Gémeaux

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Gémeaux
Image illustrative de l'article Gémeaux
Vue de la constellation.
Désignation
Nom latin Gemini
Génitif Geminorum
Abréviation Gem
Observation
(Époque J2000.0)
Ascension droite Entre 88,25° et 120°
Déclinaison Entre 10° et 35,5°
Taille observable 514 deg2 (30e)
Visibilité Entre 90° N et 60° S
Méridien 20 février, 21h00
Étoiles
Brillantes (m≤3,0) 3 (α, β, γ)
À l’œil nu 119
Bayer / Flamsteed 77
Proches (d≤16 al) 0
La plus brillante Pollux (1,16)
La plus proche ? (? al)
Objets
Objets de Messier 1 (M35)
Essaims météoritiques Epsilon géminides
Géminides
Rho géminides
Constellations limitrophes Cancer
Cocher
Licorne
Lynx
Orion
Petit Chien
Taureau

Les Gémeaux sont une constellation du zodiaque traversée par le Soleil du 22 juin au 20 juillet. Dans l'ordre du zodiaque, la constellation se situe entre le Taureau à l'ouest et le Cancer à l'est.

Elle est entourée par le Cocher et le Lynx à peine visible au nord et la Licorne et le Petit Chien au sud.

Deux étoiles de la constellation sont nommées d'après les jumeaux de la légende : Castor (α Geminorum) et Pollux (β Geminorum).

Les Gémeaux sont également un signe du zodiaque correspondant au secteur de 30° de l'écliptique traversé par le Soleil du 21 mai au 21 juin.

Nomenclature, histoire et mythologie[modifier | modifier le code]

En Mésopotamie[modifier | modifier le code]

Maslamta-Ea et Lugal-Irra, d'après une impression de sceau-cylindre de la première dynastie de Babylone (1880 à 1595 av. è. c.).

La figure des Gémeaux est une création de l’astronomie mésopotamienne. Le nom MAŠ.TAB.BA.GAL.GAL = Tū’amū rabûtu, « les Grands Jumeaux » mésopotamiens, qui sont assimilés aux portiers de l’Enfer, Lugal-irra et Meslamta-ea, est au départ affecté à l’étoile Alpha Geminorum, comme nous pouvons le lire sur la tablette dite MUL.APIN, le premier traité d'astronomie mésopotamienne, découvert à Ninive dans la bibliothèque d'Assurbanipal et datant au plus tard de 627 av. è. c[1].

Les Gémeaux dans une édition des Aratea de Germanicus d’époque carolingienne (ca. 830-840).

Par la suite, au début du 1er millénaire è. c., le ciel est organisé en constellations. C’est ainsi que cinq étoiles des MAŠ.MAŠ, « les Jumeaux », sont désormais nommées par leur situation dans la figure, comme cela est attesté dans les fameux éphémérides qui s’étalent de 652 av. è. c à 61 de notre ère, où α Gem est désormais nommée MAŠ.MAŠ IGI, « l’Antérieure des Jumeaux »[2]

En Grèce et à Rome[modifier | modifier le code]

Les Δίδεμοι, « les Jumeaux » grecs, introduits par Eudoxe de Cnide, sont les héritiers de la constellation mésopotamienne[3]. Dans la mythologie, il s’agit, selon Ératosthène, de Castor et Pollux, les fils de Léda et les frères jumeaux d'Hélène de Troie, surnommés les Dioscures[4].

Les Romains ont tout naturellement suivi les Grecs en traduisant οἱ Δίδεμοι par Gemini[5].

Chez les Arabes[modifier | modifier le code]

La figure de التاوم al-Tā’wum dans une édition du traité de ᶜAbd al-Raḥmān al-Ṣūfī du XVe s., New York Public Library.

Chez les Arabes, il faut distinguer le ciel traditionnel qui comprend les manāzil al-qamar ou « stations lunaires », et ciel gréco-arabe, c’est-à-dire celui que les astronomes classiques ont repris des Grecs au IXe siècle de notre ère.

Les astronomes arabes ont suivi par les Arabes en nommant cette constellation avec التوام al-Tu’ām ou التوامين al-Tawāmīn, de même sens. Mais comme le 4e signe zodiacal était déjà chez eux الجوزاء al-Ğawzā’, alors que la figure de même nom est située sur l’espace de la constellation d’Orion, cela a entraîné pas mal de confusion dans les noms des étoiles de l’espace ptolémaïque Orion / Gemini[6].

L’espace des Gémeaux gréco-arabes contient deux manāzil al-qamar ou « stations lunaires ». D’abord الهنعة al-Hanᶜa, « la Marque [au fer rouge faite sur le cou du chameau] », qui correspond au couple γ et ξ Gem, et qui constitue la VIe station. Ensuite الذراع al-Ḏiraᶜ, qui correspond au couple α et β Gem, qui constitue au départ la VIIe mansion, et s’est par la suite intégrée dans la figure du « Superlion » comme la « Patte supérieure », et a pu être nommée الذراع المقبوضة al-Ḏirāᶜ al-maqbūḍa, « la Patte [du Lion] repliée » (voir la figure du Superlion dans la constellation du Lion).

Ainsi, les noms d'étoiles empruntées aux Arabes qui figurent dans les catalogues contemporains puisent aux deux sources, le ciel traditionnel et le ciel gréco-arabe.

En Europe[modifier | modifier le code]

Au Moyen Âge, les clercs latins connaissaient le nom Gemini par les encyclopédies et les quelques manuscrits des Aratea, c’est-à-dire les versions latines des Φαινόμενα d’Aratos, à leur disposition, mais ils connurent dès l’an mil le nom arabe de cette figure. Nous lisons ainsi, chez Gérard de Crémone (ca. 1175) : Stellatio Geminorum & sunt Aliouze, i.e. la transcription de l’arabe al-Ğawzā’[7]. À son époque, on ne lit pas encore le nom grec dans le texte, ce qui n’adviendra qu’à la Renaissance.

On trouve ensuite, dans l’Uranometria de Johann Bayer (1603), une liste de noms connus dans les différentes langues, selon l’usage de l’époque : non seulement Δίδεμοι, Castor & Pollux, mais encore notamment Abrachaleus, Aphelan, vel Auellar, qui sont les transcriptions arabes de Ἡρακλῆς et Απόλλων, ou Elgeuze qui est une autre manière de rendre l’arabe الجوزاء al-Ğawzā’[8]. Ces noms figurent encore dans plusieurs catalogues jusqu’à ce que la nomenclature approuvée en 1930 par l’Union astronomique internationale (UAI) ne chasse définitivement les appellations autres que Gemini, à l’exception du grec Δίδεμοι.

Bibliographie / Nomenclature[modifier | modifier le code]

  • Hermann Hunger et David Pingree, Astral science in Mesopotamia, Leiden / Boston (Mass.) / Köln : Brill, 1999, , 303 p. (ISBN 90-04-10127-6).
  • Paul Kunitzsch, Untersuchungen zur Sternnomenklatur der Araber, Wiesbaden : O. Harrassowitz, 1961 p., , 125.
  • Roland Laffitte, Le ciel des Arabes. Apport de l’uranographie arabe, Geuthner, , 296 p. (ISBN 978-2-7053-3865-7).
  • André Le Bœuffle, Les Noms latins d'astres et de constellations, Paris: Les Belles lettres, , 292+cartes (ISBN 978-2-251-32882-9, ISSN 1151-826X).
  • Otto Neugebauer & Richard A. Parker, Egyptian astronomical texts... 3. Decans, planets, constellations and zodiacs, 2 vol., Providence, R. I. : Brown university press / London : L. Humphries, 1969.
  • Sun Xiachun Sun et Jacob Kistemarker, The Chinese Sky During the Han, Leiden Köln : Brill, , 240 p. (ISBN 90-04-10737-1).

Observation des étoiles[modifier | modifier le code]

Localisation de la constellation[modifier | modifier le code]

La constellation des Gémeaux peut se repérer à partir de la Grande Ourse : la diagonale du grand chariot pointe sur Pollux, et cet alignement se prolonge sur la diagonale d'Orion.

Inversement, les Gémeaux peuvent se repérer à partir d'Orion : l'alignement entre Rigel et Bételgeuse passe par le pied du Gémeaux (Almeisan, ou Alhena, γ Gem) et pointe sur Pollux.

Forme de la constellation[modifier | modifier le code]

La constellation a une forme assez nette, si les conditions de visibilité sont satisfaisantes (Mag 4). Les étoiles se répartissent suivant deux directions d'alignements, l'une NE - SO, qui va de la tête des Gémeaux vers Orion, et l'autre NO-SE, dans la direction marquée par le couple Castor / Pollux, qui est également celle des bras étendus des deux gémeaux, celle des genoux et des pieds.

Alignements à grande distance[modifier | modifier le code]

Pollux est à l'origine de nombreux alignements à grande distance.

Étoiles principales[modifier | modifier le code]

Castor (α Geminorum)[modifier | modifier le code]

Castor est une étoile blanche. Avec une magnitude de 1,58[9], elle n'est pas la plus brillante de la constellation (cette place revient à Pollux) et sa désignation « α » rend compte de sa position tout au nord des Gémeaux. Elle reste quand même la 24e étoile la plus brillante de la voûte céleste. Elle est distante d'environ 51 années-lumière de la Terre[10].

Castor est en fait un système multiple. En première approche, c'est une étoile double. Castor A est une étoile blanche de la séquence principale de magnitude 1,98[9]. Castor B est une autre étoile blanche de la séquence principale, de magnitude 2,88[9]. Elles tournent l'une autour de l'autre suivant une orbite excentrique en environ 450 ans[11].

Chacune de ces deux étoiles est elle-même une binaire spectroscopique, leurs compagnons étant tous deux des naines rouges. Le compagnon de Castor A accomplit une révolution en 9,2 jours, tandis que le compagnon de Castor B orbite avec une période de seulement 2,4 jours[11].

À environ 71 secondes d'arc de ce double couple orbite Castor C, également désignée YY Gem, de neuvième magnitude. C'est elle-même une binaire spectroscopique constituée de deux naines rouges. Au total, Castor est un système stellaire sextuple[11].

Pollux (β Geminorum)[modifier | modifier le code]

L'étoile la plus brillante de la constellation est Pollux (ou β Geminorum), d'une magnitude de 1,14[9], ce qui en fait la 16e étoile la plus brillante du ciel. C'est une géante orange, assez proche du système solaire, distante de 33,8 années-lumière[10]. Elle est environ 1,7 fois plus massive que le Soleil et son rayon est neuf fois plus grand que le rayon solaire[12]. Pollux possède une exoplanète, désignée Pollux b et nommée Thestias, découverte en 2006. Sa masse minimale est de 2,6 Mj et elle tourne en 590 jours[12].

Autres étoiles[modifier | modifier le code]

Dans la constellation des Gémeaux, la plupart des autres étoiles portant un nom propre forment le corps de chacun des jumeaux : Mebsuta (ε Gem), Tejat (μ Gem) et Propus (η Gem) pour le corps de Castor, Wasat (δ Gem), Mekbuda (ζ Gem) et Alhena (γ Gem) pour celui de Pollux. Une dernière étoile, tout au nord de la constellation, porte un nom propre : Jishui (ο Gem).

Plusieurs étoiles localisées dans la constellation possèdent des exoplanètes. Parmi celles-ci, HD 50554 possède une planète qui est 4,9 fois plus massive que Jupiter et qui orbite à 2,38 ua pour une période de révolution de 1 279 jours.

