Il n'y a pas d'amour heureux

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Plaque commémorative mentionnant le lieu d'écriture de ce poème.

Il n’y a pas d’amour heureux est un poème de Louis Aragon, écrit en janvier 1943 et publié dans le recueil La Diane française en 1944.

L'auteur y exprime sa conception de l’amour comme un absolu inaccessible. Il y fait également de nombreuses références à la Résistance, notamment dans la dernière strophe.

Histoire[modifier | modifier le code]

Louis Aragon, auteur du poème

Le poème fut écrit à Montchat, quartier du 3e arrondissement de Lyon, chez un ami d'Aragon, lui aussi poète et résistant, René Tavernier, qui le cachait, ainsi qu'Elsa Triolet, pendant l'Occupation[1]. La maison, aujourd'hui disparue, se trouvait au no 4 de la rue Chambovet[2], à l'emplacement de l'actuel parc Chambovet, où une plaque commémorative garde depuis 1993[3] le souvenir du lieu d'écriture du poème.

Dans un entretien avec Francis Crémieux diffusé le sur la RTF, Aragon a expliqué qu'à l'époque où il a écrit le poème, Elsa voulait le quitter en raison d'une règle dans la Résistance selon laquelle un couple opérant dans ces mouvements ne pouvait pas continuer à vivre ensemble, pour des raisons de sécurité en cas d'arrestation[4],[5],[6].

Le manuscrit du poème a été présenté en 1972 lors d'une exposition sur Elsa Triolet à la Bibliothèque nationale[7]. Néanmoins le fils de René Tavernier, Bertrand Tavernier, raconte que le manuscrit original est toujours en la possession de son père, et que c'est un autre manuscrit qui a été exposé à la Bibliothèque nationale. En effet, le poème a été dédicacé à sa mère Geneviève[3],[8], et selon celle-ci, Aragon a fait un deuxième manuscrit après la guerre car la dédicace avait provoqué une scène de ménage avec Elsa Triolet[9],[1]. Un fac-similé du manuscrit de René Tavernier a été publié en 2010 dans la revue La Règle du jeu[10].

Reprises[modifier | modifier le code]

Reprises dans les années 1950[modifier | modifier le code]

Ce poème, amputé de sa dernière strophe et ayant fait l'objet de changements mineurs, est mis en musique et enregistré par Georges Brassens en 1953 qui réutilisa ensuite la même mélodie pour un autre poème, La Prière de Francis Jammes, un écrivain catholique[11], ce qui offusquera le communiste Louis Aragon[12],[13].

Aragon estimait également que cette amputation était un contresens qui changeait toute la signification de son texte, poème de résistance et non simple chanson d'amour. Catherine Sauvage l'enregistre en 1955, en réintégrant la strophe amputée[14].

Autres reprises[modifier | modifier le code]

La chanson a été reprise par de nombreux autres artistes[15] :

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Bertrand Tavernier et Noël Simsolo, Le cinéma dans le sang : Entretiens avec Noël Simsolo, Paris, Écriture, coll. « Entretiens », , 300 p. (ISBN 978-2-35905-036-3).
  2. Aurélien Ferenczi, « Bertrand Tavernier habitait au 4, rue Chambovet, à Lyon », Télérama,‎ (lire en ligne).
  3. a et b Bruno Thévenon, « Confluences, Tavernier, Aragon et les autres », Le Progrès,‎ (lire en ligne).
  4. « Louis Aragon : 6ème partie », notice PHD99200128, Entretiens avec, sur Inathèque, Institut national de l'audiovisuel. Reproduit dans « Entretiens avec Louis Aragon - S1E6 », sur madelen, Institut national de l'audiovisuel. Rediffusé dans « Louis Aragon (6/10) : Il y aurait des amours heureuses », À voix nue, France Culture, (à partir de 13:50).
  5. Entretiens avec Francis Crémieux : Le fou d'Elsa, l'écoulement du temps, la ponctuation, l'équivoque, le réalisme, le roman, Elsa, et autres sujets, Paris, Gallimard, , 174 p. (BNF 37449108), p. 98.
  6. Dominique Desanti, Les Clés d'Elsa, Paris, Ramsay, , 422 p. (ISBN 2-85956-331-8), p. 312.
  7. Marcelle Beaudiquez, Alain Massuard et Marie Avril, Elsa Triolet (catalogue de l'exposition à la Bibliothèque nationale, Paris, -), Paris, Bibliothèque nationale, , 140 p. (BNF 35367007), p. 16.
  8. Marie Guichoux, « Bertrand Tavernier, 57 ans. Réalisateur pédagogue, cinéphile et militant. Dernier film : « Ça commence aujourd'hui ». La lutte filmale », Libération,‎ (lire en ligne).
  9. Jean-Luc Douin, Tavernier, Paris, Édilig, coll. « Cinégraphiques », , 189 p. (ISBN 2-85601-185-3), p. 75–76 et Jean-Luc Douin, Bertrand Tavernier : Cinéaste insurgé, Paris, Ramsay, coll. « Ramsay poche cinéma », , 317 p. (ISBN 2-84114-813-0), p. 108.
  10. Olivier Corpet, « La leçon d’Aragon », La Règle du jeu, vol. 20, no 43,‎ .
  11. Site analysebrassens.com, page "Album Chanson pour l'Auvergant".
  12. Thomas Chaline, Brassens : Une vie en chansons, Paris, Hugo Doc, , 207 p. (ISBN 978-2-7556-9218-1, lire en ligne).
  13. Jean-Pierre Winter, « « Et quand il croit serrer son bonheur, il le broie » », dans Vous avez dit jouissance ?, Érès, (DOI 10.3917/eres.guily.2019.01.0245, lire en ligne), p. 245–257
  14. Site amotscroises.fr, page "Il n’y aura plus d’amour heureux".
  15. « Il N'y A Pas D'amour Heureux (1953) », sur All versions of Some musics, .
  16. https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/chanson-francaise/musique-georges-brassens-revisite-par-les-femmes_4819195.html / consulté le 6 avril 2024.
  17. https://www.rtbf.be/article/il-y-a-30-ans-senregistrait-lalbum-a-single-woman-de-nina-simone-11234829 / consulté le 6 avril 2024.
  18. DYM AND DESTROY, « Marc Ogeret - Il n'y a pas d'amour heureux (Aragon) »,
  19. (en) « Arsen Dedić », sur discogs.com.

Texte du poème[modifier | modifier le code]