce n'est pas par hasard que sur les 510 pages du roman [...], la scène essentielle de la dernière tentation n'occupe que 54 pages [...]. En effet, pour montrer la vie banale du Christ-père de famille jusqu'à sa vieillesse, ces quelques pages suffisent largement et insinuent l'absence d'intérêt dans sa vie de petit-bourgeois, censée pourtant durer plus de quarante ans. C'est bien, au demeurant, la seule tentation à laquelle on comprend que Jésus puisse peut-être céder. » Réflexions sur «La dernière tentation», Jean Kontaxopoulos, Revue Le Regard crétois, no 22 - décembre 2000
  5. « Dans La dernière tentation du Christ [...], Nikos Kazantzaki (1883-1957) propose de le reprendre sous l'angle d'un Jésus « humain, trop humain ». Introduction à la théologie systématique, Pierre Bühler, Paris, Labor et fides, 2008, p. 479, note 32.
  6. « Peut-être y a-t-il [...] un lien plus obscur entre eux – le lien de ceux qui partagent le mal : elle, prostituée, lui, crucifieur/crucifié. Comme si l'on abordait, ici, au cœur de « cette zone trouble où règnent l'équivoque et l'incertitude » - pour reprendre l'expression de Marek Bieńczyk. Comme si l'on touchait, ici, au principe même du sacrum – entre prostitution et sacrifice. » Comme en écho à la treizième rencontre... (autour de La Dernière Tentation de Nikos Kazantzaki), Bee Formentelli, article paru dans la revue l'Atelier du roman no 70, juin 2012, p. 116
  7. « Judas est l'antithèse de Jésus. Lorsqu'il exige de Jésus qu'il use de son corps pour combattre Rome, ce dernier répond qu'il usera de son âme pour affronter le péché. » Roman & évangile : transposition de l'évangile dans le roman européen, Bertrand Westphal, Presses Universitaires de Limoges, 2002, p. 185.
  8. « Judas et, dans une moindre mesure, Jean-Baptise ont pour tâche de permettre au romancier de situer Jésus sur l'échiquier politique et institutionnel. » Roman & évangile : transposition de l'évangile dans le roman européen, Bertrand Westphal, Presses Universitaires de Limoges, 2002, p. 186.
  9. « Dans La dernière tentation, où l'on voit Paul, qui incarne l'Église institutionnalisée, dire à Jésus : «Moi, à force d'entêtement, de passion et de foi, je forge la vérité. Je ne m'efforce pas de la trouver, je la fabrique. […] Je deviendrai ton apôtre, que tu le veuilles ou non. Je te fabriquerai toi, ta vie, ton enseignement, ta crucifixion et ta résurrection, comme je l'entendrai. […] Qui te demande ton avis ? Je n'ai pas besoin de ta permission. Qu'as-tu à te mêler de mon travail ? » (p. 491 à 493). Paul est ainsi présenté comme l'«inventeur», en quelque sorte, du christianisme. » Réflexions sur «La dernière tentation», Jean Kontaxopoulos, Le Regard crétois, no 22 - décembre 2000.
  10. « Kazantzaki n'a jamais cessé d’être fasciné par celui qui allait un jour devenir le protagoniste de La Dernière Tentation. Dès 1921, il lui consacre une tragédie, Christos, où la Résurrection est relatée par les apôtres et Marie-Madeleine. » Roman & évangile : transposition de l'évangile dans le roman européen, Bertrand Westphal, Presses Universitaires de Limoges, 2002, p. 179.
  11. « Saunier (Michel) : Professeur de grec moderne, auteur d'une thèse de doctorat défendue en 1975 […], directeur de l'Institut d'Études néo-helléniques de l'Université de Paris IV-Sorbonne, Michel Saunier a publié plusieurs traductions françaises d'auteurs grecs modernes : […], Nikos Kazantzaki (La Dernière Tentation, 1982 ; Lettre au Greco, 1983) » Patrimoine littéraire européen : Index général, Jean-Claude Polet, De Boeck Université, Bruxelles, 2000, p. 550.
  12. « La Dernière Tentation du Christ [...] connut bien des vicissitudes avant de s'imposer au public. Achevé en avril 1951, ce roman a d'abord vu le jour en Norvège et en Suède, avant de paraître en Grèce et d’être mis à l'index en avril 1954. C'est la traduction française de 1959 qui lui a permis de véritablement connaître la consécration. » Roman & évangile : transposition de l'évangile dans le roman européen, Bertrand Westphal, Presses universitaires de Limoges, 2002, p. 179.
