Homicide concomitant d'une infraction majeure

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La doctrine de l'homicide concomitant d'une infraction majeure[1] (anglais: felony murder) est une doctrine de la common law sur l'attribution de la responsabilité pénale d'un homicide causé durant la commission de certaines infractions.

Définition[modifier | modifier le code]

Description[modifier | modifier le code]

Cette doctrine assimile la volonté de commettre une felony[Note 1] à une volonté homicide si la mort a été cause lors de la commission de cette felony[2].

Ces felonies sont généralement limitées à l'incendie criminel, au vol commis avec violence ou port d'armes, à l'enlèvement, au viol, à l'effraction ainsi qu'au trafic de drogue.

Histoire[modifier | modifier le code]

Genèse[modifier | modifier le code]

Cette doctrine est issue de la doctrine de l'Intention transférée (en), ou aberratio ictus, doctrine datant d'un temps immémorial, soit avant le .

Développement[modifier | modifier le code]

En 1716, le juriste William Hawkins (en) théorisa, dans son Treatise of Pleas of the Crown, ce concept.

Usage[modifier | modifier le code]

Australie[modifier | modifier le code]

Nouvelle-Galles du Sud[modifier | modifier le code]

La Nouvelle-Galles du Sud reconnait le concept de felony murder[Droit 1].

Canada[modifier | modifier le code]

Le droit canadien définit comme meurtre tout homicide causé au cours d'un acte illégal dont l'auteur devait savoir qu'il pouvait entrainer la mort[Droit 2].

Cependant, la Cour suprême du Canada a jugé cette disposition comme étant contraire à la Charte canadienne des droits et libertés[Droit 3].

États-Unis[modifier | modifier le code]

Cette doctrine est acceptée par 47 États fédérés; dans 24 d'entre eux, il s'agit d'un crime capital, bien que les arrêts Tison v. Arizona et Enmund v. Florida (en) en limitent la portée aux personnes ayant tué, tenté de le faire, planifié ou ont agi avec un manque total de considération envers la vie humaine[3].

Les États d'Hawaï, du Kentucky et du Michigan[Droit 4] ont aboli cette doctrine, le dernier ne la conservant que pour répartir les meurtres entre premier et second degré et les deux autres tenant compte du contexte afin de décider s'il s'agit d'un homicide volontaire.

Irlande[modifier | modifier le code]

Cette doctrine y fut implicitement abolie en 1964[Droit 5].

Royaume-Uni[modifier | modifier le code]

Angleterre et pays de Galles[modifier | modifier le code]

Cette règle a été abolie en 1957 en réponse au cas Derek Bentley[Droit 6].

Cependant, selon le concept de common purpose (en), ou joint enterprise, tous les participants à un délit sont responsables des délits ayant été commis à cette occasion, à moins que ces conséquences n'aient pas été planifiées par les participants - par exemple une bagarre collective ayant mal tourné[4], avoir participé à un duel ayant entrainé la mort d'une tierce personne des mains de l'adversaire[Droit 7],[5] ou bien, dans le cas où cette doctrine fut formulée, une course illégale de fiacres ayant entrainé la mort d'un passant[Droit 8].

L'une des plus anciennes occurrences de cette doctrine fut en 1555[Droit 9]. L'acceptation de cette doctrine fut très difficile et, au XIXe siècle, les jurys reçurent quelquefois des instructions pour qu'ils ne tiennent pas compte de cette doctrine[6].

Une clarification de cette doctrine survint en 1920 lors de l’arrêt Beard: l'accusé, un veilleur de nuit, avait, en état d'ivresse, étouffé une jeune fille au cours de la résistance qu'elle avait opposé à son viol; la Chambre des Lords confirma l’arrêt le condamnant, affirmant que toute mort survenant au cours d'un crime violant était un meurtre[7],[8].

Écosse[modifier | modifier le code]

Le concept de felonies n'a jamais existé en Écosse.

Cependant la doctrine art and part (en) est l'équivalente locale de la joint enterprise[9].

