Gendün Chöphel

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Gendun Chophel

Amdo Gendün Chöphel (tibétain : དགེ་འདུན་ཆོས་འཕེལ) (1903 - 1951) est un moine, érudit et poète et peintre tibétain. Personnage original et controversé, ami de Rahul Sankrityayan, il est considéré par beaucoup comme l'un des intellectuels tibétains les plus importants du XXe siècle. Sa vie inspira à Luc Schaedler le film Angry Monk - Réflexions sur le Tibet.

Biographie

Gendun Choephel est né en 1903 dans le village de Zhoepang, dans l'Amdo incorporé au Qinghai[1]

Gendun Choephel quitte jeune son village et entre au monastère de Lama Tashikiel et y étudie les enseignements bouddhiques[1].

Il rejoint après le monastère du Labrang, peuplé à l’époque de 4 000 moines. Il rencontre dans la ville proche un missionnaire américain avec qui il parle longuement de l’Amérique et du monde extérieur. Ce missionnaire exerce sur lui une influence déterminante. Il prend conscience du retard considérable de son pays[1].

En 1927, il quitte Labrang et se rend à Drépung, près de Lhassa abritant à l’époque près de 7 000 moines. Il y approfondit ses connaissances[1] et obtient le diplôme de geshé[2].

À Lhassa, il rencontre Rahul Sankrityayan, un marxiste anticolonialiste indien et l'accompagne en Inde en 1934. Rahul est arrêté et emprisonné, et Gendun Choepel poursuit son parcours, visitant Varanasi, Delhi, Calcutta, Kalimpong[1].

Il publie des articles dans des journaux et fait scandale dans l’élite tibétaine de Lhassa en traduisant en tibétain le Kâmasûtra[1].

En 1937, Gendün Chöphel s’illustra en publiant dans la revue ronéotypée le Melong[3] un article intitulé « La Terre est-elle ronde ou plate ? », où il soutient qu'elle est ronde, ce qui, selon le poète Jean Dif, était une « hérésie monstrueuse pour les religieux tibétains ! »[4], du moins pour le lama responsable de Chöphel au monastère de Drépoung, qui n'est autre que le célèbre Sherab Gyatso[5].

En 1945, avec des intellectuels tibétains à Kalimpong, il fonde le parti progressiste tibétain, un parti ayant dans ses objectifs le renversement de l’ordre établi à Lhassa[1]. Il est repéré par des agents qui en informent les Britanniques, dont Hugh Richardson, alors envoyé britannique à Lhassa[1].

Il rentre Lhassa en 1946 après une décennie passée à voyager en Inde et au Sri Lanka, où il avait été exposé à des cultures et des idées nouvelles et très influencé dans son mode de pensée et son comportement. Il ne sait pas qu'il est identifié comme espion[1]. Il constate que rien n'a changé depuis son départ 13 ans plus tôt, le pouvoir est entre les mains de la même faction mêlant politique et religion[1].

Selon Pierre-Antoine Donnet, il est vite arrêté et incarcéré dans la prison située au pied du Potala où vit le jeune dalaï-lama[1]. Selon Mara Matta, diplômée ès études d'Asie du Sud-est de L'Orientale, université de Naples[6], il est emprisonné par les autorités tibétaines conservatrices sous de fausses accusations de contrefaçon et de trahison. Selon Toni Huber, professeur d'études tibétaines à l'université Humbolt à Berlin[7], son incarcération est motivée par les craintes des élites tibétaines devant ses relations politiques progressistes et peut-être encore plus par ses critiques véhémentes à l'encontre du gouvernement et du système monastique traditionnels et par la jalousie des ennemis qu'il s'est faits en leur sein[8].

Selon Hisao Kimura, Gendün Chöphel ne fut emprisonné qu’une année, mais parfois, durant cette période, son esprit brillant mais toujours irrégulier dérapait. Ainsi, il eut une aventure avec une prisonnière originaire du Kham, et succomba à la dépendance de l'alcool et de l’opium[9]. Chöphel est libéré de la prison de Shöl en mai 1949, alors que les communistes ont pris le pouvoir en Chine. Il est moralement et physiquement affaibli. Il se met à boire et à fumer et sa santé se détériore. Il ne se rétablit jamais entièrement et décède en 1951 à l'âge de 47 ans[10] avec l'impression d’avoir raté sa vie : ses projets de réformes au Tibet n'ont pas vu le jour, et l’armée chinoise est entrée à Lhassa[1].

Selon une interview de 1992 publiée par Melvyn C. Goldstein en 2009, Ngawang Thondrup, un moine qui servit dans le gouvernement tibétain en 1948 et qui fut influencé par Gendün Chöphel, rapporte que ce dernier disait en particulier qu'il fallait réformer un système où des gens sont propriétaires d'autres gens (en tibétain dagpo gyab). Il voulait dire que les nobles avaient des serfs (en tibétain miser) et des domaines, et qu'ils étaient propriétaires des gens [qui y vivaient]. Les serfs de la famille Tsarong, par exemple, devaient demander la permission de leur maître s'ils voulaient partir. Et les serfs ne possédaient pas la terre. Nous disions qu'il fallait réformer le système féodal. Pour Chöphel, les monastères n'avaient nul besoin de détenir des manoirs[11]. La traduction de miser par « serf » utilisée par Goldstein est cependant contestée par Heidi Fjeld qui se réfère à la principale source chinoise sur l'histoire sociale du Tibet (la Maison d'édition du peuple du Tibet, 1987), et à des personnes qu'elle a interrogées[12].

