Jubé
Dans une église, le jubé est une tribune et une clôture de pierre ou de bois séparant le chœur liturgique de la nef. Il tient son nom du premier mot de la formule latine « jube, domine, benedicere » (« daigne, Seigneur, me bénir ») qu'employait le lecteur avant les leçons de Matines.
Architecture et usages
Le jubé se compose de trois éléments : la tribune (le jubé proprement dit), la clôture (dite « chancel ») et le groupe sculpté de la crucifixion.
De la tribune, on lisait l'Évangile et on prêchait, la chaire lui succède dans cet emploi. On y installait aussi les chœurs, d'où le nom de chantereau sous lequel certains textes anciens la décrivent. Un orgue portatif pouvait y être installé avant que ne se généralise l'orgue fixe, lequel est le plus souvent placé au-dessus de la première travée de la nef.
La clôture/chancel a pour fonction d'isoler le chœur (réservé aux clercs et aux seigneurs prééminenciers) des fidèles qui, du fait de sa présence, voient peu ou pas du tout le maître-autel. En cela, il se rapproche de l'iconostase des Églises chrétiennes orientales (cf. infra).
La crucifixion surmonte la tribune dont elle est l'ornement principal, tournée vers les fidèles. Le grand Christ en croix dit « espagnol », qu'on observe dans beaucoup d'églises, plaqués aux murs nord ou sud de la nef, a souvent été récupéré lors du démontage du jubé. Les trefs conservés avec leur crucifixion, après la destruction des jubés, prirent le nom de « poutre de gloire ».
Histoire
Les jubés sont apparus en France au XIIe siècle de la réunion de trois éléments préexistant séparément : le tref (poutre de gloire), la clôture et le ou les deux ambons.
Au XVIe siècle, le concile de Trente provoque une évolution de la liturgie catholique en réponse au succès des églises protestantes. Le chœur devant désormais être visible par les fidèles, le jubé est condamné. Alors que la chaire à prêcher le remplace, il est déplacé ou détruit aux siècles suivants, parfois tardivement, au XIXe siècle. La règle s'applique dans les églises paroissiales et les cathédrales, mais des chapelles privées ont maintenu ce mobilier original, surtout en Bretagne. Malgré sa disparition, il subsiste de nombreuses traces de l'emplacement des poutres de soutien du chancel et du jubé, voire de son accès par des portes murées ou dans la maçonnerie de colonnes contenant un escalier à vis, comme à Locronan. En général, les églises orthodoxes (iconostases) et anglicanes ont conservé le leur.
Exemples de jubés
En Allemagne
- Buttforde (Wittmund), Frise orientale, église Sainte-Marie (Marienkirche)
- Cleverns (Oestringen), Frise
- Cologne, église Saint-Pantaléon: déplacé à l'entrée de la nef
- Gelnhausen, église Sainte-Marie
- Halberstadt, cathédrale Saint-Étienne (Domkirche)
- Havelberg, ancienne abbaye prémontrée
- Hildesheim, jubé renaissance transféré vers 1960 de la cathédrale vers l'église Saint-Antoine
- Holtrop (Grossefehn), Basse-Saxe
- Lübeck, église Sainte-Marie
- Lübeck, cathédrale
- Magdebourg, cathédrale
- Marbourg, église Sainte-Élisabeth
- Maulbronn, église abbatiale
- Mayence, cathédrale Saint-Martin: fragments dispersés
- Meissen, cathédrale
- Naumbourg, cathédrale Saints-Pierre-et-Paul: seul sanctuaire à abriter deux jubés, l'un à l'ouest de la nef, l'autre à l'est.
- Nesse, Frise orientale
- Norden, Frise orientales
- Schortens (Oestringen), Frise, église Saint-Étienne (Stephans-Kirche)
- Tübingen, église Saint-Georges (Sankt Georg Kirche)
- Wechselburg, église abbatiale
- Wetzlar, Domkirche
- Vieux-Brisach, Stephansmünster (cathédrale Saint-Étienne)
- Xanten, cathédrale Saint-Victor
En Belgique
Quelques beaux spécimens gothico-renaissance, ainsi que de nombreux baroques, érigés après le Concile de Trente.
