Frédéric Bourguet

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Frédéric Bourguet
Illustration.
Frédéric Bourguet sénateur.
Fonctions
Sénateur français

(2 ans, 11 mois et 12 jours)
Circonscription Tarn
Groupe politique SOC
Prédécesseur Fernand Verdeille
Successeur Georges Spénale
Président du comité départemental
de libération
du Tarn

(1 an)
Gouvernement GPRF
Conseiller général du Tarn

(destitué par Vichy)
(17 ans)

(réinstitué par le GPRF)
(31 ans)
Circonscription canton de Saint-Amans-Soult
Maire de Labastide-Rouairoux

(destitué par Vichy)
(22 ans)

(réinstitué par le GPRF)
(3 ans)
Biographie
Nom de naissance Jean Auguste Frédéric Bourguet
Date de naissance
Lieu de naissance Montpellier
Date de décès (à 89 ans)
Lieu de décès Labastide-Rouairoux
Nationalité Française
Diplômé de Université de Montpellier
Profession Avocat
Industriel
Distinctions Officier de la Légion d'honneur
Croix de guerre 1914-1918
Médaille de la Résistance française
Religion Protestantisme

Frédéric Bourguet
Maires de Labastide-Rouairoux

Frédéric Bourguet, né le à Montpellier et mort le à Labastide-Rouairoux (Tarn), est un industriel, homme politique et résistant français. Élu local puis sénateur, il est, lors de la Seconde Guerre mondiale, président du comité départemental de libération après avoir dirigé les réseaux résistants dans le Tarn.

Biographie[modifier | modifier le code]

Famille et formation[modifier | modifier le code]

Issu d'une famille protestante, Jean Auguste Frédéric Bourguet naît le à Montpellier, dans l'Hérault. Il est le fils de Paul Bourguet (1858-1937), inspecteur de l'Enseignement puis avoué à Montpellier, et de Mathilde Nègre (1859-1906)[1].

Après des études au lycée et à la faculté de droit de Montpellier, il devient docteur en droit et exerce comme avocat à la cour d'appel de Montpellier.

En 1912, il épouse à Paris Suzanne Barthe[Note 1], fille adoptive de l'industriel Joseph Barthe (1855-1912)[Note 2] et de Marguerite Treillet. Ils ont ensemble cinq enfants : Yvonne, Jacqueline, Marguerite, Françoise et Jean-Jacques.

Carrière d'industriel[modifier | modifier le code]

À la mort de son beau-père en 1912, il perpétue la tradition manufacturière de la famille Barthe en reprenant la fabrique de draperies et de lainages de Labastide-Rouairoux, établissement fondé en 1785 par Jean-Pierre Barthe[3].

Lieutenant du train des équipages militaires, il est mobilisé lors de la Première Guerre mondiale et son usine est réquisitionnée pour fabriquer du drap pour les troupes[3].

Plus tard, il associe à l'affaire son fils Jean-Jacques ainsi que son gendre Jean Reinaud (époux de sa fille Yvonne et petit-fils d'Émile Reinaud)[3],[4].

Les Établissements Bourguet jouent un rôle économique central à Labastide-Rouairoux, employant jusqu'à 380 personnes en 1954[4]. Ils se distinguent aussi sur le plan social : « empreint de convictions sociales »[5], Frédéric Bourguet prend en effet une série de mesures pour améliorer la vie de ses employés et fidéliser la main d'œuvre. Ainsi, en 1922, il met en place une caisse de prévoyance retraite, dont les pensions peuvent être versées dès l'âge de 55 ans[6]. Entre 1925 et 1930, il crée, avec une poignée d'autres industriels textiles, des cités ouvrières où, pour chaque famille, est mise à disposition une maison avec potager[6],[5]. Il instaure également une « échelle mobile des salaires », mécanisme d'indexation des salaires sur l'inflation pour maintenir le pouvoir d'achat de ses ouvriers[7]. En 1964, le préfet du département écrit : « S'il a les goûts d'un aristocrate, M. Bourguet vit très près du peuple et de ses ouvriers par générosité de cœur[8]. »

À partir de 1974, l'activité connaît des difficultés et les Établissements Bourguet ferment en 1978, quelques mois avant la mort de Frédéric Bourguet[3],[9].

Carrière politique[modifier | modifier le code]

À la fin de la Grande Guerre, en parallèle de son activité textile, il s'engage en politique.

