Hubert Lyautey

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Hubert Lyautey
Hubert Lyautey

Naissance
Nancy (France)
Décès (à 79 ans)
Thorey (France)
Origine Drapeau de la France France
Grade Général de division[1]
Années de service 1873 – 1925
Commandement 14e Régiment de Hussards
Conflits Guerres coloniales
Première Guerre mondiale
Distinctions Maréchal de France
Grand-croix de la Légion d'honneur
Médaille militaire
Hommages Inhumé aux Invalides depuis 1961.
Autres fonctions Ministre de la Guerre
Élu à l'Académie française (fauteuil 14)

Hubert Lyautey (Louis Hubert Gonzalve Lyautey), né le à Nancy et mort le à Thorey, est un militaire français, officier pendant les guerres coloniales, premier résident général du protectorat français au Maroc en 1912, ministre de la Guerre lors de la Première Guerre mondiale, puis maréchal de France en 1921, académicien et président d'honneur des Scouts de France.

Sa devise, empruntée au poète anglais Percy Bysshe Shelley[2], est restée célèbre : « La joie de l'âme est dans l'action »[3].

Biographie

Une éducation militaire

Son enfance évoquée dans le manuscrit du discours de Louis Duchesne (1843-1922) pour la réception de Lyautey à l'Académie française

Issu par son père[Note 1] d'une famille d'origine franc-comtoise (commune de Vellefaux) installée en Lorraine et qui s'était illustrée lors des campagnes du Premier Empire, descendant d'une famille de la petite noblesse normande par sa mère[Note 2], Louis Hubert Gonzalve Lyautey, neveu, petit-fils[Note 3] et arrière-petit-fils d'officiers généraux, ce fils aîné fait à l'âge de deux ans une chute du balcon du premier étage de l'hôtel de la Reine, place Stanislas à Nancy, où habite alors sa famille[7].

Heureusement soigné par le chirurgien Velpeau[8], il est alité pendant deux ans, subit plusieurs interventions chirurgicales et doit cependant porter des béquilles et un corset de fer garni de cuir pendant dix ans, ce qui l'oblige à rester fréquemment alité mais lui donne le goût des livres[9].

Cet accident va avoir des conséquences à la fois sur son tempérament et sur sa psychologie. Immobilisé, il passe son temps à lire des livres d'histoire et est grisé par l'épopée napoléonienne mais aussi par les récits des explorateurs, des voyageurs et des missionnaires. Dans le même temps, le petit Hubert est choyé par sa grand-mère maternelle, sa mère et sa tante Berthe[10].

Son père l'inscrit au lycée Sainte Geneviève tenu par des Jésuites et situé alors à Paris dans le 5e arrondissement pour qu'il y prépare le concours d'entrée à l'École polytechnique et qu'il devienne ingénieur[11].

Mais, marqué, comme la plupart des jeunes gens de sa génération, par la défaite française de 1870, et doué d'une volonté tenace, Lyautey, après un baccalauréat en philosophie obtenu en juillet 1872, réussit en octobre 1873 à intégrer l'École spéciale militaire de Saint-Cyr près de Versailles, promotion archiduc Albert (1873-1875). Bien que ses résultats y soient excellents, Lyautey ne s'y plaît pas et nourrit sa réflexion de rêves de grandeur et d'une profonde recherche spirituelle[11].

C'est l'époque où il rencontre Prosper Keller, Olivier de Fremond, ou encore Albert de Mun. Sorti de l'école et menant à Paris la vie mondaine d'un jeune officier de son rang, mais en pleine quête spirituelle, Lyautey participe au catholicisme social, contre-révolutionnaire et antilibéral de l'Œuvre des cercles catholiques d'ouvriers d'Albert de Mun. Monarchiste de raison, légitimiste par romantisme, il ne cache pas ses opinions catholiques et royalistes alors que la France est devenue républicaine et anticléricale[12].

D'après certains historiens il se pose également sérieusement la question de la vocation religieuse ; aussi fait-il à deux reprises une retraite en montagne, au monastère de la Grande Chartreuse[13].

Carrière

En 1875, classé 29e sur 281, il sort de Saint-Cyr et est affecté au 26e bataillon de chasseurs à pied. Deux ans plus tard, il devient lieutenant et, à l'occasion d'un congé, il entreprend de faire un voyage à travers l'Europe, en direction de l'Autriche, dans le but secret de rencontrer le comte de Chambord en exil… Finalement il renonce et part deux mois en Algérie avec son camarade Prosper Keller. Cette première découverte de l'Algérie est un enchantement.

