Francien

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Francien
Francien
Pays France
Région Île-de-France, Orléanais, Touraine, Berry, Bourbonnais
Typologie SVO
Classification par famille
Codes de langue
IETF fro-u-sd-fridf

Le francien désigne un dialecte de la langue d'oïl, parlé à l’époque médiévale dans l'ancienne Île-de-France et dans l’Orléanais[1], mais également en Touraine et dans le Berry[2], ainsi que dans le Bourbonnais[3]. Le francilien désigne, plus spécifiquement, la variété qui était parlée en Île-de-France.

Le francien est le principal ancêtre du français de France et du français standard[4].

Évolution du concept[modifier | modifier le code]

Le terme « francien » est un néologisme des linguistes du XIXe siècle pour désigner le parler de Paris, et de l'ancienne Île-de-France en général, correspondant au domaine royal, avant l'établissement de la langue française comme langue standard. Sa première attestation date de 1889 par Gaston Paris[5].

L’hypothèse de son existence a été reprise par les grammairiens, qui voyaient la langue française comme une « lignée directe et pure » du latin, et réduisaient ainsi les apports des autres parlers romans de France. Selon cette théorie du développement du français élaborée au XIXe siècle, le francien aurait été choisi comme langue officielle parmi les diverses variétés d'oïl en concurrence. Elle place le francien avec ces dernières dans le continuum linguistique et avance qu’il a été imposé comme une langue administrative, l'objectif étant notamment de remplacer le latin.

Cette vision est aujourd’hui largement abandonnée. Ainsi, Bernard Cerquiglini décrit le francien comme une invention du XIXe siècle pour expliquer l'évolution du français aux XIIe et XIIIe siècles[6].

Cependant, même si les mots « francien » et « francilien » ne sont attestés nulle part au Moyen Âge, à la différence du picard ou du bourguignon, cela n’exclut pas qu’on parlait à cette époque sur l’aire de l’Île-de-France une variété d’oïl minimalement différenciée par rapport à celles des régions voisines. Et ce « francilien », si on juge d’après ce qu’il en restait dans L’Atlas linguistique de la France en 1900[7], devait être plus homomorphe avec l'angevin qu'avec le picard ou le bourguignon.

Du reste, il existait bien autrefois une variété d’oïl nommée simplement « françois » (ou « françoys », prononcé [frãswɛ], puis [frãsɛ]). Le même sens de « français » se trouve d’ailleurs encore aujourd’hui dans « Vexin français », que l’on peut opposer à « Vexin normand ».

Aujourd’hui, le francien a été repensé ; il englobe plusieurs parlers d’oïl, linguistiquement proches les uns des autres. Aussi, l’aire qui lui est à présent attribuée est bien plus vaste qu’elle ne l’était pour sa définition première ; elle correspond à peu près à la zone francienne[2].

Ses variétés ne se sont pas maintenues, excepté le français qui en est, de ce fait, l’unique langue fille, avec les autres langues d'oïl et la langue d'oc. Depuis la Révolution française, les dérivés du francien et donc le francien lui-même ont tous disparu et pour certains[Qui ?], sont devenus des différences de parler français.

Parlers[modifier | modifier le code]

La seule variété de francien qui ait survécu est le français, qui constitue aujourd’hui une langue. Avant la disparition des autres variétés, le francien était ainsi composé :

Le berrichon, l’orléanais et le tourangeau se sont fondus dans un français régional, tandis que le francilien a, quant à lui, entièrement disparu[8].

Le francilien, parler de l'ancienne Île-de-France et des faubourgs de Paris[9], est à distinguer du français populaire de Paris[10]. En effet, en 1600 se différencie sur l'aire du francilien, plus précisément à Paris, une langue véhiculaire populaire[11] dont la typologie grammaticale se distingue de plus en plus des dialectes environnants, qu'ils soient picard, bourguignon, angevin, normand ou francilien[12]. C'est ce français populaire qui s'est diffusé sur l'aire du premier empire colonial français[13]. Son exportation coloniale au XVIIe siècle serait à l'origine des variétés du français des Amériques[13], sauf pour le français acadien, qui serait issu d’une variété ancienne homomorphe avec le francilien[14].

Langue[modifier | modifier le code]

Quelques éléments linguistiques du francilien peuvent être tirés de la Monographie de l'instituteur de Courgent[15], de Soindres[16] de 1899[17].

Mots dont le genre diffère par rapport au français :

  • la chaud, la froid : le chaud, le froid
  • un cravate : une cravate

Différences de sons avec le français :

  • iau pour eau : cisiau, iau, nouviau, viau pour ciseau, eau, nouveau, veau
  • eux pour eur : batteux, menteux, pour batteur, menteur
  • oué pour oi : la voué pour la voix

Lexique :

  • afant : enfant
  • a quanté : avec
  • ben : bien
  • calot : noix
  • calotier : noyer
  • castrolle : casserole
  • cherrue : charrue
  • choual, j'val : cheval
  • ennui : aujourd'hui
  • errible : hâtif
  • eursource : source
  • enrouser : arroser
  • gesteux : délicat, à manières
  • gromand : gourmand
  • ièvre : lièvre
  • j'aurions métier : il faudrait que
  • la r'montée : l'après-midi
  • la r'levée de Pâques : après Pâques
  • malin : méchant
  • mule de blé : meule de blé
  • ormoère : armoire
  • orzen (cf horsin) : voisin
  • rabourer : labourer
  • sangsure : sangsue
  • sine, sinature : signe, signature
  • sumetière : cimetière
  • stella, stici : celui-là, celui-ci
  • sumence, sumer, i sume : semence, semer, il sème
  • tardi : tardif

