Fantôme de Pepper

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Un homme apparaît virtuellement en transparence derrière un comptoir par un effet d'optique
Utilisation de l'effet dit 'fantôme de Pepper'

Le fantôme de Pepper ou spectre de Pepper (en anglais Pepper's ghost), connu également sous le nom de fantôme de Dircks, est une technique d'illusion d'optique utilisée dans les représentations scéniques (théâtre, concerts, meetings), les maisons hantées et dans certains tours de magie.

Utilisant une plaque semi-réfléchissante (verre métallisé ou film plastique) et des techniques d'éclairage particulières, elle permet de faire croire que des objets apparaissent, disparaissent ou deviennent transparents, ou qu'un objet se transforme en un autre. Le nom de cette méthode est tiré du nom de John Henry Pepper, qui a popularisé cet effet. Le terme Pepper's ghost est occasionnellement traduit en français par erreur par « fantôme de poivre »[1].

Technique[modifier | modifier le code]

Vue de l'illusion en coupe : regardant à travers le cadre rouge, le spectateur a l'impression de regarder dans la pièce du fond un reflet d'une pièce qu'il ne peut voir (« blue room ») porté par un support réfléchissant (cadre vert).
Vue de l'illusion du dessus : en réalité le fond de la pièce est vide.

Pour que l'illusion fonctionne, il faut que le spectateur puisse voir à l'intérieur de la pièce principale, mais pas dans la pièce cachée (aussi appelée « blue room »). La tranche de la plaque de verre est parfois masquée par un motif adapté dessiné sur le sol.

La pièce cachée devrait être une image identique, comme un reflet dans un miroir, de la pièce principale, de sorte que l'image de la pièce principale et celle de la pièce cachée se correspondent. Cette façon de faire est utile si on souhaite faire croire à l'apparition ou la disparition d'objets. Cette illusion peut aussi être utilisée pour faire en sorte que la personne ou l'objet reflété dans le miroir semble se fondre dans un autre qui se trouve derrière la vitre (et vice-versa). C'est le principe utilisé dans l'effet « girl-to-gorilla » que l'on trouvait dans les vieilles attractions de carnaval et dans le film de James Bond Les diamants sont éternels.

La pièce cachée doit être de préférence peinte en noir, avec seulement des objets de couleur claire à l'intérieur. Dans ce cas, quand la lumière est projetée dans la pièce, seuls les objets clairs reflètent la lumière et apparaissent comme des images fantomatiques translucides superposées à la pièce visible.

Dans la scène de la salle de bal des attractions Haunted Mansion / Phantom Manor des parcs Disney, la vitre est verticale au lieu d'être inclinée, réfléchissant les audio-animatronics en dessous et au-dessus du visiteur, ce qui créé l'illusion de « fantômes » en trois dimensions translucides, qui apparaissent comme assis à une grande table et dansant à travers la salle de bal. Ces personnages apparaissent et disparaissent lorsque les lumières projetées sur les audio-animatronics sont allumées puis éteintes.

Histoire[modifier | modifier le code]

La première attestation d'un tel effet se trouve dans l'ouvrage de vulgarisation scientifique Magia naturalis de Giambattista della Porta, érudit italien particulièrement versé dans l'optique, daté de 1558[2].

Cette technique s'est développée dans le monde de l'illusion dans la seconde moitié du XIXe siècle. Le premier à avoir présenté un tel dispositif semble être le prestidigitateur hollandais Henri Robin (1811-1874) - de son vrai nom Henrik Joseph Donckel - qui réclamait la paternité de l'illusion : mise au point entre 1845 et 1847, elle a été présentée à Paris puis dans diverses villes d'Europe sous le nom de « Fantasmagorie vivante »[3]. En 1852, un brevet pour un appareil de loisir appelé polyoscope utilisant la même technique est déposé en France par l'artiste peintre Pierre Séguin[4] qui avait travaillé pour Henri Robin.

Mais cette illusion doit son nom habituel au chimiste John Henry Pepper, directeur du Royal Polytechnic Institution, un établissement public de vulgarisation scientifique lié à la future université de Westminster : ce dernier a acheté un dispositif - alors appelé « Aetheroscope » - créé par l'ingénieur et inventeur Henri Dirks[5] vers 1858[6] et le développe comme illusion théâtrale.

Pepper perfectionne l'invention de Dirks qui est utilisée pour la première fois à Londres dans une représentation de la pièce L'Homme hanté ou le Pacte du fantôme (The Haunted Man or the Ghost's Bargain) de Charles Dickens pour le réveillon de Noël 1862[7]. Le procédé est copié par de nombreux théâtres qui doivent bientôt s'acquitter de royalties auprès de Pepper, fixant le nom de l'illusion[7].

L'attraction a connu un grand succès au Royaume-Uni et en France, où, après l'installation de l'illusion de Pepper à Paris au théâtre du Châtelet en 1863, les attractions de ce type se sont multipliées dans les salles .

Exemples contemporains[modifier | modifier le code]

Certains parcs d'attractions utilisent la technique du fantôme de Pepper. L'exemple le plus connu sont dans les parcs Disney, les trains fantôme Haunted Mansion et leur déclinaisons[8]. Le Passage enchanté d'Aladdin et Pinocchio's Daring Journey ont recours aussi à cet effet[9]. D'autres attractions telles Djengu River à Toverland, Los Piratas et Le Palais d'Ali Baba utilisent la même technique[10]. L'attraction Hogwarts Express (en) à Universal Studios Florida utilise cet effet, de sorte que les promeneurs entrant dans la « voie 934 » semblent disparaître dans un mur de briques pour ceux qui les observent en aval dans la file d'attente[11],[12]. À Efteling, Spookslot, Droomvlucht, Fata Morgana utilisent la technique du fantôme de Pepper. Les contes Le Rossignol et l'Empereur de Chine, La petite table, l'âne et le bâton et Pinocchio font de même dans le Bois des Contes[13].

