Justin Ier

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Justin Ier
Empereur byzantin
Image illustrative de l’article Justin Ier
Profil de Justin Ier sur une pièce de monnaie
Règne
-
9 ans et 22 jours
Période Justinienne
Précédé par Anastase Ier
Suivi de Justinien
Biographie
Nom de naissance Flavius (Anicius ?) Iustinus
Naissance v. 450 Bederiana, près de Naissus (Niš, Serbie)
Décès (77 ans)
Constantinople
Épouse Euphemia

Fondateur de la dynastie justinienne, Justin Ier dit le Grand (latin  : Imperator Caesar Flavius Iustinus Augustus; grec ancien  : Φλάβιος Ίουστίνος Αϋγουστος, comme empereur Ίουστίνος Α Ό Μέγας) est né en 450 ou 452 près de Niš; il devint empereur à un âge avancé le 10 juillet 518 et mourut le 1er août 527. Grâce à son neveu et fils adoptif, Justinien, il parvint à mettre un terme au conflit qui opposait partisans du concile de Chalcédoine et monophysites. Son zèle pour l’orthodoxie le fit toutefois entrer en conflit avec Théodoric, le chef des Goths ariens qui régnait sur une bonne partie de l’Italie. Les relations avec les Perses sassanides, cordiales au début du règne, dégénérèrent en une guerre qui se poursuivit sous Justinien.

Biographie

Origine et ascension vers le pouvoir

Flavius Iustinus est né dans la ville de Bederiana près de Niš dans la province de Dacie méditerranéenne où le latin plutôt que le grec était langue d’usage[1]. Fils d’agriculteurs, il se rendit à Constantinople vers 470 où il se joignit au corps des Excubites que l’empereur Léon venait de créer pour contrebalancer l’influence des troupes de fédérés germains[2]. Il participa aux guerres contre les Isauriens et les Perses et aida à réprimer la révolte de Vitalien[3]. Illettré, on dit que son grec en faisait un objet de moquerie et, selon son contemporain, l’historien Procope de Césarée, il ne pouvait signer ses édits qu’à l’aide d’un pochoir[4]. Son épouse, apparemment d’origine barbare, aurait été esclave et concubine d’un autre homme avant d’attirer l’attention de Justin qui l’acheta[1].

De simple soldat, Justin gravit les échelons si bien qu’en 503, il était déjà parvenu au grade de général dans l’armée romaine orientale. Si l’offensive contre les Perses sassanides échoua lamentablement, il eut toutefois plus de succès à titre d’amiral contre les forces du général rebelle Vitalien en 515. Peu après il fut promu commandant de la garde impérial (comte des Excubites).

L’empereur Anastase meurt le 10 juillet 518, ne laissant pour héritiers que trois neveux dont le plus susceptible de lui succéder, Hypatius, magister militium, résidait à Antioche. Le décès fut annoncé par les silentiaires [5] au maitre des offices, Celer, et à Justin. Le lendemain, Celer convoqua le sénat pendant que le peuple s’attroupait à l’hippodrome. Ne s’étant jamais vu confié le mandat de choisir un empereur, le Sénat hésitait sur le choix du candidat. Pendant ce temps, les Excubites se prononçaient en faveur de Justinien pendant que les Scholès proposaient Hypatius. Devant cette impasse, les sénateurs finirent par désigner Justin. Après avoir refusé une première fois comme l’exigeait la coutume, celui-ci accepta, entra dans la loge impériale de l’hippodrome où il fut hissé sur un bouclier après que le chef des lanciers eût déposé une chaine d’or sur sa tête. Puis, après avoir revêtu la robe de pourpre et les bottes rouges impériales, il fut couronné par le patriarche avant de se rendre en procession à la cathédrale d’Hagia Sophia[6],[7].

