Jean d'Arras

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Jean d'Arras
Mélusine en son bain, épiée par son époux Raimondin. Roman de Mélusine par Jean d'Arras.
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XIVe siècleVoir et modifier les données sur Wikidata
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Jean d’Arras (actif à la fin du XIVe siècle) est un écrivain français de la fin du XIVe siècle né à Cambrai[1] et mort à Mons, auteur de la première version écrite, un roman en prose, de la légende de la fée Mélusine, fondatrice de la famille des Lusignan.

Cet auteur reste mal connu : il est de l’entourage du duc de Berry et pourrait avoir été un libraire-relieur travaillant à son service. Il enseigna la philosophie à Douai et la théologie à Saint-Omer[réf. nécessaire].

Le Roman de Mélusine[modifier | modifier le code]

Jean d’Arras compose son roman en 1392-1394, à la demande du duc Jean de Berry et de sa sœur Marie de France, duchesse de Bar.

Mélusine ou la noble histoire des Lusignan est à la fois :

  • un récit merveilleux, basé sur un thème folklorique (les amours de la fée serpente et d'un mortel, qui finit par transgresser le tabou qu'elle lui avait imposé). Jean d'Arras par cette mise en écrit fait émerger d'un fonds populaire et oral, aux origines difficiles à repérer, une histoire qui va marquer profondément la littérature, médiévale et moderne, savante et populaire [2];
  • un roman chevaleresque écrit pour l’éducation des princes où de beaux exemples de conduite chevaleresque tiennent une grande place ;
  • le roman généalogique de la famille des Lusignan, dotée d'ancêtres mythiques et fabuleux, mêlés étroitement à des personnages prestigieux ayant existé et qui se sont illustrés dans la croisade en Terre sainte [3].

Les amours de Raimondin et de Mélusine occupent une place fondamentale, mais relativement réduite dans ce roman, dont l'essentiel est consacré aux aventures et aux conquêtes des enfants du couple : le récit de la conquête de Chypre par deux d'entre eux tend à affirmer la légitimité des Lusignan historiques comme rois bien réels de cette île. Cet aspect s’inscrit aussi dans l’histoire politique de la fin du XIVe siècle. Alors que la branche aînée des Lusignan est éteinte en France depuis 1308, Jean de Berry, commanditaire de l'œuvre, reprend à son profit la légende pour se poser en seigneur légitime du Poitou : il est comte de Poitou depuis 1356, mais la bataille de Poitiers et le traité de Brétigny en 1360 (en attribuant l’Aquitaine, donc le Poitou à l’Angleterre) l’ont privé de son apanage. Ce n’est qu’à partir de 1372, alors que son frère Charles V a prononcé la confiscation de l’Aquitaine en 1368, qu’avec Du Guesclin, il peut entreprendre la conquête du Poitou contre le Prince Noir : longue et difficile campagne, où Lusignan est conquis en 1374. En 1392, lors des conférences d’Amiens, le Poitou est toujours revendiqué par l’Angleterre. La composition du roman à cette date est l’une des façons d’affirmer la légitimité de Jean de Berry sur le comté, en se revendiquant héritier des Lusignan.

Éditions anciennes[modifier | modifier le code]

Page-titre d'une édition parisienne de Nicolas Bonfons de la fin du XVIe siècle du Roman de Geoffroy à la Grand Dent, issu du remaniement de l'oeuvre de Jean d'Arras par Michel ou Philippe Le Noir.

Le roman de Jean d’Arras est imprimé en à Genève par Adam Steinschaber[4] : c’est le premier livre illustré imprimé en français, avec le Miroir de rédemption de l’humain lignage[5]. Il connaît un grand succès dès sa parution et est constamment réédité : cinq éditions incunables, proches pour le texte comme pour la mise en page de l’édition genevoise, mais moins luxueuses ; une édition à Paris en 1503. En 1517, le roman est scindé en deux : alors que Jean d'Arras entrelace les aventures de Raimondin et de Mélusine avec celles de leurs fils, de Geoffroy à la Grand Dent en particulier, l'imprimeur parisien Michel Le Noir en titre deux nouveaux romans : Mélusine et Geoffroy à la grand dent. L'œuvre de Jean d'Arras sera publiée désormais sous cette forme : deux récits distincts dont le lien de parenté, progressivement, aura tendance à s'effacer. On a répertorié quinze éditions de Mélusine de 1517 à 1600 et neuf de Geoffroy à la grand dent. À partir du XVIIe siècle, ces romans passent dans le répertoire « populaire » de la Bibliothèque bleue, et leur succès ne s’y dément pas jusqu’à la fin du XIXe siècle[6].