Gendün Chöphel avait émis l'idée que l'on construise des toilettes publiques partout et que l'on oblige les familles riches à dépenser la même somme pour construire des toilettes publiques sur leurs domaines que ce qu'ils dépensaient pour leur propre maison[13].

Pour Jamyang Norbu, la peinture de Gendün Chöphel a été influencée par ses voyages en Inde où il a connu l’art bouddhiste indien et hindou de même que l'art européen, comme on peut le voir dans ses nus et ses danseurs[14].

Le peintre tibétain Amdo Jampa a été l'étudiant de Gendün Chöphel[14].

Abdul Wahid Radhu se considère comme un disciple de Gendün Chöphel[2]

Ouvrages

  • (fr) Le Mendiant de l'Amdo, Heather Stoddard, Paris, Société d'ethnographie, 1985 (ISBN 978-2-901161-28-8, LCCN 88128545).
  • (en) Dge-ʼdun-chos-ʼphel (A-mdo), Donald S. Lopez, In the Forest of Faded Wisdom: 104 Poems by Gendun Chopel, a Bilingual Edition, University of Chicago Press, 2009, (ISBN 0226104524 et 9780226104522)

Références

  1. a b c d e f g h i j k et l Pierre-Antoine Donnet, Angry Monk, un film de Luc Schaedler, La Revue de l'Inde, N°3, 2006
  2. a et b Claude ArpiLe dernier caravanier. La vie d’Abdul Wahid Radhu, La Revue de l'Inde, 2007
  3. Jean Dif, Chronologie de l'histoire du Tibet et de ses relations avec le reste du monde (suite 2) ; citation : « D’abord ronéotypé, il est encouragé par le Dalaï lama et le Panchen lama. Il publie de nombreux articles ouverts sur le monde et s’inscrit dans le courant moderniste. Son audience restera toutefois limitée ».
  4. Jean Dif, Chronologie de l'histoire du Tibet et de ses relations avec le reste du monde (Suite 3) ; citation : « Publication dans le Melong de l’article de Gedun Chompel : "La terre est-elle ronde ou plate ?". L’auteur y soutient qu’elle est ronde, hérésie monstrueuse pour les religieux tibétains ! »
  5. (en) The Story of a Monk Wanderer: Part 1, The Story of a Monk Wanderer: Part II.
  6. (en) Mara Matta, Rebel with a cause: debunking the mythical mystical Tibet, ITAS newsletter #47, printemps 2008 : « a freelance writer and researcher, holds a PhD in Southeast Asian Studies from the Università degli Studi di Napoli ‘L’ Orientale’, Naples, Italy. »
  7. People in TH: Toni Huber : « Toni is Professor of Tibetan Studies at Humboldt University in Berlin, Germany, where he pursues research and teaching on the anthropology and cultural history of Tibetan and closely related Himalayan societies. »
  8. Mara Matta, op. cit. : « In 1946, on his return to Lhasa from a decade of travels in India and Sri Lanka which exposed him to new cultures and ideas and deeply affected his thought and behaviour Choephel was imprisoned by the conservative Tibetan authorities on trumped up charges of counterfeiting and treason. Toni Huber points out that ‘it is certain his detention was motivated by the Tibetan elite’s fears of his newly made progressive political connections, and perhaps more so by his outspoken criticisms against the traditional government and monastic system and the jealousy of enemies he had made within it (Note 8 : Huber, Toni. 2000. The Guide to India. A Tibetan Account by Amdo Gendun Chöphel. Dharamsala: Library of Tibetan Works and Archives, 4-5). »
  9. (en) Hisao Kimura, Japanese Agent in Tibet: My Ten Years of Travel in Disguise, as Told to Scott Berry, Serindia Publications Inc., 1990, p. 193 : « Gedun Choephel (...) was arrested, put on trial, flogged, and locked away in the damp darkness of Shol Prison below the Potala along with murderers and thieves (...) He was only in prison for a year, but sometime during that year his brilliant but always erratic mind snapped. He took up with a woman prisoner from Kham, and succumbed to both alcohol and opium addiction. »
  10. (en) Mara Matta, op. cit. : « He was released from Nangtse Shak Prison in May 1949, but took to drink and cigarettes and his health deteriorated. He never fully recovered and passed away in 1951, at 47 years old. »
  11. (en) Melvyn C. Goldstein, A History of Modern Tibet: The Calm Before the Storm: 1951-1955, vol. 2, University of California Press, 2009, (ISBN 0520259955 et 9780520259959), 639 pages, p. 191-192.
  12. (en) Heidi Fjeld, Commoners and nobles: hereditary divisions in Tibet, NIAS Press, 2005, (ISBN 8791114179 et 9788791114175), « Whereas Goldstein translates miser as serfs, both the main Chinese source on Tibet's social history (Xizang Renmin Chubanshe 1987) and the informants I interviewed translate miser as 'commoner' or 'citizen', and we might understand 'commoners' as a translation of miser and see 'serf as a subdivision of miser. »
  13. Melvyn C. Goldstein, op. cit., p. 192 : « Gendün Chöphel also suggested public toilets should be built everywhere and we should impose taxes on the rich households, making them spend the same amount for building public toilets on,their land as they spent for their own houses. »
  14. a et b (en) Obituary of the painter Amdo Jampa, TIN, 22 May 2002 / no of pages: 3 (ISSN 1355-3313)

Sources

Liens externes