Eugène Devéria

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Eugène Devéria
Paul Lafond, Autoportrait, eau-forte d'après Eugène Devéria (1855).
Biographie
Naissance
Décès
(à 59 ans)
Pau
Nom de naissance
Eugène François Marie Joseph Devéria
Nationalité
Formation
Activité
Père
François-Marie Devéria (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Fratrie
Autres informations
Mouvement
Élève
Genre artistique
Œuvres principales

Eugène Devéria né à Paris le et mort à Pau le est un peintre français romantique.

Biographie[modifier | modifier le code]

Eugène Devéria est le fils de François-Marie Devéria, chef de bureau au ministère de la Marine et Désirée François-Chaumont, originaire de Saint-Domingue, dont la famille a été ruinée par la Révolution. La famille Devéria compte cinq enfants : Achille, Désirée, Octavie, Eugène et Laure.

Cette grande famille, mais aux revenus modestes, est rapidement prise en charge par Achille, dont les talents d’illustrateur et le travail acharné assurent des rentrées financières régulières. C'est une famille d’artistes avec, non seulement Achille et Eugène, mais aussi Laure, la benjamine, qui montre un réel talent de dessinatrice et expose avec succès au Salon. Elle meurt prématurément au mois de .
Dans les années 1820-1830, le foyer parisien des Devéria attire artistes et musiciens : « Le romantisme était chez lui chez les Devéria comme on disait alors… », se souviendra des années plus tard le poète Théophile Gautier, grand ami d’Eugène.

Eugène Devéria montre des dispositions précoces pour le dessin ; son frère Achille, dont il fut l'élève, le fait d’abord entrer aux Beaux-Arts de Paris, où il étudie, sous la direction de Girodet-Trioson et de Guillaume Guillon Lethière. La seule Académie connue de l'artiste est conservée au Musée Bertrand à Châteauroux[1].

Les premiers envois d’Eugène Devéria au Salon datent de 1824, ils y sont peu remarqués. En 1827, en revanche, son tableau monumental La Naissance d'Henri IV connaîtra un triomphe. Son atelier était situé au 7 de la rue de l’Est[2], dans la maison du sculpteur Louis Petitot, où logeait aussi le statuaire Cartellier ; l’artiste l’occupait avec Louis Boulanger, qui achevait son Mazeppa, pendant qu’Eugène travaillait à sa Naissance d'Henri IV. Celui-ci, qui fréquente assidûment Victor Hugo depuis 1824 avec son frère Achille, s’est inspiré, pour le sujet de son tableau, d’une nouvelle d’Abel Hugo, frère de Victor, parue dans Le Conservateur littéraire en 1820.

Eugène Devéria est, à cette époque, l'un des plus beaux espoirs du romantisme naissant. Nul début ne fut plus brillant ni ne fit de telles promesses. On put croire justement, quand fut exposée la Naissance d'Henri IV, que la France allait avoir son Paul Véronèse et qu’un grand coloriste était advenu. « L’artiste qui commençait par ce coup de maître avait vingt-deux ans à peine… », écrit Théophile Gautier en 1874 dans son Histoire du romantisme.

À la suite de ce succès, le jeune peintre reçoit de nombreuses commandes officielles : un tableau, destiné au plafond d'une salle du Louvre, intitulé Puget présentant son Milon de Crotone à Louis XIV[3] ; des portraits de personnages historiques pour le musée de l’Histoire de France que Louis-Philippe veut créer à Versailles ; il participe au chantier de l’église Notre-Dame-de-Lorette à Paris et à celui de Fougères en Bretagne… Mais le triomphe de 1827 ne se renouvelant pas, il accepte, en 1838, la proposition de quitter la capitale pour Avignon, où on lui propose de refaire tout le décor peint de la cathédrale Notre-Dame-des-Doms. L’ampleur de la tâche, l’insalubrité des lieux et une dramatique inondation -- où il manque périr avec sa famille -- épuisent le peintre qui, malade et affaibli, quitte la ville papale pour se rétablir en Béarn. En 1841, guéri, il s’installe définitivement à Pau où il restera jusqu’à sa mort.
Il y fera venir sa famille : son épouse Caroline-Aglaé Duransel (1793-1863), une créole qu’il connaît depuis de nombreuses années mais qu’il n’a épousée qu’en  ; sa fille Marie (1831-1856)[4] et sa nièce Carry Chaumont, qu’il élèvera comme son propre enfant. En 1845, un autre de ses neveux, Théodule, vient rejoindre pour plusieurs années cette famille recomposée.
Pour subvenir aux besoins de son foyer, Eugène Devéria donne des cours de dessin, réalise des portraits de riches hivernants à Pau ou, pendant l’été, se rend dans la station thermale des Eaux-Bonnes, proposant aux curistes portraits et petites scènes pittoresques. Il consacre beaucoup de ses œuvres aux Pyrénées, scènes de genre et portraits. Parallèlement, il poursuit de façon régulière ses envois de tableaux à Paris, où ils sont reçus dans une indifférence croissante. Son dernier envoi au Salon date de 1861 : La Réception de Christophe Colomb par Ferdinand et Isabelle.

