Images pour orchestre

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Images pour orchestre
L 118 (122)
Image illustrative de l’article Images pour orchestre
Esquisses orchestrales pour les parties 1 et 3 d'Ibéria, manuscrit autographe de Debussy.

Genre Symphonie
Nb. de mouvements 3
Musique Claude Debussy
Effectif Orchestre symphonique
Durée approximative 30 à 35 minutes
Dates de composition 1905
à 1912
Dédicataire Emma Debussy
Création
Paris
Interprètes Concerts Colonne

Images pour orchestre est une œuvre pour orchestre en trois parties de Claude Debussy. Debussy compose cette partition entre 1905 et 1912. Il avait d'abord pensé écrire cet ensemble d'images pour deux pianos, comme une suite aux Images pour piano, ainsi que le montre une lettre à son éditeur Durand datée de . Cependant, vers , dans une autre lettre à Durand, Debussy a commencé à penser à arranger l'œuvre pour un orchestre plutôt que pour deux pianos[1].

Présentation[modifier | modifier le code]

Les Images pour orchestre sont composées entre 1905 et 1912. L'œuvre est dédiée à Emma Debussy, la seconde femme du compositeur[2].

Comme triptyque orchestral dans son intégralité, la partition est créée, sous la direction de Debussy, le à Paris, aux Concerts Colonne[2]. Le mouvement Ibéria avait cependant déjà connu une première exécution publique le , aux Concerts Colonne, sous la direction de Gabriel Pierné[3], et Rondes de printemps avait été donné le aux Concerts Durand, salle Gaveau, sous la direction du compositeur[4].

Mouvements[modifier | modifier le code]

I. Gigues (1909–1912)[modifier | modifier le code]

Le premier titre des Gigues était Gigues tristes. Debussy se servit de ses souvenirs d'Angleterre pour inspiration principale de cette musique, en plus de la chanson « Dansons la gigue » de Charles Bordes[5], il s'inspira en particulier de l'air populaire écossais « The Keel Row »[6].

Une polémique est née à propos du rôle d'André Caplet dans l'orchestration de Gigues. Robert Orledge et Williametta Spencer admettent que Caplet a assisté Debussy dans le travail d'orchestration[5],[7]. En revanche, François Lesure a établi, en se fondant sur l'examen des manuscrits de la Bibliothèque nationale (MS 1010), que Caplet ne l'avait pas assisté pour l'orchestration[8].

II. Ibéria (1905–1908)[modifier | modifier le code]

Ibéria est la plus populaire des trois Images et forme en elle-même un triptyque dans un triptyque. Les trois parties d’Ibéria sont :

  1. Par les rues et par les chemins
  2. Les parfums de la nuit
  3. Le matin d'un jour de fête

La musique s'inspire d'impressions d'Espagne. Richard Langham Smith a commenté le vœu de Debussy de restituer des éléments visuels dans des termes musicaux[9], et cite quelques phrases de Debussy à Caplet tirées d'une lettre du . Il s'y émerveille de la transition réussie entre « Parfums de la nuit » et « Le Matin d'un jour de fête » : « Ça n'a pas l'air d'être écrit »[10].

Matthew Brown a brièvement commenté l'emploi par Debussy de techniques telles que les progressions incomplètes, les épisodes parenthétiques et les interpolations dans Ibéria[11].

III. Rondes de printemps (1905–1909)[modifier | modifier le code]

Debussy a repris deux chansons enfantines, « Nous n'irons plus au bois » et « Dodo, l'enfant do », dans ce mouvement[11]. Brown, Dempster et Headlam ont étudié la structure tonale de ce mouvement[12].

Discographie[modifier | modifier le code]

Présentés dans l'ordre chronologique des dates d'enregistrement, toutes les références citées comportent les trois mouvements : Gigues, Ibéria et Rondes de printemps.