Il est d'abord élu maire de Labastide-Rouairoux en 1919, reconduit à chaque élection jusqu'en 1947.

En juillet 1925, il devient conseiller général du Tarn, élu dans le canton de Saint-Amans-Soult au deuxième tour comme candidat de l'union des gauches. Il est ensuite réélu jusqu'en 1976, dont plusieurs fois sans adversaire ou sans avoir fait campagne[8]. Au fil des élections, il se présente sous différentes étiquettes politiques : MURF[Note 3], socialiste indépendant, SFIO[Note 4] puis CIR[Note 5]. Son positionnement politique précis est donc complexe, comme le souligne le sous-préfet de Castres en 1937, affirmant qu'« en matière politique, son éclectisme est réel »[8].

Entre 1941 et 1944, il est destitué de ses fonctions électives par le régime de Vichy du fait de son engagement dans la Résistance[8] (voir ci-après).

Les mandats locaux de Frédéric Bourguet, son activité industrielle et son rôle dans la Résistance lui confèrent une grande renommée. Il s'impose comme une personnalité centrale dans le Tarn, caractérisé par son positionnement politique de socialiste indépendant[8].

Il devient sénateur en 1974, remplaçant Fernand Verdeille (décédé) au sein du groupe socialiste. Membre de la Commission des affaires économiques et du Plan, il est alors le doyen du Sénat[10]. Il se prononce notamment en faveur des projets de loi sur l'interruption volontaire de grossesse (1974) et sur la réforme du divorce (1975). Il ne se représente pas au terme de son mandat[11].

Au cours de sa vie, il occupe également plusieurs responsabilités institutionnelles. Il est ainsi à Mazamet vice-président (puis vice-président honoraire) de la Chambre de commerce et d'industrie entre 1920 et 1970, et administrateur de la Banque de France à Mazamet entre 1923 et 1974.

Engagement dans la Résistance[modifier | modifier le code]

Au début de la Seconde Guerre mondiale, Frédéric Bourguet est chef d'escadron dans le train des équipages militaires. Après l'annexion de la zone libre, il s'engage dans la Résistance, dont il devient un membre éminent, connu sous le pseudonyme de « Jean »[12] (son premier prénom de naissance).

Dès les premières persécutions et à de nombreuses reprises, il donne asile chez lui — parfois au péril de sa vie — à des personnes menacées par la Gestapo ou la police de Vichy[12]. Ainsi, dès la fin de l'année 1940, il recueille à son domicile Raymond Lévy-Seckel, ingénieur juif d'origine alsacienne, qu'il engage même comme directeur de son usine[13],[14]. Les deux hommes deviennent très proches : ils entrent ensemble dans la Résistance[Note 6], Frédéric Bourguet devient le parrain d'un des enfants de Lévy-Seckel et, lorsque ce dernier est fusillé par les Allemands en 1944[Note 7], il apporte son aide à sa veuve et ses enfants pendant de nombreuses années.

Rapidement repéré par Vichy comme activiste, Frédéric Bourguet est limogé de ses mandats électifs, respectivement en 1941 et 1942, puis est lui-même poursuivi par la Gestapo lorsqu'il intègre la Résistance[13].

En effet, lorsque la zone libre est annexée à la fin de l'année 1942, il rejoint le premier mouvement résistant constitué dans le Tarn. En raison de « la grande autorité dont il jouissait auparavant dans le département »[12], il est conduit à occuper d'importantes fonctions au sein de la Résistance. Membre du corps-franc de la Montagne Noire, il est aussi président du mouvement résistant Combat. En janvier 1943, il entre au directoire des Mouvements unis de la Résistance, constitués par Jean Moulin pour unifier les groupes résistants non communistes du Sud de la France. En raison de ses responsabilités politiques d'avant-guerre, il dirige aussi le service Noyautage des administrations publiques[12]. À la Libération, il est nommé, « d'un consentement unanime »[12], président du comité départemental de libération[3], chargé de coordonner les mouvements résistants, de leur apporter une aide logistique et de préparer le terrain pour la période post-Libération (notamment concernant le contrôle des administrations publiques).

Lors de la nomination de Frédéric Bourguet pour la médaille de la Résistance, le général commandant le corps d'armée auquel il était rattaché rajoute, dans son mémoire de proposition, la note manuscrite suivante : « Magnifique résistant. A rendu de grands services à la Résistance. Proposition très appuyée[12]. »

Hommages[modifier | modifier le code]

Décorations[modifier | modifier le code]

Postérité[modifier | modifier le code]

Liste des fonctions et mandats civils[modifier | modifier le code]

Mandat national
Mandats locaux
Autres fonctions institutionnelles
  • 1920 - 1970 : vice-président puis vice-président honoraire de la Chambre de commerce et d'industrie de Mazamet[11]
  • 1923 - 1974 : administrateur de la Banque de France à Mazamet[11]
  • 1945 : président du Comité régional économique (Tarn)[18]
  • 1960 : président d'honneur de la Fédération française du tissage de laine
  • Vice-président du Comité central de la laine
  • Président du Syndicat patronal de l'industrie textile de la région de Labastide-Rouairoux, délégué auprès de l'Union des syndicats patronaux des industries textiles de France[19]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Née Marguerite Henriette Héloïse Dubois et enregistrée comme telle à l'état civil, elle est cependant connue comme Suzanne Barthe après son adoption.
  2. Eugène Joseph Barthe, né le à Labastide-Rouairoux et mort le à Millau, chevalier de la Légion d'honneur, fils d'Eugène Barthe et de Zilla Aldebert[2].
  3. Mouvement unifié de la renaissance française, parti politique éphémère (1945-1946) classé à gauche.
  4. En 1964, la SFIO le revendique comme sien dans les listes publiées par Le Populaire après les élections cantonales du 15 mars 1964 ; il n'est cependant pas adhérent de la SFIO.
  5. En 1970, il est le candidat du Comité des institutions républicaines (CIR), mais rejoint ensuite le Parti socialiste.
  6. Raymond Lévy-Séckel sert sous le commandement de Frédéric Bourguet au sein de l'Armée secrète puis du corps-franc de la Montagne Noire.
  7. Raymond Lévy-Seckel, connu dans la Résistance sous le pseudonyme « lieutenant Leblond », est arrêté, torturé puis fusillé par les Allemands au cours d'une mission en 1944. Il est déclaré « mort pour la France » et promu capitaine à titre posthume.

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Souvenirs de la famille Nègre », sur lexilogos.com.
  2. « Cote LH/126/12 », base Léonore, ministère français de la Culture.
  3. a b c d e f et g Sabine Boudou-Ourliac, « Frédéric Bourguet, un industriel en pays textile », sur archives.haute-garonne.fr, .
  4. a et b « Le procès de dix syndicalistes d'une filature : un village du Tarn qui ne veut pas mourir », sur lemonde.fr, .
  5. a et b « Labastide-Rouairoux une vie sur le fil », sur ladepeche.fr, .
  6. a et b Jean-Michel Minovez, L'industrie invisible : les draperies du Midi XVIIe – XXe siècles – Essai sur l'originalité d'une trajectoire, CNRS éditions, (lire en ligne), p. 443-444.
  7. Raoul Crespin, Des protestants engagés : le christianisme social, 1945-1970, Éditions Olivetan, (lire en ligne), p. 196.
  8. a b c d e f et g Archives départementales, Les conseillers généraux du Tarn, (lire en ligne), p. 236-237.
  9. Michel Castaing, « À Labastide-Rouairoux (Tarn), la fin de cinq siècles de tradition », sur lemonde.fr, .
  10. Charles d'Aragon, La Résistance sans héroïsme, (lire en ligne), p. 243.
  11. a b c d et e « Bourguet Frédéric », sur senat.fr.
  12. a b c d e et f Mémoire de proposition pour la médaille de la Résistance, conservé par la chancellerie de l'ordre de la Libération.
  13. a b et c Éloge funèbre de Frédéric Bourguet par Georges Spénale, son successeur au Sénat.
  14. « Raymond-Lévy-Seckel », sur www.ajpn.org (consulté le )
  15. Décret du 2 avril 1953 portant promotion et nomination (publié au Journal officiel du 14 mai 1953), pris sur proposition du ministre de l'Intérieur.
  16. Arrêté ministériel du , publié au Journal officiel du , pris sur la proposition du ministre de la Guerre. Décoration attribuée en qualité de chef d'escadron du train des équipages militaires.
  17. Décret du 15 octobre 1945 portant attribution de la médaille de la Résistance française sur Gallica, publié au Journal officiel du .
  18. Conseil général du Tarn, Rapport du préfet au Conseil général, (lire en ligne sur Gallica), p. 107-108.
  19. Union des syndicats patronaux des industries textiles de France, Statuts et liste des adhérents, (lire en ligne sur Gallica).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]