La vie n’est pas facile pour le peintre et sa famille ; aussi Devéria n’hésite-t-il pas à chercher fortune à l’étranger, d'abord aux Pays-Bas (1849), puis, à trois reprises, en Angleterre et en Écosse (entre 1849 et 1853), dans l’espoir -- non suivi d’effets -- de séduire une riche clientèle aristocratique. Le peintre retournera aussi à Avignon (en 1856) pour poursuivre le chantier de Notre-Dame-des-Doms (laissé inachevé en 1841). Il y est accompagné de sa fille Marie, son élève ; mais la jeune fille meurt brutalement à son retour en Béarn le . Malgré un second séjour à Avignon (en 1857), Devéria ne pourra terminer ce qui devait être son grand œuvre.

Lorsque le peintre s’est installé en Béarn en 1841, il a recouvré une santé chancelante, mais il a aussi découvert la religion. C'est en effet à Pau qu'un ami lui conseille la lecture de la Bible. Il vient écouter, avec une grande attention, les prédications du pasteur Buscarlet et finit par se convertir au protestantisme en 1843[5]. La religion protestante devient alors, autant que la peinture, le pivot de son existence. Il participe activement à la vie de son Église, à Pau comme à l’étranger : il donne des cours d’École du dimanche aux enfants, visite les malades, parle au temple… Sur son acte d’enterrement, le pasteur Cadier écrit le  : « C’était une des colonnes et la gloire de notre Église, le Chrétien modèle, l’ami des enfants, des pauvres, des malades… » Converti fervent et prosélyte, il tente d’amener son entourage à sa nouvelle foi, par la parole et les écrits, exaspérant sa famille, Achille le premier, ainsi que ses anciens amis dont il se coupera progressivement.

Il avait son atelier au no 21 rue Bréda à Montmartre, qu'il laissa à son élève Henri Victor Devéria (1829-1897)[6]

Eugène Devéria meurt brutalement à Pau le .

Hommage[modifier | modifier le code]

Pour le bicentenaire de sa naissance, en 2005, les musées de Pau lui ont consacré diverses manifestations[7].

Élève[modifier | modifier le code]

Liste des œuvres[modifier | modifier le code]