  13. a b et c Voir sur le Site du Musée Nikos Kazantzaki
  14. « M.-L. Bidal-Baudier parvient à un point de rencontre assurément remarquable : «Dieu est mort ou absent de ce monde ; il s'agit donc de le remplacer par l'homme. [...] Voyant s'écrouler les structures de sa foi sous l'influence de Nietzsche, [Kazantzaki] a rêvé de jeter Dieu à bas de son trône pour y installer l'homme à sa place et faire régner sur la terre un ordre nouveau.» cité par Réflexions sur «La dernière tentation», Jean Kontaxopoulos, Le Regard crétois, n° 22 - décembre 2000. Citation de M.-L. Bidal-Baudier, in M.-L. Bidal-Baudier, Nikos Kazantzaki, Comment l'homme devient immortel, Plon, Paris, 1974, pp. 217-218
  15. "Les essais philosophiques eux-mêmes de notre auteur ont leur point de départ dans plusieurs grandes doctrines et dans la pensée de plusieurs grandes personn alités : Nietzsche et Bergson, le bouddhisme, l'ascétisme chrétien. Ceci ne veut pas dire qu'il faille refuser à Kazantzakis l'originalité de la création. Même là où il reproduit, il laisse toujours entrevoir le rayonnement de sa personnalité.", Mirambel André. Autour de l'œuvre de Kazantzakis. In: Bulletin de l'Association Guillaume Budé : Lettres d'humanité, no 17, décembre 1958, p. 128
  16. « On devine bien sûr l'influence de Nietzsche, et plus encore celle de Bergson et de son élan vital, mais la réflexion du Crétois englobe aussi des siècles de philosophie grecque. » Roman & évangile : transposition de l'évangile dans le roman européen, Bertrand Westphal, Presses Univ. Limoges, 2002, p. 181
  17. « Il n'est pas vrai que l'homme recherche le plaisir et fuit la douleur : on comprend à quel préjugé illustre je romps ici (…). Le plaisir et la douleur sont des conséquences, des phénomènes concomitants ; ce que veut l'homme, ce que veut la moindre parcelle d'un organisme vivant, c'est un accroissement de puissance. Dans l'effort qu'il fait pour le réaliser, le plaisir et la douleur se succèdent ; à cause de cette volonté, il cherche la résistance, il a besoin de quelque chose qui s'oppose à lui… », La Volonté de puissance, Nietzsche, t. I, liv. II, § 390
  18. "[...] dans le roman, qui chez Kazantzakis s'appuie toujours sur une réalité historique, un épisode, un événement, le héros est un humble qui révèle au monde, soit par l'exploit, soit par la parole, la sagesse — quitte à être victime.", André Mirmabel, op. cit., p. 136
  19. « C'est Nietzsche qui parlait en lui », m'avait répondu Takis Théodoropoulos quand je lui avais fait remarquer qu'en réalité, Kazantzaki était plutôt « vétéro-testamentaire ». Bien plus que Dieu fait homme, le Christ de Kazantzaki est un « surhomme », comme celui de Nietzsche, un homme qui veut tout assumer, jusqu'au mal le plus abject, exercé aussi bien que subi, un être animé du désir de se sacraliser, de se diviniser par la violence voulue, endurée et surmontée. Dans ce roman paru en 1951 […], écrit Philippe Raymond-Thimonga, se découvre la particularité d'un sauveur qui demeure homme jusqu'au bout de son sacrifice, comme si pour Kazantzaki le trait d'union entre l'homme et Dieu passait moins par la transfiguration de l'homme en Dieu, que par l'accès de l'homme à une surhumanité... plus nietzschéenne que chrétienne. Pour Kazantzaki, la passion qui se termine sur la croix, c'est-à-dire « au sommet du sacrifice », est un processus divinisateur, lecture radicalement contraire à celle qu'appellent les Évangiles […]. » Comme en écho à la treizième rencontre... (autour de La Dernière Tentation de Nikos Kazantzaki), Bee Formentelli, article paru dans la revue l'Atelier du roman no 70, juin 2012, p.113
  20. « Ce tour d'horizon permet de placer dans sa juste lumière la figure de Nietzsche telle que Kazantzaki l'a reçue et intégrée dans son œuvre, et notamment – en ce qui concerne la symbolique du Zarathoustra – dans La Dernière Tentation. Dans La Lettre au Greco, un chapitre particulièrement remarquable est consacrée à Nietzsche, penseur à la fois de la vie et de l'esprit, de la solitude aristocratique et de l'effort à consentir pour voir naître un Homme nouveau, le Sur-Homme, l'Homme au-delà de l'homme. » Chemins de pensée : à l'ombre de la théologie, Philibert Secretan, L'harmattan, Paris, 2004, p. 103.
