Initiative populaire « pour la mère et l'enfant - pour la protection de l'enfant à naître et pour l'aide à sa mère dans la détresse »

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Initiative populaire fédérale
Pour la mère et l'enfant - pour la protection de l'enfant à naître et pour l'aide à sa mère dans la détresse

Déposée le
Déposée par comité d'initiative Aide suisse pour la mère et l'enfant

Contre-projet non
Votée le
Participation 41,69 %
Résultat : rejetée[NB 1]
Par le peuple non (par 81,8 %)
Par les cantons non (par 20 6/2)[NB 2]

L'initiative populaire « pour la mère et l'enfant - pour la protection de l'enfant à naître et pour l'aide à sa mère dans la détresse » est une initiative populaire suisse, rejetée par le peuple et les cantons le .

Contenu[modifier | modifier le code]

L'initiative demande d'ajouter un article 4bis à la Constitution fédérale spécifiant que l'avortement est interdit « à moins que la continuation de la grossesse ne mette la vie de la mère en danger ». L'initiative prévoit également une suppression de toutes les dispositions du Code pénal suisse qui prévoient l'interruption non punissable de la grossesse.

Le texte complet de l'initiative peut être consulté sur le site de la Chancellerie fédérale[1].

Déroulement[modifier | modifier le code]

Contexte historique[modifier | modifier le code]

En Suisse, l'avortement est interdit et considéré alors comme un délit selon les articles 118 à 121 du code pénal. Ces articles avant d'entrer en vigueur au , ont fait l'objet de nombreuses divergences et sont le fruit d'âpres négociations ; en particulier, l'unique exception « en vue d'écarter un danger impossible à détourner autrement et menaçant la vie de la mère ou menaçant sérieusement sa santé d'une atteinte grave et permanente » est critiquée à la fois comme étant insuffisante et comme étant trop permissive.

Le une initiative « concernant la décriminalisation de l'avortement » est déposée à la Chancellerie fédérale pour demander une dépénalisation totale pour l'interruption de grossesse. De nombreuses réactions politiques vont alors se produire dans le pays, dont une initiative du canton de Neuchâtel demandant d'abroger les articles du Code pénal sur l'avortement et, à l'inverse, une pétition « Oui à la vie - Non à l'avortement » adressée au gouvernement fédéral avec 180 000 signatures et demandant le maintien et le renforcement de l'interdiction de l'avortement[2].

En parallèle, le Conseil fédéral confie dès à une commission d'experts la tâche d'examiner cette question ; incapable de trancher, cette commission rend, en 1974 un rapport présentant plusieurs solutions possibles sans en recommander une en particulier. Le gouvernement présente alors au parlement, comme contre-projet indirect à l'initiative, une proposition de loi adoucissant les peines liées à l'avortement et prévoyant certains cas (médicaux, sociaux, éthiques ou eugéniques) dans lesquels une interruption de grossesse est tolérée.

Les deux chambres du parlement vont, dans les deux années suivantes, s'opposer sur la manière de régler spécifiquement l'interruption non punissable de la grossesse. Alors que le projet de loi fait plusieurs va-et-vient entre le Conseil national et le Conseil des États, une nouvelle initiative est lancée pour autoriser l'avortement pendant les 12 premières semaines de grossesse ; cette nouvelle initiative, une fois validée par la Chancellerie, va pousser les initiants de la première à retirer leur texte en faveur de cette proposition[3]. Malgré ce soutien, l'initiative pour le délai est refusée en votation populaire le [4]. Une nouvelle initiative appelée « Droit à la vie » connaît le même sort le [5].

À la suite de ce refus, les travaux fédéraux concernant la loi sur la protection de la grossesse se poursuivent au parlement. C'est finalement le que cette loi est finalisée ; si elle continue à considérer l'avortement comme un délit, elle prévoit également plusieurs exceptions dans le domaine médical, social, juridique (si la grossesse est le fruit d'un acte contraint) ou en cas de lésions de l'enfant[6]. Soumise au référendum, cette loi est rejetée en votation publique le [7].

Alors que de fait, entre 1980 et 1998, seules 5 condamnations pénales sont prononcées dans le pays pour l’interruption de grossesse non autorisée[8], la commission des affaires juridiques du Conseil national publie un premier rapport en vue d'une modification de la loi en faveur d'un délai de 12 semaines où l'avortement serait autorisé. Cette initiative est lancée en réaction à ce rapport.

