Lisette de Brinon

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
(Redirigé depuis Jeanne Louise Rachel Franck)
Lisette de Brinon
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 85 ans)
Montmorency (France)Voir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Jeanne Rachel Louise FranckVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activité
Conjoint

Lisette de Brinon, née Jeanne Louise Rachel Franck le dans le 7e arrondissement de Paris et morte le à Montmorency, est une personnalité mondaine française, surtout connue pour son mariage en secondes noces avec Fernand de Brinon, « ambassadeur de France à Paris » pendant la collaboration avec l’occupant nazi et laudateur du régime nazi.

Biographie[modifier | modifier le code]

Lisette Franck est née dans une famille de la grande bourgeoisie juive belge originaire d'Alsace installée dans la capitale. Elle est l’arrière petite-fille d'Arnaud Aron grand rabbin de Strasbourg, et la fille de Joseph René Franck, chef de bataillon en retraite, officier de la Légion d'honneur, et dirigeant fondateur d'une compagnie de courtage de sucre. Son frère aîné Henri, mort de la tuberculose, le à 24 ans, normalien, poète patriotique proche de Maurice Barrès, entretint une liaison avec Anna de Noailles, que Lisette admirait. Son cousin Emmanuel Berl rédigea les premiers discours du maréchal Pétain, notamment le célèbre : « Je hais les mensonges qui vous ont fait tant de mal ».

Depuis sa jeunesse, elle fréquente les milieux de la politique et de la culture. Elle se marie le avec Claude André Ullmann, attaché de banque[Note 1], né à Paris d'une famille juive de Francfort[Note 2]. De cette union sont issus deux fils : Bernard[Note 3], qui sera journaliste à l'Agence France-Presse et à L'Express, et Pierre Jérôme. Après la Première Guerre mondiale, elle mène une vie mondaine active, entourée d'artistes et de personnalités de gauche, comme Léon Blum, et de droite, comme Drieu la Rochelle, qui s'impliquera dans la collaboration avec l'occupant.

Elle rencontre au début des années 1930 le journaliste Fernand de Brinon, qui s'est fait remarquer par son interview exclusive d'Adolf Hitler. Poussée par la passion, elle divorce le [Note 4]. Convertie au catholicisme, elle obtient l’annulation de son mariage. Le , à Neuilly-sur-Seine, elle épouse Brinon, ce qui la préservera plus tard des mesures raciales du gouvernement de Vichy. Les invités du nouveau couple sont désormais les hommes politiques, les journalistes et les intellectuels les plus séduits par la doctrine nationale-socialiste. Après la défaite de 1940, Brinon devient d'ailleurs l'un des agents actifs de la collaboration avec les Allemands, occupant des postes-clés auprès du régime de Vichy et des autorités d'occupation à Paris, mais le couple tend à se désunir en raison à la fois de l'origine juive de Lisette et de la liaison persistante entre son mari et sa secrétaire, Simone Mittre.

Lisette Franck vit alors une espèce d'exil intérieur sous l'Occupation. Selon Pierre Assouline, elle aurait été déclarée « aryenne d'honneur ». Il s'agit selon lui d'une sorte de certificat qui permet de bénéficier, pour services exceptionnels, de clauses de sauvegarde incluses dans l'article 8 du statut des Juifs et qui préserve par exemple plusieurs protégées de Philippe Pétain, chef de l'État français, comme la marquise de Sauvan d'Aramon, la marquise de Chasseloup-Laubat et Mme Pierre Girot de Langlade, nées Suzanne, Marie-Louise et Lucie Stern, « toutes trois d'origine juive, toutes trois préservées in extremis de l'internement et de la déportation par de miraculeux certificats d'aryens d'honneur »[1],[Note 5]. Gabriel-Louis Pringué affirme cependant que Mme Girot de Langlade « fut massacrée dans les camps de concentration allemands[2] »[Note 6]. Si Lisette Franck est ainsi à l'abri des rafles, internements et déportations, elle est en revanche persona non grata, tant à Vichy qu'à Paris.

À la Libération, elle tente en vain de suivre Fernand de Brinon jusqu’à Sigmaringen. Elle est arrêtée, comme son mari, par les Alliés et ramenée en France. Devant la justice, elle est mise hors de cause tandis que Fernand, condamné à mort pour trahison, est fusillé au fort de Montrouge, le .

Lisette entretient ensuite une relation amicale intense avec un autre ancien collaborationniste, Jacques Benoist-Méchin, comme le relève son fils Bernard Ullmann dans la biographie qu'il lui a consacrée :

« Elle recherchait de préférence la compagnie des gens plus jeunes qu'elle — les hommes surtout, homosexuels souvent, mais pas exclusivement... Jusqu'au bout, Lisette est restée une femme de passion. Étrange continuité dans ses choix, le dernier homme pour lequel elle nourrit une véritable amitié amoureuse fut un miraculé de la Haute Cour de Justice qui avait envoyé son mari au poteau... Célibataire endurci, peu porté sur les femmes, assez imbu d'une ascendance nobiliaire remontant au Premier Empire, Benoist-Méchin trouve en Lisette une hôtesse chaleureuse, une oreille toujours attentive, exagérément parfois à ses yeux, de ses humeurs, de son bien-être et de son état de santé. »

Bernard Ullmann évoque aussi son amitié avec l’écrivain Roger Peyrefitte :

« Elle avait croisé l’auteur des Amitiés particulières dans les années 1950 […] Dans la propriété de Louis de Robien, ancien directeur du personnel du Quai d’Orsay, Roger Peyrefitte donna lecture à Lisette de quelques pages de sa Fin des ambassades alors en préparation. »

Lisette de Brinon est morte dans une maison de retraite de la région parisienne.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Mention figurant à l'acte de mariage no 26 dressé le 19 janvier 1916 par Constant Lavy, adjoint au maire du 6e arrondissement de Paris.
  2. Son beau-père, Émile Samuel Ullmann, est banquier et demeure 99 rue de Courcelles à Paris.
  3. Né le dans le 6e arrondissement de Paris.
  4. Le divorce est prononcé le 22 janvier 1933 par le Tribunal civil de la Seine et transcrit sur les registres de l'état civil le 14 mars 1934 (mention figurant en marge de l'acte de mariage).
  5. À noter qu'il n'a jamais existé de tel certificat d'« Aryen d'honneur », qui était une simple expression employée en Allemagne pour désigner des personnes bénéficiant d'un régime dérogatoire au statut des Juifs.
  6. Lucie Stern mourut en effet à Auschwitz le .

Références[modifier | modifier le code]

  1. Le Dernier des Camondo, 1997, p. 269-270.
  2. 30 ans de dîners en ville, éd. Revue Adam, 1948, p. 206.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]