Julie de Lespinasse

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Julie de Lespinasse
Description de cette image, également commentée ci-après
gravure d'après Carmontelle
Naissance
Lyon (France)
Décès (à 43 ans)
Paris (France)
Activité principale
Auteur
Genres

Jeanne Julie Éléonore de Lespinasse, née le à Lyon et morte en le , est une salonnière et épistolière française. Elle inspira une grande passion à Jean d'Alembert et mourut prématurément.

Biographie

Un contexte familial particulier

Julie de Lespinasse était la fille illégitime du comte Gaspard Nicolas de Vichy (1699-1781)[1], frère de Marie du Deffand, et de la comtesse d’Albon (1695-1748)[2]. Son père épousa par la suite sa demi-sœur utérine. Julie fut donc élevée par sa mère, restant avec elle jusqu’à la mort de cette dernière encore jeune, qui la confia de nouveau à son père, de sorte qu’elle se retrouva gouvernante des enfants de sa sœur naturelle et belle-mère, enfants qui étaient également ses demi-frères et sœurs.

Sa tante naturelle, Marie du Deffand, sentant sa vue décliner, la prit alors comme lectrice dans le salon qu’elle tint à Paris qui était déjà connu en 1754. Elle donna ainsi à sa nièce l’occasion de sortir d’une situation familiale dans laquelle elle végétait.

Dans le salon de Madame du Deffand

Dès 1747, ayant noué une amitié avec D’Alembert, son salon est fréquenté par des écrivains et philosophes tels que Fontenelle, Montesquieu, Marmontel, Marivaux-Jean-Antoine Roucher et Condorcet . C’est dans ce monde qu’elle introduisit sa nièce. Julie, sans être vraiment belle, était intelligente et surtout très habile à diriger la conversation. Sa vivacité d’esprit et sa finesse ne tardèrent pas à séduire les hôtes de sa tante et les conversations commencées dans le salon de celle-ci se terminaient dans la chambre de Julie. Marie du Deffand l’ayant appris se jugea trahie et en conçut une grande jalousie qui ne la quitta plus, même après la mort prématurée de Julie qu’elle finit par renvoyer en 1763.

Le salon de Julie de Lespinasse

Julie de Lespinasse ouvrit alors, en 1764, son propre salon rue de Bellechasse, où elle reçut également Condillac, Condorcet et Turgot, outre ceux qu’elle recevait auparavant chez sa tante. On a pu dire de son salon qu’il fut le « laboratoire de l’Encyclopédie », dont elle fut l’égérie. Nombreux furent ceux qui subirent le charme de cette jeune femme au caractère ardent et passionné, mais ce fut avec d’Alembert qu’elle se lia d’une profonde amitié qui semble n’avoir été que platonique. Lui-même enfant illégitime, ils avaient tous deux des points communs qui les rapprochaient. Alors qu'il était malade, elle le recueillit chez elle et le soigna. Ils ne se quittèrent plus.

Julie s’éprit cependant profondément du marquis de Mora, fils de l’ambassadeur d’Espagne en 1766, tout aussi épris d’elle. Ils envisagent le mariage, mais la famille de Mora fera l’impossible pour contrecarrer ce projet et y parviendra.

Rentré en Espagne, il tombe malade et y reste pour être soigné. Leur correspondance reflète déjà ces amours passionnées qui fleuriront dans la littérature romantique. Pour oublier les angoisses que lui cause l’éloignement de son amant, elle fréquente, pour se changer les idées, les maisons de campagne de ses nombreux amis et rencontre, au Moulin-Joli de Bezons, le colonel de Guibert en 1772. Elle se prend pour ce dernier d’une irrésistible passion qu’elle éprouvera jusqu’à sa mort, malgré l’apparente indifférence qu’il lui témoigne.

Durant de longs mois, elle nourrit des sentiments de culpabilité, partagée entre ses deux amants, ne pouvant oublier l’un mais désirant l’autre. Mora, revenu en France pour la rejoindre, après sa maladie, meurt à Bordeaux en 1774. C’est à ce moment que Julie et Guibert deviennent amants. Quand Julie vient à apprendre cette coïncidence, le désespoir s’empare d’elle, le chagrin et les remords ébranlent sa santé. Elle songe au suicide : « J’ai souffert, j’ai haï la vie, j’ai invoqué la mort, écrira-t-elle, et je fais serment de ne pas lui donner le dégoût et de la recevoir au contraire comme une libératrice[3]. »

« Il n’y a qu’une chose qui résiste, c’est la passion et c’est celle de l’amour, car toutes les autres resteraient sans répliques. (…) Il n’y a que l’amour-passion et la bienfaisance qui me paraissent valoir la peine de vivre[4]. » Dans ces quelques lignes pourrait se résumer la personnalité de Julie.

Elle ne survivra pas au mariage de Guibert ; désespérée par l’échec de ses deux liaisons, elle meurt à quarante-trois ans. Sa correspondance avec Guibert sera publiée en 1809 par la veuve de celui-ci. Comme celle de sa tante du Deffand, cette correspondance constitue un document psychologique et historique de référence.

Diderot a fait d’elle, avec le médecin Bordeu, un personnage de son Rêve de d’Alembert.

Notes

  1. généalogie du père
  2. généalogie de la mère
  3. Charles Henry (éd.), Lettres inédites de Mademoiselle de Lespinasse à Condorcet, à D'Alembert, à Guibert, au Comte de Crillon, É. Dentu, , 408 p. (lire en ligne), p. 182.
  4. Ibid., p. 138.

Bibliographie

  • Marie-Christine d'Aragon et Jean Lacouture, Julie de Lespinasse. Mourir d’amour, Complexe, 2006.
  • Julie de Lespinasse, Lettres, La Table Ronde, Paris, 1998.
  • Julie de Lespinasse, Lettres à Condorcet, Desjonquères, Paris, 1992.
  • René La Croix de Castrie (duc de), Julie de Lespinasse, Le drame d’un double amour, Albin Michel, Paris, 2000.
  • Maxime Druhen, "Mlle de Lespinasse et Suard - Correspondance inédite", 1927, Extrait du Bulletin de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon.
  • Mme du Deffand et Julie de Lespinasse. Lettres et papiers de famille. 2013. publiés et annotés par P.E. Richard (Nombre 7 ed. Nîmes)