Discographie des Images pour orchestre
chef orchestre date label note
Ernest Ansermet Orchestre de la Suisse romande 1949 Decca
Pierre Monteux Orchestre symphonique de San Francisco 3 avril 1951 RCA
Désiré-Émile Inghelbrecht Orchestre national de la Radiodiffusion française Ibéria : 18 janvier 1954 ; Gigues, Rondes de printemps : 8-23 mars 1957 Ducretet-Thomson et La Voix de son maître
Eduard van Beinum Orchestre royal du Concertgebouw 24-25 mai 1954 Philips
Pierre Monteux Orchestre symphonique de la BBC concert, 11 mai 1956 ICA Classics
Manuel Rosenthal Orchestre du Théâtre National de l'Opéra 1959 Véga 30MT10183/Adès 203892/5 CD Accord 476 1076 (OCLC 659151750 et 659071000)
Ataúlfo Argenta Orchestre de la Suisse romande 5 mai 1957 Decca
Charles Munch Orchestre symphonique de Boston 16 décembre 1957 RCA

« […] Écoutez la trompette vers le début de Gigues, avant que la musique plus rapide n'éclate. C'est vraiment un grand orchestre dirigé par un chef qui a su en tirer le meilleur parti […]. Je vois que la recette de Munch aurait pu dériver avec des orchestres moins importants […], et ce serait un modèle dangereux à imiter , mais cela ne fait qu'ajouter au caractère unique de ce que nous avons ici ; une combinaison particulière d'orchestre et de chef d'orchestre avec un son et un style bien à eux. Bien que du point de vue d'un critique, il s'agisse d'un « enregistrement historique », je dois ajouter que le son est toujours remarquablement vif et constitue donc également une superbe introduction pour [une découverte des] principaux chefs-d'œuvre orchestraux de Debussy[13]. »

Leonard Bernstein Orchestre philharmonique de New York 27 octobre 1958 Sony SMK47545
Ernest Ansermet Orchestre de la Suisse romande février 1961 Decca (OCLC 658527888)
Pierre Monteux Orchestre symphonique de Londres 18-21 mai 1963 Philips

« Pierre Monteux fait ressortir, avec une précision extraordinaire en même temps qu'avec une imagination sans cesse en éveil, la poésie intense de ces pages où la musique, s'affranchissant de tous les moules préfabriqués, s'avance mystérieuse ou fantasque à la recherche d'un univers sans pesanteur […]. Allier ainsi l'exactitude et la sensualité, tient du miracle. Servie par une excellente prise de son, cette interprétation demeure inégalée… »

— Diapason[14],[15]

André Cluytens Orchestre de la Société des concerts du Conservatoire 1964 EMI
Jean Martinon Orchestre symphonique de Chicago concert, 19 janvier 1967 Youtube
Pierre Boulez Orchestre de Cleveland 17 novembre 1967 Sony 88697561752[16]

« Son interprétation se définit par un mot : exactitude. […] s'agissant d'une attention scrupuleuse aux moindres indications de nuances et d'accents, cette exactitude est « payante ». Elle nous vaut un Debussy plus secret, contenu dans son lyrisme, mais précurseur de toutes les audaces du XXe siècle […]. Une interprétation que l'on peut dire « révélatrice ». »

— Diapason[17]

Sergiu Celibidache Orchestre de la RAI de Turin concert, 17 octobre 1969
Michael Tilson Thomas Orchestre symphonique de Boston 1971 DG 2530145
Jean Martinon Orchestre national de l'ORTF 1973 EMI 1566729 (BNF 38121411)
Bernard Haitink Orchestre du Concertgebouw décembre 1977 Philips
André Previn Orchestre symphonique de Londres 1979 EMI CDC7470012 (BNF 38097963)

« L'orchestre de Prévin sonne clair et large sous sa direction précise, l'oreille est comblée par une telle finesse purement orchestrale. Mais le chef a tendance à accuser un peu trop les contrastes, à supprimer les demi-teintes, réduisant ainsi singulièrement ce qu'il y a de mystérieux et d'allusif dans cette partition. »

— Diapason[17]

Daniel Barenboim Orchestre de Paris 29 mai/5 juin 1981 DG 2532058 (BNF 38439565)

« Barenboim adopte un tempo très modéré et souligne la mélancolie pénétrante de Gigues, l'alchimie de timbres des Rondes, mais manque un peu de souplesse et de mordant dans Iberia. […] »

— Diapason[17]

Charles Dutoit Orchestre symphonique de Montréal mai 1988 Decca (BNF 4255024)
Simon Rattle Orchestre symphonique de Birmingham février 1989 EMI CDC7499472 (BNF 38184168)
Leonard Bernstein Orchestre de l'Académie nationale Sainte-Cécile juin 1989 DG 4297282 (BNF 38212043)
Pierre Boulez Orchestre de Cleveland mars 1991 DG 435 766-2[18]