- Subsistants
- Aarschot, collégiale
- Anvers, église Saint-Jacques
- Averbode, abbaye (l'arcade du centre est supprimée)
- Binche, église Saint-Ursmer (déplacé à l'entrée de la nef)
- Bois-Seigneur-Isaac, église abbatiale (pas d'arcade au centre)
- Braine-le-Comte, église paroissiale Saint-Géry
- Bruges
- église Notre-Dame
- cathédrale Saint-Sauveur (déplacé à l'entrée de la nef)
- église Saint-Anne
- église de la Potterie
- église Saint-Jacques
- Gand, cathédrale Saint-Bavon (pas d'arcade au centre)
- Lierre, collégiale Saint-Gommaire
- Louvain, collégiale Saint-Pierre
- Soignies, collégiale Saint-Vincent
- Tervuren, église paroissiale (déplacé à l'entrée de la nef)
- Tournai
- Termonde, collégiale
- Tessenderlo, église paroissiale
- Walcourt, basilique Saint-Materne (dû à Jean Mone)
- Wellen (Limbourg), église Saint-Jean-Baptiste
- Westmalle, abbaye trappiste, néo-médiéval
- Démontés
- Chimay, la Trappe, jubé néogothique en bois, actuellement démonté
- Damme, église paroissiale (abîmé et dissimulé dans le sas d'entrée suite à la destruction de la nef)
- Mons, collégiale Sainte-Waudru (démonté). Les sculptures de Jacques Du Brœucq qui l'ornaient sont dispersées dans l'église
- Détruits
- Dixmude, église Saint-Jean, anéanti en 1914
- Lessines, église paroissiale, détruit entre 1940 et 1945
- Nieuport, église paroissiale, anéanti en 1914
- Helvoirt : jubé vendu et remonté au Rijksmuseum d'Amsterdam
Jubés en France
Il ne reste en France que très peu de jubés, mais la Bretagne en conserve une belle collection.
- église Saint-Étienne-du-Mont à Paris
- église Notre-Dame à Arques-la-Bataille, (Seine-Maritime)
- église Saint-Jacques-le-Majeur à Moulineaux (Seine-Maritime)
- église Sainte-Madeleine à Troyes, (Aube)
- église Saint-Julien-de-Brioude à Luyères (en cours de restauration en octobre 2008), (Aube)
- église à Villemaur-sur-Vanne - Le Jubé de bois sculpté 1521 des frères Thomas et Jacques Guyon ,(Aube)
- basilique Notre-Dame de l'Épine à L'Épine (Marne) ; (Marne)
- église de Saint-Florentin, (Yonne)
- église Saint-Pierre d'Appoigny - (au nord d'Auxerre)(Yonne)
- église de la Chaise-Dieu ; (Haute-Loire)
- Cathédrale Sainte-Cécile d'Albi; (Tarn)
- Cathédrale Sainte-Marie d'Auch
- cathédrale de Limoges : déplacé au fond de la nef
- cathédrale de Rodez : déplacé dans le transept
- église de pèlerinage de Benoite-Vaux (Meuse)
- ancienne cathédrale de Saint-Bertrand-de-Comminges
- basilique Notre-Dame de Liesse
- ancienne église abbatiale de Nouaillé-Maupertuis (Vienne)
- ancienne abbatiale de Pontigny (Yonne)
- abbatiale de Saint-Maximin
- abbaye de Moutier-d'Ahun
- cathédrale de Noyon : restes du jubé réassemblés dans une annexe
- église Saint-Pierre d'Aire-sur-la-Lys : jubé néogothique
- église de Brou à Bourg-en-Bresse construite par Marguerite d'Autriche.
