José Martí

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José Martí
Description de l'image MartiJohnManuel K TRestauration.jpg.
Nom de naissance José Julián Martí y Pérez
Naissance
La Havane, Cuba
Décès (à 42 ans)
Dos Ríos, Cuba
Activité principale
Auteur
Langue d’écriture Espagnol

Œuvres principales

  • Ismaelillo
  • Versos sencillos
  • Versos libres
  • Nuestra América

José Julián Martí y Pérez ( à La Havane - à Dos Ríos, Cuba) est un homme politique, philosophe, penseur, journaliste et un poète cubain. Il est le fondateur du Parti Révolutionnaire Cubain (es). Il est considéré à Cuba comme un héros national, le plus grand martyr et l'apôtre de la lutte pour l'indépendance[1] ; le régime communiste mis en place par Fidel Castro se réclame officiellement de sa pensée[2]. Après Rubén Darío, il est un des représentants les plus célèbres du mouvement moderniste.

Célèbre et ho­noré dans son pays, connu dans les milieux progres­sistes et littéraires de l'Amérique latine au même titre que Bolivar, Sucre, Miranda... il demeure peu connu ailleurs, sauf bien sûr des amis de Cuba. (No­tons l'existence à Paris d'une place « José Marti » près du Trocadéro).

Né le à La Havane, de parents espa­gnols, Mariano Martí de Valence et Leonor Pérez Carbrera de Tenerife. Son père, fonctionnaire de police, a du mal à joindre les deux bouts et la famille vit dans une précarité qui empêche la scolarisation de Martí. Ce n'est que lorsque Rafael María de Mendive (es), directeur du collège San Pablo,le remarque, qu'il voit son éducation intellectuelle être prise en main, jusque l'arrêt de Mendive en 1869[3]. Sa conscience révolutionnaire s'éveille au contact de Rafael María de Mendive, qui marquera le jeune José[4],[5]. En 1869, à 16 ans, José Martí est arrêté et déporté en Espagne. Un escadron volontaire ayant fouillé son lieu de résidence après avoir entendu des rires considérés comme de la provocation, l'escadron a découvert une lettre de José Martí à Carlos de Castro dans laquelle il qualifie ce dernier d'apostat pour s'être enrôlé dans l'armée espagnole contre les indépendantistes[6]. Quatre années en Espagne lui permettent de devenir licencié en lettres et philosophies et en droit civil et canon à Saragosse[7]. Durant ce séjour forcé en Espagne il entre en contact avec les mouvements ouvriers socialistes et anarchistes alors en effusion après la Révolution de 1868 et la Commune de Paris[8].

Amnistié, il passe par Paris, Londres où il donne des conférences avant de partir au Mexique puis au Guatemala ; deux pays où il résidera quatre ans et où il rédige des écrits révolutionnaires qui arrivent jusqu'à Cuba et font sa popularité. Au Mexique, il participe à plusieurs revues de tendance socialiste ou progressiste La Reforma, La Revista Universal et El Socialista[9]. Au Guatemala, il rencontre María García Granados, alors qu'il était marié depuis à peine six mois avec Carmen Zayas Bazán. Il décrit l’ambiguïté de cette situation dans un poème appelé "La niña de Guatemala"[10].

Vers la fin de la guerre de dix ans, il revient en 1878 à Cuba, toujours colonie de la couronne d'Espagne et marque le début de son combat révolu­tionnaire par un discours enflammé sur la tombe du poète Torcella. Conspirant, il est à nouveau déporté en Espagne en 1879 d'où il s'évade. José Marti re­joint New-York et il décide de s'établir au Venezuela où il publie la revue La Revista Venezolana. C'est durant cette période de 1880 à 1890, tout en conti­nuant ses activités politiques, qu'il écrit son œuvre poétique majeure, d'où sera d'ailleurs extraite la fameuse chanson Guajira Guantanamera, Versos Sencillos à travers la­quelle il fustige la grandiloquence romantique. Dans cette voie litté­raire il sera le premier en Amé­rique Latine à com­poser des vers libres…

Puis il retourne à New-York où vit un fort contin­gent d'émigrés politiques cubains et publie le 3 avril 1892 les statuts du Parti Révolutionnaire. Dans son journal Patria, tout en appelant à la révolution, il expose ses idées d'avant-garde : égalité des Peuples, des hommes, des races et des sexes. Analysant la politique extérieure des États-Unis il met en garde l'Amérique Latine sur tout compromis politique et économique avec ce pays et dénonce son impéria­lisme naissant dans l'essai Nuestra América.

