Jacques d'Allonville de Louville

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Jacques-Eugène d'Allonville de Louville
Naissance
Louville-la-Chenard
Décès (à 61 ans)
Saint-Jean-de-Braye
Origine France
Allégeance Armée royale française
Armées du roi d'Espagne
Arme Marine
Infanterie
Grade Brigadier (Espagne)
Colonel
Années de service 1688 – 1713
Commandement Dragons de la reine
Faits d'armes Bataille de la Hougue
Bataille d'Audenarde
Hommages Membre de l'Académie des Sciences
Membre de la Société royale de Londres
Autres fonctions Astronome français
Mathématicien français
Famille Famille d'Allonville, branche de Louville

Emblème

Jacques-Eugène d'Allonville de Louville[1], né le au château de Louville en Beauce, aujourd'hui département d'Eure-et-Loir, et mort le (à 61 ans) à Saint-Jean-de-Braye, est un astronome et mathématicien français. On l'appelle habituellement le chevalier de Louville[2],[3].

Biographie[modifier | modifier le code]

Jacques est aussi le prénom de son père (1628–1707), seigneur de Louville. Sa mère (1646–1704) est née Vaultier de Moyencourt[4],[5].

Son frère aîné s'appelle Charles Auguste ; il est connu pour son rôle auprès de Philippe V, roi d'Espagne[6].

Jeunesse[modifier | modifier le code]

Étant le cadet, Jacques-Eugène d'Allonville est destiné à l'Église (les autres choix pour les puînés sont la carrière militaire, ou une autre voie qui ne porterait pas ombrage à l'aîné).

On connaît de sa jeunesse deux événements remarquables.

  • « Quand il fut question de se tonsurer à sept ans, il attendit le jour de la cérémonie pour déclarer en quatre paroles, avec une fermeté froide, inébranlable et fort au-dessus de son âge, qu'il ne voulait point être ecclésiastique[7],[8]. »
  • Il a douze ans quand lui tombent entre les mains les Éléments d'Euclide dans la traduction de Denis Henrion[9]. Il les lit sans guide[10] et cette lecture est marquante pour lui.

Carrière militaire[modifier | modifier le code]

Le chevalier de Louville devient d'abord cadet dans la Marine royale ; il est en 1692 à la bataille de la Hougue[11].

Il passe à l'armée de terre et est capitaine à la fin de 1700. Son frère aîné, Charles Auguste, qui a suivi Philippe V en Espagne, l'y fait venir ; il est nommé brigadier et ses services sont reconnus par une pension[12],[11].

De retour en France, il reprend le service. Le , il reçoit du roi une commission de colonel de dragons[13]. Il est fait prisonnier en 1708 à la bataille d'Audenarde, et est libéré au bout de deux ans.

Devenu colonel des Dragons de la reine, pensionné par le roi, le chevalier de Louville voit dans la paix qui s'instaure une occasion de renouer avec l'astronomie.

Coupant les ponts avec l'armée et contre l'avis de ses proches, il remet son brevet d'officier et renonce à ses appointements[12].

Carrière scientifique[modifier | modifier le code]

Désormais son seul maître, Louville se consacre aux mathématiques, et principalement à l'astronomie.

Il va à Marseille en 1713 ou 1714, pour y prendre la hauteur du pôle, nécessaire pour lier exactement ses propres observations à celles — vieilles de 2 000 ans — de Pythéas, astronome et explorateur grec[11].

À Londres en 1715, où il est allé exprès pour observer l’éclipse totale de soleil, il assiste avec Edmond Halley à un phénomène remarquable : ils voient sur la surface entièrement obscure de la Lune des jets d'une lumière instantanée et passagère, qui ressemblent à des fulminations[14],[15],[16].

En 1717, il s'établit à Carré, à un quart de lieue d'Orléans[17]. Comme il est membre de l'Académie des sciences depuis 1714, et que l'Académie a une obligation de résidence, la situation n'est pas tout à fait régulière ; mais Louville promet une communication par année, tiendra sa promesse, et observera le ciel à partir d'Orléans.

Personnalité[modifier | modifier le code]

Fontenelle, qui ne manque pas de faire le lien avec l'enfant refusant la tonsure, nous montre un homme indépendant d'esprit, ni misanthrope ni austère, mais avare de son temps : si on arrivait en avance pour dîner, on ne le dérangeait pas, on lisait un livre de sa bibliothèque, ou on faisait une promenade[18] :

« Il avait l'air d'un parfait stoïcien renfermé en lui-même, et ne tenant à rien d'extérieur ; bon ami cependant, officieux, généreux, mais sans ces aimables dehors qui souvent suppléent à l'essentiel, ou du moins le font extrêmement valoir. Il était fort taciturne, même quand il était question de mathématiques ; et s'il en parlait, ce n'était pas pour faire parade de son savoir, mais pour le communiquer à ceux qui l'en priaient sincèrement. Le savant qui ne parle que pour instruire les autres, et qu'autant qu'ils veulent être instruits, fait une grâce ; au lieu que lorsqu'il ne parle que pour étaler, on lui fait une grâce si on l'écoute. »

