Histoire d'O

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Histoire d’O
Image illustrative de l’article Histoire d'O

Auteur Pauline Réage
Pays France
Genre Roman érotique
Éditeur Jean-Jacques Pauvert
Date de parution 1954

Histoire d'O est un roman français signé par Pauline Réage (pseudonyme de Dominique Aury, née Anne Desclos) publié en 1954 aux Éditions Pauvert et ayant reçu le prix des Deux Magots l'année suivante.

Résumé[modifier | modifier le code]

Une version de l’anneau de Roissy avec un triskèle décrit dans le livre.

Le roman s'ouvre au moment où une jeune femme appelée O, libre et indépendante (libre sexuellement, pour les années 1950), est emmenée en taxi par son amant René dans un château, situé à Roissy, où l'on « dresse » les femmes. Elle y devient esclave, de son plein gré. Elle y souffre (elle doit s'accoutumer au fouet) et n'y connaît au fond que peu de plaisirs si ce n'est celui d'appartenir à quelqu'un. C'est dans le donjon de Samois qu'elle est marquée au fer rouge aux initiales de son maître et les lèvres de son sexe percées de deux anneaux dont l'un supporte le poids d'un lourd disque de métal décoré d'un triskèle niellé d'or et où est gravé le nom de son propriétaire. O promet, par amour, de se soumettre à tout ce que voudrait son amant, d'abord René, puis sir Stephen — auquel il finit par la donner — et elle s'exécute.

Le roman comporte une part de réalisme passé : dans la ville de Roissy, telle qu'elle est décrite dans le roman, l'on pratique un enfermement qui rappelle celui imposé aux pensionnaires des maisons closes, avant leur interdiction en 1946 à la suite des campagnes de Marthe Richard.[réf. nécessaire]

Genèse de l'œuvre[modifier | modifier le code]

Le mystère de l'identité de l'auteur[modifier | modifier le code]

Le scandale lié à Histoire d'O s'est doublé du mystère entretenu sur l'identité de l'auteur, sur laquelle de multiples hypothèses ont été avancées, attribuant l'ouvrage à divers romanciers hommes ou femmes. Les spéculations sur l'identité réelle de l'auteur vont bon train : on propose Paulhan lui-même, Henry de Montherlant, André Malraux ou André Pieyre de Mandiargues. Jean Paulhan écrivait cependant dans la préface : « Que vous soyez femme, je n'en doute guère. […] C'est qu'O, le jour où René l'abandonne à de nouveaux supplices, garde assez de présence d'esprit pour observer que les pantoufles de son amant sont râpées, il faudra en acheter d'autres. Voilà ce qu'un homme n'aurait jamais trouvé, en tout cas n'aurait pas osé dire. »

Le bruit courait que Dominique Aury, secrétaire de la Nouvelle Revue française, intellectuelle de haut vol, ayant tutoyé Borges ou traduit et fait découvrir Fitzgerald, était l'autrice d'Histoire d'O.

En 1994, Dominique Aury, âgée de quatre-vingt-six ans, s'est entretenue à ce sujet avec le New Yorker et a expliqué la genèse du récit : amoureuse de Jean Paulhan, elle voulait lui écrire une lettre d'amour en forme de roman :

« Je n'étais pas jeune, je n'étais pas jolie. Il me fallait trouver d'autres armes. Le physique n'était pas tout. Les armes étaient aussi dans l'esprit. “Je suis sûr que tu ne peux pas faire ce genre de livres”, m'avait-il dit. Eh bien, je peux essayer, ai-je répondu. »

Dominique Aury / Pauline Réage expliquera aussi s'être avant tout inspirée de fantasmes (non sexuels) qu'elle avait eus enfant[réf. nécessaire].

Le prénom Pauline est un hommage à Pauline Roland et à Pauline Borghese. Le nom « O » était pour « Odile », et est finalement restée une initiale afin d'épargner une autre Odile, amie de l'auteur[réf. souhaitée]. Ce nom de « O » a pu être vu comme la désignation d'un « objet » ou le symbole d'un « orifice ». En fait, il semble que la lettre n'ait pas de signification symbolique particulière, selon l'auteur[réf. souhaitée].

D'une édition discrète au succès public[modifier | modifier le code]

L'édition de 1962

Un contrat avait été passé avec les Éditions des deux rives, mais à la suite des remous provoqués par l'édition du livre Le trafic des piastres de Jacques Despuech en 1953, cet éditeur s'est dessaisi des droits.

Histoire d'O fut donc publié à 600 exemplaires par Jean-Jacques Pauvert, alors âgé de 27 ans, en juin 1954, presque au même moment que le roman Bonjour tristesse de Françoise Sagan. L'attribution du prix des Deux-Magots a entraîné le succès public, mais aussi de multiples interdictions (de vendre aux mineurs, d'afficher, et de faire de la publicité) et poursuites pour outrage aux bonnes mœurs. Finalement, le procès n'eut jamais lieu. Aujourd'hui, ce livre s'est vendu à plus d'un million d'exemplaires dans le monde et a été traduit dans une vingtaine de langues[1].

L'ouvrage avait été examiné par le comité de lecture des éditions Gallimard. Mais Gaston Gallimard aurait été incité à refuser sa publication par Jean Dutourd, qui aurait jugé inacceptable l'édition d'un récit considéré comme pornographique.

Réception[modifier | modifier le code]

La sortie du livre entraine les réactions de nombreux écrivains : François Mauriac, indigné, le trouve "à vomir". Georges Bataille et Graham Greene se montrent à l'inverse admiratifs du travail de Pauline Réage. Le livre reçoit le prix des Deux-Magots en 1955.

Analyse[modifier | modifier le code]

Référence au sado-masochisme[modifier | modifier le code]

Pris au premier degré et compris avec une grille de lecture des années 2000, il ne s'agit que d'un roman érotique, mais Histoire d'O est aussi un cri, celui d'une personne qui veut appartenir à une autre. Si la référence au sado-masochisme est donc bien présente, ce roman ne traite cependant pas que des pratiques sexuelles, mais aussi de celles qui servent la quête d'un absolu : le don de soi. Son écriture, froide et concise, en fait un objet d'autant plus fascinant[réf. nécessaire].

Une lettre d'amour[modifier | modifier le code]

L’anneau de l'héroïne d'histoire d'O, inspiré du film, tel qu’il est vendu en Europe

Commentant le comportement de son héroïne dans Histoire d'O, Pauline Réage dira simplement : « C'est une destruction dans la joie. »

L'ouvrage paraît avec une préface élogieuse (et misogyne) de Paulhan :

« Enfin une femme qui avoue ! Qui avoue quoi ? Ce dont les femmes se sont de tout temps défendues (mais jamais plus qu'aujourd'hui). Ce que les hommes de tout temps leur reprochaient : qu'elles ne cessent pas d'obéir à leur sang ; que tout est sexe en elles, et jusqu'à l'esprit. Qu'il faudrait sans cesse les nourrir, sans cesse les laver et les farder, sans cesse les battre. Qu'elles ont simplement besoin d'un bon maître, et qui se défie de sa bonté… »

C'est d'ailleurs Paulhan qui avait insisté pour que ce roman, écrit pour lui seul à l'origine, soit publié[réf. nécessaire].

Compléments[modifier | modifier le code]

Il existe une suite, Retour à Roissy.

Une série d'interviews de Pauline Réage par Régine Deforges a été publiée en 1975 sous le titre O m'a dit chez l'éditeur Pauvert.

Adaptations[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Éditions de références
Réception et études critiques françaises
Réception et études critiques anglaises
  • Dworkin A., Woman as Victim: Story of O, in The Pornography, Woman Hating II 3, p. 55, Plume, 1974.
  • Charney M., Erotic Sainthood and the search for self-annihilation : Story of O and The Image, in Sexual Fiction, p. 52–70, Methuen, Londres, 1981.
  • Griffin S., Sadomasochism and the erosion of self : A critical reading of story of O., in Against sadomasochism : a radical feminist analysis, Ed. R.R. Linden & al., Frog in the Well, East Palo Alto, 1982.
  • Silverman K. (en), Histoire d’O : the story of a disciplined and punished body, in Enclitic VII 2, p. 63–81, 1983.
  • Pallister J., The Anti-Castle in the works of Pauline Réage, in The Journal of the Midwest MLA XVIII 2, p. 3–13, Université Loyola, Chicago, 1985.
  • Phillips J., O, Really! : Pauline Réage's Histoire d'O, in Forbidden fictions, pornography and censorship in twentieth century french literature, p. 86–103, Pluto Press, Londres, 1999.
Filmographie
  • Écrivain d'O, film documentaire de Paula Rapaport, INA, 2004

Références[modifier | modifier le code]

  1. Angie David, Dominique Aury : la vie secrète de l'auteur d'histoire d'O, Éditions Flammarion, , p. 57
  2. Mon Cinéma à Moi, « HENRI-GEORGES CLOUZOT – Deuxième période (1952-1977) », sur mon cinéma à moi, (consulté le ).
  3. « Anecdotes du film Manderlay », sur allocine.fr (consulté le ).

Articles connexes[modifier | modifier le code]