En janvier 1895, José Marti rejoint le général Máximo Gómez à Saint-Domingue où, tout en préparant un retour armé à Cuba, il écrit et publie le Manifeste de Monte-Cristo, appel à l'insurrection pour construire un pays libre et démocratique. Ils dé­barquent ensemble à Cuba en février 1895 et sont rejoints par le général noir Antonio Maceo pour former l'ar­mée mambise. Le 19 mai 1895, âgé de 42 ans, José Marti est tué à la Bataille de Dos Rios. L'Espagne vaincue, quittera Cuba en juillet 1898 pour être remplacée par les États-Unis.

« La grandeur des chefs n'est pas dans leur per­sonne, mais dans la mesure où ils servent la grandeur de leur peuple[11]. »

« Celui qui ne se sent pas offensé par l'offense faite à d'autres hommes, celui qui ne ressent pas sur sa joue la brûlure du soufflet appliqué sur une autre joue, quelle qu'en soit la couleur, n'est pas digne du nom d'homme[11]. »

Chronologie

  • 1853 : José Marti y Pérez naît à La Havane
  • 1869 : Il publie dans un journal son drame Abdala, réquisitoire contre l'Espagne.
  • 1870 : Un tribunal le condamne à purger six ans de travaux forcés
  • 1871 : Il est d'abord envoyé à l'Île des Pins, puis déporté à Cadix. Il s'inscrit à l'Université de Madrid, écrit beaucoup et publie une brochure intitulée La République Espagnole devant la Révolution Cubaine
  • 1874 : Après avoir obtenu une licence en philosophie et Lettres, il s'embarque pour Paris où il rencontre Victor Hugo. Un an plus tard, il arrive au Mexique et devient collaborateur d'une grande revue.
  • 1877 : Il est professeur de littérature française, anglaise, allemande, italienne, d'histoire et de philosophie, à l'École centrale du Guatemala ;
  • 1878 : À bord du Nueva Barcelona, il arrive à La Havane. Il cherche à ouvrir un bureau d'avocat, mais l'autorisation lui est refusée.
  • 1878 : Exilé de Cuba, on le retrouve à New York. Il y prononce plusieurs conférences et publie de nombreux articles. Un an plus tard, professeur à Caracas, il met la dernière main à son recueil de poèmes « Ismaëlillo ».
  • 1892 : Il fonde le Parti Révolutionnaire Cubain (es)
  • 1894 : Il voyage sans arrêt, courant de New York à Mexico, publiant des articles révolutionnaires. Il met au point un plan d'invasion, mais les autorités américaines séquestrent armes et bateaux.
  • 1895 : Venant d'Haïti, il arrive à Cuba. On le proclame major général de l'armée de libération. Il s'enfonce dans les montagnes de Baracoa, à la recherche de Maceo. En mai de la même année, il meurt au combat de Dos Rios.

Œuvre littéraire

Du point de vue de la poésie, ses œuvres les plus connues sont Ismaelillo, Versos sencillos et Versos libres.

Dans Isamelillo, publié en 1882 et dédié à son fils, il sonde ses propres sentiments et réactions face à une situation conjugale difficile. Marié à Carman Zayas Bazán, celle-ci reste à Cuba tandis qu'il part, exilé, pour New York. Martí, qui attachait de l'importance à l'unité familiale, se sent abandonné[12]. La comparaison avec le personnage biblique d'Ismaël est assez explicite, il est expulsé de son foyer mais devient le symbole d'une nouvelle nation[13],[14]. Une autre idée exprimée est celle que Martí deviendrait le fils de son propre fils[13], que cette paternité non-vécue ait été une expérience décisive pour le poète. Plusieurs poèmes en témoignent, ici deux vers de "Musa traviesa":

Hijo soy de mi hijo!
Él me rehace![15]
Fils je suis de mon fils!
Il me refait!

Pour son deuxième recueil, Versos sencillos, publié en 1891, Martí fut inspiré par les transcendantalistes américains tels que Ralph Waldo Emerson, Walt Whitman et Henry David Thoreau, recherchant l'unité de l'homme et de la nature. Les transcendantalistes se rebellent contre la culture et la société de leurs temps[16], ce qui va pousser José Martí à rassembler la sphère poétique avec la sphère politique[17].

