Giovanni Falcone

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 7 janvier 2015 à 04:30 et modifiée en dernier par Yopalomo (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.
Le directeur du FBI Robert Mueller présente à Maria Falcone une plaque en l'honneur de son frère et qui ornera la Giovanni Falcone Gallery du siège du FBI.

Giovanni Salvatore Augusto Falcone (né le à Palerme - mort assassiné à Capaci le ) était un juge italien engagé dans la lutte antimafia et assassiné par Toto Riina, membre des Corleonesi, eux-mêmes faisant partie de Cosa Nostra.

Carrière

Fils de Arturo Falcone, directeur du laboratoire Chimique Provincial, et de Luisa Bentivegna, Giovanni avait deux grandes sœurs, Anna et Maria. Issu du quartier délabré de La Kalsa à Palerme, le petit Giovanni, fils d’une famille de la bourgeoisie palermitaine, fréquentait de futurs criminels comme Tommaso Spadaro. Après de brillantes études de droit à Palerme, il devient magistrat en 1964 et débute sa carrière en tant que magistrat instructeur spécialisé dans les liquidations judiciaires. C'est en dépouillant d’obscurs dossiers financiers qu'il découvrit le monde du grand banditisme qu'est celui de Cosa Nostra et qu'il affina ce qu’on appellera plus tard la « méthode Falcone ». Procureur adjoint au tribunal de Trapani, il est transféré en 1978 à Palerme où il devient juge d'instruction[1].

En 1979, après l'assassinat du juge Cesare Terranova, qui avait mené sans succès un procès contre certains dirigeants mafieux dans lequel tous furent acquittés, Falcone rentre alors au sein du « pool » antimafia du parquet de Palerme. Le juge Rocco Chinnici, un magistrat déterminé et courageux décida de créer une cellule composée de juges qui seraient spécialisés dans les enquêtes complexes liées à la mafia. Il fut assassiné dans un attentat à la voiture piégée le 29 juillet 1983 aux premières heures de la matinée, en plein centre de Palerme. Ce fut d'ailleurs la première fois que Cosa nostra utilisait cette méthode pour atteindre un magistrat. Les deux carabiniers chargés de son escorte et le concierge de l'immeuble furent tués eux aussi. Le juge Rocco Chinnici fut remplacé par le juge Antonino Caponnetto qui poursuivit ce que son homologue avait démarré et constitua formellement le « pool antimafia » qui devint rapidement extrêmement efficace[2].

Maxi-procès

Le « pool » obtient un succès important et inespéré en 1984 en recueillant le témoignage de l'un des plus importants repentis de Cosa Nostra, Tommaso Buscetta dit « Don Masino » ou « le boss des deux mondes »[3]. Sur la base de son témoignage, Giovanni Falcone ouvre en 1986 le « maxi-procès » de Palerme dont il est l'instigateur avec son ami le juge Paolo Borsellino (qui sera également assassiné, quelques mois après Falcone). Le procès doit faire comparaître 475 accusés (la majorité présents mais 119 en cavale) dont le « parrain des parrains », Toto Riina si bien que la cour pénale de Palerme n'étant pas assez grande, on a créé ce qui fut appelé une « aula-bunker » (salle d'audience-bunker).

Le restera comme la date de la fin du Maxi-Procès et formalise l'existence de l’association de malfaiteurs de type mafieux en Italie. À l'issue du procès on compte[4] :

  • 474 accusés (le mafieux Nino Salvo, déjà gravement malade, est décédé avant le jugement) ;
  • 360 condamnations, dont 19 peines à perpétuité ;
  • 114 acquittements ;
  • 2665 années de prison cumulées par les condamnés.

Il demande des moyens supplémentaires pour poursuivre la lutte anti-mafia mais les décisions se font attendre. En janvier 1988, le Conseil supérieur de la Magistrature nomme Antonino Meli chef du bureau d'instruction au tribunal de Palerme. Il est farouchement opposé au « pool antimafia » créé en 1983 par le juge Antonino Caponnetto et est un adversaire de Falcone que Caponnetto avait désigné comme son successeur. Le 30 juillet 1988, le juge expédie au Conseil supérieur de la Magistrature une lettre de quatre pages dans laquelle il se dit écœuré par le laxisme de la police et des pouvoirs politiques et demande sa mutation dans une autre région, comme huit autres de ses collègues[5]. Giovanni Falcone devient un héros et un symbole célébré partout en Italie, malgré le fait que certains personnages de la classe politique de l'époque cherchent à le discréditer depuis 1989 et la triste « stagione dei veleni » (« période des venins », lorsque certains affirmèrent que Giovanni Falcone avait organisé lui-même un attentat contre sa personne pour se faire de la publicité). Il devient également l'ennemi numéro 1 de Cosa Nostra qui fait de lui sa cible principale. Sous la forte menace d'attentat, et délaissé par une partie de la classe politique, Falcone est contraint de vivre 24 heures sur 24 accompagné d'une escorte importante. Lors du « maxi-procès », ce ne sont pas moins de 70 hommes qui sont chargés d'assurer sa sécurité, il en choisit huit chaque jour, qu'il désigne au dernier moment[6].