Irlande du Nord[modifier | modifier le code]

Cette doctrine y a été abolie en 1966, lors de la redéfinition du meurtre[Droit 10]

Critiques[modifier | modifier le code]

Partisans[modifier | modifier le code]

Les partisans de cette doctrine lui allèguent la vertu de responsabiliser les criminels par rapport aux actes de leurs complices, ainsi que le fait que ces felonies présentent un risque élevé de mort pour les victimes[10],[11].

Adversaires[modifier | modifier le code]

Les adversaires de cette doctrine lui reprochent, dans ses formes les plus étendues, de rendre responsable le criminel d'actes dont il n'est lui-même pas responsable, tel un cambrioleur dont le complice fut abattu par le propriétaire et qui fut accusé de meurtre sous cette doctrine[12] ou prêter sa voiture à un ami qui alla ensuite cambrioler le domicile d'une revendeuse de marijuana et assassina sa fille[11].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Liens internes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Une felony est une infraction punie de peines infamantes soit, généralement, de la peine de mort ou d'au moins un an d'emprisonnement.

Droit[modifier | modifier le code]

  1. (en) Australie, Nouvelle-Galles du Sud. « Crimes Act 1900 », art. 18(1)(a). (version en vigueur : 2015) [lire en ligne (page consultée le 26 avril 2015)]
  2. Canada. « Code criminel », art. 230(c). (version en vigueur : 2015) [lire en ligne (page consultée le 26 avril 2015)]
  3. (en) Cour suprême du Canada, R c. Martineau, (lire en ligne)
  4. (en) Cour suprême du Michigan, People v. Aaron, (lire en ligne)
  5. (en) Irlande. « Criminal Justice Act, 1964 », art. 4. (version en vigueur : 1964) [lire en ligne (page consultée le 26 avril 2015)]
  6. (en) Royaume-Uni, Angleterre et Pays de Galles. « Homicide Act 1957 », art. 1 [lire en ligne (page consultée le 26 avril 2015)]
  7. (en) Cour Suprême du Royaume-Uni, R v Gnango, (lire en ligne)
  8. (en) Chambre des Lords, R v Swindall and Osborne, (lire en ligne)
  9. Mansell and Herberts case,
  10. (en) Royaume-Uni. « Criminal Justice Act (Northern Ireland) 1966 », Irlande du Nord, art. 8. (version en vigueur : 1966) [lire en ligne (page consultée le 26 avril 2015)]

Références[modifier | modifier le code]

  1. Ce terme français est utilisé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt de principe R. c. Vaillancourt, [1987] 2 RCS 636
  2. Marc Ancel (dir.), Louis B. Schwartz (dir.) et M. Rex A. Collins, Le système pénal des États-Unis d’Amérique, Paris, Éditions de l'Épargne, coll. « Les grands systèmes de droit pénal contemporains », , 273 p., chap. 3 (« Les infractions contre les personnes »), p. 62-63
  3. (en) Evan Mandery, Capital Punishment in America, Jones & Bartlett Publishers, , 568 p. (ISBN 978-1-4496-0598-8 et 1-4496-0598-2, lire en ligne), chap. 11 (« Felony-Murder »), p. 235-258
  4. (en) Sandra Laville, « Sofyen Belamouadden killing: final conviction over Victoria station death », Guardian,‎ (lire en ligne, consulté le )
  5. (en) « Conviction reinstated over New Cross crossfire murder », BBC,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. Ancel et Radzinowicz (1959), p. 110
  7. Ancel et Radzinowicz (1959), p. 111
  8. (en-US) « Director of Public Prosecutions v Beard: HL 1920 - swarb.co.uk », swarb.co.uk,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. (en) « "Art And Part" Defined », sur The 'Lectric Law Library (consulté le )
  10. (en) Kent Scheidegger, « Arson, Murder, and Intent to Kill », sur Crime and Consequences, (consulté le )
  11. a et b (en) Adam Liptak, « Serving Life for Providing Car to Killers », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. (en) Ed Pilkington, « Felony murder: why a teenager who didn't kill anyone faces 55 years in jail », The Guardian,‎ (lire en ligne, consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]