Gouvernement de la Défense nationale

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Gouvernement de la Défense nationale

Troisième République (provisoire)

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Le gouvernement de la Défense nationale. De haut en bas et de gauche à droite : Jules Favre, le général Trochu, Léon Gambetta, Emmanuel Arago, Adolphe Crémieux, Henri Rochefort, Ernest Picard, Alexandre Glais-Bizoin, Jules Simon, Louis-Antoine Garnier-Pagès, Jules Ferry, Eugène Pelletan.
Président du gouvernement Louis Trochu
Formation
Fin
Durée 5 mois et 15 jours
Composition initiale
Drapeau de la France

Le gouvernement de la Défense nationale, aussi connu sous le nom de gouvernement provisoire de 1870 ou gouvernement provisoire de Défense nationale, est formé à Paris durant la Guerre franco-allemande, le après la capture de Napoléon III à la bataille de Sedan, la déchéance de l'empereur prononcée sous la pression de la foule au palais Bourbon par le Corps législatif et la proclamation de la République à l'hôtel de ville.

Contexte[modifier | modifier le code]

Capitulation de l'Empereur[modifier | modifier le code]

Le conflit armé entre la France et la Prusse qui éclate en tourne à l'avantage de l'armée prussienne. Moins préparée que son ennemie, et inférieure en nombre, l'armée française connaît une véritable déroute[1]. Le , le chef du Grand-État Major Général prussien Helmuth von Moltke donne l'ordre à ses troupes de franchir la frontière. Les Français, battus six jours plus tard à Frœschwiller-Wœrth, doivent se replier[2]. La nouvelle de cette défaite est reçue à Paris avec stupeur et colère. Le , une foule menaçante se presse devant le Corps législatif, mais la majorité des républicains, qui croient encore au sursaut militaire, refusent une révolution qui s'apparenterait à une trahison de l'armée et romprait l'unité nationale. La défaite est imputée à Émile Ollivier qui est contraint de remettre sa démission[2].

Les députés rejettent la proposition du républicain Jules Favre de nommer un comité de quinze membres dans une sorte de gouvernement d'union chargé de repousser l'invasion. L'impératrice Eugénie, qui assure la régence, nomme le bonapartiste autoritaire Charles Cousin-Montauban, comte de Palikao, à la tête du gouvernement[2]. Le maréchal Bazaine, commandant en chef de l'armée du Rhin, est encerclé dans Metz le avec la moitié des troupes françaises. L'empereur songe à se replier sur Paris mais, sous la pression de l'impératrice et du ministre de la Guerre qui redoutent qu'une telle décision provoque un soulèvement populaire[3], Napoléon III marche au secours de Bazaine avec l'armée de Châlons commandée par le maréchal Mac Mahon[2],[4]. Ses troupes sont elles-mêmes encerclées dans Sedan. Les tentatives de sortie échouent et l'empereur capitule le [2].

Proclamation de la République[modifier | modifier le code]

Quand la nouvelle de la capitulation de l'empereur parvient à Paris le , un groupe de républicains conduit par Léon Gambetta tente de convaincre Adolphe Thiers de prendre la tête d'un gouvernement d'union et de défense[5]. Le soir même, alors que de nombreux Parisiens se rassemblent devant les grilles du palais Bourbon, où siège le Corps législatif, Gambetta tente de rassurer la foule pour prévenir tout risque d'émeute[6]. Les députés républicains, fidèles à leur doctrine qui consiste à prendre le pouvoir par les urnes, de façon démocratique, ne veulent pas encore d'une révolution qui discréditerait la république dès sa naissance[7]. Pourtant, la situation évolue précipitamment dans l'après-midi du lorsque la foule envahit le palais Bourbon pendant la séance du Corps législatif. Jules Favre et Léon Gambetta, qui veulent garder le contrôle de la situation, font preuve d'opportunisme[8]. Ce dernier monte à la tribune et annonce la chute de l'Empire : « Citoyens, attendu que tout le temps nécessaire a été donné à la représentation nationale pour prononcer la déchéance ; attendu que nous sommes et que nous constituons le pouvoir régulier issu du suffrage universel libre, nous déclarons que Louis-Napoléon Bonaparte et sa dynastie ont à jamais cessé de régner sur la France[7]. »

