Ferdinand Lop

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Lop à Versailles pour l'élection présidentielle de 1939.

Ferdinand Lop, dit également Samuel Ferdinand-Lop (10 octobre 1891 à Marseille29 octobre 1974 à Saint-Sébastien-de-Morsent (Eure) où il est enterré) est un journaliste, dessinateur, répétiteur d'anglais[1], écrivain, poète, humoriste et philosophe de café français[2], connu surtout pour sa candidature perpétuelle aux élections présidentielles et ses slogans : « Tout pour le front lopulaire ! » et « Au char de l’État, il faut la roue d’un Lop ». Il épousa, le 18 janvier 1923, à Paris, Sonia Seligmann.

Biographie

Né le 10 octobre 1891 à Marseille dans les Bouches-du-Rhône, Ferdinand Samuel Lop était le fils cadet de Jules Joseph Lop (1865-1931), employé, et de Benjamine Reine Montel (1871-1956), institutrice, mariés et demeurant au 59, rue de Forbin. Ses deux frères étaient Alfred Myrtil Lop et Georges Nephtali Lop[3].

Connu sous la forme abrégée de Ferdinand Lop ou celle de Samuel Ferdinand-Lop (au lieu de Ferdinand Samuel Lop), il aurait été agrégé d'histoire et camarade de promotion de Georges Bidault, qui fut le premier ministre des affaires étrangères du général de Gaulle[4].

Il fut chroniqueur parlementaire au journal satirique Le Cri du Jour, fondé par Albert Levy en 1926[5].

Journaliste, dessinateur de talent, auteur d'ouvrages sérieux sur les possessions coloniales de la France, il devint à partir de 1932, poussé par un tempérament fantaisiste, une figure pittoresque, bientôt légendaire, du quartier Latin, de la Sorbonne à l'Odéon[6]. Reconnaissable à son épaisse tignasse de cheveux roux, ses lunettes, sa petite moustache, son grand chapeau et son nœud papillon, il haranguait les étudiants sur le boulevard Saint-Michel dans les années d'avant et d'après guerre[7],[8].

Pendant la IVe République, de 1946 à 1958, ce « licencié ès canulars », éternel candidat malchanceux à la présidence de la République (en même temps qu'à l'Académie française)[9], avait bâti un programme électoral qui préconisait :

  • l'extinction du paupérisme à partir de dix heures du soir ;
  • la construction d'un pont de 300 m de large pour abriter les clochards[9] ;
  • la prolongation de la rade de Brest jusqu’à Montmartre et l'extension du boulevard Saint-Michel jusqu’à la mer (dans les deux sens)[9] (proposition reprise d'un candidat loufoque antérieur, Paul Duconnaud) ;
  • l'installation d'un toboggan place de la Sorbonne pour le délassement des troupes estudiantines ;
  • la nationalisation des maisons closes pour que les filles puissent avoir les avantages de la fonction publique ;
  • le raccourcissement de la grossesse des femmes de neuf à sept mois[10] ;
  • l'aménagement de trottoirs roulants pour faciliter le labeur des péripatéticiennes ;
  • l'octroi d'une pension à la femme du soldat inconnu ;
  • l’installation de Paris à la campagne pour que les habitants profitent de l’air pur ;
  • la suppression du wagon de queue du métro.

Il expliquait le caractère vague de son programme par sa crainte qu'on le lui vole. Il préférait « attendre d'être au gouvernement pour le révéler »[11]. Suivant l'exemple des campagnes présidentielles américaines, il avait adopté un air de campagne (campaign air), en l'occurrence The Stars and Stripes Forever, l'hymne officiel américain, non sans y plaquer la répétition de son patronyme comme paroles : « Lop, Lop, Lop Lop Lop, Loop Lop Lop ! Lop Lop Lop, Lop Lop Lop, Lop Lop Lop Lop ! »[12].

Le quartier Latin se partageait en deux camps par rapport au candidat :

  • les partisans de Lop ou « Lopistes » (« Lopettes » étant un qualificatif employé par leurs ennemis) ;
  • les opposants étaient les « Anti-Lop » (ou « Antilopes »),

Quant aux tièdes, aux indécis, c'étaient des « Interlopes ». Les réunions avaient lieu dans une salle baptisée la « salle Lop ».

En janvier 1946, l'association générale des étudiants de Rennes (l'AGER) reçut Ferdinand Lop à l'occasion de la relance du défilé du Mardi gras. Il prononça un discours et défila sur un char en leur compagnie [13].

Le 1er avril 1949 eut lieu une fausse remise de la Légion d'honneur à Ferdinand Lop, devant un millier d'étudiants en liesse.

Ferdinand Lop fut dix-huit fois candidat à l'Académie française, entre 1936 et 1966. La dernière fois, ce fut contre Maurice Druon. Il obtint en tout et pour tout deux voix. Il avait tiré de ses innombrables échecs un livre : Ce que j'aurais dit dans mon discours de réception à l'Académie française si j'avais été élu[14].

Dans son livre Les Juifs, Roger Peyrefitte dit de Ferdinand Lop qu'il « représente l'humour juif au quartier latin »[15].

Aguigui Mouna, cette figure insolite du trottoir parisien qui succéda à Ferdinand Lop, avait un temps fréquenté ce dernier pour finir par s'en éloigner, le trouvant « trop sérieux, petit bourgeois sentencieux et intello-dépendant »[16].

On lui prête les pensées et aphorismes suivants :

  • « À se retirer trop tôt, on n’engendre pas »[17] ;
  • « Mes amis, pour faire baisser le prix des produits laitiers [élevés à l’époque, ndlr], il faut remplacer les vaches par des tôles. Parce que les tôles on-du-lées »[18] ;
  • « Ce n’est pas une retraite, c’est une progression vers l’arrière pour raisons stratégiques »[19] ;
  • « La politique, c’est une femme que l’on courtise et que l’on aime »[19] ;
  • « Les partis politiques sont des champignonnières sur le dos du corps électoral »[20].

Ferdinand Lop fut un auteur prolifique. Dans les années 1920 et 1930, il publia chez des éditeurs plusieurs ouvrages universitaires sur les colonies de la France : La Tunisie et ses richesses (1921), L'Indochine : aperçu économique (1923), Les possessions françaises du Pacifique (1933) (cf infra). À partir des années 1940 et jusqu'à sa mort, il édita à compte d'auteur nombre de plaquettes, recueils de maximes, comme Pensées et aphorismes (1951), ou de poèmes, comme Au fil de la pensée (1950), essais historiques, comme Pétain et l’histoire (1957), ou politiques, comme Vers le régime présidentiel (1965), pièces de théâtre, comme Le Veau d’or. Pièce biblique en vers […] (1971), etc. (cf. infra).

Il est décédé à l'âge de 83 ans le 29 octobre 1974 à Saint-Sébastien-de-Morsent dans l'Eure, où il est enterré.

Publications

Années d'avant guerre

  • La Tunisie et ses richesses, préface de Edouard Soulier, collection « Les pays modernes », Paris, Pierre Roger et Cie, 1921, 197 p.
  • La France riche. Conditions de son relèvement, quelques éléments de sa richesse, préface de M. Victor Boret, Paris, les Gémeaux, 1921, 131 p.
  • L'évolution financière, Bibliothèque des sciences économiques & sociales, M. Rivière, 1922, 130 p.
  • La force d'Israël : vers et pour la renaissance du judaïsme, La Pensée française, 1923, 94 p.
  • L'Indochine : aperçu économique, Éditions de « La Vie universitaire », 1923, 80 p.
  • Une Fédération des peuples, Paris, 1923
  • Les ressources du domaine colonial de la France, vol. 7 de Documents politiques & sociaux, Dunod, 1924, 147 p.
  • (avec Maurice Sarrail), Une fédération des peuples...?, Les problèmes du jour, A. Delpeuch, 1924, 77 p.
  • Les colonies françaises : leur importance, leurs ressources, leurs commerce, leur avenir, Encyclopédie Roret, Société Française d'Éditions Littéraires et Techniques, 1931, 215 p.
  • Le Pétrole, le Monde et la France. Le Problème tel qu'il se pose, sa solution, Impr. de l'Est, 1931, 47 p.
  • La Paix politique et économique. Préface de M. Justin Godart, sénateur, ancien ministre, Impr. de l'Est, 1932, 95 p.
  • (avec C. H. Bocherel), Les possessions françaises du Pacifique, collection « France d'outremer », publiée sous la direction de Georges Hardy, Larose, 1933, 147 p.
  • Vers la rénovation, Centre de propagande de la rénovation, Paris, 1938
  • Sinaï, pièce biblique, en 2 actes, en prose, Beresniak, 30 p. (ss date)

Années de guerre et d'après guerre

  • Vers le pouvoir : dix ans de lutte pour la République, Libr. S. A., 1940, 67 p.
  • Les Problèmes de l'heure, Impr. G. Driat, 194?
  • Ferdinand Lop à travers les ères, Illustré par Piot, Librairie des sciences et des arts, 1947
  • Au fil de la pensée : poèmes, SFPEP, 1950, 29 p.
  • Pensées et aphorismes par Ferdinand Lop, Impr. S.F.A.I.G., 1951, 60 p.
  • Les Entretiens du professeur Démosthène : les problèmes du jour, Impr. S.F.A.I.G, 1951, 48 p.
  • Les Idées du Professeur Démosthène : justice, outre-mer, paix, les Éditions de Mai, 1952, 80 p.
  • Le Sultan Mourad, Tragédie en vers, Éditions de Nesles, Paris, 1952, 59 p.
  • Mes Combats politiques : pour servir à l'histoire de la nation, Éditions de Mai, 1953, 157 p.
  • Pétain et l'histoire, Impr. Mazarine, 1957, 14 p.
  • Quartier latin, les cafés littéraires, Impr. Mazarine, 1958
  • Ma Candidature à la présidence de la République : pourquoi j'ai été candidat, Impr. Mazarine, 1958, 24 p.
  • La Sorbonne et le Collège de France, volume 2 de Histoire du Quartier Latin, 1961, 24 p.
  • Où va la France ?, Impr. Mazarine, 1961, 20 p.
  • Les Thermes de Julien et l'abbaye de Cluny. Le Palais du Luxembourg, volume 3 de Histoire du Quartier latin, 1963
  • Les États-Unis d’Europe, Impr. Mazarine, 1964
  • Vers le régime présidentiel, Paris, octobre 1965, 16 p.
  • La France et l'Algérie : ce qui aurait pu être fait..., Impr. Chantenay, Paris, 1966, 29 p.
  • Jeanne, héroïne de France, drame historique, Paris, l'auteur, 1966, 63 p.
  • La France et le Viêt-nam. La Paix qui s'impose, Paris, 1967, 35 p.
  • Telle sera l'Europe de demain !, impr. J. Chantenay, Paris, 1968
  • Nouvelles, pensées et maximes de Ferdinand Lop, France-Ouest Impr., 1970, 83 p.
  • Mémoires (1917-1939), tome 1, Paris, 1970
  • Problèmes de salut public, Paris, 1970, 68 p.
  • Maximes et poèmes de Ferdinand Lop, Dauer, 1971, 136 p.
  • Le Veau d’or. Pièce biblique en vers, en deux actes, suivie de poèmes, Paris, 1971
  • Antipensées, l'auteur, 1973, 142 p.

Notes et références

  1. Bernard Lavalette, Et à part ça, qu'est-ce que vous faites ?, Fallois, 1998, 285 p. : « Ferdinand Lop, qui gagnait sa vie comme répétiteur d'anglais dans des boîtes à bachot ».
  2. (en) Jacques Yonnet, Christine Donougher, Paris noir, the secret history of a city, 2006, 280 p. : « Ferdinand Lop French humorist and writer (1891—1974), a prototype Screaming Lord Sutch who repeatedly stood for President with the slogan 'Tout pour le front Lopulaire' (a personalized Front Populaire). »
  3. Lop Ferdinand Samuel.
  4. Mahmoud Maämouri. Conférences, essais, évènements en images…, 20 novembre 2011 : « Un article paru dans le quotidien de langue arabe, Essabah, un journal réputé sérieux me pousse à vous présenter un personnage que vous ne connaissez pas ; il s’agit de Ferdinand LOP, un personnage atypique, bizarre enfui dans la mémoire de la génération de ceux qui, comme moi, ont vécu à Paris dans les années 50 […]. Ferdinand LOP, que nous appelions, à cette époque, maître LOP, était un professeur d’histoire, agrégé de surcroît et camarade de promotion de Georges BIDEAU [sic] qui fut le premier ministre des affaires étrangères du général DE GAULLE. Un homme, somme toute, respectable, honorable qui, fort malheureusement un jour, prit froid et perdit la raison. Il se mit dans la tête, ou lui a-t-on mis dans la tête que son destin était de devenir président de la république. Voyant le parti ludique que l’on pouvait tirer d’un tel personnage, l’organisation des étudiants, l’UNEF, l’intégra dans ses programmes de festivités. »
  5. (en) Carlton Joseph Huntley Hayes, France, a Nation of Patriots, vol. 5 de Social and economic studies of post-war France, Columbia University Council for Research in the Social Sciences, Columbia University Press, 1930, 487 p., p. 413 : « Le Cri du Jour / Weekly / Founded 1926 / Editor-in-chief : Jacques Landau. Parliamentary Comments by Ferdinand Lop. »
  6. Galerie Jardin des arts, numéros 139 à 142, 1974, p. 94.
  7. (en) Alexander Werth, France in Ferment, Harper & Bros, 1935, 309 p., p. 243 : « Lop was a man with a big mop of reddish hair, eye-glasses, a little moustache, and long and clumsy arms and legs. »
  8. Paul Toublanc, Je ne compte que les heures heureuses : Souvenirs erratiques, L'Harmattan, 2007, 140 p., p. 28.
  9. a b et c Galerie Jardin des arts, op. cit.
  10. François Lacassin, Conversations avec Simenon, La Sirène, 1990, 173 p. : « Quand j'étais étudiant, j'ai entendu Ferdinand Lop exposer son programme à l'auditoire juvénile qu'il réunissait à chacune de ses apparitions au Mahieu ou au Capoulade (deux cafés situés aux deux angles de la rue Soufflot et du Boulevard Saint-Michel, aujourd'hui remplacés par des officines de bouffe-rapide). En cas d'élection, Lop s'engageait à prolonger le Boul' Mich' jusqu'à la mer (et il précisait : « dans les deux sens ») et à ramener la grossesse des femmes de neuf à sept mois. »
  11. Ferdinand Lop, L'Internaute.
  12. (en) Bob Fenster, Twisted: Tales from the Wacky, Andrews McMeel Publishing, 2009, pp. 124-125 : « Lop even wrote his own campaign song. Borrowing the tune from The Stars and Stripes Forever, he changed the lyrics to: "Lop, Lop, Lop Lop Lop, Loop Lop Lop! Lop Lop Lop, Lop Lop Lop, Lop Lop Lop Lop!" »
  13. 'Réception de Ferdinand Lop par les étudiants, Institut national de l'audiovisuel, 1er janvier 1946.
  14. Étienne De Montety, Candidat, Le Figaro-Livres, 17/03/2011.
  15. Roger Peyrefitte, Les Juifs, Flammarion, 1965, 514 p. p. 210.
  16. MOUNA AGUIGUI (1911-1999), sur le site APOPHTEGME. Le site des amoureux, des artistes et des curieux.
  17. Romain Rosso, Présidentielle 2012: Le Pen adoube Marine, 16/11/2007 : « "Comme le disait Ferdinand Lop, 'à se retirer trop tôt, on n'engendre pas'!" Jean-Marie Le Pen adore les citations, si possible équivoques. »
  18. Edouard Launet, Ferdinand Lop, bouffon égaré, Libération, 20 juillet 2010. Cette pièce s'inspire d'un article en anglais de Bernard Frizell, Lop for President. Café philosopher is candidate of Paris Students, paru dans la revue américaine Life (vol. 21, No 20, pp. 2, 4, 6, 7) du 11 novembre 1946.
  19. a et b Edouard Launet, op. cit.
  20. Slogan visible dans un extrait des « Actualités françaises » du 23/10/1952 sur le site ina.fr.

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