Grand Prix automobile de France 1951

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Grand Prix automobile de France 1951
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Drapeau {{{circuit}}}
Données de course
Nombre de tours ?
Longueur du circuit km
Distance de course km
Résultats

Le Grand Prix de France 1951 (XXXVIIIe Grand Prix de l'A.C.F.), disputé sur le circuit de Reims-Gueux le , est la onzième épreuve du championnat du monde de Formule 1 courue depuis 1950 et la quatrième manche du championnat 1951. Il fut également dénommé Grand Prix d'Europe 1951.

Contexte avant le Grand Prix

Le championnat du monde

Quatrième épreuve du championnat, le Grand Prix de l'A.C.F., élevé cette année au rang de Grand Prix d'Europe, se déroule deux semaines après le Grand Prix de Belgique, qui fut remporté par l'Alfa Romeo du champion du monde en titre Giuseppe Farina. Avant l'épreuve de Reims, le pilote turinois est en tête du classement, avec deux points d'avance sur son coéquipier et rival Juan Manuel Fangio, malchanceux lors de l'épreuve précédente. À ce jour invaincues, les célèbres Alfetta sont néanmoins menacées dans leur suprématie par les Ferrari 375 F1, également très performantes aux mains d'Alberto Ascari et Luigi Villoresi qui seront secondés pour cette course par l'espoir argentin José Froilán González.

Le circuit

Cette piste triangulaire très rapide autorise des moyennes de plus de 180 km/h, et fait la part belle à la puissance des moteurs. Ne comptant que trois virages lents, le circuit a pour cadre les plaines céréalières champenoises, mais traverse également le virage de Gueux, où la piste rase les maisons et les murs de briques.

Monoplaces en lice

  • Alfa Romeo 159 "Usine"
Alfetta 159
Le poste de pilotage de l'Alfetta, la plus rapide des F1 engagées.

Avec une puissance d'environ 425 chevaux, les Alfetta sont les monoplaces les plus puissantes et les plus rapides du plateau. En contrepartie, leur moteur huit cylindres suralimenté est très gourmand, la consommation sur un circuit rapide est de l'ordre d'un litre et demi de méthanol au kilomètre. Pour l'épreuve de Reims, malgré une capacité de trois cents litres de carburant, les Alfa devront effectuer trois ravitaillements en course. L'écurie milanaise engage ici ses trois pilotes attitrés (Giuseppe Farina, Juan Manuel Fangio et Consalvo Sanesi), qui seront épaulés par le vétéran italien Luigi Fagioli, au volant d'une monoplace légèrement moins puissante, ne bénéficiant pas des dernières évolutions moteur.

  • Ferrari 375 F1 "Usine"
González
L'Argentin José Froilán González s'est vu confier le volant de la troisième Ferrari, en remplacement de Piero Taruffi.

La Scuderia Ferrari avait initialement engagé quatre monoplaces, trois seulement ont été acheminées à Reims. Alberto Ascari et Luigi Villoresi pilotent leurs voitures habituelles, tandis que Piero Taruffi, légèrement malade, a été jugé inapte par Enzo Ferrari[1] ! C'est le pilote argentin José Froilán González qui a été invité à piloter la troisième monoplace officielle. La puissance du V12 atmosphérique en version double allumage est estimée à 380 chevaux. Un peu moins rapides que les Alfa Romeo, ce sont néanmoins des concurrentes redoutables pour les Alfa Romeo, grâce à leur consommation moindre et un meilleur équilibre en conditions de course. Avec une autonomie de plus de trois cents kilomètres, les Ferrari ne devront effectuer qu'un seul arrêt ravitaillement en course.
Deux Ferrari privées britanniques sont également présentes : une ancienne 125 à compresseur alignée par Peter Whitehead, et la 375 F1 Thinwall de Tony Vandervell, que vont se partager Reg Parnell et Brian Shawe-Taylor.