Deux cortèges se dirigent vers l'hôtel de ville où Léon Gambetta proclame la République devant une foule enthousiaste[7]. En agissant de la sorte, les républicains modérés du Corps législatif veulent devancer les meneurs d'extrême gauche comme Auguste Blanqui, Jean-Baptiste Millière, Charles Delescluze ou Gustave Flourens, qui pourraient profiter des circonstances pour établir un gouvernement insurrectionnel et renverser l'ordre social. Sans en être les déclencheurs, les députés républicains choisissent donc de prendre la tête du mouvement révolutionnaire pour tenter de l'endiguer[9].

Composition[modifier | modifier le code]

Formation du gouvernement[modifier | modifier le code]

Après la proclamation, les chefs républicains décident que le nouveau gouvernement, afin d'assurer sa légitimité, doit être composé de tous les députés élus à Paris, ce qui présente alors un avantage car la plupart d'entre eux (Jules Favre, Jules Ferry, Adolphe Crémieux, Louis-Antoine Garnier-Pagès, Emmanuel Arago) sont députés de la capitale depuis les élections législatives de 1869, tandis que Léon Gambetta, Ernest Picard et Jules Simon ont été élus par les Parisiens avant d'opter pour une circonscription de province conformément à la loi qui autorise les candidatures multiples[10]. La présence dans ce gouvernement du polémiste révolutionnaire Henri Rochefort, député de Paris depuis l'élection partielle consécutive à l'option de Gambetta pour les Bouches-du-Rhône et qui n'a cessé d'attaquer violemment les chefs républicains dans ses articles, leur apparaît comme un moyen de neutraliser l'extrême gauche. Rochefort, qui vient juste d'être libéré par des militants de la prison Sainte-Pélagie où il était incarcéré depuis quelques mois, est porté par ses soutiens jusqu'à l'hôtel de ville où il se présente ceint d'une écharpe rouge. Un temps hésitant, il finit par accepter une place dans le gouvernement[11],[10].

Les députés Alexandre Glais-Bizoin et Daniel Wilson sont envoyés au Louvre pour convaincre le général Trochu de prendre le ministère de la Guerre, un poste où, selon les chefs républicains, il est nécessaire de placer un militaire à la fois populaire et respecté de l'armée. Ce dernier accepte à condition de prendre la tête du gouvernement, en raison de la situation militaire dramatique dans lequel se trouve la France envahie. Il exige également la garantie que le gouvernement assure la défense de la religion, de la propriété et de la famille dans son programme[12].

Portraits en buste des membres du gouvernement de la Défense nationale, photomontage.
Les membres du gouvernement, de haut en bas et de gauche à droite : Favre, Trochu, Gambetta, Arago, Crémieux, Rochefort, Picard, Glais-Bizoin, Simon, Garnier-Pagès, Ferry et Pelletan.

Les membres du nouveau gouvernement se réunissent pour la première fois sous sa présidence à 22 h 30, dans l'ancien bureau du préfet de la Seine à l'hôtel de ville, avec pour mission de se répartir les ministères. Ernest Picard revendique l'Intérieur, un poste pour lequel Léon Gambetta s'est autoproclamé dans la soirée en signant déjà plusieurs décrets. Picard se saisit de ce différend pour demander un vote à bulletin secret, qui confirme Gambetta pour une voix. Il envisage donc de se retirer, mais sous la pression des autres ministres, il accepte finalement le ministère des Finances[13].