De retour, il ne reste que peu de temps en France puisque le 2e Régiment de Hussards où il est affecté est transféré en Algérie.

Il passe deux années en Algérie d'abord à Orléansville, puis à Alger. Il critique la politique coloniale française et prône un « système plus civilisé et plus humain ». Lyautey est conquis par l'orientalisme et transforme ses appartements en palais des mille et une nuits tout en se montrant très respectueux de la civilisation locale et de la religion musulmane.

En 1882, promu capitaine, il est muté au 4 e Régiment de Chasseurs à Cheval à Bruyères, dans les Vosges. Profitant de permissions pour se rendre en Italie, il voyage vers Rome en faisant étape en Autriche à Göritz, lieu de l'exil du comte de Chambord.

Celui-ci, averti des rumeurs de prochain Ralliement du pape à la République, charge Lyautey d'une mission auprès de Léon XIII qui le reçoit en audience le 18 mars 1883. Lyautey en sort visiblement déçu, pressentant que l'opinion du pape est déjà faite.

Lyautey rencontre bientôt, à l'occasion d'une revue militaire, le général L'Hotte, inspecteur de la cavalerie, qui, séduit par la personnalité du jeune officier, le choisit comme aide de camp.

Pendant les quatre années passées auprès du général L'Hotte, Lyautey va beaucoup voyager à travers la France et ses villes de garnison et s'initier à la tactique militaire, alors en complet renouvellement, au prix d'un travail harassant. Il mène également une vie très mondaine à Paris et en province, fréquentant les salons de la haute société et se liant avec écrivains et artistes.

Si à cette époque Lyautey se laisse gagner peu à peu par le scepticisme religieux, ses années passées en garnison et son retour au contact de la troupe (affectation en 1887 au 4e chasseurs à Cheval) ont suffisamment nourri son esprit qui mûrit des idées novatrices sur la fonction de l'Armée.

En 1891, il publie ainsi un long article dans la célèbre Revue des deux Mondes sur le Rôle social de l'officier. Ce texte, non signé (selon les règlements alors en vigueur), mais dont l'auteur est vite connu, crée un important débat, parce qu'il défend l'action éducatrice de l'Armée, au-delà de sa fonction purement militaire. Le battage fait autour de cet article fondateur, la grande visibilité de l’officier ne nuiront pas à sa carrière.

Nommé chef d'escadrons au printemps 1893, il est affecté au 12e Hussards, à Gray, dans la Haute-Saône.

Plus tard, il sert en Indochine de 1894 à 1897 (poste choisi notamment pour éviter la proposition de mariage d'une femme de bonne famille[13]), d'abord à l'état-major du corps d'occupation à Hanoï, au Tonkin, puis en qualité de chef du bureau militaire du gouverneur général Armand Rousseau. C'est au Tonkin qu'il rencontre Gallieni qu'il rejoint ensuite à Madagascar où il est affecté de 1897 à 1902. Cette expérience auprès d'un général qui a bâti sa réputation dans les colonies le marque profondément. Lyautey au Maroc voudra toujours bâtir, au profit du peuple « colonisé ».

En 1895, au cœur de l'affaire Dreyfus, Lyautey exprime dans ses lettres ses doutes sur la culpabilité de l'accusé :

« Ce qui ajoute à notre scepticisme, c'est qu'il nous semble discerner là une pression de la soi-disant opinion ou plutôt de la rue, de la tourbe [...] Elle hurle à la mort contre ce Juif, parce qu'il est Juif et qu'aujourd'hui, l'antisémitisme tient la corde[14]. »

Colonel en 1900, général de brigade en 1903, puis général de division en 1907, Lyautey obtient en 1908 le commandement de la division d'Oran, à la frontière du Maroc.

Il rencontre à plusieurs reprises Charles de Foucauld[13] et Isabelle Eberhardt. Il appréciait beaucoup cette dernière. C'est lui qui a fait en sorte que sa dépouille et ses manuscrits soient cherchés et retrouvés dans la maison de Aïn-Sefra, Algérie où elle a trouvé la mort le 21 octobre 1904. (Source : "Nomade j'étais" Edmonde Charles-Roux 1995)

Maroc

Au Maroc, il fut chargé en mars 1907 d'occuper Oujda, en représailles de l'assassinat à Marrakech du docteur Mauchamp; il réprima ensuite le soulèvement dans la région des Béni-Snassen en novembre 1907, et fut nommé haut-commissaire du gouvernement pour la zone marocaine occupée dans la région d'Oujda.

Le no 5 rue Bonaparte, lieu de résidence parisien de Lyautey entre 1911 et 1934.