- église protestante Saint-Pierre-le-Jeune à Strasbourg
- église protestante Saint-Pierre-le-Vieux à Strasbourg bâti vers 1530
- église protestante Saint-Thomas à Strasbourg
- ancienne église Saint-Guillaume à Strasbourg
- ancienne église des Dominicains à Guebwiller
- église de Rouffach : seules subsistent les deux tourelles d'escalier
- église Saint-Géry à Cambrai sculpté par les frères Marsy (sert d'appui aux orgues, à l'entrée ouest de l'église)
-
Jubé de l'église Saint-Étienne-du-Mont à Paris
-
Jubé de l'église Sainte-Madeleine à Troyes
En Bretagne
Jubé entier ou chancel seul :
- Belle-Isle-en-Terre, chapelle de Locmaria
- Faouët, chapelle St-Fiacre
- Folgoët, Basilique Notre-Dame du Folgoët
- Goulven, église paroissiale
- La Martyre, église paroissiale
- Lamballe, une partie subsistante de l'ancien jubé se trouve dans un transept
- Loc-Envel, église paroissiale
- Melrand, chapelle Saint-Fiacre
- Plélauff, chapelle Notre-Dame de la Croix à [1]
- Plonévez-du-Faou, chapelle Saint-Herbot
- Ploubezre, chapelle de Kerfons-en-Kerfaouës
- Plouvorn, chapelle de Lambader
- Plouzévédé, chapelle Notre-Dame-de-Berven
- Pluneret, chapelle Ste-Avoye
- Priziac, chapelle Saint-Nicolas[2]
- Quimperlé, église Sainte-Croix, déplacé à l'entrée de la nef
- Rochefort-en-Terre, église Notre-Dame
- La Roche-Maurice, église Saint-Yves
- Saint-Guen, chapelle St-Pabu
- Saint-Pol-de-Léon, Cathédrale Saint-Paul-Aurélien, le garde-corps du jubé (XVe siècle) supprimé est intégré dans la tribune d'orgue de 1660.
-
Jubé de la chapelle Saint-Nicolas à Priziac
-
Jubé de la chapelle de Kerfons-en-Kerfaouës à Ploubezre
-
Jubé de la Chapelle Sainte Avoye à Pluneret
-
Jubé de la chapelle Saint-Fiacre au Faouët
-
Intérieur de l'église Saint-Yves à La Roche-Maurice
En Grande-Bretagne
Outre un certain nombre d'églises rurales, certaines cathédrales ont conservé leur jubé (rood screen)
- Attleborough, Norfolk
- Barton-Turf, Norfolk
- Bath, St. Johns, South Parade: néogothique
- Blythburg, Suffolk, Holy Trinity Church
- Bridford, Devonshire
- Buckingham, Ss-Peter-&-Paul-church : jubé néogothique en bois
- Cambridge, Kings College chapel
- Canterbury
- Charlton-on-Otmoor, Oxfordshire, St. Mary
- Chester
- Gloucester
- Londres, abbaye de Westminster
- Manchester
- Moulton, Lincolnshire, All Saints church
- Mullion, Cornwall, St. Mellanus church
- Norwich
- Ranworth, Norfolk, St. Helen
- Sant-Albans, ancienne abbaye
- Stanton-Harcourt, Oxfordshire: XIIIe siècle
- Southwold, Norfolk, St. Edmond church: jubé en bois peint
- Trull, Somersetshire
- Wells
En Italie
Aux Pays-Bas
- Amersfoort, Sint-Joriskerk
- Bois-le-Duc, cathédrale Saint-Jean : jubé vendu et remonté au Victoria & Albert Museum de Londres)
- Boxmeer : jubé déplacé
- Oosterend (Frise), église
- Holwierde (Groningen), jubé en bois
- Houthem-Sint Gerlach : jubé déplacé
- Krewerd (Groningen), église paroissiale
- Leermens (Groningen), église: conservé en partie
- Rhenen, Sint-Cunerakerk
- Klooster Ter Apel (Groningen)
Notes et références
Annexes
Articles connexes
Liens externes
- Historique du Jubé en Occident, "l'iconostase occidentale" d'avant 1054, par le p. Lester Bundy, université de Denver