Exemple de phrase : Tu vas à cherrue, ennui, avec ton j'val nouviau.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Chapisseau (Félix) - le folklore de la Beauce et du Perche, Les littératures populaires de toutes les nations, tome 45 et 46, Paris, 1902[18]
  • Armand Cassan, Statistique de l’arrondissement de Mantes, Mantes, , 385 p., p. 50-54[18]
  • Émile Bourquelot, Patois du pays de Provins, bulletin de la Société d’archéologie, sciences, lettres et arts du département de Seine-et-Marne (1868), pages 143-177[18]
  • Auguste Diot, Le patois briard, dont, plus particulièrement, le patois parlé dans la région de Provins. Bulletin de la Société d’histoire et d’archéologie de l’arrondissement de Provins, année 1930, 155 p.[18]
  • Nicolas Stanislas Des Étangs, Listes des noms populaires des plantes de L’Aube et des environs de Provins. MémAube 12 (1844/1845), pages 137-146[18]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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Références[modifier | modifier le code]

  1. [Informations lexicographiques et étymologiques de « francien » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  2. a et b Lodge, R. Anthony : 2004. A Sociolinguistic History of Parisian French. Cambridge University Press. 290 pages. Page 63.
  3. Le bourbonnais est lié au berrichon dans le Registre de la Linguasphère de l’Observatoire Linguistique. Aussi, le Bourbonnais est logiquement placé dans le domaine d’oïl central par Marie-Rose Simoni-Aurembou (2003).
  4. Abalain, Hervé : 2007. Le français et les langues historiques de la France. Éditions Jean-paul Gisserot, p. 154, « l’orléanais, le tourangeau […], le berrichon, le bourbonnais, le parler d’Île-de-France sont des variations d’une même langue devenue le français standard » (Abalain 2007, p. 154).
  5. Paris, Gaston : 1889. « Hugues de Berzé ». Romania : recueil trimestriel consacré à l'étude des langues et des littératures romanes. Pages 553 à 570. Page 570, note 1.
  6. Bernard Cerquiglini (1998), "Sur l'origine de la langue française : le prince ou le poète ?" Compte rendu de la conférence donnée à l'Université d'Osaka le 25 octobre 1998.[1]
  7. Jules Gilliéron & Edmond Edmont (1902-1910), Atlas linguistique de la France, Paris: Champion, 9 vol., supplément 1920.
  8. Abalain, Hervé : 2007. Le français et les langues historiques de la France. Éditions Jean-paul Gisserot. 317 pages. (Page 156).
  9. Variété du français qui présente i-V-on (i mange-on) à la 1re personne du pluriel des verbes; cf. Charles Nisard (1872), Étude sur le langage populaire ou patois de Paris et sa banlieue, Paris: A. Franck.
  10. Variété du français qui présente on-V (on mange) à la 1re personne du pluriel des verbes; cf. Henri Bauche (1920, 1946), Le langage populaire de Paris, Paris: Payot.
  11. Otto Gsell (1995), « Französische Koine / La koinè française », In: Günter Holtus, Michael Metzeltin et Christian Schmitt (ed.), Lexikon der Romanistischen Linguistik (LRL), Berlin: De Gruyter, vol. 2/2, pp. 271–289.
  12. Christian Schmitt (1980), «Gesprochenes Französisch um 1600» in: Helmut Stimm (ed.) Zur Geschichte des gesprochenen Französisch und zur Sprachlenkung im Gegenwartsfranzösischen: Beiträge des Saarbrücker Romanistentages 1979, Wiesbaden: Steiner, pp. 15-32.
  13. a et b Wilhem Meyer-Lübke (1909), « Das Französische in Kanada. » Germanisch-Romanische Monatsschrift 1.133-139, traduction française dans: Bulletin du Parler français au Canada 8.121-129, 1909;[2] Robert Chaudenson (1994), "Français d'Amérique du Nord et créoles français: le français parlé par les immigrants du XVIIe siècle", in R. Mougeon et E. Beniak (ed.), Les origines du français québécois, Presses de l'Université Laval, pp. 169–180; Robert Chaudenson (2004), La créolisation: théorie, applications, implications, Paris: L'Harmattan.[3]; Jakob Wüest (1985), "Le «patois de Paris» et l'histoire du français", Vox Romanica 44.234-58; Henri Wittmann (1995), "Grammaire comparée des variétés coloniales du français populaire de Paris du 17e siècle et origines du français québécois, " in Robert Fournier & Henri Wittmann (ed.), Le français des Amériques, Trois-Rivières: Presses universitaires de Trois-Rivières, pp. 281-334.[4]
  14. Geneviève Massignon (1962), Les parlers français d'Acadie: Enquête linguistique, Paris: Klincksieck, 2 vol.; Henri Wittmann (1996), "L'Ouest français dans le français des Amériques : le jeu des isoglosses morphologiques et la genèse du dialecte acadien." in Georges Cesbron (ed.), L'Ouest français et la francophonie nord-américaine: actes du Colloque international de la francophonie tenu à Angers du 26 au 29 mai 1994, Presses de l'Université d'Angers, pp. 127-36.[5] Les colons acadiens étaient originaires de la sénéchaussée de Loudun parlant une variété angevine du français qu'ils ont conservée.
  15. Arch Dept Yvelines Courgent, Monographie Instituteur 1899 : 9-10/17.
  16. Arch Dept Yvelines Soindres, Monographie Instituteur 1899 : 46/47.
  17. Courgent. Monographie communale de l'instituteur, 1899, p. 10/17.
  18. a b c d et e Walther von Wartburg, Hans-Erich Keller et Robert Geuljans, Bibliographie des dictionnaires patois galloromans (1550-1967), Librairie Droz, (ISBN 978-2-600-02807-3, lire en ligne)