« Iberia de Debussy par Boulez […] on ne saurait rêver analyse plus précise, travail plus accompli des dosages instrumentaux, exploitation plus judicieuse de l'individualité de chaque timbre […] Et l'on recommandera particulièrement Gigues et Rondes de printemps […] à tous ceux qui reconsidéreraient que Debussy reste un musicien potentiellement ennuyeux : la richesse du tissu sonore et l'intelligence de l'approche sont ici telles que l'intérêt de l'auditeur ne peut pas, c'est une réelle impossibilité, se relâcher[18]. »

Mikko Franck Orchestre philharmonique de Radio France 7 septembre 2006 RCA
Jun Märkl Orchestre national de Lyon janvier 2008 Naxos 8.509002 (OCLC 811642590)
Emmanuel Krivine Orchestre philharmonique du Luxembourg février 2009 Timpani 1C1165
Daniele Gatti Orchestre national de France 7 septembre 2011 Sony
Stéphane Denève Orchestre national royal d'Écosse 10-12 octobre 2011 2 SACD Chandos CHSA 5102
Jos van Immerseel Orchestre Anima Eterna concert, 9 février 2012 Zig-Zag Territoires
Michael Tilson Thomas Orchestre symphonique de San Francisco 22-25 mai 2014 SFSMedia SFS 0069
Simon Rattle Orchestre philharmonique de Berlin concert, 20 mai 2015
Emmanuel Krivine Orchestre national de France 27-30 octobre 2017 Erato (OCLC 1057752781)
Emmanuel Krivine Orchestre national de France concert, 24 mars 2018 Youtube
Ransom Wilson Texas Festival Orchestra concert, 7 juillet 2018 Youtube
Mark Elder Hallé Orchestra 10-11 mai 2019 Hallé HLL 7554 (OCLC 1200739840)

