Ichthyosauria

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L'ordre des Ichthyosauria (du grec ιχθύς signifiant « poisson » et σαύρος signifiant « lézard ») regroupe des vertébrés tétrapodes jadis rattachés à la classe des reptiles[a]. Ils ont vécu du Trias inférieur au Crétacé supérieur.

Description[modifier | modifier le code]

Les ichthyosaures sont des vertébrés diapsides marins, parfois de très grande taille, qui ressemblent aux dauphins actuels. Comme eux, ils devaient venir respirer l'air atmosphérique à la surface des eaux.

Le plus grand d'entre eux a été découvert en Colombie-Britannique, au Canada, et décrit en 2004 sous le nom de Shonisaurus sikanniensis par Elisabeth Nicholls et Makoto Manabe[1], puis renommé Shastasaurus sikanniensis en 2011[2], avant de retrouver son nom d'origine en 2013[3]. Il a été extrait de la formation de Pardonet qui est datée du Trias supérieur (Norien moyen), soit il y a environ 220 Ma (millions d'années). Il est considéré comme un des plus grands animaux marins de tous les temps avec une longueur d'environ 21 mètres[1].

En 2018, Dean R. Lomax et ses collègues décrivent un os isolé, un surangulaire gauche de la mandibule d'un ichthyosaure, découvert dans le Rhétien de la côte anglaise du Somerset à Lilstock (en). D'après les proportions de la partie postérieure de cet os qui mesure 24 centimètres de haut contre 19 centimètres pour le spécimen canadien de Shonisaurus sikanniensis, ils estiment que l'animal, un ichthyosaure non identifiable, aurait pu mesurer entre 20 et 26 mètres[4].

Les ichthyosaures sont apparus il y a 250 millions d'années, légèrement avant les dinosaures (230 Ma) : ils ont vécu pendant une grande partie de l'ère Mésozoïque, ont été particulièrement abondants pendant la période Jurassique et ont disparu il y a 90 Ma, soit 25 Ma avant l'extinction massive de la majorité des dinosaures, peut-être à cause de la concurrence d'autres lignées prédatrices marines comme les mosasaures qui les ont remplacés au Crétacé après l'extinction du Cénomanien-Turonien qui a anéanti les derniers ichthyosaures et la presque-totalité des pliosaures à l'exception de trois taxons : Megacephalosaurus, Brachauchenius et Polyptychodon[5],[6],[7],[8].

Au début du Trias, les ichthyosaures ont évolué à partir d'une lignée diapside lépidosauromorphe terrestre, encore non identifiée, qui s'est adaptée à la vie aquatique. C'est une évolution similaire aux cétacés et un exemple type d'évolution convergente.

Ils appartiennent à l'ordre des ichthyosauriens ou ichthyoptérygiens (« nageoires de poissons », une désignation introduite par Richard Owen en 1840). C'est Mary Anning (1799-1847), âgée alors de douze ans, qui découvre le premier squelette d'ichthyosaure retrouvé complet, sur la côte anglaise de Lyme Regis[9].

Paléobiologie[modifier | modifier le code]

Fossile d'un ichthyosaure : Stenopterygius crassicostatus, découvert dans le Toarcien (Jurassique inférieur) du sud de l'Allemagne et exposé au Musée de Wiesbaden en Allemagne.
Une femelle ichthyosaure et son embryon expulsé au moment de la mort[b], un fossile exceptionnel (gisement d'Holzmaden, Allemagne).

Les ichthyosaures mesuraient entre un et dix mètres de longueur en moyenne. Ils étaient piscivores et vivipares, des fœtus fossiles ayant été trouvés encore dans le ventre de leur mère, ainsi que des restes de bélemnites (calmars) et ammonites. Ils se propulsaient dans l'eau relativement rapidement (jusqu'à 40 km/h) grâce à leurs puissantes nageoires. Comme les dauphins bien plus tard, leur morphologie leur permettait de se déplacer par bonds successifs à la surface de l'eau.

En 2018, l'étude de la composition cellulaire et moléculaire de tissus mous préservés d'un spécimen de Stenopterygius (MH 432), du Toarcien d'Holzmaden en Allemagne, a permis plusieurs découvertes[11] :

  • sa peau est composée de deux couches (épiderme et derme) morphologiquement distinctes ;
  • celles-ci reposent sur une couche de graisse isolante qui aurait amélioré son hydrodynamisme et sa flottabilité ;
  • cette graisse aurait aussi favorisé la conservation de la chaleur du corps, ce qui, associé à la viviparité, connue depuis longtemps des ichthyosaures, conforterait sa possible homéothermie ;
  • la répartition des mélanophores contenant un pigment d'eumélanine, varie selon les régions du corps, avec une pigmentation plus sombre sur la face dorsale que sur la face ventrale, ce qui se traduirait pour cet animal par un camouflage en contre-illumination, un phénomène fréquent chez les animaux actuels et, en particulier, les poissons et les mammifères marins.

La convergence évolutive des ichthyosaures avec les amniotes marins actuels, comme les odontocètes ou cétacés à dents, parait ainsi s'étendre du domaine ultra-structurel au domaine moléculaire, reflétant une adaptation similaire aux contraintes environnementales de leurs vies pélagiques[11].