En mars 1912, la convention de Fès établit le Protectorat français dans l'Empire chérifien, dont Lyautey fut le premier résident général. Il entreprit la « pénétration pacifique » du Maroc, malgré le début de la Première Guerre mondiale.

C'est en tant que résident général qu'il laissera une trace profonde dans la société et l'urbanisme marocains. Il entreprit de nombreux travaux, dans divers domaines, tels que dans l'agriculture, la foresterie (avec Paul Boudy)… Attaché à la culture locale comme l'écrivaine Isabelle Eberhardt dont il fut proche, il édicta plusieurs lois visant notamment à protéger les centres anciens des grandes villes (les villes coloniales seront construites à la périphérie des médinas) ou à établir des règles strictes laissant aux Marocains des espaces de liberté (interdiction pour les non-musulmans de pénétrer dans les mosquées).

Pendant la Première Guerre mondiale, Lyautey fut ministre de la Guerre dans le gouvernement d'Aristide Briand, entre décembre 1916 et mars 1917, démissionnant après une séance parlementaire houleuse au cours de laquelle il ne parvint pas à convaincre les députés des faiblesses de la préparation de l'offensive Nivelle[15].

Il retourna ensuite au Maroc et fut fait maréchal de France en 1921. Mais, sous le gouvernement de Paul Painlevé, il se vit retirer le commandement des troupes engagées contre la rébellion d’Abd-el-Krim qui fut confié à Philippe Pétain. Lyautey démissionna et rentra définitivement en France en 1925. Dans ce contexte [colonialisme, occupation], et lors de son passage au Maroc, il avait affirmé que « la France se doit d'être une grande puissance musulmane ».

Il jugeait ainsi son œuvre au Maroc :

« Au fond, si j'ai réussi au Maroc, dans la tâche que le gouvernement de la République m'avait confiée là-bas, c'est pour les raisons mêmes qui me rendaient inutilisable en France [...] J'ai réussi au Maroc parce que je suis monarchiste et que je m'y suis trouvé en pays monarchique. Il y avait le Sultan, dont je n'ai jamais cessé de respecter et de soutenir l'autorité [...] J'étais religieux, et le Maroc est un pays religieux [...] Je crois qu'il n'y a pas de vie nationale possible et prospère, et naturelle, qui ne fasse sa place au sentiment religieux, aux disciplines religieuses [...] Je crois à la bienfaisance, à la nécessité d'une vie sociale hiérarchisée. Je suis pour l'aristocratie, pour le gouvernement des meilleurs [...] J'ai vu qu'il y avait des écoles où allaient les enfants de telles classes, d'autres écoles où allaient des enfants d'autres milieux et qui ne se mélangeaient pas [...] J'ai respecté tout cela, à la fois parce que cette soumission au fait fortifiait ma propre politique et parce que mes propres convictions m'en montraient la légitimité et la noblesse [...] Mais tout cela m'eût été impossible en France [...] Et c'est pour cela que je n'aurais peut-être pas réussi à Strasbourg[16]. »

La fin de sa vie en Lorraine

Après l'incendie et le pillage par les troupes allemandes de la propriété familiale à Crévic, effectués en représailles du traité de protectorat du Maroc, le maréchal Lyautey décide de s'installer à Thorey, ville qui adjoindra à son nom celui de son célèbre résident.

Il y fait construire un château sur l'édifice d'une gentilhommière héritée de sa tante maternelle mademoiselle de Villemotte, dont il était très proche et s'y installe en 1925, à 71 ans; en 1926, il y reçoit le sultan Moulay Youssef.

En 1931, il organise dans le Bois de Vincennes l'Exposition coloniale internationale dont il est le commissaire général, couronnant ainsi l'entreprise française réalisée dans les colonies (on peut encore voir le salon qui lui servait de lieu de réception à l'époque au Palais de la Porte Dorée).

Il avertit, dans une préface à la traduction française du Mein Kampf d'Adolf Hitler : « Tout Français doit lire ce livre. » Il ne s'agit nullement d'une approbation, la traduction étant parue contre la volonté de l'auteur du livre, mais au contraire d'un avertissement sur le danger que représentent pour la France les desseins de Hitler.

Le maréchal demeurera à Thorey jusqu'à sa mort, le , âgé de 79 ans. Après une messe à Thorey, son corps fut déposé dans le caveau des ducs de Lorraine, à l'Église des Cordeliers de Nancy. Lorsque sa mort fut annoncée le sultan du Maroc, qui était à Marseille et allait s'embarquer, vint s'incliner devant la dépouille du grand homme : « il pleurait »[5].