Enregistré dès 1930 Iberia figure au catalogue des disques de plusieurs chefs de l'époque : Piero Coppola (1930), Arturo Toscanini (1950)[19], Fritz Reiner (1941, 1945 et 1957), puis Paul Paray (décembre 1955, Mercury)[20] ; au contraire d'Inghelbrecht qui enregistre Gigues et Rondes De Printemps (1959) pour EMI, avec l'Orchestre national. Jean Fournet livre Iberia en 1965, avec la Philharmonie Tchèque[21] et Celibidache en 1992, à Munich (EMI)[22], en avril 1980 avec le LSO, en mai 1994 de nouveau à Munich (DVD Ideale Audience) et avec la SWR de Stuttgart (Les Enregistrements de Stuttgart, volume IV DG)[23]. Charles Munch a aussi enregistré en concert la seule Iberia avec l'Orchestre national en 1962 (Music & Arts et une autre prise de la même année, publiée chez Montaigne) et 1968 (Guilde Internationale du Disque / Accord / coll. « via classique » FNAC classique)[24].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Robert Orledge, « Debussy's Musical Gifts to Emma Bardac », The Musical Quarterly, vol. LX, no 4,‎ , p. 544–556 (DOI 10.1093/mq/LX.4.544, lire en ligne, consulté le ).
  2. a et b Lesure 2003, p. 540.
  3. Lesure 2003, p. 541.
  4. Lesure 2003, p. 542.
  5. a et b (en) Williametta Spencer, « The Relationship between André Caplet and Claude Debussy », The Musical Quarterly, vol. LXVI, no 1,‎ , p. 112–131 (DOI 10.1093/mq/LXVI.1.112, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Peter J. Pirie, « Portrait of Debussy. 5: Debussy and English Music », The Musical Times, The Musical Times, Vol. 108, No. 1493, vol. 108, no 1493,‎ , p. 599–601 (DOI 10.2307/953799, lire en ligne, consulté le )
  7. (en) Robert Orledge, « Debussy's Orchestral Collaborations, 1911-13. 1: Le martyre de Saint-Sébastien », The Musical Times, The Musical Times, Vol. 115, No. 1582, vol. 115, no 1582,‎ , p. 1030–1033, 1035 (DOI 10.2307/960380, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) Robert Orledge, « Reviews of Books: Claude Debussy: biographie critique par François Lesure », Music & Letters, vol. 77, no 1,‎ , p. 132–133 (lire en ligne, consulté le )
  9. (en) Richard Langham Smith, « Debussy and the Art of the Cinema », Music & Letters, no 54 (1),‎ , p. 61-70 (lire en ligne).
  10. Paul Driver, « Debussy through His Letters », The Musical Times, 128 (1738), décembre 1987, p. 687-689.
  11. a et b (en) Matthew Brown, « Tonality and Form in Debussy's Prélude à 'L'Après-midi d'un faune », Music Theory Spectrum, vol. 15, no 2,‎ , p. 127–143 (DOI 10.1525/mts.1993.15.2.02a00010, lire en ligne, consulté le )
  12. (en) Matthew; Dempster, Douglas; and Headlam, Dave Brown, Douglas Dempster et Dave Headlam, « The ♯IV(♭V) Hypothesis: Testing the Limits of Schenker's Theory of Tonality », Music Theory Spectrum, vol. 19, no 2,‎ , p. 155–183 (DOI 10.1525/mts.1997.19.2.02a00020, lire en ligne, consulté le )
  13. (en) Christophe Howell, « Claude Debussy : La Mer, Images… », sur musicweb-international.com, .
  14. Diapason, Dictionnaire des disques et des compacts : guide critique de la musique classique enregistrée, Paris, Laffont, coll. « Bouquins », , 3e éd., xiv-1076 (OCLC 868546991, BNF 34951983), p. 293.
  15. (en) Christophe Howell, « Claude Debussy : Prélude à l'après-midi d'un faune, Nocturnes, Images », sur musicweb-international.com,  : « En 1963, Monteux avait 88 ans […] tout le monde l'aimait tellement qu'on ne remarquait pas qu'il n'était pas toujours capable de capter la verve et la tension qui lui avait rarement fait défaut pendant la plus grande partie de sa carrière. Les Images en sont un bon exemple. L'orchestre joue magnifiquement mais la musique fait souvent long feu ».
  16. Lors d'une de ses rééditions ce disque a été distingué d'un « 10 » par Laurent Barthel dans le magazine Répertoire no 19.
  17. a b c et d Diapason 1988, p. 294.
  18. a et b Lors d'une de sa sortie ce disque a été distingué d'un « 10 » par Laurent Barthel dans le magazine Répertoire no 53.
  19. « L'enregistrement mono d’Iberia par Arturo Toscanini est étonnant à plus d'un titre. D'abord, par le caractère résolument « moderne » d'une interprétation qui ne sacrifie jamais au prétendu « impressionnisme » de Debussy, mais fait, au contraire, ressortir les audaces d'écriture et de l'orchestration. Ensuite, par la lumière que Toscanini projette sur ce triptyque, dont le dernier volet […] est particulièrement éblouissant[17]. »
  20. Lors d'une de ses rééditions ce disque a été distingué d'un « 8 » par Laurent Barthel dans le magazine Répertoire no 75 : « La Mer et Iberia furent les tout premiers enregistrements effectués par Mercury à Detroit. D'un strict point de vue technique, ils sont déjà impressionnants ». Le magazine Diapason no 412 lui ayant délivré un « 5 » et Le Monde de la musique, un « Choc »…
  21. (OCLC 1000302935)
  22. (en) Christophe Howell, « Claude Debussy : La Mer, Iberia », sur musicweb-international.com,  : « De toute évidence, le problème est le mouvement central. Les Parfums de la nuit entrent et sortent avec une atmosphère considérable et pendant la majeure partie de la distance, une douce cadence est maintenue. Mais le temps, comme l'élastique, ne s'étirera que jusqu'à présent sans se rompre et il y a des moments où la musique frôle dangereusement l'immobilité. […] Les performances antérieures [et intégrale] semblent préférables [1969 à la RAI de Turin] ».
  23. (en) Ian Dentelle, « Claude Debussy : La Mer, Iberia », sur musicweb-international.com,
  24. Lors de sa réédition le disque a été distingué d'un « 9 » par Jean-Marie Brohm dans le magazine Répertoire no 64 : « Iberia est magnifique de force et d'imagination rythmique (un festival pour les instruments percussifs ), de poésie nocturne, jamais alanguie, toujours frémissante d'inquiétude, de feria dans l'éclatante clarté : Munch burine la chair de son orchestre en faisant sourdre l'irrépressible mouvement interne. » ; et distingué de « 5 » diapasons par Stéphane Roch dans le magazine Diapason no 400 « Une traduction debussyste hautement attachante et originale ».

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]