Enfin, Versos libres est lui submergé d'un ton sombre et angoissant, reflétant une crise personnelle du poète, comme le fait remarquer José Miguel Oviedo :

« El poeta se sumerge en su propia crisis y, desde allí, exhala las quejas y confesiones tremendas de un hombre ya fatigado por su lucha solitaria contra el mal. »

« Le poète se submerge dans sa propre crise et en exhale les plaintes et confessions terribles d'un homme déjà fatigué par sa lutte solitaire contre le mal. »

Il est également célèbre pour ses essais, dont les deux plus reconnus sont El presidio político en Cuba (1871) et Nuestra América (1891). Nuestra América est un plaidoyer pour l'unification des pays d'Amérique latine face à la menace impérialiste américaine, un rassemblement lui paraît nécessaire pour éviter que les États-Unis ne s'imposent en Amérique du sud. D'après lui, les pays d'Amérique latine sont séparés à cause de leurs gouverneurs, et non à cause des pays en eux-mêmes. Le manque d'éducation fait que les jeunes s'en vont étudier aux États-Unis ou en Europe, et reviennent pour gouverner un peuple qu'ils ne connaissent pas, ayant recours à des moyens qui ne sont pas appropriés aux réalités nationales. Non seulement faut-il unifier les pays latino-américains, mais aussi défendre les opprimés pour consolider des valeurs opposées aux intérêts des oppresseurs nord-américains. La dernière phrase de l'essai reflète bien le contenu global:

« ¡Porque ya suena el himno unánime; la generación actual lleva a cuestas, por el camino abonado por los padres sublimes, la América trabajadora; del Bravo a Magallanes, sentado en el lomo del cóndor, regó el Gran Semí, por las naciones románticas del continente y por las islas dolorosas del mar, la semilla de la América nueva! »

« Car l'hymne unanime sonne déjà; la génération actuelle porte sur son dos, sur le chemin tracé par les pères sublimes, l'Amérique travailleuse; de Bravo à Magellan, assis sur le dos du condor, se répand le Grand Semi, à toutes les nations romantiques du continent et à toutes les îles douloureuses de la mer, la semence de l'Amérique nouvelle! »

Il a publié un petit livre en images : "La Piedra en el Camino", conte philosophique qui décrit maintes manières de négocier un obstacle (pierre) sur le chemin.

Idées politiques, économiques et sociales

5 Pesos en or à l'effigie de José Marti

Bien qu'acclamé à Cuba, il est important de noter que la pensée politique de Martí est indépendante, comme l'affirme Paul Estrade:

« La pensée de Martí n'est jamais devenue la pensée officielle d'un régime : elle y résisterait d'ailleurs, car elle agit sur un plan distinct du plan strictement politique. Elle tire sa force et sa pérennité, non de son statut mais de son essence[18]. »

Il est d'abord influencé par le libéralisme ambiant et prône l'effondrement des structures coloniales, qui d'après lui, entrave le progrès[19]. Regardant l'industrie comme un futur prochain, il se concentre sur l'agriculture qu'il veut partager en de multiples propriétés individuelles, au contraire des grandes latifundias coloniales et des monocultures. Il s'écarte ainsi du modèle libéral anglo-saxon en se méfiant des industries et en faisant de la terre la seule vraie richesse d'un pays[20].

C'est son séjour prolongé à New York qui va avoir un impact décisif sur sa pensée politique. Séjournant à Brooklyn, il y est le témoin de l'injustice provoqué par le capitalisme nord-américain: l'appauvrissement et la misère des ouvriers face à l'enrichissement des exploitants[21]. Martí adopte alors un regard nuancé vers le progrès, et prend une position critique par rapport au libéralisme anglo-saxon sans pour autant renier le libéralisme tel que celui qu'il prêchait au Mexique et au Guatemala. Paradoxalement, il dénonce le capitalisme qui laisse de côté les ouvriers, mais il continue à défendre que le libéralisme peut établir cette justice sociale[22].

Doucement, José Martí devient de plus en plus révolutionnaire quand il constate que le capitalisme s'applique également à l'agriculture, où les latifundias engloutissent les petits agriculteurs, et soutient dès lors la nationalisation de la terre. La terre appartient à la nation et celle-ci doit la diviser en lots individuels et équitables. Il n'y a donc plus de propriété individuelle mais bien un "prêt" à la nation[23]. Cette nationalisation comme défense contre le capitalisme et l'impérialisme nord-américain s'étend à d'autres secteurs comme les chemins de fer et les télégraphes[24].

Dans les premières causes sociales défendues par le poète figure un plaidoyer pour l'indépendance cubaine et pour l'abolition de l'esclavagisme, intitulé La República española ante la Revolución cubana, ce qui annonce plus tard son amitié avec la communauté afro-américaine[25]. Il plaidera également en faveur de la réhabilitation des Indiens, après avoir été marqué par leur statut au Mexique et au Guatemala[26]. Ces prises de positions révèlent l'antiracisme dont fait preuve Martí.

José Martí acquiert ses idées socialistes en partie au Mexique et en partie à New York. Il n'est ni anarchiste ni marxiste et refuse d'importer en Amérique latine un socialisme européen[27]. Il est partisan de la nécessité d'une lutte des classes et prône la solidarité, l'éducation et l'organisation de la classe ouvrière, qui doit être traitée d'égal à égal avec les autres acteurs de la société. Cependant, il ne souhaite pas que la classe exploitée devienne exploitante mais œuvre en vue d'un équilibre des forces antagoniques[28].