Un an après, sa dépouille est inhumée à Rabat dans un mausolée, un mur entier de la salle mortuaire étant occupé par l'épitaphe composée par lui-même avec une traduction en langue arabe et qui résume sa vision : « Ici repose Louis Hubert Lyautey, qui fut le premier Résident Général du Maroc, de 1912 à 1925. Décédé dans la foi catholique, dont il reçut, en pleine foi, les derniers sacrements. Profondément respectueux des traditions ancestrales et de la religion gardées et pratiquées par les habitants du Maghreb auprès desquels il a voulu reposer, en cette terre qu'il a tant aimée. Dieu ait son âme dans la vie éternelle »[17]. Depuis 1961 à la demande du général de Gaulle qui voulait éviter que son mausolée à Rabat soit profané, elle repose dans la chapelle de l'hôtel des Invalides, à Paris[13]. L'inscription suivante est gravée sur son tombeau : « Être de ceux auxquels les hommes croient ; dans les yeux desquels des milliers d'yeux cherchent l'ordre ; à la voix desquels des routes s'ouvrent, des pays se peuplent, des villes surgissent ».

Le retour à la foi de l'enfance

Gagné dans les années 1880 par un scepticisme religieux qui l'angoisse, le capitaine Lyautey entame un long cheminement spirituel. Le questionnement intense auquel il se soumet[18] ne l'éloigne cependant pas définitivement de l'idée de Dieu et de son admiration pour l'Église, dont il reste culturellement proche et dont il partage la plupart des positions morales, sociales et politiques. Il reste particulièrement lié à son condisciple le docteur Paul Michaux, figure emblématique de l'intelligentsia catholique parisienne et fondateur en 1898 de la Fédération gymnastique et sportive des patronages de France.

L'approfondissement se construit pour Lyautey en trois étapes : recherche et questionnement de jeunesse face à son scepticisme naissant (« Je voudrais aimer Dieu, mais je n'arrive pas à le faire par gratitude » - 13 décembre 1875), fascination dans sa vie d'homme pour le Dieu des idées (« Mais l'admiration n'est pas l'amour ») et redécouverte apaisée du Dieu-Amour dans sa vieillesse[19]. Lyautey achève pleinement sa réconciliation avec l'Église le jeudi saint 1930 (17 avril), lorsque, après s'être confessé, il reçoit la communion du curé de Thorey, source d'une immense joie dont il s'ouvre quelques jours plus tard à son ami Wladimir d'Ormesson[20] et qui ne le quittera plus jusqu'à sa mort.

Il redécouvre aussi la foi par le scoutisme et fait la connaissance d'un chef scout en route vers le sacerdoce, le futur père Patrick Heidsieck. Une correspondance nait entre le jeune prêtre qui devait partir pour la Pologne et le vieil officier qui, dès 1930, de par ces échanges, reprend le chemin de l'église, de la confession et de la prière à genoux tous les soirs. Lyautey brisait ainsi une longue période de traversée du désert religieuse et renouait avec une jeunesse où sa foi était ardente.

Vie privée

Selon les historiens

En 1907, ayant dépassé la cinquantaine, le général Lyautey fait la connaissance d'Inès de Bourgoing qu'il épousera deux ans plus tard, le 14 octobre 1909, à Paris.

Celle qu'on appellera « la maréchale Lyautey », issue d'une vieille famille du Nivernais, avait épousé en premières noces le capitaine d'artillerie Joseph Fortoul, mort subitement. Faisant preuve d'un grand dévouement, elle œuvra de concert avec son mari qui disait d'elle qu'elle était « son meilleur collaborateur ».

Si l'homosexualité de Lyautey semble avérée[21],[22], certains auteurs parlent plutôt d'une « sensualité homophile » et nombre de ses biographes esquivent cet aspect de sa personnalité afin, selon Arnaud Teyssier, de ne pas entacher sa réputation[23].

Ce n'est qu'à partir des années 1970 qu'il sera fait mention d'une inclination qui se retrouve dans les écrits de l'officier, dans différents ouvrages français sur l'homosexualité[24].

L'historien militaire Douglas Porch relie d'ailleurs l'homosexualité de Lyautey à sa carrière et y voit, avec son monarchisme et ses manières aristocratiques, une des raisons de son « exil » dans les colonies qui se transformera, selon l'historien, en un véritable « Chemin de Damas[25] ».

Il souligne d'ailleurs le paradoxe des fréquentations de ce conservateur, proche des cercles artistiques et de politiciens de centre-gauche, dont les vues politiques étaient assez éloignées des siennes[26].

