Histoire des droits des homosexuels au Canada

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Première campagne publicitaire de Gai écoute, en 1997.

L’histoire de l’homosexualité au Canada est effervescente entre les années 1960 et les années 2000. Antérieurement aux années 1960, l’homosexualité au Canada est un acte criminel passible d’emprisonnement et demeure dans la clandestinité.

Historique

Les années 1960

Durant les années 60 (et antérieurement), les tribunaux considèrent l’homosexualité comme un acte de grossière indécence, passible de poursuites et de condamnation criminelle, en vertu de l'amendement Labouchère du Criminal Law Amendment Act (1885). Les homosexuels sont alors victimes de la répression policière, ecclésiastique et populaire; l’église considère les homosexuels comme des pécheurs, la médecine comme des malades mentaux et la loi comme des criminels. Tous les jours, les policiers présentent une cause d’homosexualité devant les tribunaux. Les condamnés peuvent être emprisonnés pour une période de cinq ans. Cette répression force les homosexuels canadiens à vivre dans la clandestinité[1].

En 1968, des gais et lesbiennes sont pour la première fois interrogés à la télévision de Radio-Canada à l’émission Dossier présenté par Bernard Derome. L’une des invitées, Jeannine Mahès, est poursuivie, emprisonnée et internée à Saint-Jean-de-Dieu quelques jours après l’entrevue, puis elle perd la garde de sa fille qu’elle ne peut revoir durant quinze ans[2].

À la même époque, George Klippert, un mécanicien de Yellowknife, est emprisonné durant quatre ans pour avoir dit aux policiers qu’il avait eu des relations avec d’autres hommes. Son cas se rendit jusqu’en Cour suprême du Canada et c’est son histoire qui poussa le ministre de la justice, Pierre Elliott Trudeau, à revoir le code criminel en regard à l’homosexualité. George Klippert est la dernière personne au Canada à être arrêtée, inculpée, poursuivie, condamnée et emprisonnée pour son homosexualité[3],[4].

Le , le gouvernement Trudeau réforme le Code criminel du Canada et décriminalise les actes homosexuels en présentant le Bill omnibus : « Tout ce que nous proposons comme amendement au code pénal, c’est ce qui se fait entre deux adultes consentants, ça ne regarde pas la police. Nous n'autorisons pas l’homosexualité, mais n’allons pas punir, nous n’allons pas envoyer des policiers pour voir ce qui se passe entre adultes majeurs consentants, en privé. [sic] »[1].

Les années 1970

Bien que le Bill omnibus de Trudeau décriminalise l’homosexualité, le quotidien des homosexuels demeure difficile au Québec et au Canada. Jusqu’au milieu des années 1970, l’homosexualité est considérée comme une maladie mentale au sein de la communauté médicale. Jusqu’alors, la thérapie par électrochocs, insuline et lobotomie était préconisée par les psychiatres.

En 1971, le Front de libération homosexuel (FLH) est le premier regroupement gai du Canada. Le mouvement est né après une descente policière dans un bar des États-Unis, le Stone Wall Inn, où se déroula l’une des plus grandes émeutes en Amérique entre gais et policiers. Au Canada, le Front de libération homosexuel ne dure qu’un an, victime de la répression policière[1].

La première manifestation gaie au Canada se déroule devant le parlement du Canada à l’automne 1971. La revue homosexuelle The Body Politic est créée en 1971.

En 1975, le PQ tente de faire adopter un article interdisant la discrimination des homosexuels dans la première version de la Charte des droits et libertés. Le PLQ refuse. La charte étant promulguée sans cet article.

Au milieu des années 1970, l'adjoint du député Robert Burns, André Larocque, devient le premier Canadien ouvertement homosexuel à adopter un enfant. Le député Burns signe une des 4 lettres de recommandation[5].

À Montréal, durant les Jeux olympiques d'été de 1976, le maire Jean Drapeau lance une offensive de nettoyage des rues de la ville. On tente de cacher les taudis, les sans abris et les bars/saunas gais.

