Illyrien

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La terre des Illyriens avant la conquête romaine

Les Illyriens sont un peuple protohistorique habitants l'Illyrie (Balkans), et dont la langue est classifiée comme une langue indo-européenne[1]. Leur langue, l'illyrien, ne nous est connue qu'à travers des traces laissées dans l'onomastique de la région et sporadiquement dans les textes d'autres langues.

Historique des théories sur l'illyrien

Des affinités entre l'albanais et le macédonien furent relevées par Louis-François Jéhan en 1858 avec l'Encyclopédie Théologique (tome 34, Dictionnaire de linguistique).

Au début du XXe siècle, la langue illyrienne a été l'objet d'une théorie qui ne reposait que sur des conjectures : les Romains appelaient Illyricum l'ensemble des Balkans occidentaux, ce qui a conduit certains linguistes comme Julius Pokorny à supposer une unité linguistique de cette région, alors que rien de linguistiquement concret ne permettait d'en arriver à une telle conclusion. Pour donner plus de consistance à cette théorie, le vénète, le messapien et d'autres langues paléo-balkaniques furent ajoutés à un vaste ensemble de langues thraco-illyriennes.

Cette théorie fut abandonnée quand le philologue et linguiste allemand Hans Krahe (1898-1965) analysa systématiquement les restes de la langue illyrienne, en tentant d'en dégager un substrat indo-européen homogène[2]. Il en découvrit bien un, mais celui-ci s'étendait bien au-delà de l'Illyrie et des Balkans, pour couvrir une grande partie de l'Europe centrale et occidentale. Se refusant à étendre le peuplement illyrien à toute cette zone, il qualifia ce substrat de Alteuropäisch (vieil-européen).

Région du peuplement illyrien.

L'illyrien aujourd'hui

Aujourd'hui, on appelle illyrien une langue qui a été parlée dans l'ouest des Balkans et le sud de l'Italie. C'était une langue indo-européenne qui a appartenu au groupe de langues thraco-illyriennes. Les sources de l'illyrien sont de quatre ordres :

  1. Les inscriptions, gloses et mots qu'on retrouve dans les textes classiques, grecs et latins ;
  2. Les anthroponymes qu'on retrouve notamment sur les stèles funéraires ;
  3. Les toponymes de la région ;
  4. Les emprunts à l'illyrien dans d'autres langues[3].

Voici quelques exemples de mots illyriens qui nous sont connus : sabaia « bière » cité par Ammien Marcellin dans son Histoire de Rome (livre XXVI, chapitre VII, paragraphe 2), rhinos « brouillard », Teutana, nom ou titre d'une reine (basé sur l'indo-européen *teuta- « peuple »)[4].

Dans le groupe thraco-illyrien, certains auteurs conjecturent une parenté plus rapprochée entre l'illyrien, le messapien et l'albanais[5].

Langue illyrienne et langue albanaise

Le rapprochement entre l'albanais et l'illyrien a été fait dès 1709 par Leibniz, qui appelle l'albanais « la langue des anciens Illyriens ». Plus tard, le linguiste Gustav Meyer (1850-1900) déclara « Appeler les Albanais les nouveaux Illyriens est aussi juste que d'appeler les Grecs actuels "Grecs modernes". » La langue albanaise constituait pour lui l'étape la plus récente de l'un des dialectes illyriens. Les indo-européanistes modernes, par contre, ne souscrivent guère à l'hypothèse d'une filiation immédiate[6].

La plupart des linguistes albanais soutiennent que l'albanais descend de l'illyrien[7]. La parenté directe entre les deux langues est également admise dans des ouvrages historiques[8]. On avance même parfois l'hypothèse que la frontière linguistique entre les dialectes guègue et tosque trouverait son origine dans la limite entre les domaines des dialectes épirote et « illyrien proprement dit » de l'illyrien[9]. À l'appui de ces théories, on mentionne que quelques anthroponymes albanais actuels sembleraient également avoir leur correspondant illyrien : c'est ainsi qu'à l'albanais Dash (« bélier ») correspondrait l'illyrien Dassius, Dassus, de même l'albanais Bardhi (« blanc ») correspondrait à Bardus, Bardullis, Bardyllis.[réf. nécessaire] Quelques ethnonymes de tribus illyriennes sembleraient aussi avoir leur correspondant albanais : c'est ainsi que le nom des Dalmates correspondrait à l'albanais Dele (« brebis ») ; de même le nom des Dardaniens correspondrait à l'albanais Dardhë (« poire, poirier »)[10]. Mais l'argument principal en faveur de cette thèse est géographique : les zones où est parlé l'albanais correspondent à une extrémité du domaine « illyrien »[11].

Notes

  1. (en) Calvert Watkins, « The Indo-European linguistic family: genetic and typological perspectives », dans Anna Giacalone Ramat & Paolo Ramat (dir.), The Indo-European languages, Routledge, London, 1998
  2. (de) Hans Krahe, Die Sprache der Illyrier I-III, Wiesbaden, Harrassowitz, 1955-1964
  3. Hans Krahe, op. cit.
  4. Iaroslav Lebedynsky, Les Indo-Européens, Faits, débats, solutions, éditions Errance, Paris, 2006 (ISBN 2-87772-321-6), p. 25.
  5. (en) Eric P. Hamp, « The position of Albanian », dans Henrik Birnbaum & Jaan Puhvel (dir.), Ancient Indo-European dialects: proceedings, University of California Press, Berkeley, 1966 [lire en ligne]
  6. Voir Eric Hamp, op. cit. ; Bernard Sergent, Les Indo-Européens, Paris, Payot, , p. 95. Bernard Sergent cite Vladimir Georgiev, Heinz Kronasser, Eric Hamp, Frederik Kortlandt et Mircea Rădulescu. Voir aussi Iaroslav Lebedynsky, op. cit., p. 24-25.
  7. Bernard Sergent, op. cit., p.94.
  8. Par exemple, Serge Métais écrit : « [...] il ne fait guère de doute qu'il y a continuité entre la langue [que les tribus illyriennes] parlaient et l'albanais moderne. » (Serge Métais, Histoire des Albanais : des Illyriens à l'indépendance du Kosovo, Fayard, , p. 98).
  9. Serge Métais, op. cit., pp. 97-97.
  10. Serge Métais, op. cit., p. 100-101.
  11. Iaroslav Lebedynsky, op. cit., p. 24.

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