Histoire de la folie à l'âge classique

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Histoire de la folie à l'âge classique
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Naissance de la clinique (en)Voir et modifier les données sur Wikidata

Folie et déraison. Histoire de la folie à l'âge classique est la thèse majeure du doctorat d'État (1961) et le premier ouvrage important de Michel Foucault, qui y étudie les développements de l'idée de folie à travers l'Histoire. C'est la deuxième édition, révisée, de 1972, qui abandonne le titre principal au profit du seul sous-titre.

Écriture[modifier | modifier le code]

Foucault a écrit en 1954 un premier ouvrage sur une thématique proche, Maladie mentale et psychologie. Histoire de la folie. Elle a été rédigée essentiellement à Uppsala en Suède, ville où Michel Foucault avait un poste d'enseignant de français depuis 1955. Il avait accès à la bibliothèque Carolina Rediviva où il a puisé l'essentiel de sa documentation[1]. Le directeur pressenti était Sten Lindroth, professeur d'histoire des idées et des sciences de l'université de la même ville, mais celui-ci rejeta le travail présenté. L'ouvrage est achevé à Cracovie et ce sont finalement Georges Canguilhem et Daniel Lagache qui acceptent d'en être les rapporteurs. La lecture de l'Andromaque que fait Foucault dans sa thèse est vue comme un écho à Maurice Blanchot (sans oublier l'aspect déterminant du concept d'« absence d’œuvre » chez Blanchot). Par ailleurs, le rapport entre la création et l'égarement dans la relation entre la folie et l’œuvre (dont Antonin Artaud, Friedrich Hölderlin, Gérard de Nerval, Friedrich Nietzsche sont les témoins selon Foucault) rappelle l'évocation par Blanchot de l'expérience du désœuvrement comme condition de la production littéraire (dans L'Espace littéraire, en 1955)[A 1].

L'ouvrage est publié chez Plon en 1961 dans la collection de Philippe Ariès[A 2]. La première édition est dédiée à Eric M. Nillson, futur réalisateur de télévision[2].

Idées principales[modifier | modifier le code]

Une exclusion en remplace une autre[modifier | modifier le code]

Foucault commence par une analyse au Moyen Âge, notant notamment comment les lépreux furent parqués hors de la société des vivants. Il y eut peut-être jusqu'à 19 000 léproseries à travers la chrétienté, cette précision étant fondée sur Matthieu Paris. Cette question amène à se demander ce que devinrent les léproseries, une fois la lèpre disparue : « Ces structures resteront. Dans les mêmes lieux souvent les jeux de l'exclusion se retrouveront, étrangement semblables deux ou trois siècles plus tard. »

À partir de là, Foucault trace une histoire de l'idée de maladie mentale au XVe siècle, et de l'intérêt accru pour l'emprisonnement au XVIIe siècle en France. Un repère est donné : c'est la fondation par un décret, en 1656, d'un « hôpital général », qui servira de lieu d'internement pour des fous, mais aussi des pauvres, des criminels. Le lieu sera à la fois vecteur de répression et de charité. Toutes ces « confusions » posent donc question.

L'internement des fous, hérétiques, criminels et libertins[modifier | modifier le code]

Des précisions sont cependant vite données (Première partie, chapitre III). Il y eut bien des lieux réservés aux seuls fous : l'Hôtel-Dieu n'accueillit que des aliénés, Bethlem à Londres seulement des « lunatiques », bien que les « fous », les « furieux » fussent mélangés, confondus avec d'autres internés, jusqu'en prison.

Il s'agit alors de questionner la différence entre ces deux lieux. Quand seuls des fous sont internés, il s'agit bien d'une volonté médicale, ce qui n'est pas le cas ailleurs. De plus, Foucault suggère que la confusion que nous percevons dans l'internement est une vision qui n'est pas « juste », puisqu'elle porte sur l'âge classique un regard actuel, et qu'il s'agit donc bien plus de comprendre, non une erreur de l'âge classique, mais bien une « expérience homogène » de l'exclusion, des « signes positifs », une « conscience positive ».

Allant plus loin, Foucault remarque que les asiles réservés aux fous ne sont pas nouveaux à l'âge classique. La nouveauté qu'apporte cette période, ce sont bien les lieux qui mélangent fous et autres, charité et répression. En effet, Foucault précise l'existence d'hôpitaux réservés aux fous : à Fez au VIIe siècle, à Bagdad au XIIe siècle, puis au Caire au siècle suivant…

Maladie de l'âme[modifier | modifier le code]

Enfin, la folie aurait été reconnue comme une maladie de l'âme, puis avec Freud, comme une maladie mentale.

Foucault accorde une grande attention à la façon dont le statut de fou passa de celui d'un être occupant une place acceptée, sinon reconnue, dans l'ordre social, à celui d'un exclu, enfermé et confiné entre quatre murs.