Le soir du , vers 23 heures, des policiers de Montréal, munis de gilet pare-balles et de mitrailleuses, effectuent la plus grosse descente jamais effectuée dans un bar. Plus de 145 clients du bar TruXX sont arrêtés et accusés[6]. Cette opération policière constitue la plus importante opération de masse depuis la crise d'octobre[1]. Le lendemain des arrestations, plus de deux mille personnes manifestent spontanément dans les rues du centre-ville de Montréal.

Jusqu’en 1977, Citoyenneté et Immigration Canada refuse toujours l’accès au territoire canadien à tout homosexuel déclaré.

En , pour la première fois en Amérique, le ministre de la justice québécois Marc-André Bédard (PQ) fait adopter un amendement avant-gardiste à la Charte des droits et libertés, interdisant toute forme de discrimination sur la base de l’orientation sexuelle[6] (c'est la reprise de la tentative de 1975).

En 1979, la commission des écoles catholiques de Montréal refuse la location d’un local à une association gaie. Après un jugement de la cour, les gais obtiennent pour la première fois gain de cause grâce à la Charte des droits de M. Bédard[1].

Les années 1980

Le 5 février 1981, des descentes de police dans quatre saunas ("Operation Soap") provoquent une importante mobilisation et des manifestations que l'on considère comme la première "Toronto Pride" (semaine de la fierté à Toronto)[7]. Le 30 mai, à Edmonton, 56 policiers sont arrêtés en raison de leurs relations avec des homosexuels[8].

En avril 1983 a lieu la dernière descente de police dans un sauna, après plusieurs manifestations. En 1984, Pink Triangle Press lance le magazine gay Xtra!.

En 1987 débute l'émission de télévision CODCO qui montre plusieurs personnages homosexuels, suivi l'année suivante par The Kids in the Hall. En 1988, Svend Robinson est le premier député canadien à se déclarer publiquement homosexuel.

Les années 1990

En 1990, Vancouver accueille les Gay Games. En 1994, le projet de loi 167 proposé par le gouvernement de Bob Rae, donnant aux couples homosexuels les mêmes droits que les couples hétérosexuels, est repoussé par l'assemblée législative de l'Ontario[9]. En 1995, l'arrêt Egan c. Canada refuse d'attribuer une allocation à un partenaire de même sexe, mais établit l'existence d'une discrimination envers les homosexuels.

En 1996, le Conseil scolaire du district de Toronto lance le "Triangle Programme", le premier programme à destination des jeunes LGBT en danger[10].

Le 20 juin de la même année, le projet C 33, qui ajoute l'orientation sexuelle au Canadian Human Rights Act parmi les motifs de discrimination interdits, est approuvé par sanction royale[11]. En 1999, George Smitherman est le premier Membre du Parlement provincial de l'Ontario ouvertement homosexuel.

Union de fait

En 1999, une décision de la Cour suprême du Canada[12] fait en sorte que les couples homosexuels soient inclus dans les unions de fait.

Les années 2000 et 2010

En 2000 commence l'affaire de Little Sister's Book and Art Emporium. Le 14 septembre a lieu une descente de police au Pussy Palace, un sauna pour femmes. La chaîne de télévision OUTtv est lancée en 2001.

Le 17 novembre 2001, un habitant de Vancouver est agressé et tué par des jeunes à Stanley Park, motivant une marche contre la violence homophobe[13].

En 2002, un adolescent gagne une bataille judiciaire contre son pensionnat catholique qui lui interdisait de venir avec son compagnon à la fête de la promotion (Marc Hall v. Durham Catholic School Board).

En 2005, Allison Brewer devient chef du Nouveau Parti démocratique du Nouveau-Brunswick, et André Boisclair devient chef du Parti québécois[14]. En 2006, Montréal accueille les Outgames mondiaux 2006. La radio Proud FM commence à émettre en 2007.

Au Québec, les années 2000 voient la création des mots ou concepts allosexualité et altersexualité. Micheline Montreuil, transgenre, est une personnalité marquante de cette décennie.

En 2013, le don du sang des personnes homosexuelles a été autorisé à la condition qu'ils n'y est pas eu de rapports sexuel homosexuelle depuis au moins 5 ans.