En littérature

Georges Clemenceau, qui selon un de ses biographes, Gilbert Prouteau, « n'aimait pas les tatas » (et qui pour cette raison aurait reçu Pierre Loti avec une ironie mordante)[réf. nécessaire] aurait dit de lui : « Voilà un homme admirable, courageux, qui a toujours eu des couilles au cul… même quand ce n'étaient pas les siennes[27]. »

Quoique situé aux antipodes idéologiques d'un Lyautey aristocrate catholique et monarchiste, Clemenceau, qui combattit les militaires lors de l'affaire Dreyfus, l'a soutenu - voir les doutes de Lyautey, qui n'était pas antisémite, sur la culpabilité de Dreyfus - et a défendu son œuvre marocaine au cours de sa carrière présidentielle et à la présidence de la Commission des armées. Selon le général Mordacq qui fut le chef de cabinet de Clemenceau et connaissait le maréchal depuis le Tonkin en 1895, Clemenceau aurait regretté la mise à l'écart de Lyautey puis son départ du Maroc lors de la guerre du Rif, où le gouvernement dit du « Cartel des Gauches » lui adjoignit sur le plan militaire Philippe Pétain, ce qui le poussa à donner sa démission.

L'allusion de Clemenceau à l'orientation sexuelle de Lyautey est notamment reproduite par Christian Gury dans son livre Lyautey-Charlus[28], consacré aux rapports de Lyautey et de l'homosexualité. Gury montre notamment de quelle façon Lyautey aurait pu servir de modèle au baron de Charlus, le célèbre personnage d’À la recherche du temps perdu de Marcel Proust. Guy Dupré évoque également l'homosexualité de Lyautey dans son livre Les Manœuvres d'automne[29] et Angelo Rinaldi en fait état à plusieurs reprises dans Service de presse[30].

Jean Cocteau, qui le connaissait bien, raconte que Lyautey lui avait demandé un exemplaire de son Livre blanc, un livre semi-clandestin paru en 1928 sans nom d'auteur, avec des dessins homoérotiques dans le style aisément reconnaissable de Cocteau; après l'avoir lu, Lyautey reçoit Cocteau pour le féliciter et lui dit ensuite : « Je vous laisse avec ce jeune lieutenant, vous lui expliquerez tout cela et vous lui direz qu'il ne doit pas se buter »[31].


Son idée de la France

D'origine aristocratique par sa mère, Lyautey affichait des opinions monarchistes. Défenseur de la cause légitimiste, il était en désaccord avec son père, fervent orléaniste. L'aïeule de Lyautey pour ses 80 ans aurait déclaré devant sa nombreuse descendance rassemblée pour l'occasion : « Vous êtes ici plusieurs centaines, et je bénis le ciel que, s'il y a des légitimistes, des orléanistes, des bonapartistes, il ne se trouve pas un seul républicain[32]. »

Quoique monarchiste il avait des préférences, comme souvent parmi les Lorrains, pour les familles outre-Rhin; on le disait plutôt « légitimiste », mais la famille royale française elle-même savait bien qu'il avait des préférences pour les Habsbourg[32].

Il se rallia néanmoins à la République à la fin des années 1890 après un entretien privé avec le pape Léon XIII, acceptant de la servir sans pour autant renier ses convictions. Ainsi, en 1897, il affirma que la France était forte malgré la République, à cause de la qualité de son peuple : « Il faut que la pâte individuelle française soit d'une rude qualité pour avoir résisté à un régime pareil[33]. »

  • « Moi, je suis un homme du Nord, un Lorrain, un Normand, un Rhénan ; il y a de tous ces sangs-là dans mon sang ; mais rien qui vienne d'au-dessous de la Loire… Je n'ai jamais pu regarder un Toulousain comme un compatriote. »
    « […] Dieu sait si j'aime la Lorraine – c'est mon pays… Mais quand je sortais de Lorraine pour aller en Alsace, je trouvais un ordre, une propreté, une discipline qui contrastaient avec le fumier des rues de nos villages, le laisser-aller. L'Alsace m'offrait le spectacle de tout ce que j'aime dans la vieille France et de tout ce que j'admire dans l'Allemagne – ce qu'il y a de meilleur dans l'une et dans l'autre… Je n'aime pas la Prusse. Mais l'Allemagne, c'est un grand peuple et qui a fait de grandes choses. Et j'espérais que tout cela serait maintenu dans l'Alsace, étendu à toute la France pour son profit… »
    L'Alsace, la Lorraine – les « pays », quoi… c'est du réel, de l'humain… Après la guerre, j'avais cru, j'avais espéré qu'en respectant là-bas ce qu'il fallait respecter, on pourrait faire quelque chose d'intéressant, de neuf, dont le reste du pays aurait pu ensuite s'inspirer et aurait recueilli le bénéfice. Un régionalisme vivant, souple, aéré… Mais non ! Il fallait tout centraliser, tout unifier, tout ramener au gabarit, et cette illusion-là est allée rejoindre les autres illusions de la victoire »[34]. »
  • « Tout Français doit lire ce livre » : mise en garde faite aux Français par Lyautey envers le programme hitlérien exposé dans Mein Kampf à l'égard de la France [35] pour l'édition non expurgée et non autorisée par Hitler faite par les Nouvelles Editions Latines avant qu'Hitler ne gagne le procès qu'il leur intente en 1934 [36] et n'autorise une traduction expurgée spécialement pour la France en 1938, parue chez Fayard[37]