Éditions modernes[modifier | modifier le code]

  • Mélusine, roman du XIVe siècle publié pour la première fois d'après le manuscrit de la Bibliothèque de l'Arsenal avec les variantes de la Bibliothèque nationale, éd. Louis Stouff, Dijon, Bernigaud et Privat, 1932
  • Jean d'Arras, Mélusine ou la noble histoire de Lusignan, roman du XIVe siècle. Nouvelle édition critique d'après le manuscrit de la bibliothèque de l'Arsenal avec les variantes de tous les manuscrits, traduction, présentation et notes par Jean-Jacques Vincensini, Paris, Librairie générale française, 2003 (Le Livre de poche, coll. « Lettres gothiques », 4566)

Traductions en français[modifier | modifier le code]

  • Jean d'Arras, Le roman de Mélusine ou l'histoire de Lusignan, préface de Jacques Le Goff, traduction et postface de Michèle Perret, Paris, Stock, 1979.
  • Jean d'Arras, Mélusine ou la noble histoire de Lusignan, roman du XIVe siècle, nouvelle édition critique d'après le manuscrit de la bibliothèque de l'Arsenal avec les variantes de tous les manuscrits, traduction, présentation et notes par Jean-Jacques Vincensini, Paris, Le Livre de poche, coll. « Lettres gothiques », 2003.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Robert Bossuat et Christine Ruby, « Jean d'Arras », dans Robert Bossuat, Louis Pichard et Guy Raynaud de Lage (dir.), Dictionnaire des lettres françaises, t. 1 : Moyen Âge, éd. entièrement revue et mise à jour sous la dir. de Geneviève Hasenohr et Michel Zink, Paris, Fayard, 1992, p. 744-745.
  • Laurence Harf-Lancner, Les fées au Moyen Âge. Morgane et Mélusine. La naissance des fées, Paris, Champion, 1984 (Nouvelle bibliothèque du Moyen Âge, 8).
  • Laurence Harf-Lancner, « L'Histoire de Mélusine et l'Histoire de Geoffroi à la grand dent: les éditions du roman de Jean d'Arras au XVIe siècle », dans Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance, 50, 1988, p. 349-366.
  • Louis Stouff, Essai sur Mélusine, roman du XIVe siècle, par Jean d'Arras, Paris, Picard, 1930.

Notes[modifier | modifier le code]

  1. (de) Deutsche Biographie, « Jean d'Arras - Deutsche Biographie », sur www.deutsche-biographie.de (consulté le )
  2. Michèle Perret "L'invraisemblable vérité", Europe, Septembre 1983, 24-35. (Sur la fonction testimoniale dans le roman de Mélusine et dans le Paradis de la reine Sibylle
  3. "Writting History/Writting Fiction", in Melusine of Lusignan : Founding Fiction in Late Medieval French, D. Maddox & S. Sturm-Maddox éds., U.P. Georgia, Athens Georgia, 1996 ; pp. 201-225 partiellement repris en français dans "Histoire, nomination, référence", LINX (32), 1995-1 ; pp.173-192
  4. Voir la reproduction en fac-similé : L'histoire de la belle Mélusine de Jean d'Arras, éd. Wilhelm Joseph Meyer, Paris, Champion, 1924 ; gravures reproduites dans Gallica.
  5. Imprimé le 26 août 1478 à Lyon par Martin Husz.
  6. Hélène Bouquin, Éditions et adaptations de l'Histoire de Mélusine de Jean d'Arras (XVe – XIXe siècle). Les aventures d'un roman médiéval, thèse de l’École des Chartes, 2000.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]