Liste des familles[modifier | modifier le code]

Temnodontosaurus acutirostris, de Holzmaden Allemagne.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Note[modifier | modifier le code]

  1. En raison des découvertes récentes en paléontologie et en phylogénétique, les expressions « reptile marin », comme celles de « reptile préhistorique », « reptile disparu », « reptile volant », ou « âge des reptiles » sont aujourd'hui l'objet de controverses de neutralité (neutralité du point de vue) entre le point de vue de la systématique évolutionniste (D. Aubert, Classer le vivant : les perspectives de la systématique évolutionniste moderne, Ellipses 2017) et le point de vue cladistique (G. Lecointre dir., C. Fortin, M.-L. Le Louarn Bonnet, G. Guillot, Guide critique de l'évolution, Belin 2009, (ISBN 978-2-7011-4797-0)). Elles sont donc à manier avec précaution, notamment dans le contexte de la vulgarisation scientifique.
  2. Chez les premiers ichthyosaures du Trias, le nouveau-né sort la tête la première. Chez les ichthyosaures plus tardifs, comme ici, c'est la queue qui sort en premier, comme chez les Cétacés actuels[10].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en) Elizabeth L. Nicholls et Makoto Manabe, « Giant Ichthyosaurs of the Triassic—A New Species of Shonisaurus from the Pardonet Formation (Norian: Late Triassic) of British Columbia », Journal of Vertebrate Paleontology, vol. 24, no 4,‎ , p. 838–849 (ISSN 0272-4634, DOI 10.1671/0272-4634(2004)024[0838:GIOTTN]2.0.CO;2)
  2. (en) P. Martin Sander, Xiaohong Chen, Long Cheng et Xiaofeng Wang, « Short-Snouted Toothless Ichthyosaur from China Suggests Late Triassic Diversification of Suction Feeding Ichthyosaurs », PLoS ONE, vol. 6, no 5,‎ , e19480 (PMID 21625429, PMCID 3100301, DOI 10.1371/journal.pone.0019480)
  3. (en) C. Ji, D. Y. Jiang, R. Motani, W. C. Hao, Z. Y. Sun et T. Cai, « A new juvenile specimen of Guanlingsaurus (Ichthyosauria, Shastasauridae) from the Upper Triassic of southwestern China », Journal of Vertebrate Paleontology, vol. 33, no 2,‎ , p. 340 (DOI 10.1080/02724634.2013.723082)
  4. (en) D.R. Lomax et al. A giant Late Triassic ichthyosaur from the UK and a reinterpretation of the Aust Cliff ‘dinosaurian’ bones. PLoS ONE 13 (4): e0194742; doi: 10.1371/journal.pone.0194742
  5. (en) D. Madzia, « A reappraisal of Polyptychodon (Plesiosauria) from the Cretaceous of England », PeerJ, vol. 4,‎ , e1998 (PMID 27190712, PMCID 4867712, DOI 10.7717/peerj.1998 Accès libre)
  6. (en) A. P. McIntosh, K. Shimada et M. J. Everhart, « Late Cretaceous marine vertebrate fauna from the Fairport Chalk Member of the Carlile Shale in southern Ellis County, Kansas, U.S.A. », Transactions of the Kansas Academy of Science, vol. 19, no 2,‎ , p. 222-230 (DOI 10.1660/062.119.0214, JSTOR 24887795, S2CID 88452573, lire en ligne)
  7. (en) D. Madzia, S. Sachs et J. Lindgren, « Morphological and phylogenetic aspects of the dentition of Megacephalosaurus eulerti, a pliosaurid from the Turonian of Kansas, USA, with remarks on the cranial anatomy of the taxon », Geological Magazine, vol. 156, no 7,‎ , p. 1-16 (DOI 10.1017/S0016756818000523, Bibcode 2019GeoM..156.1201M, S2CID 133859507)
  8. (en) M. J. Everhart, « Brachauchenius » [archive du ] Accès libre [html], sur Oceans of Kansas,
  9. (en) Douglas Palmer, Encyclopedia of Dinosaurs & prehistoric animals, éd Marshall/Könemann, Londres, 1999, (ISBN 3-8290-6573-6)
  10. Sebastián Escalón, Nathalie Bardet, Alexandra Houssaye et Peggy Vincent, « Des « monstres » marins au temps des dinosaures », sur Journal du CNRS, (consulté le ).
  11. a et b (en) Johan Lindgren, Peter Sjövall, Volker Thiel, Wenxia Zheng, Shosuke Ito, Kazumasa Wakamatsu, Rolf Hauff, Benjamin P. Kear, Anders Engdahl, Carl Alwmark, Mats E. Eriksson, Martin Jarenmark, Sven Sachs, Per E. Ahlberg, Federica Marone, Takeo Kuriyama, Ola Gustafsson, Per Malmberg, Aurélien Thomen, Irene Rodríguez-Meizoso, Per Uvdal, Makoto Ojika et Mary H. Schweitzer, « Soft-tissue evidence for homeothermy and crypsis in a Jurassic ichthyosaur », Nature, vol. 564, no 7736,‎ , p. 359–365 (DOI 10.1038/s41586-018-0775-x)
  12. Jean Chaline, Didier Marchand, Les merveilles de l'Évolution, Editions Universitaires de Dijon, , p. 131.

Références taxonomiques[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]