Distinctions

Courrier d'Hubert Lyautey à Louis Duchesne, daté du 16 novembre 1916.
La réception d'Hubert Lyautey à l'Académie Française, présidée par son ami Louis Duchesne, assis à droite.
Courrier d'Hubert Lyautey à Louis Duchesne au soir de la réception.


Hubert Lyautey en académicien (1920) portant la Médaille militaire la Légion d'Honneur et le Mérite militaire chérifien.

Il est brillamment élu (avec 27 voix) à l'Académie française en 1912 au fauteuil 14, accueilli par l'historien moderniste Louis Duchesne qui prononça son discours de réception. Il fut membre de l'Académie de Stanislas[38].

Il est élevé à la dignité de maréchal de France le . Le même jour, il reçoit du prétendant au trône de France, Philippe d'Orléans, la plaque de l'ordre du Saint-Esprit[39]. Il possédait également la Médaille Militaire du maréchal Canrobert et la Médaille de Sainte-Hélène qu'un vieux paysan lui avait donnée parce que son fils à qui il l'aurait léguée était mort au Champ d'Honneur. Il est aussi élevé à la dignité de Grand-Croix de l'Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand (1930).

Membre du comité de patronage des éclaireuses éclaireurs de France aussitôt après leur fondation (1911), ainsi que de celui des Éclaireuses et Éclaireurs unionistes de France, il se voit offrir la présidence d'honneur des Scouts de France en 1929. Ni le général Guyot de Salins, ni le chanoine Cornette n'auraient accepté d'offrir la présidence d'honneur d'un mouvement catholique à un homme qui aurait pu prêter le flanc à une critique même légère vis-à-vis des principes catholiques de l'époque[40]. Le château de Thorey-Lyautey abrite aujourd'hui un musée du scoutisme.

Il est commissaire général de l'Exposition coloniale internationale de 1931 et, à ce titre, fait construire le Palais de la Porte Dorée qui abrite jusqu'à récemment le musée des arts africains et océaniens, et qui est aujourd'hui la Cité nationale de l'histoire de l'immigration. Le portrait de lui par Laszlo était accroché dans ce bâtiment.

Héritage et hommages

Tombeau de Lyautey aux Invalides

Au Maroc, le lycée Lyautey de Casablanca est l'un des plus grands lycées français de l'étranger. Le portrait du maréchal Lyautey qui orne l'établissement a été réalisé dans les années 1990, sur une proposition de la direction, et a soulevé un débat parmi les élèves quant au regard à porter sur l'œuvre et les responsabilités du maréchal Lyautey[réf. nécessaire]. À la même période, un drapeau français, accroché par la direction sans le drapeau marocain, a été retiré par des élèves[réf. nécessaire].

Une ville portuaire du Maroc, a porté le nom de « Port-Lyautey » jusqu'à la fin du protectorat. Elle fut rebaptisée « Kénitra » et est située à 30 km au Nord, environ, de la capitale, Rabat.

Dans le foyer étudiant du GEC à Nancy, un bâtiment porte le nom du général Lyautey ainsi que sa signature gavée sur le béton.

La Corniche Lyautey du Lycée militaire d'Aix-en-Provence est également placée sous son patronage depuis 1956.

La 17° promotion du collège interarmées de défense porte son nom[41].

Le 1er escadron du 4e régiment de chasseurs basé à Gap (Hautes-Alpes) a été commandé par le Maréchal Lyautey et porte son nom.

Plusieurs troupes de scouts portent aussi son nom[42].