  • Simca-Gordini "Usine"

Amédée Gordini a engagé quatre voitures : trois T15 pour les "Mousquetaires" Maurice Trintignant, Robert Manzon et André Simon, ainsi qu'une ancienne T11 pour son fils Aldo, qui effectue ici ses débuts en championnat. D'une puissance très modeste (le petit 4 cylindres à simple compresseur développe environ 150 chevaux), ces monoplaces sont aujourd'hui totalement surclassées par leur concurrentes sur les circuits rapides. Il est peu probable que la prestation de l'année précédente (méritoire quatrième place de Manzon favorisée par un fort taux d'abandons) se renouvelle, la concurrence ayant nettement progressé tandis que les petites monoplaces françaises sont loin de bénéficier d'une préparation parfaite, faute de moyens[2].

  • Maserati 4CLT

Enrico Platé a amené deux anciennes 4CLT-48 pour Harry Schell et Emmanuel de Graffenried, tandis que le pilote argentin Onofre Marimon effectue ses débuts sur une Maserati Milano. On attendait également le Prince Bira et sa 4CLT-48 personnelle, mais le pilote thaïlandais a finalement renoncé.

  • Talbot-Lago T26C
Talbot-Lago T26C
Le compartiment moteur de la Talbot-Lago T26C : un sobre 6 cylindres en ligne, 4 litres ½, environ 280 chevaux.

Bien qu'officiellement absente, Talbot est une nouvelle fois la marque la plus représentée, avec sept monoplaces engagées. Bien que largement dominées en puissance par les monoplaces italiennes, les T26C peuvent néanmoins espérer un résultat honorable sur cette longue épreuve, grâce à leur fiabilité et leur régularité. Parmi les mieux préparées, on trouve les deux monoplaces engagées par Louis Rosier, épaulé par le Monégasque Louis Chiron pour cette course.

Coureurs inscrits

Liste des pilotes inscrits[3]
no  Pilote Écurie Constructeur Châssis Moteur Pneumatiques
2 Drapeau de l'Italie Nino Farina Alfa Romeo SpA Alfa Romeo Alfa Romeo 159 Alfa Romeo L8s P
4 Drapeau de l'Argentine Juan Manuel Fangio Alfa Romeo SpA Alfa Romeo Alfa Romeo 159 Alfa Romeo L8s P
6 Drapeau de l'Italie Consalvo Sanesi Alfa Romeo SpA Alfa Romeo Alfa Romeo 159 Alfa Romeo L8s P
8 Drapeau de l'Italie Luigi Fagioli Alfa Romeo SpA Alfa Romeo Alfa Romeo 159 Alfa Romeo L8s P
10 Drapeau de l'Italie Luigi Villoresi Scuderia Ferrari Ferrari Ferrari 375 F1 Ferrari V12 P
12 Drapeau de l'Italie Alberto Ascari Scuderia Ferrari Ferrari Ferrari 375 F1 Ferrari V12 P
14 Drapeau de l'Argentine José Froilán González Scuderia Ferrari Ferrari Ferrari 375 F1 Ferrari V12 P
16 Drapeau de l'Italie Piero Taruffi Scuderia Ferrari Ferrari Ferrari 375 F1 Ferrari V12 P
18 Drapeau de la Suisse Emmanuel de Graffenried Enrico Platé Maserati Maserati 4CLT-48 Maserati L4s P
20 Harry Schell Enrico Platé Maserati Maserati 4CLT-48 Maserati L4s P
22 Prince Bira Écurie Siam Maserati Maserati 4CLT-48 Maserati L4s P
24 Drapeau du Royaume-Uni Peter Whitehead Privé Ferrari Ferrari 125 Ferrari V12s D
26 Drapeau du Royaume-Uni Reg Parnell
Drapeau du Royaume-Uni Brian Shawe-Taylor
GA Vandervell Ferrari Ferrari 375 F1 Thinwall Ferrari V12 P
28 Drapeau de la Belgique Johnny Claes Écurie Belge Talbot-Lago Talbot-Lago T26C-DA Talbot L6 D
30 Drapeau de la France Robert Manzon Équipe Gordini Simca-Gordini Simca-Gordini T15 Gordini L4s E
32 Drapeau de la France Maurice Trintignant Équipe Gordini Simca-Gordini Simca-Gordini T15 Gordini L4s E
34 Drapeau de la France André Simon Équipe Gordini Simca-Gordini Simca-Gordini T15 Gordini L4s E
36 Drapeau de la France Aldo Gordini Équipe Gordini Simca-Gordini Simca-Gordini T11 Gordini L4s E
38 Drapeau de la France Philippe Étancelin Privé Talbot-Lago Talbot-Lago T26C-DA Talbot L6 D
40 Drapeau de la France Louis Rosier Ecurie Rosier Talbot-Lago Talbot-Lago T26C-DA Talbot L6 D
42 Drapeau de Monaco Louis Chiron Ecurie Rosier Talbot-Lago Talbot-Lago T26C Talbot L6 D
44 Drapeau de la France Eugène Chaboud Privé Talbot-Lago Talbot-Lago T26C-GS Talbot L6 D
46 Drapeau de la France Yves Giraud Cabantous Privé Talbot-Lago Talbot-Lago T26C Talbot L6 D
48 Drapeau de la France Guy Mairesse Écurie Belgique Talbot-Lago Talbot-Lago T26C Talbot L6 D
50 Drapeau de l'Argentine Onofre Marimon Scuderia Milano Maserati Maserati Milano 4CLT-50 Maserati L4s P

Qualifications

Les séances de qualifications se déroulent le vendredi et le samedi, sous une chaleur accablante[4]. Alberto Ascari (Ferrari) se montre le plus rapide lors de la première journée d'essais, mais le lendemain les Alfa Romeo exploitent pleinement leur puissance supérieure, et Juan Manuel Fangio s'empare une nouvelle fois de la pole position avec un tour en 2 min 25 s 7 (à plus de 193 km/h de moyenne), près de deux secondes devant son coéquipier Giuseppe Farina. Ascari reste le plus rapide des pilotes Ferrari, troisième temps devant son coéquipier Luigi Villoresi. Quant aux Talbot, désormais largement surclassées par les monoplaces italiennes, elles sont emmenées par le vétéran Louis Chiron, le plus rapide des pilotes privés, qui décroche une place en troisième ligne, à dix-huit secondes tout de même du meilleur temps.
Arrivées tardivement le samedi, une heure et demie avant la fin de la dernière séance, les Simca-Gordini ont très peu tourné[2]; à la surprise générale le débutant Aldo Gordini se révèle aussi rapide que les pilotes confirmés comme Maurice Trintignant. Rendant trois secondes au kilomètre aux Alfa Romeo et Ferrari, ces voitures ne peuvent espérer se mêler à la lutte pour les places d'honneur.