Au Québec quelques personalités politiques vivent leur homosexualité ouvertement, André Boisclair[15] (Chef du Parti québécois 2005-2007), Sylvain Gaudreault[16] (ministre des affaires municipales et des transports PQ 2012-2014), Agnès Maltais[17] (ministre du travail, de l'emploi et de la solidarité sociale PQ 2012-2014, entre autres), Manon Massé (députée de QS dans SMSJ 2014-), André Boulerice (député du PQ dans SMSJ 1985-2005).

Mariage

En juin 2002, André Boulerice (PQ) fait adopter la loi sur les unions civiles, un substitut de mariage pour lequel les homosexuels sont admis, seulement trois mois après la première décision judiciaire québécoise en faveur du mariage homosexuel à proprement parler.

Dans plusieurs provinces canadiennes, le mariage entre conjoints de même sexe fut légalisé à la suite de procès dans lesquels les juges ont déterminé que la loi existante sur le mariage (le limitant aux couples hétérosexuels) était anticonstitutionnelle. Le , le Canada légalise le mariage homosexuel en adoptant la Loi sur le mariage civil, ce qui change la situation dans 4 des 13 juridictions canadiennes, les 9 autres l'ayant déjà accepté par procédures judiciaires.

Les années 2010

Dans le gouvernement de Pauline Marois formé le 19 septembre 2012, trois ministres nouvellement nommés affichent ouvertement leur homosexualité, Sylvain Gaudreault, Réjean Hébert et Agnès Maltais.

Le 11 février 2013, Kathleen Wynne est élue cheffe du Parti Libéral de l'Ontario, et par le fait même première ministre de l'Ontario. Elle devient aussi la première femme homosexuelle à présider un gouvernement au Canada.

Notes et références

Bibliographie

En français

  • Line Chamberland, Mémoires lesbiennes, 1950-1972, Montréal, Remue-Ménage, 1996.
  • Patrice Corriveau, « Discours religieux et médical au cœur du processus de légitimation du droit pénal. la gestion des mœurs homoérotiques au Québec (1892-1969) », Champ pénal, Vol. IV | 2007 : Varia.
  • Irène Demczuk et Frank Remiggi (dir.), Sortir de l’ombre, Histoire des communautés lesbiennes et gaies de Montréal, Montréal, VLB, 1998.
  • Irène Demczuk (dir.), Des Droits à reconnaître, les lesbiennes face à la discrimination, Montréal, Remue-ménage, 1998.
  • Danielle Julien et Joseph J. Lévy (dir.), Homosexualités : variations régionales, Presses de l'Université du Québec, 2007.
  • Guy Ménard, De Sodome à l’Exode. Jalons pour une théologie de la libération gaie, Montréal, Guy Saint-Jean, 1982.
  • Nathalie Ricard, Maternités lesbiennes, Montréal, Remue-Ménage/IREF.
  • Pierre Salducci (dir.), Écrire gai, Montréal, Stanké, 1998.
  • Paul-François Sylvestre, Les Homosexuels s'organisent, Montréal, éditions Homheureux, 1979.

En anglais

  • Terry Goldie (dir.), In a Queer Country: Gay and Lesbian Studies in the Canadian Context, Arsenal Pulp Press, 2001.
  • Didi Herman, Rights of Passage, Struggles for Lesbian and Gay Equality, Toronto, University of Toronto Press, 1994.
  • Bruce MacDougall, Queer Judgements: Homosexuality, Expression, and the Courts in Canada, Toronto, University of Toronto Press, 2000.
  • Donald McLeod, Lesbian and Gay Liberation in Canada : A Selected Annotated Chronology, 1964-1975, Toronto, EDW books, 1996.
  • David Rayside, Queer Inclusions, Continental Divisions: Public Recognition of Sexual Diversity in Canada and the United States, Toronto, University of Toronto Press, 2008.
  • Miriam Smith, Lesbian and Gay Rights in Canada, Social Movements and Equality-Seeking 1971-1995, Toronto, University of Toronto Press, 1999.
  • Alex Spence (éd.), Gay Canada: A Bibliography and Videography, 1984-2000, Canadian Scholars Press, 2002.
  • Tom Warner, Never Going Back: A History of Queer Activism in Canada, Toronto, University of Toronto Press, 2002.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes