Humanitude

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Le mot humanitude est un néologisme désignant la capacité d’un être humain à prendre conscience de son appartenance à l’espèce humaine comme membre à part entière.

Il est créé en 1980 par l'écrivain suisse Freddy Klopfenstein [1], repris en 1987 dans un sens philosophique par le généticien humaniste Albert Jacquard (1987)[2] puis dans les années 1990 par deux formateurs français.

Approche philosophique[modifier | modifier le code]

Albert Jacquard

Partant du constat que le rapport entre les humains est souvent empreint de violence, celui-ci estime qu'il importe de changer les états d'esprit de sorte que chacun soit davantage capable de se mettre à l'écoute d'autrui. Pour cela, dit-il, il faut « miser sur l'éducation » (Jacquard, 1987)[2]. Il définit alors l’humanitude comme étant « les cadeaux que les hommes se sont faits les uns aux autres depuis qu'ils ont conscience d'être, et qu'ils peuvent se faire encore en un enrichissement sans limites » (Jacquard, 1987)[2]. Ces cadeaux constituent « l'ensemble des caractéristiques dont, à bon droit, nous sommes si fiers, marcher sur deux jambes ou parler, transformer le monde ou nous interroger sur notre avenir » (Jacquard, 1987)[2]. En fait, « les hommes n'ont d'autres tâches que de profiter du trésor d'humanitude déjà accumulé et de continuer à l'enrichir » (Jacquard, 1987)[2]

Approche clinique en gérontologie[modifier | modifier le code]

Ayant réutilisé le terme en 1983 [3], Yves Gineste et Rosette Marescotti s'approprient juridiquement le terme en 1995 via une marque déposée, « Philosophie de soin de l’Humanitude » également appelée « méthodologie de soin Gineste-Marescotti »[4]. Cette philosophie de soins est basée sur le respect et la dignité des personnes et l'harmonie dans la relation entre les soignants et les patients[5]. Appliquée aux soins, elle revendique le « vivre et mourir debout » (Gineste et Marescotti, 1983)[3], c'est-à-dire l'autonomie des patients par la réadaptation, le maintien ou l'amélioration de leur santé, voire leur accompagnement jusqu'à la mort (Gineste et Pellissier, 2008)[5].

En 2008, Jean-Jacques Amyot, sociologue et directeur de l’Office aquitain de recherche, d’information et de liaison sur les personnes âgées, signe un article soulevant la controverse autour de l'appropriation du terme par Yves Gineste et Rosette Marescotti. Selon lui, la confusion introduite entre humanité et humanitude, susceptible de culpabiliser les soignants pour leurs pratiques effectuées préalablement à une formation à cette méthode sont tout aussi controversées que la nouveauté prétendue de cette méthode, qui donne lieu à une grande diffusion dans le secteur médical, grâce au soutien et à la reconnaissance dont elle a bénéficié dans des conditions éthiques douteuses. Toutefois, son succès s'explique car il s'agit alors d'une des rares formations continues proposées en gérontologie en situation concrète, et qui exige au préalable l'adhésion de la hiérarchie hospitalière[6].

Aujourd'hui, la formation est dispensée par une douzaine d'instituts en France, mais aussi à l'étranger[7]. Un documentaire diffusé en sur France 5, Et guérir de tendresse[8], a mis en lumière les bienfaits observés dans un Ehpad formé à la méthode, et tenté de les expliquer scientifiquement.

Au Japon, des études sont menées depuis 2015 pour évaluer notamment l'impact de la méthode Gineste-Marescotti[9],[10]

L'humanitude politique de Jacques Testart[modifier | modifier le code]

Reprenant le vocable dans un ouvrage paru en 2015 intitulé L'humanitude au pouvoir: Comment les citoyens peuvent décider du bien commun[11], Jacques Testart, lui donne une dimension politique. Il fait l'hypothèse d'une étonnante capacité des simples citoyens à réfléchir, à délibérer et à prendre des décisions au nom de l'intérêt commun de l'humanité[12]. Cela l'amène à considérer que les comités composés de citoyens tirés au sort sont mieux à même de prendre des décisions politiques concernant les technologies en direction du bien commun sans influences des milieux économiques.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Freddy Klopfenstein, Humanitude, Genève, Édition Labor et Fides,
  • Albert Jacquard, Cinq milliards d'hommes dans un vaisseau, Seuil,
  • Yves Gineste et Jérôme Pellissier, Humanitude, Armand Colin,
  • Jacques Testart, L'humanitude au pouvoir, Seuil,

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Freddy Klofenstein (essais), Humanitude, Genève, Edition Labor et Fides,
  2. a b c d et e Albert Jacquard, Cinq milliards d'hommes dans un vaisseau, Seuil, , 170 p. (ISBN 978-2-02-009481-8)
  3. a et b Yves Gineste et Rosette Marescotti (1983). Vivre et mourir debout, conférence au congrès de gérontologie, Limoux, France.
  4. Sandrine Goldschmidt, "L’humanitude, une philosophie du soin et de la relation", Génération Care, 24 décembre 2014
  5. a et b Yves Gineste et Jérôme Pellissier, Humanitude, Armand Colin,
  6. Jean-Jacques Amyot, « Débat autour de la méthodologie de soin Gineste-Marescotti ®. », Gérontologie et société 3/2008 (n° 126) , p. 178-187, DOI 10.3917/gs.126.0178 texte intégral
  7. « Le réseau IGM - humanitude », humanitude,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. « Et guérir de tendresse », sur television.telerama.fr (consulté le )
  9. Shogo Ishikawa1, Mio, Ito, Miwako, Honda et Yoichi, Takebayashi, « The skill representation of a multimodal communication care method for people with dementia », JJAP Conference Proceedings, vol. 4,‎ (DOI 10.7567/JJAPCP.4.011616, lire en ligne, consulté le )
  10. Miwako Honda, Mio Ito, Shogo Ishikawa et Yoichi Takebayashi, « Reduction of Behavioral Psychological Symptoms of Dementia by Multimodal Comprehensive Care for Vulnerable Geriatric Patients in an Acute Care Hospital: A Case Series », Case Reports in Medicine, vol. 2016,‎ , p. 4813196 (ISSN 1687-9627, PMID 27069478, PMCID 4812219, DOI 10.1155/2016/4813196, lire en ligne, consulté le )
  11. Testart 2015.
  12. Testart 2015, 4e de couverture.