Résultats des qualifications
Pos. no  Pilote Écurie Temps Écart
1 4 Drapeau de l'Argentine Juan Manuel Fangio Alfa Romeo 2 min 25 s 7  
2 2 Drapeau de l'Italie Giuseppe Farina Alfa Romeo 2 min 27 s 4 + 1 s 7
3 12 Drapeau de l'Italie Alberto Ascari Ferrari 2 min 28 s 1 + 2 s 4
4 10 Drapeau de l'Italie Luigi Villoresi Ferrari 2 min 28 s 5 + 2 s 8
5 6 Drapeau de l'Italie Consalvo Sanesi Alfa Romeo 2 min 28 s 9 + 3 s 2
6 14 Drapeau de l'Argentine José Froilán González Ferrari 2 min 30 s 8 + 5 s 1
7 8 Drapeau de l'Italie Luigi Fagioli Alfa Romeo 2 min 33 s 1 + 7 s 4
8 42 Drapeau de Monaco Louis Chiron Talbot-Lago 2 min 43 s 7 + 18 s 0
9 26 Drapeau du Royaume-Uni Reg Parnell Ferrari 2 min 44 s 0 + 18 s 3
10 38 Drapeau de la France Philippe Étancelin Talbot-Lago 2 min 44 s 8 + 19 s 1
11 46 Drapeau de la France Yves Giraud-Cabantous Talbot-Lago 2 min 45 s 7 + 20 s 0
12 28 Drapeau de la Belgique Johnny Claes Talbot-Lago 2 min 46 s 6 + 20 s 9
13 40 Drapeau de la France Louis Rosier Talbot-Lago 2 min 48 s 0 + 22 s 3
14 44 Drapeau de la France Eugène Chaboud Talbot-Lago 2 min 49 s 6 + 23 s 9
15 50 Drapeau de l'Argentine Onofre Marimon Maserati 2 min 49 s 8 + 24 s 1
16 18 Drapeau de la Suisse Emmanuel de Graffenried Maserati 2 min 50 s 1 + 24 s 4
17 36 Drapeau de la France Aldo Gordini Simca-Gordini 2 min 50 s 3 + 24 s 6
18 32 Drapeau de la France Maurice Trintignant Simca-Gordini 2 min 50 s 3 + 24 s 6
19 48 Drapeau de la France Guy Mairesse Talbot-Lago 2 min 58 s 4 + 32 s 7
20 24 Drapeau du Royaume-Uni Peter Whitehead Ferrari Pas de temps -
21 34 Drapeau de la France André Simon Simca-Gordini Pas de temps -
22 20 Drapeau des États-Unis Harry Schell Maserati Pas de temps -
23 30 Drapeau de la France Robert Manzon Simca-Gordini Pas de temps -

Grille de départ du Grand Prix

Une biplace au milieu des monoplaces : la Talbot-Lago T26C GS engagée par Eugène Chaboud, qui s'élancera de la sixième ligne.
Grille de départ du Grand Prix et résultats des qualifications[5]
1re ligne Pos. 3 Pos. 2 Pos. 1
Drapeau de l'Italie
Ascari
Ferrari
2 min 28 s 1
Drapeau de l'Italie
Farina
Alfa Romeo
2 min 27 s 4
Drapeau de l'Argentine
Fangio
Alfa Romeo
2 min 25 s 7
2e ligne Pos. 5 Pos. 4
Drapeau de l'Italie
Sanesi
Alfa Romeo
2 min 28 s 9
Drapeau de l'Italie
Villoresi
Ferrari
2 min 28 s 5
3e ligne Pos. 8 Pos. 7 Pos. 6
Drapeau de Monaco
Chiron
Talbot-Lago
2 min 43 s 7
Drapeau de l'Italie
Fagioli
Alfa Romeo
2 min 33 s 1
Drapeau de l'Argentine
González
Ferrari
2 min 30 s 8
4e ligne Pos. 10 Pos. 9
Drapeau de la France
Étancelin
Talbot-Lago
2 min 44 s 8
Drapeau du Royaume-Uni
Parnell
Ferrari
2 min 44 s 0
5e ligne Pos. 13 Pos. 12 Pos. 11
Drapeau de la France
Rosier
Talbot-Lago
2 min 48 s 0
Drapeau de la Belgique
Claes
Talbot-Lago
2 min 46 s 6
Drapeau de la France
Cabantous
Talbot-Lago
2 min 45 s 7
6e ligne Pos. 15 Pos. 14
Drapeau de l'Argentine
Marimon
Maserati
2 min 49 s 8
Drapeau de la France
Chaboud
Talbot-Lago
2 min 49 s 6
7e ligne Pos. 18 Pos. 17 Pos. 16
Drapeau de la France
Trintignant
Simca-Gordini
2 min 50 s 3
Drapeau de la France
Gordini
Simca-Gordini
2 min 50 s 3
Drapeau de la Suisse
Graffenried
Maserati
2 min 50 s 1
8e ligne Pos. 20 Pos. 19
Drapeau du Royaume-Uni
Whitehead
Ferrari
Pas de temps
Drapeau de la France
Mairesse
Talbot-Lago
2 min 58 s 4
9e ligne Pos. 23 Pos. 22 Pos. 21
Drapeau de la France
Manzon
Simca-Gordini
Pas de temps
Drapeau des États-Unis
Schell
Maserati
Pas de temps
Drapeau de la France
Simon
Simca-Gordini
Pas de temps