Hommages

Littérature

Pablo Neruda dédie un poème à José Martí dans son ouvrage Canto General, poème épique dont l'intention est de réaliser une chronique complète de l'Amérique hispanique, à presque tous les niveaux, historique, social, culturel, politique, ... "Martí (1890)" est le trente-quatrième poème du quatrième chant, intitulé Los libertadores (en français, "les libérateurs"). Neruda situe son poème en 1890, bien que le contenu du poème nous présente plutôt José Martí à sa mort. Il pourrait s'agir d'une légère "erreur" du poète[29].

Monuments

Sa modeste maison natale, Calle Paula no 314, à La Havane, est transformée en musée à sa mémoire.

Un monument lui est dédié à La Havane, sur la Plaza de la Revolución où se situe un musée sur la révolution, et José Martí, et où se déroulent parfois des réunions politiques.

Il existe une autre statue de José Martí sur le Malecon havanais, face à l'immeuble des intérêts américains ; cette statue présente le poète philosophe portant un enfant, Elian Gonzalez, dans ses bras et pointant un doigt comminatoire vers l'immeuble.

Des bustes de José Martí sont visibles dans la plupart des édifices publics de Cuba. José Martí possède un monument en son honneur, situé dans la ville de Québec, au Canada. Le 28 janvier 2009, à l'occasion du 156e anniversaire de sa naissance, un buste de José Marti a été inauguré, boulevard Louis-Blanc à Montpellier, première ville en France à posséder l'effigie du poète et homme politique cubain. Ce buste, œuvre du sculpteur cubain Alberto Lescay Merencio, est un don de l'ambassade de Cuba à la ville de Montpellier.

À Paris la place José-Marti est créée en 1955 en son honneur. Sur l'île de la Réunion, dans la ville du Port, une rue du quartier des Grands Hommes porte son nom.

À Saragosse, une plaque commémorative se situe sur la maison où il séjourna. On y trouve également une citation :

« Para Aragón, en España, tengo yo en mi corazón un lugar todo aragón, franco, fiero, fiel, sin saña. »

« Pour l'Aragon, en Espagne, j'ai dans mon cœur un endroit entièrement aragonais, franc, fier, fidèle, sans rage. »

L'entrée Sud de Central Park, à Manhattan New York, possède une statue équestre de José Marti.

Annexes

Notes et références

  1. Paul Estrade, 1987, p. 14.
  2. Viêt Nam et de Constitution de Cuba
  3. Estrade, 1987, p. 179.
  4. Perspectives p. 1
  5. Estrade, 1987, p. 248.
  6. Portail José Martí
  7. y'(yè'Perspectives p. 2
  8. Estrade, 1987, p. 249.
  9. Estrade, 1987, p. 252-255.
  10. Oviedo, 1997, p. 234
  11. a et b Pages choisies
  12. Oviedo, 1997, p. 238-239
  13. a et b Oviedo, 1997, p. 240
  14. Genèse 17. 19
  15. cité dans Oviedo, 1995, p. 240
  16. Emerson, The Transcendentalist
  17. Oviedo, 1997, p. 242-243
  18. Estrade, 1987, p. 16.
  19. Estrade, 1987, p. 101-192.
  20. Estrade, 1987, p. 105.
  21. Estrade, 1987, p. 111-113.
  22. Estrade, 1987, p. 117
  23. Estrade, 1987, p. 126-128.
  24. Estrade, 1987, p. 137.
  25. Estrade, 1987, p. 192.
  26. Estrade, 1987, p. 202.
  27. Estrade, 1987, p. 297.
  28. Estrade, 1987, p. 299-300.
  29. Pablo Neruda, Canto general, edición de Enrico Mario Santí, Madrid, Ediciones Cátedra, 1990, 2008, p. 253.

Bibliographie

  • Jean Lamore, José Marti : La liberté de Cuba et de l'Amérique latine , Ellipses Marketing, 286p., 2007
  • José Miguel Oviedo, Historia de la literatura hispanoamericana, 2. Del Romanticismo al Modernismo, Alianza Editorial, Madrid, 1997.
  • Perspectives : revue trimestrielle d’éducation comparée, vol. XXIV, n° 1-2, Paris, UNESCO: Bureau international d'éducation, 1994, p. 111-123. PDF
  • Paul Estrade, José Martí (1853-1895) ou des fondements de la démocratie en Amérique latine, Éditions caribéennes, Lille, 1987.

Article connexe

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