Lors des Grammy Awards 2006, Madonna effectue un « duo » avec les personnages du groupe Gorillaz, projetés sur scène en utilisant l'illusion de Pepper.

En 2012, au Coachella Valley Music and Arts Festival, c'est Snoop Dogg qui utilisera cette illusion pour faire un duo avec le rappeur décédé Tupac.

Bruno Cohen, scénographe et réalisateur, réintroduit ces techniques en 1991 dans différents musées de France et à l'occasion de ses travaux d'artistes (camera virtuosa[14] ZKM Karlsruhe, "mais l'ange" ou des-illusions[14], ars numerica)

En 2017 le spectacle "Hit Parade" mettait en scène des reproductions numériques d'artistes des années 70 en transparence accompagnés sur scène de danseurs réels[15].

Jean-Luc Mélenchon, le 5 février 2017 a, pour la première fois en France[16], donné un discours politique simultanément à Lyon et à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) grâce à cette technologie, abusivement nommée hologramme à l'occasion[17].

Pour des utilisations hors scénographie sur le même principe, on parle plus souvent de "vitrine virtuelle"[18] ou simplement de "vitrine", mais la confusion avec les hologrammes est tout aussi fréquente. Ces appareils appartiennent à la famille des Affichages transparents.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Ghost Illusion du poivre (5 / 5 étapes) », sur tubefr.com (consulté le ).
  2. (en) Jim Steinmeyer, Hiding the Elephant : How Magicians Invented the Impossible and Learned to Disappear, Da Capo Press, , p. 33.
  3. (en) « Robin, Henri », dans Sarah Stanton et Martin Banham, The Cambridge Paperback Guide to Theatre, Cambridge University Press, , p. 316.
  4. voir « Spectres vivants et impalpables », Jean-Eugène Robert-Houdin, Magie et physique amusante, éd. book-e-book, 2002 (éd. orig. 1877), p. 64.
  5. voir « Illusions d'optique », dans Les Mondes : revue hebdomadaire des sciences et de leurs applications aux arts et a l'industrie, édition Giraud, 1864, p. 350.
  6. Paul Clee, Before Hollywood : From Shadow Play to the Silver Screen, éd. Houghton Mifflin Harcourt, 2005, p. 46 ; voir Cosmos, t. XIII, 1858, p. 563.
  7. a et b (en) « Pepper's ghost », dans Sarah Stanton et Martin Banham, The Cambridge Paperback Guide to Theatre, Cambridge University Press, , p. 282.
  8. The History of & Changes to The Haunted Mansion, (vid) () Park Ride History.
  9. (en) Jim Korkis, Secret Stories from Disneyland: Trivia Notes, Quotes and Anecdotes, Theme Park Press, (ISBN 978-1683900603)
  10. (en) « Toverland, Magic Valley Djengu River - 2013 », sur leisureexpertgroup.com (consulté le ).
  11. (en) « Ride Review: The Hogwarts Express at Universal Orlando Resort », sur themeparkinsider.com, (consulté le ).
  12. (en) Bob Sehlinger et Seth Kubersky, Beyond Disney : The Unofficial Guide to Universal, SeaWorld & the Best of Central Florida, Birmingham (Alabama), Keen Communications, , 9e éd., 422 p. (ISBN 1628090448 et 9781628090444, OCLC 902657268, lire en ligne), p. 227
  13. (nl) « Pepper's Ghost », sur eftepedia.nl (consulté le ).
  14. a et b (en) « Bruno Cohen », sur www.brunocohen.fr (consulté le ).
  15. « Comment ont été créés les hologrammes de stars décédées pour "Hit Parade" », sur Le HuffPost, (consulté le )
  16. BFMTV, « Comment Jean-Luc Mélenchon va-t-il envoyer son « hologramme » de Lyon à Paris? », sur BFMTV (consulté le ).
  17. « L'hologramme de Mélenchon : et surgit un fantôme... », sur franceculture.fr, (consulté le ).
  18. (en) Oliver Bimber, Bernd Fröhlich, Dieter Schmalstieg et L. Miguel Encarnação, « The virtual showcase », ACM SIGGRAPH 2006 Courses on - SIGGRAPH '06, ACM Press,‎ , p. 9 (ISBN 978-1-59593-364-5, DOI 10.1145/1185657.1185804, lire en ligne, consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Jim Steinmeyer, Discovering Invisibility, Londres,
  • (en) Jim Steinmeyer, Hiding the Elephant, New York, Carroll & Graf, , 362 p. (ISBN 978-0-7867-1226-7)
  • (en) Jim Steinmeyer, The Science Behind the Ghost, Londres,
  • (en) Jason Surrell, The Haunted Mansion : From the Magic Kingdom to the Movies, New York, Disney Editions, (ISBN 978-1-4231-1895-4)
  • (en) John Baptist Porta, Natural Magick, Sioux Falls, SD, NuVision Publications, , 380 p. (ISBN 1-59547-982-1)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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