Déroulement de la course

Sur cette distance de plus de six cents kilomètres, les Alfa Romeo vont devoir ravitailler trois fois en carburant, contre une fois pour les Ferrari, tandis que les Talbot n'auront a priori pas à s'arrêter. 70000 spectateurs assistent à la course, qui va être disputée par temps chaud et ensoleillé[6].

En pole position, Juan Manuel Fangio (Alfa Romeo) s'élance en tête devant les Ferrari d'Alberto Ascari et Luigi Villoresi, alors que Giuseppe Farina (qualifié en première ligne sur son Alfetta) a complètement manqué son envol, ayant trop fait cirer ses pneus. Au cours du premier tour, Ascari prend la tête et repasse devant les stands avec déjà plusieurs longueurs d'avance sur Fangio et Villoresi. Suivent Consalvo Sanesi (Alfa Romeo) et José Froilán González sur la troisième Ferrari, alors que Farina, sixième, a déjà regagné quelques places. Le champion du monde tourne à un rythme très élevé en ce début de course : il dépasse González et Sanesi (victime de problèmes de magnéto) au cours du quatrième tour, et recolle bientôt au groupe de tête, ayant battu à deux reprises le record du tour. Ascari est toujours en tête, mais va bientôt connaître des ennuis de freins, cédant la première place à Fangio au neuvième tour, alors que Farina prend le meilleur sur Villoresi pour le gain de la troisième place. Fangio ne va rester que quelques kilomètres en tête, handicapé par des problèmes d'allumage. Après un bref arrêt au stand, Ascari est reparti en cinquième position, mais abandonne au tour suivant, boîte de vitesses cassée. C'est donc Farina, auteur d'une fulgurante remontée, qui occupe la première place, avec déjà sept secondes d'avance sur Villoresi, et près de vingt sur Fangio dont le moteur ratatouille de plus en plus. Le pilote argentin doit bientôt effectuer un très long arrêt au stand, pour faire remplacer les magnétos. En tête, débarrassé de ses plus dangereux adversaires, le champion du monde continue sur un rythme effréné, améliorant encore cinq fois le record entre le onzième et le dix-huitième passages ! Son avance sur la meilleure Ferrari se monte maintenant à plus d'une minute, alors que le vétéran Luigi Fagioli, après un début de course prudent sur son Alfetta, occupe maintenant la troisième place, ayant doublé la Ferrari de González au seizième tour. Villoresi semble en difficulté, il se fait dépasser coup sur coup par Fagioli et González. Au tour suivant le pilote argentin, qui effectue sa première course pour Ferrari, s'empare de la seconde place. Le premier quart de la course est dépassé, et c'est Fagioli qui va être le premier à effectuer son ravitaillement.

Nous sommes au début du vingt-cinquième tour, et Fangio est toujours immobilisé pour problèmes d'allumage, après un second arrêt. Guidotti, le directeur sportif, ordonne alors à Fagioli de céder sa voiture au pilote argentin; le plein effectué, Fangio repart en quatrième position, derrière les Ferrari de González et Villoresi, Farina caracolant loin devant. Son retard sur le leader est de plus de deux minutes et parait insurmontable, Fangio met néanmoins tout en œuvre pour réduire l'écart et, malgré une voiture gorgée de carburant, il est pratiquement dans le rythme du record du tour. Farina effectue son premier ravitaillement après vingt-sept tours, il a toujours une confortable avance sur González et Villoresi lorsqu'il repart de son stand. La remontée de Fangio est ahurissante : n'hésitant pas à utiliser plus que la largeur de la piste[1], il réduit rapidement son écart sur les Ferrari; au trente-deuxième passage, il bat le record du tour à plus de 190 km/h, et deux boucles plus tard il a débordé Villoresi.

Au début du trente-cinquième tour, González ravitaille, mais malgré son remarquable début de course doit laisser le volant à Ascari. Entre temps, Fangio est passé, il est désormais second à environ une minute et demie de son coéquipier Farina. Villoresi, quatrième, effectue son arrêt peu après; il a considérablement ralenti son allure, sa Ferrari dégageant d'inquiétantes fumées blanches. Peu après la mi-course, Fangio a encore réduit l'écart sur son coéquipier Farina, lui reprenant deux secondes au tour. Les deux pilotes Alfa Romeo effectuent leur second ravitaillement peu après, les pneus arrière sont également remplacés, Ascari profite de l'arrêt de Fangio pour le gain de la seconde place. Farina est toujours en tête, mais au tour suivant il doit à nouveau s'arrêter, pneu avant gauche éclaté. C'est alors qu'il compromet toute chance de victoire : énervé par l'incident, il dépasse son stand. Le règlement l'oblige à pousser sa voiture en arrière, et lorsque l'on procède enfin au remplacement de la roue trois minutes ont été perdues !

La course se joue maintenant entre Ascari, désormais premier, et Fangio. Ce dernier est nettement plus rapide, mais il doit encore prévoir un troisième ravitaillement. Troisième et quatrième, Farina et Villoresi sont bien trop attardés pour la lutte en tête. Fangio comble rapidement son retard sur Ascari, et profite d'un bref arrêt de ce dernier (réglage des freins) pour prendre le commandement de la course. Son rythme est toujours très élevé, en dix tours il porte son avance à plus d'une minute, avance suffisante pour effectuer son dernier ravitaillement en toute quiétude. Ascari ne peut plus espérer le rejoindre et assure sa seconde place, tandis que Farina connaît à son tour des problèmes d'allumage et se fait successivement dépasser par Villoresi et Parnell en fin de course. Auteur d'une course ayant tenu en haleine et enthousiasmé le public rémois, Fangio emporte une victoire inespérée au volant de la voiture de Fagioli, au terme d'une époustouflante course poursuite. Il reprend à cette occasion la tête du championnat du monde, avec un point d'avance sur son coéquipier Farina, seulement cinquième de la course suite à sa crevaison et ses ennuis d'allumage. Pour Luigi Fagioli (finalement reparti sur la voiture de Fangio avec un retard de plus de vingt tours !), cette victoire partagée est la première en championnat. Toutefois, vexé d'avoir dû céder sa voiture et réduit au rôle de faire-valoir, le vétéran italien quittera aussitôt l'équipe[1], et n'apparaîtra plus en formule 1.

Classements intermédiaires

Classements intermédiaires des monoplaces aux premier, cinquième, dixième, vingtième, quarantième, cinquantième et soixantième tours[7].

Classement de la course

Pour la deuxième année consécutive, Fangio ajoute son nom au palmarès de ce Grand Prix. Covainqueur, Fagioli est ici superbement ignoré !
Guy Mairesse sur Talbot-Lago termine neuvième de l'épreuve
Pos No Pilote Écurie Tours Temps/Abandon Grille Points
1 8 Drapeau de l'Italie Luigi Fagioli
Drapeau de l'Argentine Juan Manuel Fangio
Alfa Romeo 77 3 h 22 min 11 s 0 7 4
5
2 14 Drapeau de l'Argentine José Froilán González
Drapeau de l'Italie Alberto Ascari
Ferrari 77 3 h 23 min 09 s 2 (+ 58 s 2) 6 3
3
3 10 Drapeau de l'Italie Luigi Villoresi Ferrari 74 3 h 23 min 28 s 5 (+ 3 tours) 4 4
4 26 Drapeau du Royaume-Uni Reg Parnell Ferrari 73 3 h 22 min 48 s 5 (+ 4 tours) 9 3
5 2 Drapeau de l'Italie Nino Farina Alfa Romeo 73 3 h 23 min 51 s 5 (+ 4 tours) 2 2
6 42 Drapeau de Monaco Louis Chiron Talbot-Lago 71 3 h 23 min 29 s 0 (+ 6 tours) 8  
7 46 Drapeau de la France Yves Giraud-Cabantous Talbot-Lago 71 3 h 24 min 48 s 2 (+ 6 tours) 11  
8 44 Drapeau de la France Eugène Chaboud Talbot-Lago 69 3 h 22 min 19 s 6 (+ 8 tours) 14  
9 48 Drapeau de la France Guy Mairesse Talbot-Lago 66 3 h 24 min 58 s 9 (+ 11 tours) 19  
10 6 Drapeau de l'Italie Consalvo Sanesi Alfa Romeo 58 3 h 22 min 30 s 0 (+ 19 tours) 5  
11 4 Drapeau de l'Argentine Juan Manuel Fangio
Drapeau de l'Italie Luigi Fagioli
Alfa Romeo 55 3 h 22 min 29 s 3 (+ 22 tours) 1  
Abd. 28 Drapeau de la Belgique Johnny Claes Talbot-Lago 54 Accident 12  
Abd. 40 Drapeau de la France Louis Rosier Talbot-Lago 43 Transmission 13  
Abd. 38 Drapeau de la France Philippe Étancelin Talbot-Lago 37 Moteur 10  
Abd. 36 Drapeau de la France Aldo Gordini Simca-Gordini 27 Moteur 17  
Abd. 20 Drapeau des États-Unis Harry Schell Maserati 23 Surchauffe moteur 22  
Abd. 32 Drapeau de la France Maurice Trintignant Simca-Gordini 11 Moteur 18  
Abd. 12 Drapeau de l'Italie Alberto Ascari Ferrari 10 Boîte de vitesses 3  
Abd. 34 André Simon Simca-Gordini 7 Moteur 21  
Abd. 30 Drapeau de la France Robert Manzon Simca-Gordini 3 Moteur 23  
Abd. 50 Drapeau de l'Argentine Onofre Marimon Maserati-Milano 2 Moteur 15  
Abd. 18 Drapeau de la Suisse Toulo de Graffenried Maserati 1 Transmission 16  
Abd. 24 Drapeau du Royaume-Uni Peter Whitehead Ferrari 1 Moteur 20  

Légende:

  • Abd.=Abandon

Pole position et record du tour

Évolution du record du tour en course

Le record du tour fut amélioré dix fois au cours de l'épreuve[7], révélant l'intensité de la lutte en tête entre Fangio, Ascari et Farina.