Les autres nominations ne souffrent d'aucune contestation : Jules Favre est placé aux Affaires étrangères avec le titre de vice-président du Conseil, Adolphe Crémieux à la Justice, Jules Simon à l'Instruction publique. Jules Ferry est nommé secrétaire du gouvernement mais sans attribution ministérielle dans la mesure où lui sont confiées les tâches auparavant attribuées au préfet de la Seine. Le général Trochu cumulant déjà la présidence du Conseil avec ses fonctions de gouverneur militaire de Paris, il choisit de placer au ministère de la Guerre le général Le Flô qui, bien que non républicain, s'était opposé au coup d'État du , ce qui lui avait valu d'être incarcéré et proscrit[13]. Ne disposant pas des compétences requises pour tenir les autres ministères, Emmanuel Arago, Louis-Antoine Garnier-Pagès, Alexandre Glais-Bizoin, Eugène Pelletan et Henri Rochefort sont nommés ministres sans portefeuille mais pouvant participer aux délibérations, ce qui permet d'ouvrir la composition du nouveau gouvernement à des hommes qui ne sont pas députés de Paris. Le vice-amiral Martin Fourichon est ainsi nommé à la Marine et aux Colonies, Joseph Magnin au Commerce et à l'Agriculture, et Pierre-Frédéric Dorian aux Travaux publics, à charge également de l'industrie et de l'armement[13].

De ce fait, toutes les nuances politiques du centre et de la gauche sont représentées dans ce gouvernement qui prend le titre de Défense nationale, à l'exception des bonapartistes libéraux : le conseil des ministres rassemble des hommes allant de l'extrême-gauche (Rochefort) à l'orléanisme (Trochu et Le Flô) en passant par les républicains modérés (Picard, Simon) et les républicains intransigeants (Gambetta, Ferry, Crémieux), Jules Favre conciliant ces deux dernières tendances[13].

Des proclamations aux citoyens de Paris, à la garde nationale et au gouvernement de l'armée sont votées. Le décret de dissolution du Corps législatif, préparé dans la soirée par Adolphe Crémieux, est adopté, de même qu'un décret prévoyant l'amnistie des condamnés pour crimes et délits politiques et un autre garantissant la liberté du commerce des armes[13]. Plusieurs nominations sont effectuées, notamment celles de Clément Laurier à la direction générale du personnel et du cabinet du ministère de l'Intérieur et d'André Lavertujon à la direction du Journal officiel. Avant la séparation du Conseil à h du matin, le nouveau préfet de police Émile de Kératry rend compte aux ministres du fait qu'aucun trouble ne s'est produit dans la capitale[13].

Liste des membres[modifier | modifier le code]

Le général Trochu, chef du gouvernement de la Défense nationale.
Gouvernement de la Défense nationale (), photomontage d'Eugène Appert.

Actes gouvernementaux[modifier | modifier le code]

Le général Louis Jules Trochu assume la présidence du gouvernement composé de députés républicains de Paris avec entre autres Léon Gambetta, ministre de l'Intérieur, Jules Favre, ministre des Affaires étrangères et Jules Ferry comme secrétaire du gouvernement.

Le gouvernement déclare vouloir consacrer toute l’énergie du pays à sa défense. Dans une proclamation à l’armée, il justifie la destitution de l’ancien pouvoir et affirme : « Nous ne sommes pas au pouvoir, mais au combat[14] », en ajoutant deux jours plus tard : « Ne pensez qu’à la guerre et aux mesures qu’elle doit engendrer »[15].

Cependant, Henri Guillemin , historien partisan et contesté[Par qui ?], avance qu'à Paris, où le général Trochu est gouverneur militaire, le gouvernement, préoccupé par le risque de révolte populaire, fait peu d'efforts pour défendre efficacement la capitale et cherche à traiter avec les Prussiens pour maintenir l'ordre social[16]. Le , le général de la Motterouge, affecté au commandement supérieur des gardes nationales de la Seine, est promu gouverneur militaire de la 15e région, à Nantes ; il est remplacé par le général d'artillerie Tamisier, qui avait été cassé de son grade sous le Second Empire.

Soucieux de légitimer sa formation tant aux yeux de la population que des puissances étrangères, le gouvernement de la Défense nationale envisage d'organiser des élections législatives mais l'avance des troupes prussiennes condamne le projet : trop de départements sont occupés et trop d'hommes sont mobilisés. Devant la menace de l'encerclement de la capitale, les ministres décident de former une délégation en province. Adolphe Crémieux est envoyé à Tours le pour y représenter le gouvernement et associer la province à la résistance. Il est rejoint six jours plus tard par deux autres ministres, l'amiral Fourichon et Alexandre Glais-Bizoin. La délégation gouvernementale commence la réorganisation de l'armée et de l'artillerie, mais son action est insuffisante, d'autant plus que le , les Prussiens coupent le câble télégraphique installé dans le lit de la Seine, ce qui prive dès lors Paris de communiquer avec la province. Le gouvernement choisit d'envoyer un nouveau représentant à Tours avec des pouvoirs élargis et une voix prépondérante au sein de la délégation en cas de partage des voix. Léon Gambetta est désigné[17].