Foucault étudie les différentes manières et tentatives de traitement des fous, et plus particulièrement les travaux de Philippe Pinel et William Tuke. Foucault présente clairement les traitements appliqués par ces deux hommes comme non moins autoritaires que ceux de leurs prédécesseurs. Ainsi l'asile et les méthodes de Tuke auraient principalement consisté en la punition des individus reconnus comme fous jusqu'à ce qu'ils apprennent à agir normalement, les forçant effectivement à se comporter à la manière d'êtres parfaitement soumis et conformes aux règles admises. De façon similaire, le traitement des fous par Pinel semble n'avoir été qu'une version étendue de la thérapie par aversion, y incluant des traitements comme la douche glacée et l'utilisation des camisoles de force. Pour Foucault, ce type de traitements revient uniquement à brutaliser le patient à répétition jusqu'à ce que celui-ci intègre la structure du jugement et de la punition.

Structure[modifier | modifier le code]

Première partie[modifier | modifier le code]

Chapitre I - Stultifera navis
Chapitre II - Le grand renfermement
Chapitre III - Le monde correctionnaire
Chapitre IV - Expériences de la folie
Chapitre V - Les insensés

Deuxième partie[modifier | modifier le code]

Introduction
Chapitre I - Le fou au jardin des espèces
Chapitre II - La transcendance du délire
Chapitre III - Figures de la folie
Chapitre IV - Médecins et malades

Troisième partie[modifier | modifier le code]

Introduction
Chapitre I - La grande peur
Chapitre II - Le nouveau partage
Chapitre III - Du bon usage de la liberté
Chapitre IV - Naissance de l'asile
Chapitre V - Le cercle anthropologique

Réception[modifier | modifier le code]

Dans la revue Critique, Roland Barthes publie en 1961 l'article « De part et d'autre » concernant l'ouvrage de Foucault. Cet article sera repris dans les Essais critiques publiés au Seuil en 1964[A 3]. En octobre 1961, Maurice Blanchot rédige l'article « L'oubli, la déraison » publié dans La Nouvelle Revue française[A 1]. En 1962, Robert Mandrou rédige un article publié dans la revue des Annales.

En 1994, une étude posthume de Ferdinand Alquié intitulée Le philosophe et le fou est publiée[A 4].

Éditions[modifier | modifier le code]

Éditions françaises[modifier | modifier le code]

  • Michel Foucault, Folie et déraison. Histoire de la folie à l'âge classique, Plon, 1961.
  • Michel Foucault, Histoire de la folie à l'âge classique, Paris, UGE (10/18), réédité de 1963 à 1972. Cette édition abrégée servit de base à la plupart des traductions[3],[A 5].
  • Michel Foucault, Histoire de la folie à l'âge classique, Gallimard, 1972.
  • Michel Foucault, Histoire de la folie à l'âge classique, Gallimard (réédition dans la collection Tel de l'édition de 1972), 1976.

Édition italienne[modifier | modifier le code]

Éditions anglaises[modifier | modifier le code]

  • Madness and Civilization. A History of Insanity in the Age of Reason, Richard Howard (trad.), introduction de David Cooper, Londres, Tavistock, 1965.
  • History of Madness, Jonathan Murphy et Jean Khalfa (trad.), postface de Ian Hacking, Londres - New York, Routledge, 2006.

Édition espagnole[modifier | modifier le code]

  • Historia de la locura en la época classica, Juan José Utrilla (trad.), México, Fondo de Cultura Economica (Breviaros), 1967.

Édition allemande[modifier | modifier le code]

  • Wahnsinn und Gesellschaft. Eine Geschichte des Wahns im Zeitalter der Vernunft, Ulrich Köppen (trad.), Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1969 (réédition en poche en 1973) : cette édition suit l'édition de 1961 chez Plon avec quelques modifications mineures effectuées avec l'accord de Michel Foucault[A 4].

Édition néerlandaise[modifier | modifier le code]

  • Geschiedenis van de Waanzin, Amsterdam, Boom, 1975.

Références[modifier | modifier le code]

  • P. Artières, J.-F. Bert, P. Chevallier et F. Gros, Histoire de la folie à l'âge classique de Michel Foucault : regards critiques 1961-2011, 2011 :
  • Autres sources :
  1. Roudinesco E, Michel Foucault : lectures de l'histoire de la folie dans Philosophes dans la tourmente, 2005, éditions Fayard
  2. Michel Foucault, Dits et écrits : 1954-1988, t. I, Paris, Gallimard, , 901 p. (ISBN 2-07-073844-2), p. 20
  3. L'avertissement indique : « Cet ouvrage est l'édition abrégée de l' Histoire de la folie parue à la librairie Plon en 1961. Tout en présentant l'économie générale du livre, on a conservé de préférence les passages concernant les aspects sociologiques et historiques de l'étude originale. »

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Document utilisé pour la rédaction de l’article P. Artières, J.-F. Bert, P. Chevallier et F. Gros, "Histoire de la folie à l'âge classique" de Michel Foucault : regards critiques 1961-2011, Caen, Presses universitaires de Caen, , 416 p. (ISBN 978-2-84133-390-5)
  • Christine Coste et Évelyne Pisier (dir.), L'Histoire de la folie de Michel Foucault : la mise en œuvre d'une histoire critique (mémoire de diplôme d'études approfondies ès doctrines et philosophies politiques), Paris, université Paris-I, 1989.
  • Jean-François Bert (dir.), Elisabetta Basso et Jacqueline Verdeaux (photographies) : Michel Foucault à Münsterlingen : à l'origine de l'Histoire de la folie, 2015, Editions de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Coll.: L'histoire et ses représentations, (ISBN 2713225086).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]