Justin devint ainsi empereur à l’âge d’environ 65 ans. L’un de ses premiers gestes fut de faire mettre à mort le praepositius sacri cubiculi (grand chambellan) Amantius qui, selon les chroniqueurs contemporains Jean Malalas et Marcellinus Comes, ne pouvait aspirer lui-même au trône parce qu’eunuque, mais aurait remis une grande quantité d’or à Justin afin de soudoyer le Sénat en faveur de son favori, le comte Theokritos, or que Justin aurait utilisé pour promouvoir sa propre candidature[6],[8]. Son deuxième fut de donner à son neveu et fils adoptif, Peter Sabbatius Iustinianus, qui devait lui succéder sous le nom de Justinien le titre de patrice et de le nommer comte des domestiques ce qui le faisait entrer dans le cénacle restreint des véritables détenteurs du pouvoir. En fait, et à partir de ce jour, Justinien fut le véritable maitre de l’empire[9].

Querelles religieuses

Le règne de l’empereur Anastase avait été troublé par l’opposition entre orthodoxes fidèles aux enseignements du concile de Chalcédoine et monophysites. Ce conflit religieux se doublait d’un conflit politique entre le parti des Bleus, associé généralement à l’aristocratie et aux grands propriétaires terriens et celui des Verts qui représentait plutôt le commerce, l’industrie et la fonction publique. Les Bleus étaient généralement partisans de l’orthodoxie alors que de nombreux Verts, originaires des provinces de l’Est, favorisaient le monophysisme[10]. Homme d’une grande piété, Anastase était un fidèle tenant du monophysisme[11],[12]. Durant les vingt premières années de son règne, il maintint une stricte neutralité entre les deux camps. Mais avec l’âge et devant l’agitation qui gagnait la Syrie et la Palestine, ses sympathies monophysites se firent plus évidentes et en 511 il fit démettre le patriarche Macedonius de Constantinople; l’année suivante ce fut le tour de celui d’Antioche, Flavien, et en 516 celui du patriarche de Jérusalem, Élias[13]. Exploitant la sympathie du peuple à l’endroit de Macedonius, Vitalien, le comes foederatorum de Thrace, marcha sur Constantinople à deux reprises et força l’empereur non seulement à le nommer magister militum de Thrace, mais aussi à convoquer un concile à Héraclée. Celui-ci ayant échoué, Vitalien marcha une troisième fois sur Constantinople mais fut mis en échec par le préfet de la ville. Vitalien dut se retirer et la rébellion s’apaisa, mais les forces de l’empire avaient été sérieusement affaiblies par la guerre civile[14]. Vitalien, que l’empereur préférait probablement voir dépendre de son bon vouloir à Constantinople que de comploter contre lui en Thrace se vit offrir un pardon et, le 1er janvier 520, assuma le consulat. Il devait toutefois être assassiné peu après dans le palais, probablement sur les ordres de l’empereur ou de Justinien[1].

Originaire du diocèse (province) latin de Dacie, Justin était lui-même un ardent chalcédonien et partisan des Bleus[15]. Dès son avènement, il convoqua à la hâte un concile d’une quarantaine d’évêques locaux qui réaffirmèrent leur adhésion à la doctrine de Chalcédoine et demandèrent au patriarche Jean de négocier avec le pape Hormisdas la fin du schisme. Justin lui-même envoya Gratius, son magister memoriae négocier avec le pape et, le 28 mars 519, révoqua l’Henotikon[16] qui avait donné naissance au schisme acacien en 482[17]. L’empereur se rangeait à la position de Rome et força le patriarche de Constantinople à faire de même[18].

En même temps qu’ils apaisaient la situation sur le plan religieux, ces contacts répétés avec la papauté faisaient renaitre dans l’empire romain d’Orient l'intérêt pour les évènements se déroulant à l’Ouest. Ainsi, on trouve mentionné pour la première fois dans la Chronique de Marcellinus que 476 avait effectivement confirmé la fin de l’empire d’Occident et la récupération par l’empereur de tous ses droits sur les deux parties de l’empire réunifié, théorie que Justinien ne tardera pas à tenter de réaliser.