Tours en tête

Classement général à l'issue de la course

Classement des pilotes
Pos. Pilote Écurie Points Drapeau de la Suisse
SUI
Drapeau des États-Unis
500
Drapeau de la Belgique
BEL
Drapeau de la France
FRA
Drapeau du Royaume-Uni
GBR
Drapeau de l'Allemagne
ALL
Drapeau de l'Italie
ITA
Drapeau de l'Espagne
ESP
1 Drapeau de l'Argentine Juan Manuel Fangio Alfa Romeo 15 9* - 1* 5*
2 Drapeau de l'Italie Giuseppe Farina Alfa Romeo 14 4 - 8 2
3 Drapeau des États-Unis Lee Wallard Kurtis Kraft 9 - 9* - -
Drapeau de l'Italie Alberto Ascari Ferrari 9 - - 6 3
5 Drapeau de l'Italie Luigi Villoresi Ferrari 8 - - 4 4
6 Drapeau de l'Italie Piero Taruffi Ferrari 6 6 - - -
Drapeau des États-Unis Mike Nazaruk Kurtis Kraft 6 - 6 - -
8 Drapeau de l'Italie Luigi Fagioli Alfa Romeo 4 - - - 4
9 Drapeau de l'Argentine José Froilán González Ferrari 3 - - - 3
Drapeau de l'Italie Consalvo Sanesi Alfa Romeo 3 3 - - -
Drapeau des États-Unis Andy Linden Sherman 3 - 3 - -
Drapeau de la France Louis Rosier Talbot-Lago 3 - - 3 -
Drapeau du Royaume-Uni Reg Parnell Ferrari 3 - - - 3
14 Drapeau des États-Unis Jack McGrath Kurtis Kraft 2 - 2 - -
Drapeau des États-Unis Manny Ayulo Kurtis Kraft 2 - 2 - -
Drapeau de la Suisse Emmanuel de Graffenried Alfa Romeo 2 2 - - -
Drapeau des États-Unis Bobby Ball Schroeder 2 - 2 - -
Drapeau de la France Yves Giraud-Cabantous Talbot-Lago 2 - - 2 -
  • attribution des points : 8, 6, 4, 3, 2 respectivement aux cinq premiers de chaque épreuve et 1 point supplémentaire pour le pilote ayant accompli le meilleur tour en course (signalé par un astérisque)
  • Le règlement permet aux pilotes de se relayer sur une même voiture, les points éventuellement acquis étant alors partagés. Jack McGrath et Manny Ayulo marquent chacun deux points pour leur troisième place à Indianapolis, Luigi Fagioli et Juan Manuel Fangio marquent chacun quatre points pour leur victoire en France, José Froilán González et Alberto Ascari marquent chacun trois points pour leur seconde place en France.

À noter

  • 1re victoire et dernière participation en championnat du monde pour Luigi Fagioli.
  • 5e victoire pour Juan Manuel Fangio.
  • 4e hat trick pour Juan Manuel Fangio.
  • 9e victoire pour Alfa Romeo en tant que constructeur.
  • 9e victoire pour Alfa Romeo en tant que motoriste.
  • Voitures copilotées :
    • n° 8: Luigi Fagioli (24 tours) et Juan Manuel Fangio (53 tours). Ils se partagent les 8 points de la victoire, Fangio inscrivant également un point pour son record du tour en course établi sur cette voiture.
    • n° 14: José Froilán González (34 tours) et Alberto Ascari (43 tours). Ils se partagent les 6 points de la 2e place.
    • n° 24: Juan Manuel Fangio (15 tours) et Luigi Fagioli (40 tours).

Notes et références

  1. a b et c (en) Karl Ludvigsen, Juan Manuel Fangio – Motor racing’s grand master, Haynes Publishing, , 208 p. (ISBN 1-85960-625-3)
  2. a b et c Christian Huet, Gordini Un sorcier une équipe, Éditions Christian Huet, , 485 p. (ISBN 2-9500432-0-8)
  3. (en) Bruce Jones, The complete Encyclopedia of Formula One, Colour Library Direct, , 647 p. (ISBN 1-84100-064-7)
  4. Pierre Abeillon, « Les Talbot en course », Revue Auto passion, no 32,‎
  5. (en) Mike Lang, Grand Prix volume 1, Haynes Publishing Group, , 288 p. (ISBN 0-85429-276-4)
  6. Revue L'Automobile n°64 - août 1951
  7. a et b Edmond Cohin, L'historique de la course automobile, Éditions Larivière, , 882 p.