Il n'y a alors aucun moyen de quitter la ville, si ce n'est en ballon. Le , accompagné de son secrétaire Eugène Spuller, Gambetta embarque sur l'Armand-Barbès, piloté par Alexandre Trichet. Le ballon décolle en fin de matinée de la place Saint-Pierre, devant une foule enthousiaste[17],[18] et malgré la menace des tirs prussiens, finit par s'éloigner de la capitale et se poser vers 15 h dans le bois de Favières, sur la commune d'Épineuse dans le département de l'Oise. Le maire de la commune conduit les voyageurs jusqu'à Montdidier, dans la Somme, d'où ils gagnent Amiens puis Rouen par le train. Il parvient à Tours le , où il reçoit un accueil triomphal[17].

Le ministre de l'Intérieur, qui s'octroie également les responsabilités de la guerre, agit pour former de nouvelles armées : l'Armée du Nord, l'Armée de la Loire puis l'Armée de l'Est. Le , le général Trochu, qui avait qualifié de « rumeur » la reddition sans combat de l'armée de Bazaine à Metz, doit reconnaître les faits sous la pression de la foule. L'exaspération envers l'inertie des gardes nationales après la chute du Bourget et l'envoi d'Adolphe Thiers à Versailles pour négocier avec Bismarck se solde par le soulèvement du 31 octobre 1870, où Trochu ne parvient à sauver son gouvernement qu'en rassemblant les dernières brigades encore loyales, notamment avec l'aide de Jules Ferry.

Le gouvernement parvient à s'assurer de son soutien à Paris par un plébiscite, le , et organise deux jours plus tard des élections municipales à Paris.

À la suite de ces événements, Tamisier donne sa démission le et reprend le poste de chef d'escadron d’artillerie au 5e secteur de Paris. En province, où la victoire du général de Paladines à la tête de l'Armée de la Loire avait ressuscité l'espoir, les mauvaises nouvelles s'accumulent tandis que l’étau se resserre autour de Paris. La « Grande sortie » visant à briser l'encerclement allemand a lieu dans la nuit du  ; dans la bataille de Champigny qui s'ensuit, les Français perdent trois fois plus d'hommes que l'ennemi (notamment faute d'un équipement adéquat contre le froid), mais l'impact psychologique sur les assiégés est plus grand encore car le siège n'a pas été levé. Une deuxième tentative, impliquant des troupes de la Garde Nationale, échoue le : c'est la deuxième bataille de Buzenval.

Devant l'avance des armées allemandes, la délégation se replie sur Bordeaux.

Un des éléphants du zoo de Paris vient d'être fusillé pour fournir de la viande pendant le siège de Paris

Il était désormais évident que Paris allait tomber tôt ou tard. La nourriture, déjà rare en décembre, commençait à manquer dans certains quartiers et bien que les tirs d'artillerie ennemis fussent curieusement inefficaces, leur impact sur le moral des Parisiens était dramatique. Le gouvernement limogea le général Trochu le (mais ce dernier ne fut pas formellement remplacé en tant que Chef du gouvernement) et choisit comme gouverneur militaire de Paris le général Vinoy. Jules Favre, qui conservait la confiance des gardes nationaux, s'imposa dans ces dernières semaines comme le véritable chef du gouvernement : il parvint notamment à réprimer par la force un début d'émeute le . Le 28, il offrit la reddition de la capitale et signa une convention d’armistice avec Bismarck stipulant diverses mesures humiliantes pour les vaincus, notamment le versement sous quinzaine d'une amende d'un montant de 200 millions de francs, plus de 5 milliards de francs de réparations de guerre, et l'abandon à l'ennemi de tous les forts entourant Paris. Depuis Bordeaux, Gambetta apprit le la capitulation par télégramme. Quoiqu'il eût voulu poursuivre la lutte en province, une délégation gouvernementale menée par Jules Simon et venue en train de Paris le 1er février finit par le convaincre de cesser le combat. Il démissionna le .