Le zèle orthodoxe de Justin devait toutefois avoir des conséquences négatives sur les relations avec les Goths ariens. En 524, Justin publia un édit qui ordonnait la « fermeture immédiate de toutes les églises ariennes de Constantinople ; (l’)exclusion de toutes fonctions publiques, civiles et militaires, pour tous les citoyens reconnus comme sectateurs ariens. »[19]. Il en résulta un conflit avec le chef des Ostrogoths, Théodoric, qui de Ravenne, régnait sur toute la péninsule italienne. Membre de la famille des Amales, celui-ci avait passé sa jeunesse à Constantinople où, élevé comme un Romain, il avait été bien traité par les empereurs Léon Ier et Zénon. Ce dernier l’avait envoyé en Italie pour destituer Odoacre, roi des Hérules, qui avait renversé l’Empire romain d'Occident en 476. De confession arienne, Théodoric avait mené jusque là une politique de tolérance, assortie d'une stricte séparation des peuples Goths ariens et les Romains catholiques. Il convoqua alors le pape Jean qu’il força à se rendre à Constantinople pour faire annuler le décret. Reçu avec honneur, le pape couronna à nouveau l’empereur mais ne réussit qu’à obtenir de vagues promesses quant à la possibilité d’autoriser les Ariens à célébrer leur culte et se heurta à un refus absolu de leur redonner accès à la fonction publique[19]. Furieux, Théodoric, qui avait déjà fait assassiner son ministre Boèce soupçonné d’être aux ordres de Justin, fit jeter le Pape en prison où il mourut de négligence et de mauvais traitement, le 18 mai 526; Théodoric fit également fermer les églises orthodoxes sur son territoire avant de mourir quelques mois plus tard[20].

Guerre contre les Sassanides

empire sassanide
L'empire des Sassanides sera pendant des siècles l'un des adversaires les plus acharnés de l'empire byzantin

Succédant à une période de guerre entre l’empire romain d’Orient et l’empire perse des Sassanides, les débuts du règne de Justin marquèrent une accalmie dans les relations entre les deux empires. Kavadh Ier qui régnait depuis 488 se préoccupait de sa succession. Il avait plusieurs fils, mais désirait voir le troisième de ceux-ci, Khosro, lui succéder. À cette fin, il approcha Justin pour lui demander d’adopter Khosro. Justin et Justinien, lequel prenait une part de plus en plus grande au gouvernement de l’empire, auraient été en faveur d’accéder à cette demande, mais ils se heurtèrent aux objections du questeur Proculus qui voyait là une manœuvre pour que les Perses héritent de l’empire à la mort de Justin, celui-ci n’ayant pas d’héritier. Un compromis fut proposé sur la base d’un précédent établi avec Théodoric le Goth. Kavadh, ne supportant pas d’être comparé à un Goth rejeta ce compromis. Sur les entrefaites, le roi du petit royaume chrétien de Lazique, sous protectorat perse depuis cinquante ans, se révolta en 522 et offrit de transférer son allégeance à Constantinople, ce que Justin accepta. L’année suivante, ce fut au tour du royaume chrétien d’Ibérie dans le Caucase de se rebeller contre Kavadh qui avait tenté d’y imposer le zoroastrisme et de demander l’aide de Byzance. Plus au sud, le roi du Yémen, de confession juive, avait fait massacrer des chrétiens en 513. Le gouvernement byzantin persuada alors le roi d’Éthiopie de lancer une attaque sur le Yémen et d’installer à sa tête un roi chrétien ce qui donnait à Constantinople accès à la route des Indes par la mer Rouge. Les incidents de la Lazique et d’Ibérie marquèrent la reprise des hostilités entre les deux empires qui devaient se poursuivre jusqu’en 532 sous le règne de Justinien[21].

Succession

L’empereur Justin mourut le 1er août 527. Son neveu et fils adoptif, Justinien, lui succéda sans difficulté. Il avait déjà été pressenti pour succéder à Anastase et s’était imposé dès l’avènement de son oncle comme la puissance derrière le trône. Trois mois après le début du règne de Justin, il avait déjà écrit plusieurs lettres au pape concernant la fin du schisme [22]. Nommé magister militum praesentalis (commandant des soldats formant la garde rapprochée de l’empereur) en 520, il occupa le poste de consul en 521 après l’assassinat de Vitalien et organisa des jeux du cirque dont la somptuosité tranchait avec la parcimonie du régime d’Atanase, ce qui lui permit de se gagner la faveur du peuple et des sénateurs[23]. Quatre années plus tard, il se voyait conféré le titre de César et celui de coempereur le 4 avril 527, quelques mois avant la mort de son oncle. Il réussit si bien à éclipser celui-ci, que L’Histoire des Patriarches d’Alexandrie omet complètement le règne de Justin[24].