Tableau Titre Date Dimensions Notes Lieu de conservation
Un athlète (Kork), étude académique vers 1820 90 x 70 cm Don Just Veillat Châteauroux, Musée Bertrand
La Lecture de la sentence de Marie Stuart 1826 Angers, Musée des Beaux-Arts
La Naissance d’Henri IV (esquisse) 1827 45 × 37 cm Collection du Château Pau, Château de Pau
La Naissance d’Henri IV 1827 484 × 392 cm Paris, Musée du Louvre
La Naissance d’Henri IV Entre 1827 et 1833 490 × 390 cm Copie du tableau du Louvre Pau, Musée des Beaux-Arts
Puget présentant le groupe de Milon de Crotone à Louis XIV 1833 45 × 38 cm Paris, Musée du Louvre[8]
Portrait d'Antoine Julien Meffre-Rouzan 1833
Portrait de madame Jules-Antoine Droz 1833 Musée des Beaux-Arts de Houston
Vie du Christ 1 : Adoration des Mages 1835 421 × 186 cm Chapelle du couvent des Clarisses Urbanistes de Fougères
Vie du Christ 2 : Jésus au milieu des Docteurs 1835 421 × 186 cm Chapelle du couvent des Clarisses Urbanistes de Fougères
Vie du Christ 3 : La Résurrection de Lazare 1835 421 × 186 cm Église Saint-Léonard de Fougères
Vie du Christ 4 : La Descente de Croix 1835 421 × 186 cm Chapelle du couvent des Clarisses Urbanistes de Fougères
Vie du Christ 5 : La Résurrection 1835 421 × 186 cm Chapelle du couvent des Clarisses Urbanistes de Fougères
Portrait d'une élégante 1835 61 x 50 cm Fondation Alexandre Vassiliev[9]
Condé et Mazarin, scène de la Fronde vers 1835 94 x 73 cm Orléans, musée des Beaux-Arts
Le roi Louis-Philippe Ier prête serment, en présence des chambres, de maintenir la Charte de 1830, . 1836 550 × 940 cm Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
Bataille de La Marsaille, 1837 465 × 543 cm Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
Saint Sébastien détaché par des saintes femmes 1837 Église Saint-Michel de Gaillac
Louis-Félix Amiel (1802–1864) 1837 61 × 50,2 cm Metropolitan Museum of Art
Prise de Saverne, 1837 66 × 140 cm Ambassade de France, Allemagne[10]
Famille bretonne en prière devant un oratoire de campagne 1838 Musée des Beaux-Arts de Quimper
Portrait d'Alexandre Desbiez de Saint-Juan
ou Poète dans sa mansarde
1839 Besançon, Musée des beaux-arts
La Mort de Jeanne d’Arc 1841 Angers, Musée des Beaux-Arts
Inauguration de la statue d'Henri IV sur la place Royale de Pau par S.A.R. Mgr le duc de Montpensier.
()
1843 63 × 81,5 cm Pau, Château de Pau
Portrait présumé de Madame Courcier 1845 61 × 50 cm Pau, Musée des Beaux-Arts
Portrait présumé de Monsieur Courcier 1845 61 × 50 cm Pau, Musée des Beaux-Arts
Le Christ portant sa Croix 1846 147 × 211 cm Pau, Musée des Beaux-Arts
La Mort de Jane de Seymour 1847
Scène des Fourberies de Scapin 1849 58 × 47 cm Pau, Musée des Beaux-Arts
Embouchure de la Touques à Trouville 1850 29 × 40 cm Bernay, Musée des Beaux-Arts
Les quatre Henri dans la maison de Crillon, à Avignon 1856 216 × 180 cm Pau, Château de Pau
Marie Devéria en amazone 1856 208 × 115 cm Pau, Musée des Beaux-Arts
Portrait du Maréchal Bosquet 1857 135 × 110 cm Pau, Musée des Beaux-Arts
Pigeon ramier suspendu le long d'une muraille 1857 65 x 54 cm huile sur toile Orléans, Musée des Beaux-Arts[11]
Le divorce d'Henri VIII : le cardinal de Wolsey prévenant Catherine d'Aragon ? 73,5 x 60 cm huile sur toile Orléans, Musée des Beaux-Arts[12]
Le Retour du marché 1860 83 × 66 cm Pau, Musée des Beaux-Arts
Réception de Christophe Colomb par Ferdinand et Isabelle 1860 492 × 375 cm Clermont-Ferrand, Musée d'Art Roger-Quilliot
Christophe Colomb à la cour de Ferdinand et Isabelle 1861 140 × 110 cm Pau, Musée des Beaux-Arts
La mort de Calvin 1863 80 × 102 cm Noyon, Musée Calvin
Portrait de Charles Theodule Deveria 1864 100 × 81 cm Paris, Musée du Louvre
Anne Boleyn jouant de la harpe devant Henri VIII v. 1864-1865 56 × 45,8 cm Caen, musée des Beaux-Arts de Caen
Lady Rowena recevant la cassette de Rebecca ? 485 × 400 cm Dijon, musée Magnin
La Charité de saint Vincent ? Montpellier, Chapelle de la Miséricorde[13]
Paysannes de la vallée d'Ossau ? 24,5 × 19 cm aquarelle Pau, Musée des Beaux-Arts
Portrait d’Amaury-Duval ? 65,4 × 54,2 cm Autun , Musée Rolin
Portrait du baron Louis ? Toul, musée d'art et d'histoire
Portrait d'Esprit Calvet ?
Portrait d'Honoré de Balzac ? Tours, Musée des Beaux-Arts
Portrait du docteur Léonce Manes ? 44 × 33 cm
Portrait de Pierrine Gaston-Sacaze ? ?

Dessins[modifier | modifier le code]

  • Les Peaux-Rouges[14],[15],[16],[17],[18]plume et encre noir sur papier, 1845. La Rochelle, musée du Nouveau Monde. Deveria aurait pris ses modèles présentés dans la galerie indienne de l'américain Georges Catlin, salle Valentino à Paris.
  • Odalisque, plume, encre brune, lavis brun, rehauts de blanc, H. 0,110 ; L. 0,160 m[19]. Paris, Beaux-Arts de Paris[20]. C'est une vision rêvée de la femme orientale. Comme Ingres, Devéria n'a jamais voyagé en Orient, il s'inspire entre autres des écrits de Byron. L'attitude désinvolte et la beauté lascive de son odalisque au centre d'un décor sophistiqué et saturé accentuent l'intimité de la scène.
  • Rosalie de Voulx (1840-1925) en costume de gitane, vers 1860, pierre noire sur papier vélin, 50 x 32,3 cm, Orléans, musée des Beaux-Arts[21].
  • Portrait de Mrs Elisabeth Copeland en tenue de deuil, vers 1850-1851, pastel sur papier marouflé sur toile, 51 x 44 cm, Orléans, musée des Beaux-Arts[22].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Un athlète (Kork), étude académique, vers 1820, huile sur toile, don de Just Veillat (1813-1866) au musée de Châteauroux en 1864.
  2. Aujourd'hui le 115 boulevard Saint Michel Paris 5e.
  3. Aile Sully, Galerie Campana, salle 45.
  4. Enterrée au cimetière urbain de Pau.
  5. « 3 février 1865. