Fonction de Leibniz

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En géométrie affine ou euclidienne, les fonctions vectorielles et scalaires de Leibniz sont des fonctions qui, à des points, associent des vecteurs (fonction vectorielle) ou des nombres (fonction scalaire). Ces fonctions sont très intimement liées aux notions de coordonnées barycentriques et de barycentre.

Historique[modifier | modifier le code]

Quand Leibniz arrive en France en 1672, il découvre véritablement l'algèbre géométrique de Viète dont il n'avait eu jusque-là que des aperçus[1]. C'est probablement en référence à l'Analyse Spécieuse de Viète que Leibniz donne le nom d’Analysis situs à la recherche qu'il conduit sur le même principe en géométrie. Selon Coxeter[2], Leibniz partage, avec Newton, le mérite d'avoir libéralisé l'usage de coordonnées négatives en géométrie. Mais il est en quête d'un symbolisme plus général. Dans une lettre à Huygens datée du 8 septembre 1679, il écrit : « Je ne me satisfais pas de l'algèbre (...) Je crois qu'en ce qui concerne la géométrie, il nous faut une autre sorte d'analyse, proprement géométrique ou linéaire, qui exprime la position d'une façon aussi directe que l’algèbre exprime la quantité[3]. »

Le fil des recherches de Leibniz sur la colinéarité des points et la notion de barycentre généralisé ne reprit qu'en 1827 avec le « calcul barycentrique » de l'astronome allemand August Ferdinand Möbius, qui ne traite toutefois que l'opération sur des points alignés. L'addition de segments non-colinéaires est due à Hermann Grassmann (Ausdehnungslehre, 1844) ; celle d'équipollence de bipoints, à l'Italien Giusto Bellavitis : ces deux notions marquent véritablement l'avènement de la notion algébrique de vecteur[4].

L'étude des fonctions vectorielle et scalaire de Leibniz était au programme du baccalauréat scientifique (« série C ») en France[5] de 1971 à 1983.

Fonction vectorielle de Leibniz[modifier | modifier le code]

On se place dans un espace affine E associé à un espace vectoriel V. Soient une famille de n points et une famille de n scalaires, on appelle fonction vectorielle de Leibniz[6] associée au système , l'application de E dans V qui, au point M associe le vecteur .

Si la somme des coefficients est nulle, cette fonction est constante. Si un des coefficients est non nul (par exemple a1), cette constante est égale à G1 est le barycentre du système

Si la somme des coefficients est non nulle, cette fonction se simplifie en

G est le barycentre du système de points pondérés .

Cette dernière propriété permet de réduire une combinaison linéaire de plusieurs vecteurs en un seul vecteur grâce à un barycentre. Elle permet aussi de donner les coordonnées du barycentre quand l'espace est de dimension finie.

En effet, .

Ce qui se traduit en termes de coordonnées par .

Fonction scalaire de Leibniz[modifier | modifier le code]

Il s'agit de la généralisation à n points de la solution que Leibniz a donnée d'un lieu géométrique dans sa Caractéristique géométrique[7] (voir théorème de Leibniz).

On se place dans un espace affine euclidien. Soient une famille de n points et une famille de n scalaires, on appelle fonction scalaire de Leibniz[8] associée au système , l'application de E dans qui, au point M associe le scalaire .

Formules associées[modifier | modifier le code]

  • Si la somme des coefficients est nulle, cette fonction se simplifie en

est la constante égale à la fonction vectorielle de Leibniz associée au système et où O est un point arbitrairement fixé[9].

  • Si la somme des coefficients est non nulle, cette fonction se simplifie en

G est le barycentre du système .

  • De plus

Application aux lignes de niveau de la fonction scalaire de Leibniz[modifier | modifier le code]

En dimension 2, l'ensemble des points M tels que f(M) = k est

  • dans le cas où la somme des coefficients est nulle
    • une droite orthogonale à si est non nul
    • tout le plan ou l'ensemble vide (selon les valeurs de k) si est nul
  • dans le cas où la somme des coefficients est non nulle
    • un cercle de centre G, le point G ou l'ensemble vide (selon les valeurs de k)

Cas où la somme des coefficients est strictement positive[modifier | modifier le code]

La formule ci-dessus montre que la fonction scalaire de Leibniz est minimale au barycentre des points pondérés.

Par exemple, la somme des carrés des distances aux sommets d'un triangle est minimale au centre de gravité.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

  • Le théorème de König-Huygens qui est une transcription de la formule dans le cadre des statistiques, des probabilités, ou de la mécanique.
  • La définition de la moyenne arithmétique comme minimisation d'une fonction de distance.
  • La relation de Stewart qui est un cas particulier de réduction de la fonction scalaire de Leibniz.
  • Les cercles d'Apollonius associés à deux points donnés dont la détermination peut utiliser une fonction scalaire de Leibniz.

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Cf. Paul Mouy, Le Développement de la physique cartésienne (1646-1712), Paris, Libr. Vrin, , « 4. Les physiques anticartésiennes »
  2. H.S.M. Coxeter, Introduction to Geometry, Wiley & Sons, coll. « Wiley Classics Library », (réimpr. 1969,1980) (ISBN 0471504580), « 8. Coordinates »
  3. Cité par Jörg Liesen, « Hermann Graßmann and the Foundations of Linear Algebra », sur SIAM Conference on Applied Linear Algebra, Monterey, Californie, (consulté le ). Cette lettre, qui ne fut imprimée qu'en 1833, n'eut donc certainement que peu d'influence sur les développements ultérieurs.
  4. Jeanne Peiffer et Amy Dahan-Dalmedico, Une histoire des mathématiques : Routes et Dédales, Paris, Éditions vivantes, (ISBN 978-2731041125), « Nouveaux objet, nouvelles lois », p. 285.
  5. Coll., « Journal officiel du 24 juin 1971 — Programme de Mathématiques des classes Terminales C et E » [PDF], sur Eklablog
  6. Thuizat, Girault et Aspeele, Maths Classes Terminales C et E, vol. III : Géométrie, Technique et vulgarisation, coll. « Nouvelle collection Durande », , « 35. Espaces affines -- barycentre », p. 97
  7. Leibniz (trad. Marc Parmentier), La caractéristique géométrique, Paris, J. Vrin, coll. « Mathesis », (réimpr. texte établi et annoté par Javier Echeverría) (ISBN 2-7116-1228-7).
  8. D'après Thuizat et al. op. cit., p.106
  9. J.-D. Eiden, Espaces vectoriels euclidiens, Calvage et Mounet, coll. « Nano », (ISBN 9782916352848), p. 30