Avec le règne de Justin s’éteint le vénérable empire romain d’Orient; avec celui de Justinien, nous assistons à une renaissance qui marque la naissance de l’empire byzantin.

Note et références

Note

Références

  1. a b et c Moorhead (1994), p. 15
  2. Evans (1996), p. 96.
  3. Kazhdan (1991), vol. 2, p. 1082.
  4. Procope, Histoire secrète, VI, 11.
  5. pour les titres et fonctions, prière de se rapporter à l’article « Glossaire des titres et fonctions dans l’empire byzantin".
  6. a et b J.A.S. Evans (1996), pp.11-12
  7. Jones (1986), p. 267; Moorhead (1994),p. 14.
  8. Norwich (1989), p. 189.
  9. Norwich (1989), p. 190.
  10. Norwich (1989), p. 185.
  11. Le patriarche Euphème s’était opposé à son élection et n’avait consenti à le couronner qu’après que l’empereur eût signé un document promettant de respecter les décrets de Chalcédoine.
  12. Kazdhan, « Anastasios I », (1991), t.1. p. 86; Moorhead (1994), p. 13.
  13. Jones (1986), p. 252; Norwich (1989), p. 186; Treadgold (1997), p. 171.
  14. Jones (1986), pp. 234-235; Treadgold (1997), p. 171.
  15. Nowrich (1989), p. 189.
  16. compromis rédigé, en 482, par le patriarche Acace de Constantinople à la demande de l’empereur Zénon sur la question de la double nature du Christ qui avait donné naissance, après le concile de Chalcédoine de 451, au monophysisme.
  17. Jones (1986), p. 268.
  18. Kazdhan, « Akakian Schism », t. 1, p. 43.
  19. a et b 18 mai, « Saint Jean Ier pape et martyr » dans http://missel.free.fr/Sanctoral/05/18.php
  20. Bréhier (1969), p. 31.
  21. Moorhead (1994), p. 22. ; Jones (1986), p. 269; Treadgold (1997), p. 177.
  22. Evans (1996), p. 97.
  23. Moorhead (1994), p. 18; Norwich (1989), p. 189.
  24. cité par Evans (1996), p. 97.

Bibliographie

  • Bréhier, Louis. Vie et mort de Byzance. Albin Michel, Paris, 1946 et 1969. Coll. L’évolution de l’humanité.
  • Croke, Brian. “Justinian under Justin. Reconfiguring a reign” dans Byzantinische Zeitschrift 100, 2007, pp. 13-56. ISSN 0007-7704.
  • Evans, J.A.S. The Age of Justinian, The Circumstances of Imperial Power. Routledge, London & New York. 1996. ISBN0-415-02209-6.
  • Jones, A.H.M., The Later Roman Empire, 284-602, vol. 1. Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1986. ISBN 0-8018-3353-1.
  • Kazhdan, Alexander P. (ed.) The Oxford Dictionary of Byzantium. Oxford University Press, New York & Oxford, 1991. ISBN 0-19-504652-8.
  • Moorhead, John. Justinian. Longman, London & New York, 1994. Coll. The Medieval World. ISBN 0-582-06303-5
  • Morrisson, Cécile (Dir.). Le Monde byzantin, vol 1, L’Empire romain d’Orient (330-641). Presses Universitaires de France, Paris, 2004. Coll. L’histoire et ses problèmes. ISBN 2 13 052006 5.
  • Norwich, John Julius. Byzantium, the Early Centuries. Alfred A. Knopf, New York, 1989. (Premier volume d’une série de trois, il comporte une double pagination; les références sont celles se rapportant à ce seul volume) ISBN 0-394-53778-5.
  • Treadgold, Warren. A History of the Byzantine State and Society. Stanford Univervisty Press, Stanford, 1997. ISBN0-8047-2630-2