Certains Parisiens se sentirent trahis[19], comme l'indique le jeune Clemenceau, nommé en septembre maire du XVIIIe arrondissement de Paris, qui fait placarder le 31 octobre 1870 sur les murs de Paris[20] :

« La municipalité du XVIIIe arrondissement proteste avec indignation contre un armistice que le Gouvernement ne saurait accepter sans trahison[21]. »

Apprenant qu’un armistice vient d’être signé, Victor Hugo écrit le  : « Un nain qui veut faire un enfant à une géante. C’est là toute l’histoire du gouvernement de la Défense nationale. Avortement »[22].

Les termes de l'armistice prévoyaient l'organisation de nouvelles élections nationales pour former une Assemblée qui investirait un gouvernement à la légitimité claire. Dans des délais très brefs, tous les électeurs résidant sur des portions non-occupées du territoire national furent appelés aux urnes pour le . La nouvelle Assemblée nationale issue de ces élections, dominées par le poids du vote rural et bourgeois, était majoritairement conservatrice et monarchiste. Elle mit fin au Gouvernement de la Défense nationale et élut le Adolphe Thiers chef du gouvernement, en remplacement du général Trochu. Le nouveau gouvernement se fit une priorité de l'évacuation de l'armée d'occupation allemande, que Bismarck conditionnait au paiement des réparations.

Plébiscite local du 3 novembre 1870[modifier | modifier le code]

Le contexte[modifier | modifier le code]

Le , à la suite de l'annonce de la défaite du Bourget survenue la veille, la population parisienne se soulève. L'Hôtel de ville de Paris, siège du gouvernement provisoire, ainsi que la préfecture de police sont occupés par des activistes d'extrême-gauche. La tentative de mise en place d'un Comité de Salut Public par Gustave Flourens avec Auguste Blanqui et Charles Delescluze est tenue en échec par l'emploi de la Garde nationale et de la Garde mobile composée de Bretons. En réaction à cette contestation de sa légitimité et de son autorité, le 1er novembre, le Gouvernement de la Défense Nationale, qui a failli être renversé[23], se soumet dans la foulée à un plébiscite local le . Ce vote a pour but de faire ratifier la proclamation de fait et non de jure du gouvernement provisoire le , par « le Peuple de Paris »; à défaut de réellement consulter le peuple français, chose qui n'interviendra pas avant 1871 avec les législatives de février et les municipales d'octobre.

Gambetta, Ministre de l'Intérieur, s'oppose catégoriquement à la tenue du plébiscite estimant que « l'acclamation » du est selon lui suffisante[23]. Il écrit à Jules Favre pour protester[23].

Deux jours plus tard ont lieu les élections municipales de Paris. Treize maires sur vingt (dont Clemenceau) sont reconduits. Cinq nouveaux sont des modérés. Seuls Delescluze (XIXe) et Ranvier (XXe) représentent le parti révolutionnaire.

Le plébiscite[modifier | modifier le code]

Intitulé : « La population de Paris maintient-elle OUI ou NON les pouvoirs du Gouvernement de la Défense Nationale ? »[24]

Résultats :

  • 557 996[24] (ou 330.000 selon les sources)[25] répondent « OUI ».
  • 61 638[24] (ou 52.000 selon les sources)[25] répondent « NON ».
  • Un certain nombre[Combien ?] s'abstient.

Chronologie[modifier | modifier le code]