— Fontenelle[19]

Contributions[modifier | modifier le code]

Non-constance de l'obliquité de l'écliptique[modifier | modifier le code]

Louville conclut des mesures prises lors de son séjour à Marseille, de celles que Pythéas a faites dans la même ville au IVe siècle av. J.-C. et de celles d'autres astronomes au fil des siècles que l'inclinaison de l'axe de la Terre n'est pas constante dans le temps, et qu'en fait elle diminue[20],[21]. Voltaire se fait le témoin, après d'autres[22], de l'élargissement des échelles de temps donné par les travaux de Louville :

« Cet astronome en 1714 alla exprès à Marseille pour observer si l'obliquité de l'écliptique était encore telle qu'elle y avait été fixée par Pythéas environ 2 000 ans auparavant ; il la trouva moindre de vingt minutes, c'est-à-dire qu'en 2 000 ans, l'écliptique, selon lui, s'était approchée de l'équateur d'un tiers de degré […] Cela supposé, il est évident que la terre, outre les mouvements qu'on lui connaît, en aurait encore un qui la ferait tourner sur elle-même d'un pôle à l'autre. Il se trouverait que dans 23 000 ans le soleil serait pour la terre très longtemps dans l'équateur, et que dans une période d'environ 2 millions d'années tous les climats du monde auraient été tour à tour sous la zone torride et sous la zone glaciade [sic]. »

— Voltaire[23]

La thèse de Louville, expliquée mathématiquement par Euler et aujourd'hui admise, a un écho considérable[24], mais elle ne va pas à son époque sans contestation. La Hire[25] et Riccioli sont réticents. Aux observations grecques anciennes, à celles du monde arabo-musulman et aux observations occidentales on cherche à ajouter des observations de la Chine ancienne[26].

La question des forces vives[modifier | modifier le code]

Œuvres (sélection)[modifier | modifier le code]

Publications[modifier | modifier le code]

Listes de publications[modifier | modifier le code]

  • Liste de publications, dans Table générale des matières : contenues dans Le journal des savants de l'édition de Paris, t. 6 (IL-MA), 1756, p. 456
  • « Mémoires imprimés — 1711–1720 », dans Table alphabétique des matières contenues dans l'Histoire et les Mémoires de l'Académie royale des sciences, t. 3, p. 199

Manuscrits[modifier | modifier le code]

Instruments[modifier | modifier le code]

  • Les astronomes valaient souvent alors ce que valaient leurs instruments ; Fontenelle écrit de Louville : « Il faisait de ses propres mains dans ses instruments astronomiques tout ce qu'il y avait de plus fin et de plus difficile, tout ce que les plus habiles ouvriers n'osent faire dans la dernière perfection[18] ». Plusieurs des avancées de Louville s'expliquent par la précision de ses instruments[29]. Il est d'ailleurs bien conscient que c'est sur ce terrain que se joue la question de la valeur des observations ; concluant la communication de son invention où le micromètre d'Adrien Auzout et de Jean Picard est appliqué à la lunette, il dit qu'il a fait cette communication entre autres : « pour faire voir quelle précision on doit attendre de [s]es observations[30] » :
  • Louville met dans son jardin à Carré une lunette fixée à un mât : « Je me suis servi, quand je l'ai pu, d'une lunette de 23 pieds de foyer, dont le tuyau est de la longueur du foyer de l'objectif, mais quand le vent m'a empêché de me servir de cette lunette, j'ai employé une lunette de 7 pieds, armée d'un micromètre, que je posais sur la traverse d'une fenêtre de ma chambre, ayant attention que le fil vertical fût exactement dans le plan du méridien[32]. »
  • La table qu'il a construite de l'inclinaison de l'axe de la Terre suivant les siècles suppose de la confiance dans l'exactitude des mesures des prédécesseurs[27] qu'il cite.