Œuvres

  • Le rôle social de l'officier, 1891
  • Du rôle colonial de l'armée, 1900
  • Dans le Sud de Madagascar, pénétration militaire, situation politique et économique, 1903
  • Lettres du Tonkin et de Madagascar : 1894-1899, 1920
  • Paroles d'action : 1900-1926, 1927
  • Lettres du Tonkin , 1928, illustrée par Jean Bouchaud - éditions nationales (Paris)
  • Lettres de jeunesse : 1883-1893, 1931
  • Vers le Maroc : lettres du Sud-Oranais : 1903-1907, posthume, 1937
  • Notes de jeunesse : 1875-1877, dans Rayonnement de Lyautey, posthume, 1947
  • Albert De Mun - Hubert Lyautey : Correspondance (1891-1914), Paris, Société de l'Histoire de France, 2011.

Armoiries

Figure Blasonnement

D'azur à une foi d'or sommée d'un soleil du second et soutenus de trois cinquefeuilles d'argent.[43]

Galerie

Modèle:Message galerie

Bibliographie

  • André Maurois, Lyautey, Plon, 1931
  • Marie André, Un ami des scouts : Lyautey, Éditions Alsatia, 1940.
  • Guillaume de Tarde, L'Enseignement de Lyautey, Firmin-Didot, 1942.
  • Raymond Postal, Présence de Lyautey, Éditions Alsatia, 1946.
  • Raymond Dumay, Lettres d'aventures, Éditions Julliard, 1948.
  • Général de Boisboissel, Dans l'ombre de Lyautey, Bonne, 1953.
  • Général Catroux, Lyautey Le Marocain, 1952.
  • Guillaume de Tarde, Lyautey, le chef en action, Gallimard, 1959.
  • Général Durosoy, Lyautey : Mon général, 1956, préface du maréchal Juin.
  • Fuat Pekin, Atatürk et le Maréchal Lyautey, Nancy, Publications de la Fondation Lyautey, 1961.
  • Jacques Benoist-Méchin, Lyautey l'Africain, ou Le rêve immolé, Perrin, 1966.
  • Alin Scham, Lyautey in Marocco, University of California Press, 1971.
  • André Le Révérend, Lyautey écrivain, préface de Jean Guitton, Ophrys, 1976.
  • Général Durosoy, Avec Lyautey. Homme de guerre, homme de paix, Éditions Nel, 1976.
  • André Le Révérend, Un Lyautey inconnu, 1980.
  • Général Durosoy, Lyautey, maréchal de France : 1854-1934, Lavauzelle, 1984.
  • Daniel Rivet, Lyautey et l'institution du protectorat français au Maroc, 1912 - 1925 (3 volumes), 1988, L'Harmattan.
  • André Le Révérend, Lyautey, Fayard, 1983, réed. 1990.
  • Gilbert Mercier, Lyautey, le prince lorrain, Éditions de l'Est, 1994.
  • William A. Hoisington, Lyautey and the French Conquest of Morocco, Palgrave Macmillan, 1995.
  • Hervé de Charette, Lyautey, JC Lattès, 1997.
  • Christian Gury, Lyautey-Charlus, Éditions Kimé, 1998.
  • Pascal Venier, Lyautey avant Lyautey, L'Harmattan, 1997.
  • Arnaud Teyssier, Lyautey : Le ciel et les sables sont grands, Perrin, 2004.
  • Guillaume Jobin, Lyautey, Le Résident, Magellan & Cie, 2014.

Sources

Les papiers personnels de Hubert Lyautey sont conservés aux Archives nationales sous la cote 475 AP[44].