Objets célestes[modifier | modifier le code]

Efflorée par la Voie lactée sur son côté Ouest, la constellation des Gémeaux renferme de nombreux amas ouverts dans cette région, à commencer par M35 du catalogue Messier. Sa magnitude apparente de 5,1 le rend distinguable à l'œil nu sous un ciel bien noir, à l'écart de la pollution lumineuse des villes. Deux autres amas ouverts peuvent être observés aux jumelles: NGC 2158 et NGC 2420. Le premier révèle une apparence très compacte, semblable à un amas globulaire, et est situé à proximité de M35 sur la sphère céleste.

La constellation abrite les nébuleuses planétaires NGC 2371 et NGC 2392. NGC 2392, jadis nommée « nébuleuse de l'esquimau », est de par sa magnitude apparente de 9,1 distinguable dans un petit télescope. Proche de μ Gem, IC 443 est un rémanent de supernova dont seuls de grands télescopes (200 mm d'ouverture, minimum) permettent son observation[13].

Dans la culture[modifier | modifier le code]

Le programme d'exploration spatial Gemini, mené par la NASA dans les années 1960, a été ainsi dénommé d'après cette constellation.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Roland Laffitte, « Série MUL.APIN (BM 86378) » [PDF], sur URANOS, le site astronomique de la Selefa, Tab. I, i, l. 4.
  2. Roland Laffitte, « Les étoiles de comput dites 'normales' dans les Journaux astronomiques (652-61 av. J.-C.) » [PDF], sur URANOS, le site astronomique de la Selefa.
  3. Roland Laffitte, « L’héritage mésopotamien des Grecs en matière de noms astraux (planètes, étoiles et constellations, signes du zodiaque) », Lettre SELEFA, no 10,‎ , p. 19-20 (lire en ligne [PDF]).
  4. Ératosthène et Pascal Charvet (dir.), Le Ciel, mythes et histoires des constellations, Paris, Nil Éditions, , p. 65.
  5. André Le Bœuffle, Les Noms latins d’astres et de constellations, Paris, Les Belles Lettres, , p. 159-160.
  6. Voir Roland Laffitte, Le ciel des Arabes. Apport de l’uranographie arabe, Paris, Geuthner, , p. 90-91.
  7. Gérard de Crémone, Almagestum Cl. Ptolemei Pheludiensis Alexandrini astronomorum principis…, Venise : ex. Officina Petri Liechtenstein, 1515, fol. 82v.
  8. (la) Johann Bayer, Uranometria, omnium asterismorum continens schemata, nova methodo delineata…, Augusta Vindelicorum : C. Mangus, 1603, fol. 24r.
  9. a b c et d (en) D. Hoffleit et W. H. Warren, « Bright Star Catalogue, 5e éd. », Catalogue de données en ligne VizieR : V/50. Publié à l'origine dans : 1964BS....C......0H, vol. 5050,‎ (Bibcode 1995yCat.5050....0H)
  10. a et b (en) F. van Leeuwen, « Validation of the new Hipparcos reduction », Astronomy & Astrophysics, vol. 474, no 2,‎ , p. 653–664 (DOI 10.1051/0004-6361:20078357, Bibcode 2007A&A...474..653V, arXiv 0708.1752)
  11. a b et c (en) Guillermo Torres et al., « The Orbits and Dynamical Masses of the Castor System », The Astrophysical Journal, vol. 941, no 1,‎ , article no 8 (DOI 10.3847/1538-4357/ac9d8d Accès libre, Bibcode 2022ApJ...941....8T, arXiv 2210.16322)
  12. a et b (en) A. P. Hatzes et al., « Confirmation of the planet hypothesis for the long-period radial velocity variations of β Geminorum », Astronomy & Astrophysics, vol. 457, no 1,‎ , p. 335–34 (DOI 10.1051/0004-6361:20065445, Bibcode 2006A&A...457..335H, arXiv astro-ph/0606517).
  13. « IC 443 (Gem A) - Supernova Remnant in Gemini | TheSkyLive.com », sur theskylive.com (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]