Assassinat

Restes du véhicule qui transportait le juge, sa femme et ses gardes du corps le jour de l'attentat commandité par Toto Riina
Mémorial du juge Falcone à Capaci.

Le dispositif d'escorte n'est pas suffisant pour protéger Giovanni Falcone et le , il est assassiné par la Cosa Nostra dans ce qu'on appelle le « massacre de Capaci ». Les membres de Cosa Nostra placent dans un tunnel d'évacuation des eaux situé sous l'autoroute reliant l'aéroport de Punta Raisi à Palerme 600 kilos d'explosifs destinés à piéger Giovanni Falcone[7][8].

Le juge meurt avec sa femme, Francesca Morvillo, elle-même juge, ainsi que trois de ses gardes du corps, Vito Schifani, Rocco Di Cillo et Antonio Montinaro. Cet attentat est une réponse à la volonté de Giovanni Falcone de vouloir mettre sur pied une brigade antimafia (une sorte de F.B.I italien). L'assassinat du juge, commandité par Toto Riina, est déclenché par une télécommande actionnée par Giovanni Brusca, sous le signal de Gioacchino La Barbera (en)[9].

Hommages posthumes

Arbre de la mémoire de Giovanni Falcone à Palerme
Chapelle où repose Giovanni Falcone au cimetière de Sant'Orsola à Palerme

De nombreuses écoles et bâtiments publics portent aujourd'hui son nom, parmi lesquels l'aéroport international de Palerme, connu sous le nom d'Aéroport Falcone-Borsellino.

Giovanni Falcone repose désormais au cimetière de Sant'Orsola à Palerme.

La promotion 1994 de l'École nationale de la magistrature française a pris le nom « Juge Falcone » comme nom de baptême de promotion.

Dans le même élan,la promotion 1996-1998 la section magistrature de l'École nationale d'administration et de magistrature du Cameroun s'est donnée pour nom de baptême « Giovanni Falcone ».

Martyr de la justice

L'annonce de son assassinat suscite une forte émotion dans toute l'Italie. Des palermitains se rassemblent spontanément autour du magnolia devant sa maison, arbre qui deviendra symbole de la cause antimafia, et même une sorte d'autel civique. Des témoignages écrits affluent, des dons, tels des gâteaux, des fleurs, des bijoux, remplissent le parterre autour de l'arbre, dès le jour du massacre. Au fil du temps, l'arbre devient un lieu de pèlerinage, et le juge devient presque un saint, en tous les cas un martyr de la justice, la lutte contre la mafia prenant des aspects religieux. La dévotion autour du souvenir du juge se calque sur les pratiques catholiques, reprenant celles faites autour de la mémoire de Sainte Rosalie, la patronne de Palerme. De plus en plus nombreux, les palermitains envisagent de briser la loi du silence qui protège la mafia. De même que Sainte Rosalie, le juge Falcone devient un médiateur entre la terre et le ciel, pour les aider dans leur lutte. Des lettres personnelles lui sont adressées, comme s'il pouvait les lire dans les cieux. La mafia continuant sa politique de violence, le juge devient une sorte d'ancêtre, celui de la lignée des martyrs de la justice, le magnolia faisant symbole d'arbre généalogique, chaque assassinat étant l'occasion de relancer la mémoire du juge[8].

Références

  1. Puccio-Den Deborah, « L'ethnologue et le juge », Ethnologie française, vol. 31,‎ , p. 15
  2. Christian Lovis, Les hommes de l'antimafia : Le monde a besoin de héros, Mon Petit Editeur, , 210 p. (ISBN 978-2-7483-6469-9), p. 107
  3. Christian Lovis, Les hommes de l'antimafia : Le monde a besoin de héros, Mon Petit Editeur, , 210 p. (ISBN 978-2-7483-6469-9), p. 119
  4. John Dickie, Cosa nostra : L'histoire de la mafia sicilienne de 1860 à nos jours, Buchet Chastel, , 496 p. (ISBN 978-2-283-02187-3), p. 399
  5. (it) Leoluca Orlando, Leoluca Orlando racconta la mafia, UTET libreria, , p. 88
  6. Marcelle Padovani, Les dernières années de la mafia, Paris, Gallimard, (ISBN 2-07-032415-X), p. 197
  7. Guillemette de Véricourt, Les mafias, Toulouse, éditions Milan, (ISBN 978-2-7459-2533-6), p. 6
  8. a et b Deborah Puccio-Den, « Victimes, héros ou martyrs ? », Terrain (revue), no 51,‎
  9. (it) Leoluca Orlando, Leoluca Orlando racconta la mafia, UTET libreria, , p. 84

Voir aussi

Bibliographie

  • Marcelle Padovani, Cosa Nostra. L'entretien historique de Marcelle Padovani avec Giovanni, La Contre Allée, , 168 p.
  • David Brunat, Giovanni Falcone, un seigneur de Sicile, Belles Lettres, , 144 p.

Articles connexes

Liens externes