Récolte des signatures et dépôt de l'initiative[modifier | modifier le code]

La récolte des 100 000 signatures nécessaires débute le . Le de l'année suivante, l'initiative est déposée à la Chancellerie fédérale, qui constate son aboutissement le [9].

Discussions et recommandations des autorités[modifier | modifier le code]

Le Conseil fédéral[10] et le Parlement [11] recommandent tous deux le rejet de l'initiative. Dans son message adressé à l'Assemblée fédérale, le gouvernement relève le principe, exposé par l'initiative, selon lequel les cantons doivent fournir une aide à la mère dans la détresse, tout en rappelant que cette tâche leur incombe déjà en vertu de la loi fédérale sur les centres de consultation en matière de grossesse. Outre ce point, le gouvernement rejette cette proposition qui « constituerait cependant un pas en arrière par rapport au droit en vigueur », en ignorant les changements sociaux et économiques survenus entre 1970 et 2000, en particulier sur la position de la femme dans la société. Il s'oppose également à l'obligation, imposée par l'initiative, faite à une femme victime d'un viol de mener sa grossesse à terme.

Les recommandations de vote des partis politiques sont les suivantes[12] :

Parti politique Recommandation
Parti chrétien-conservateur oui
Parti chrétien-social non
Parti démocrate-chrétien non[NB 3]
Parti libéral non
Parti de la liberté oui
Parti radical-démocratique non
Parti socialiste non
Parti suisse du travail non
Union démocratique du centre non[NB 4]
Union démocratique fédérale oui
Les Verts non

Votation[modifier | modifier le code]

Soumise à votation le , l'initiative est refusée par la totalité des 20 6/2 cantons et par 81,8 % des suffrages exprimés[13]. Le tableau ci-dessous détaille les résultats par canton[14] :

Effets[modifier | modifier le code]

La modification du code pénal dépénalisant l'interruption de grossesse pendant les 12 premières semaines en cas de détresse de la femme enceinte est adoptée le même jour de votation par 72,2 % des votants[15].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Selon l'article 139 de la Constitution, une initiative proposée sous la forme d'un projet rédigé doit être acceptée à la fois par la majorité du peuple et par la majorité des cantons. Dans le cas d'une initiative rédigée en termes généraux, seul le vote du peuple est nécessaire.
  2. Le premier chiffre indique le nombre de cantons, le second le nombre de cantons comptant pour moitié. Par exemple, 20 6/2 se lit « 20 cantons et 6 cantons comptant pour moitié ».
  3. Les sections cantonales de Bâle-Campagne, de Bâle-Ville, de Genève, de Vaud et de Zoug du PDC se sont prononcées en faveur de l'initiative, alors que celle du Jura a laissé la liberté de vote.
  4. Les sections cantonales d'Appenzell Rhodes-Intérieures, d'Argovie, de Berne, de Bâle-Ville, de Genève, de Glaris, des Grisons, de Neuchâtel, de Lucerne, de Schaffhouse, de Thurgovie, du Valais et de Zoug de l'UDC se sont prononcées en faveur de l'initiative.

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Texte de l'initiative populaire fédérale », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  2. « Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale relatif à une loi fédérale sur la protection de la grossesse, ainsi qu'au nouveau régime de répression de l'interruption de la grossesse »  (7 octobre 1974) de la Feuille fédérale référence FF 1974 II 706
  3. « Publications des départements et d'autres administrations de la Confédération »  (16 mai 1977) de la Feuille fédérale référence FF 1976 I 847
  4. « Votation no 274 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  5. « Votation no 330 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  6. « Loi fédérale sur la protection de la grossesse et le caractère punissable de son interruption »  (13 octobre 1977) de la Feuille fédérale référence FF 1977 III 92
  7. « Votation no 285 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  8. Selon la statistique des jugements prononcés en vertu des art. 118 ss CP établie par l'[[Office fédéral de la statistique]], citée dans le Message du Conseil fédéral
  9. « Initiative populaire fédérale 'pour la mère et l'enfant - pour la protection de l'enfant à naître et pour l'aide à sa mère dans la détresse' » (consulté le )
  10. Message du Conseil fédéral (15 novembre 2000) de la Feuille fédérale référence FF 2001 633
  11. Arrêté fédéral (14 décembre 2001) de la Feuille fédérale référence FF 2001 6134
  12. Consignes de vote des partis actuellement représentés au parlement et des organisations
  13. « Votation no 488 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  14. « Votation no 488 - Résultats dans les cantons », sur Chancellerie fédérale (consulté le )
  15. « Votation no 487 Tableau récapitulatif », sur Chancellerie fédérale (consulté le )