Notes et références

  1. Son père, Just Lyautey (1821-1894), est polytechnicien et ingénieur des ponts et chaussées[4]
  2. Sa mère est Laurence de Grimoult de Villemotte (1832-1890), fille d'un hobereau local[4]
  3. Son grand-père est le Général Hubert-Joseph Lyautey (1789-1867)[4],[5],[6].
  1. Le plus haut grade à l'époque.
  2. « The soul's joy lies in the doing »
  3. Note : comme l'a signalé Charles-André Julien dès 1946, qui l'a re-précisé dans son ouvrage Le Maroc face aux impérialismes : 1415-1956, Les Éditions du Jaguar, Paris, 2011, la devise de Lyautey, Joy's soul lies in the doing n'est pas de Shelley, mais de William Shakespeare : Troilus and Cressida, Acte 1, scène II (The Dramatic Works of William Shakespeare with a life by Thomas Campbell, London, George Routledge and Sons, 1866, p.607).
  4. a b et c Lyautey l'Africain, ou Le rêve immolé, de la série Rêve le plus long de l'Histoire par Jacques Benoist-Méchin, 1966
  5. a et b André Maurois, Lyautey, Plon, 1931.
  6. Marie André, Un Ami Des Scouts : Lyautey, Alsatia, 1940
  7. Henry Louis Dubly, Lyautey-le-magicien, Mercure de Flandre, , p. 20
  8. Gyp, Souvenirs d'une petite fille, 1928.
  9. Gilbert Mercier, Lyautey, le prince lorrain, Éditions de l'Est, , p. 17
  10. Michel Guy, Battisseurs d'empire, J. de Gigord, , p. 78
  11. a et b Maurice Durosoy, Lyautey, Lavauzelle, , p. 18
  12. Jean Garrigues, Philippe Lacombrade, La France au XIXe siècle : 1814-1914, Armand Colin, , p. 194
  13. a b c et d Edward Berenson, auteur de « Les héros de l'empire : Brazza, Marchand, Lyautey, Gordon et Stanley à la conquête de l'Afrique », intervention dans l'émission La Marche de l'Histoire, 9 mars 2012
  14. in Dreyfusards, Coll. Archives, Gallimard, Paris, 1965
  15. François Cochet, Première Guerre mondiale, Studyrama, , p. 153
  16. Raymond Postal, Présence de Lyautey, Éditions Alsatia.
  17. Benoist-Méchin, Lyautey l'africain ou le rêve immolé, Guilde du livre, , p. 285
  18. que l'on peut saisir à travers les écrits regroupés par Patrick Heidsiek dans son ouvrage Présence de Lyautey (1944).
  19. in André Le Révérend, Lyautey écrivain : 1854-1934, Orphrys, 1976 (p. 41)
  20. in Wladimir d'Ormesson, Auprès de Lyautey, Flammarion, 1963 (p. 222)
  21. Marc Oraison écrit dans La Question homosexuelle, Seuil, 1975, p. 10 : « Sait-on habituellement qu'un homme de l'envergure de Lyautey était homosexuel ? Et cela n'avait rien de sordide, bien au contraire. »
  22. Son épouse, en sortant de la tente du maréchal, s'adresse en ces termes aux jeunes officiers : « Messieurs, j'ai le plaisir de vous informer que cette nuit je vous ai fait tous cocus ».
  23. «  Les fausses pudeurs dont font preuve ses biographes les plus éminents exposent Lyautey lui-même à la dérision, plus qu'elles ne protègent une réputation. », Arnaud Teyssier, Lyautey, page 226.
  24. Robert F. Aldrich, Colonialism and Homosexuality, éd. Routledge, 2003, p. 64-70, extraits en ligne
  25. Par Douglas Porch, The March to the Marne: The French Army 1871-1914, éd. Cambridge University Press, 2003, p. 153, extraits en ligne
  26. Cité par Robert F. Aldrich, op. cit.
  27. Cité par Régis Revenin qui écrit « ses contemporains connaissent clairement son homosexualité » mais précise à cet égard « Georges Clemenceau aurait ainsi écrit… ». cf. Régis Revenin, Homosexualité et prostitution masculines à Paris, 2005, L'Harmattan, 225 p. (ISBN 9782747586399), p. 136.
  28. Christian Gury, Lyautey-Charlus, Kimé, 1998, p. 86
  29. Olivier Orban, 1989 ; Le Rocher, 1998.
  30. Plon, 1999.
  31. in Claude Arnaud. Jean Cocteau, page 414.
  32. a et b Henri d'Orléans comte de Paris, Mémoires d'exil et de combats, p. 24
  33. Arnaud Teyssier, Lyautey : Le ciel et les sables sont grands, éd. Perrin, 2004 p. 191.
  34. Raymond Postal, id.
  35. Mein Kampf page 21
  36. http://www.lepoint.fr/actualites-societe/2009-03-19/un-mein-kampf-allege-pour-les-francais/920/0/327195
  37. Adolf Hitler, Ma Doctrine, Arthème Fayard, Paris, 1938. In -8. 344 p.
  38. « Lyautey Hubert », sur le site du Comité des travaux historiques et scientifiques (CTHS) (consulté le )
  39. Aboli par Louis-Philippe en 1830 mais, par la suite, porté et conféré par divers prétendants au trône de France.
  40. cf. Règlement des Scouts de France 1920 et 1924, éd. SPES - Paul Coze, Pour entrer dans le Jeu, diverses éditions aux Éditions Scouts de France
  41. La 17e promotion (2009-2010) du Collège interarmées de défense, promotion Maréchal Lyautey
  42. http://fr.scoutwiki.org/Hubert_Lyautey#Parrainage Hubert Lyautey sur Scoutopedia
  43. www.heraldique-europeenne.org
  44. Salle des inventaires virtuelles, site des Archives nationales

Voir aussi

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