Distinctions et éponymie[modifier | modifier le code]

  • Membre de l'Académie des sciences, 1714[33].
  • Fellow de la Royal Society, 1715 (sur proposition de Newton)[33].
  • À sa mort, Fontenelle a écrit son éloge.
  • Voltaire le voit comme « distingué parmi la foule de ceux qui ont fait honneur au siècle de Louis XIV[34] ».
  • Louville, cratère lunaire, porte son nom[35].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Le prénom usuel serait « Jacques ». Mais son article des Acta Eruditorum de 1719 est signé « Eugène ».
  2. Fontenelle, « Eloge du Chevalier de Louville », sur academie-sciences.fr, .
  3. a et b Dans cet article le sigle HARS1719, par exemple, se lit ainsi : Histoire de l'Académie royale des sciences — Année MDCCXIX — Avec les mémoires de mathématique et de physique tirés des registres de cette Académie. Il faut noter que la section consacrée aux mémoires a une pagination distincte.
  4. Son prénom serait Marie-Charlotte : http://gw.geneanet.org/wailly?lang=en&p=marie+charlotte&n=de+vaultier+de+moyencourt
  5. Son prénom serait Catherine : Charles-Auguste d'Allonville de Louville, Mémoires secrets sur l'établissement de la maison de Bourbon en Espagne, Maradan, 1818, p. 1. D'après Fontenelle, p. 324, son prénom est aussi Catherine.
  6. François-Alexandre Aubert de La Chenaye-Desbois, Dictionnaire de la noblesse, 1775, p. 183.
  7. Fontenelle, p. 324.
  8. L'auteur de la notice sur Louville dans les Mémoires de la Société archéologique et historique de l'Orléanais cite néanmoins un « acte de 1685 » où il est désigné comme « clerc tonsuré ».
  9. On trouve par exemple en ligne chez Google Livres, l'édition de 1632.
  10. Fontenelle, p. 324. Fontenelle ajoute qu'il n'a sur ce point que le témoignage de Louville lui-même, mais — cela semble aller de soi pour ceux qui l'ont connu — qu'il l'a cru.
  11. a b et c Hoefer.
  12. a et b Fontenelle, p. 325.
  13. Journal du marquis de Dangeau, sur books.google.fr, Paris, Firmin Didot, 1857, t. XI, p. 52.
  14. Voir la relation faite par Halley des observations : « Observations of the late total eclipse of the Sun… », dans Phil. Trans., 1714–16 DOI 10.1098/rstl.1714.0025. Halley parle de « coruscations » (sic), p. 249. Louville est mentionné p. 251. Il faut dire qu'on croyait alors que la Lune avait une atmosphère.
  15. « Observation faite à Londres de l'éclipse totale du Soleil du 3 mai 1715 nouveau style », dans HARS1715.
  16. Jean Sylvain Bailly, Histoire de l'astronomie moderne depuis la fondation de l'école d'Alexandrie…, p. 526.
  17. Aujourd'hui « Clos du petit Carré », 134 avenue Charles Péguy à Saint-Jean-de-Braye.
  18. a et b Fontenelle, p. 328.
  19. Fontenelle, p. 331.
  20. « Écliptique », dans Le grand vocabulaire français, t. 8, Paris, 1769, p. 536.
  21. Les témoignages qu'on a montrent une acceptation assez rapide de la théorie de Louville. Pour une critique — du début du XIXe siècle, voir Jean-Étienne Montucla et Joseph Jérôme Lefrançois de Lalande, Histoire des mathématiques, 1802, p. 226.
  22. Voir par exemple : Antoine-Augustin Bruzen de La Martinière, « Écliptique », dans Le grand dictionnaire géographique et critique, t. 3, 1726, p. 197.
  23. Voltaire, Œuvres complètes, vol. 53, Ode et Wodon, 1827, p. 209.
  24. Voir par exemple les communications et articles consacrés à ce sujet à l'Académie des sciences.
  25. « Remarques sur l'obliquité de l'écliptique », dans HARS1716, p. 295.
  26. « Diverses observations astronomiques — II. Anciennes observations de la Chine sur l'obliquité de l'écliptique », dans HARS1743, 1749, p. 206.
  27. a et b Pythéas, Ératosthène, Almamon, Albategnius, Arzachel, Thebit ben Corae, Alméon, Prophatius, Regiomontanus, Copernic, le prince de Hesse, Tycho Brahe, Byrgius, Hevelius, Flamsteed, Richer, Bianchini.
  28. Mémoires de la Société archéologique et historique de l'Orléanais, 1883, p. 279.
  29. Voir par exemple la description de l'instrument construit pour mesurer le diamètre du Soleil.
  30. « Application du micromètre à la lunette du quart de cercle astronomique… », p. 77 », dans HARS1714.
  31. « Louville est connu principalement pour avoir le premier appliqué aux quarts de cercle le micromètre inventé par Auzout et Picard. » (Delambre).
  32. « Observation du diamètre du Soleil en apogée, faite en 1724 », dans HARS1724, 1726, p. 326
  33. a et b Liste des fellows, chaîne de recherche : « Allonville, Jacques Eugene d' » ; Notice biographique, royalsociety.org.
  34. Œuvres complètes, Physique, t. 2, vol. 38, 1830, p. 246.
  35. (en) « Gazetteer of Planetary Nomenclature Feature Information - Moon (crater) », sur USGS.

Annexes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]