  21. « En effet, avec Friedrich Nietzsche dans la philosophie du droit et de l’État (1909), le jeune Kazantzaki (26 ans) inaugure sa pensée: « La Religion […] est une fabrication de la faiblesse et de la crainte. Elle témoigne du besoin de l'homme de s'appuyer quelque part, d'avoir un début et une fin, un appui, une réponse quelconque à l'angoisse de son âme. Lorsque la volonté de l'homme était forte, celui-ci n'avait pas besoin d'un tel appui ; sa volonté allait droit au but, s'extériorisant comme une force naturelle. Lorsque la volonté de l'homme était faible et qu'il perdait son courage, à cause des dangers et des résistances, il cherchait consolation et refuge auprès de la religion : l'homme tenta d'apprivoiser, par les prières, par le ritualisme, par le sacrifice de sa propre force et de son propre plaisir, les grandes puissances hostiles, qui le menaçaient et le massacraient. [...] Plus tard, cette situation trouva ses ingénieux organisateurs, qui ont formalisé et incorporé ces instincts de la faiblesse et de la crainte dans des règles, des dogmes, des rites, et ainsi leur ont conféré le prestige d'un système et d'une forme précise» » Nikos Kazantzaki, Friedrich Nietzsche dans la philosophie du droit et de l’Etat, [thèse de doctorat en grec, 1909], éd. Kazantzaki, Athènes, 1998, pp. 86-88 cité par Réflexions sur «La dernière tentation», Jean Kontaxopoulos, Le Regard crétois, n° 22 - décembre 2000
  22. « La vie, c’est-à-dire la conscience lancée à travers la matière. », Henri Bergson, Evolution Créatrice, II, F. Alcan, Paris, 1908, p. 183
  23.  « […] penser que l'évolution suit un plan tracé d'avance revient à considérer que tout le possible à venir était déjà contenu dans le réel et attendait pour devenir à son tour réel. Or, le possible n'est qu'une illusion rétrospective. [...] L'évolution existe parce qu'il y a un élan vital créateur qui fait surgir des formes de plus en plus complexes face à des problèmes posés rigoureusement imprévisibles. » Olivier Dhilly, Bernard Piettre, Les grandes figures de la philosophie : les grands philosophes de la Grèce au XXè siècle, coll. Les guides de l'Étudiant, L'étudiant, Paris, 27 avril 2007, p. 129
  24. « Kanzantzakis's Bergsonian worldview is particularly captured in the account of Jesus' death in The Last Temptation. Middelton comments on the ending of the novel, in which the narrator asserts that after Jesus' declaration « It is accomplished », it was as though he had said, « Everything has begun ». He correctly stresses the underlying Bergsonian philosophy to transubstantiate not only matter into spirit but also spirit into matter : « With The Last Temptation's final statement - 'Everything has begun' – it is clear that the élan vital does not 'die' with Jesus' death : rather, Jesus' crucifixion signals the liberty of the élan to begin the créative process anew ». [La vision du monde bergsonienne de Kanzantzakis est particulièrement visible dans le récit de la mort de Jésus faite dans La Dernière Tentation. D'après Middelton, commentant la fin du roman, lorsque Jésus déclare « Tout est accompli », c'était comme s'il avait dit, « Tout a commencé ». Il souligne à juste titre la philosophie bergsonienne sous-jacente à la transsubstantiation non seulement de la matière en esprit, mais aussi de l'esprit en matière : « Avec cette dernière déclaration - «Tout a commencé» - il est clair que l'élan vital ne devait pas « mourir » avec Jésus : la crucifixion de Jésus signifie au contraire la liberté retrouvée de l'élan vital pour commencer un nouveau processus de création. »] Darren J. N. Middleton, Scandalizing Jesus? : Kazantzakis's The Last Temptation of Christ Fifty Years On, Continuum International Publishing Group Ltd., New York, 2005, chapitre 3, « Pontius Pilate, Modern Man in Search of a Soul » de Lewis Owens, p. 36-37
  25. De même, dans Ascèse (1927), selon Kazantzaki, il existe deux principes : « l'un tend vers la composition, la vie, l'immortalité ; l'autre tend vers la décomposition, la matière, la mort […] Notre devoir est de saisir la vision qui englobe et harmonise ces deux élans formidables, chaotiques, et d'ordonner pensées et actions selon cette vision », Nikos Kazantzaki, Ascèse, le Temps qu'il fait, Cognac, 1988, p. 21-22
  26. « De l'aveu de l'auteur (dans une préface dévote), le mystère de la double nature du Christ est au cœur de la Dernière Tentation du Christ. La lutte de l'âme et de la chair, et le triomphe de l'aspiration spiritualiste, après une ultime tentation, voilà le sens profond d'un ouvrage conçu dans la logique militante de l'exemplum. » Jean-Christophe Attias,Pierre Gisel, De la bible à la littérature, éditions labor et fides, Genève, 2003, p. 179
  27. « Selon le R. P. Ferdinando Castelli, Kazantzaki fut excommunié parce qu'il aurait repris à son compte l'hérésie nestorienne condamnée aux conciles d'Ephèse (en 431) et de Calcédoine (451). En d'autres termes, on lui reprochait de voir en Jésus un être humain, né d'une femme, et dans lequel le Verbe habitait comme dans un temple. » Roman & évangile : transposition de l'évangile dans le roman européen, Bertrand Westphal, Presses Universitaires de Limoges, 2002, p. 180.