  •  : à Paris, proclamation de la République et formation du gouvernement.
  • 18 septembre : Paris est encerclé par les Allemands, début du siège de la capitale
  • 19 et 20 septembre : Entrevue de Ferrières entre Favre et Bismarck.
  • 7 octobre : Léon Gambetta, quitte Paris en ballon pour aller organiser la guerre en province
  • 31 octobre : après l'échec du Bourget, insurrection à Paris contre le gouvernement
  • 3 novembre : plébiscite à Paris uniquement à la suite de la proclamation du gouvernement provisoire le et en réaction au soulèvement populaire du . Gambetta est contre la tenue du plébiscite
  • 28 novembre - 3 décembre : échec de la sortie militaire du général Ducrot vers Champigny
  •  : échec de la sortie militaire de Buzenval
  • 22 janvier : échec de la manifestation parisienne contre le gouvernement. Démission de Trochu
  • 26 janvier : signature de l'armistice franco-allemand, fin des bombardements de Paris
  • 6 février : Léon Gambetta démissionne du gouvernement
  • 8 février : élections à l'Assemblée nationale, succès des conservateurs pacifistes
  • 17 février : l'Assemblée nationale élit Adolphe Thiers comme "chef du pouvoir exécutif"
  • 19 février : Adolphe Thiers présente le gouvernement avec Jules Dufaure comme vice-président du conseil

Regards contemporains, mémoire et postérité[modifier | modifier le code]

La majorité monarchiste et conservatrice issue des élections législatives de 1871 condamne la volonté de Léon Gambetta de mener la guerre à outrance et en fait le responsable de la défaite. Pour les monarchistes, en renversant l'Empire et en créant le désordre, le Gouvernement de la Défense nationale a préparé le terrain des insurgés de la Commune de Paris[26]. Dès son entrée en fonction, la nouvelle Assemblée nationale nomme une commission d'enquête chargée de mettre en lumière les erreurs commises par le gouvernement, mais ses conclusions sont sans effet : quand elle rend son rapport quelques années plus tard, les républicains sont majoritaires à la Chambre des députés et la République plus solidement ancrée par le vote des lois constitutionnelles de 1875[26].

Pour autant, à partir des années 1880 et jusqu'à la Première Guerre mondiale, l'historiographie républicaine conserve globalement une position critique par rapport aux événements du et à l'exercice du pouvoir par le gouvernement. Dans la mesure où de nombreux contemporains sont encore en vie, les récits s'inscrivent dans une « histoire présente, ou dont l'issue engage encore le présent »[27]. Le traitement des événements y est surtout polémique : comme le constate Olivier Le Trocquer, « il s'agit de juger si les protagonistes ont fait une faute, s'ils sont coupables ou non au regard de la morale publique, ou si on doit leur être au contraire reconnaissant d'avoir renversé l'Empire et pris le pouvoir »[27]. À titre d'exemple, dans le premier tome de son Histoire contemporaine, paru en 1897, l'historien Samuel Denis se montre particulièrement virulent : « À la vérité, les hommes du se sont rendus coupables d'une usurpation manifeste, que les circonstances périlleuses où l'on était ne suffisent pas à légitimer, en s'emparant révolutionnairement du pouvoir, avec le concours des envahisseurs du Corps législatif et sans l'assentiment des représentants du pays, et ils ont fait de ce pouvoir usurpé un usage compromettant pour les intérêts de la patrie ! Ils ne sauraient, à ce double titre, échapper aux sévérités de l'histoire »[28]. Par son rôle actif dans la poursuite de la guerre, Léon Gambetta cristallise les critiques. Une forme de « légende noire » le présente Gambetta comme un dictateur assoiffé de pouvoir et d'ambition personnelle. Malgré l'échec de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale à le démontrer, ce jugement négatif perdure. En 1914, deux colonels proches de l'Action française, Frédéric Delebecque et Georges Larpent, livrent une analyse à charge et sans concession, sous le pseudonyme de Henri Dutrait-Crozon[26].

La droite conservatrice n'est pas la seule à se montrer critique : certains républicains plus modérés, comme Jules Grévy, considèrent que la Défense nationale aurait desservi la République en donnant l'image d'un gouvernement brouillon et autoritaire, laissant ainsi le champ libre aux monarchistes. La victoire de ces derniers lors des élections législatives de 1871 est alors présentée comme un désaveu de la politique de « guerre à outrance » menée par Gambetta, même si les travaux de l'historien Éric Bonhomme cherchent à contredire cet échec électoral[26].

Dans sa thèse consacrée à l'exercice du pouvoir par la Défense nationale, publiée en 1996 sous la direction de Jean-Marie Mayeur, il affirme que la défaite des républicains doit être relativisée dans la mesure où ils passent d'une représentation négligeable dans le Corps législatif des derniers mois de l'Empire (8,5 % des élus) à une situation de forte minorité dans l'Assemblée nationale de 1871, avec 23,2 % des élus. La poussée républicaine est manifeste dans de nombreux départements, ce qui permet de placer cette élection comme une étape significative de la conquête de l'opinion publique par les républicains. Il contredit par ailleurs l'assertion d'un « Gambetta dictateur » en affirmant qu'il met en place un gouvernement unitaire et libéral, à la fois modéré et pragmatique dans son fonctionnement[26]. De la même manière, l'historien britannique John Patrick Tuer Bury cherche à réhabiliter l'action du tribun dans Gambetta défenseur du territoire, 1870-1871, publié en 1937, sans pour autant cacher ses faiblesses[26].

À l'opposé de la « légende noire » de Gambetta, ses amis appuient la diffusion d'une historiographie qui met en avant le patriote organisateur de la lutte armée et symbole de la résistance à l'ennemi, une image amplifiée par son décès prématuré en 1882[26].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Jean-Michel Gaillard, « Sedan, 1870 : l'effondrement d'un rêve européen », L'Histoire, no 211 « Faut-il réhabiliter Napoléon III ? »,‎ .
  2. a b c d et e Cornut-Gentille 2020, p. 34-36.
  3. Xavier Boniface, chap. 1 « De la guerre franco-allemande à la Commune 1870-1871 », dans Hervé Drévillon (dir.) et Olivier Wieviorka (dir.), Histoire militaire de la France, t. II : De 1870 à nos jours, Paris, Perrin, coll. « Tempus » (no 870), , 958 p. (ISBN 978-2-262-09993-0), p. 17-63.
  4. Daniel Hochedez, « La guerre franco-allemande et l'occupation en Argonne (1870-1871) », Horizons d'Argonne, no 87,‎ .
  5. Cornut-Gentille 2020, p. 37-45.
  6. Cornut-Gentille 2020, p. 84-86.
  7. a b et c Cornut-Gentille 2020, p. 116-129.
  8. Grévy 1998, p. 10.
  9. Unger 2022, p. 73-76.
  10. a et b Cornut-Gentille 2020, p. 149-150.
  11. Duclert 2010, p. 48-52.
  12. Cornut-Gentille 2020, p. 151-154.
  13. a b c d e et f Cornut-Gentille 2020, p. 175-182.
  14. Journal officiel de la République française, 6 septembre 1870, n° 245, p. 1529, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65801266/f1.item.r=destitue
  15. Journal officiel de la République française, 8 septembre 1870, n° 247, p. 1537, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65801281.item
  16. Henri Guillemin, Les origines de la Commune : L’héroïque défense de Paris (1870-1871), Gallimard, , p. 430.
  17. a b et c Unger 2022, p. 83-88.
  18. Victor Hugo, Choses vues, Paris, Gallimard, , 529 p. (ISBN 2-07-036141-1), p. 93-94.
  19. (fr) La Commune de Paris-La Guerre de 1870-Il faut en finir par Henri Guillemin 1971
  20. Cf. Gaston Monnerville, Clemenceau, libr. Arthème Fayard, , 769 p..
  21. Michel Winock, Clemenceau, éditions Perrin, 2007, chap. I, p. 16
  22. Victor Hugo, Choses vues, 1870-1885, Paris, Gallimard, folio, , 529 p. (ISBN 2-07-036141-1), p. 261
  23. a b et c Henri Dutrait-Crozon, Gambetta et la défense nationale, 1870-1871, Nouvelles Editions Latines, 1914, Paris, p.320
  24. a b et c La Grande Histoire de la Commune Edition du centenaire -1970
  25. a et b Pierre Miquel, La Troisième République, Fayard, 1989, Paris, p.69
  26. a b c d e f et g Grévy 1998, p. 17-20.
  27. a et b Le Trocquer 2006, paragraphe 5.
  28. Samuel Denis, Histoire contemporaine, t. I, Paris, Plon, , p. 161-162.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sources primaires[modifier | modifier le code]

  • Jules Favre, Gouvernement de la Défense nationale [du au ], Paris, H. Plon, 1871-1875, 3 vol. (en ligne).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]