  28. Citation tirée de papiers de Nikos Kazantzaki et publiée par sa femme Eleni après son décès : « Reçu hier un télégramme de mon éditeur allemand : La dernière tentation est mis en à l'index papal. L'étroitesse d'esprit et de cœur des hommes m'étonne toujours. Voilà un livre que j'ai écrit dans un état de grande exaltation religieuse, avec un amour ardent pour le Christ, et voilà que le représentant du Christ, le Pape, ne comprend rien et le condamne ! Il est dans l'ordre des choses que je sois condamné par la mesquinerie de ce monde d'esclaves. », Eleni N. Kazantzaki, Einsame Freiheit. Biographie aus Briefen, Francfort-Berlin, Ullstein, 1991, p. 503.
  29. « Le blasphème est [...] visé par l'article 198 du code pénal grec : "1. Toute personne qui, d'une manière ou d'une autre, insulte publiquement et avec malveillance Dieu est passible de deux ans de prison." "2. En sus des cas visés par le paragraphe 1, toute personne qui manifeste publiquement, de manière blasphématoire, un manque de respect à l'égard de la divinité est passible d'emprisonnement d'une durée de trois mois maximum." Ces clauses sont invoquées au cours de l'année 1954, à propos de […] La dernière tentation de Nikos Kazantzaki. […] Des démarches sont engagées auprès du Patriarcat de Constantinople, en vue d'une excommunication de l'écrivain […]. Parallèlement, une demande de poursuites judiciaires est déposée auprès du Procureur d'Athènes. L'affaire est finalement classée. » Église orthodoxe et histoire en Grèce contemporaine : versions officielles et controverses historiographies, coll. Études grecques, Isabelle Dépret, L'Harmattan, Paris, 2009, p. 122.
  30. "L'édition [...] de La Dernière Tentation du Christ rappelle ainsi - c'est un argument de vente ! - que Kazantzaki a risqué l'excommunication lors de la parution du roman [...]", Jean Kaempfer, La profanation romanesque, in Jean-Christophe Attias, Pierre Gisel, De la bible à la littérature, Éditions Labor et Fides, Paris, 2004, p. 168-169
  31. « Il convient d'observer que la Dernière Tentation inaugure une nouvelle manière littéraire d'appréhender les récits des Évangiles; l'exemple de Kazantzaki sera suivi plus tard par Robert Graves, Norman Mailer, José Saramango, Gérald Messadié, Éric-Emmanuel Schmidt, Anne Bernay et Eugene Whitworth, qui présentent l'histoire du Christ racontée par lui-même, par Ponce Pilate ou par quelque narrateur, ou la relient aux mythes centraux de la Méditerranée orientale et aux conflits politiques et dynastiques des Hébreux. » Voir sur le Site du Musée Nikos Kazantzaki, partie « à propos de la rédaction du livre ».

Liens externes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Introduction à la théologie systématique, Pierre Bühler, Paris, Labor et fides, 2008.
  • Roman & évangile : transposition de l'évangile dans le roman européen, Bertrand Westphal, Presses Univ. Limoges, 2002.
  • Église orthodoxe et histoire en Grèce contemporaine: versions officielles et controverses historiographiques, coll. Études grecques, Isabelle Dépret, l'harmattan, Paris, 2009
  • D'Homère à Kazantzaki: pour une topologie de l'imaginaire odysséen..., Mary Aguer-Sanchiz, l'Harmattan, Paris, 2008.
  • Patrimoine littéraire européen : Index général, Jean-Claude Polet, De Boeck Université, Bruxelles, 2000.
  • Chemins de pensée: à l'ombre de la théologie, Philibert Secretan, L'harmattan, Paris, 2004.
  • De la bible à la littérature, Jean-Christophe Attias, Pierre Gisel, éditions labor et fides, Genève, 2003.
  • Comme en écho à la treizième rencontre... (autour de La Dernière Tentation de Nikos Kazantzaki), Bee Formentelli, article paru dans la revue l'Atelier du roman no 70, .
  • Autour de l'œuvre de Kazantzakis, Mirambel André. In : Bulletin de l'Association Guillaume Budé : Lettres d'humanité, no 17, . p. 123-142.
  • Le Point Hors-série : Les textes maudits et tous les livres interdits, no 21 janvier-.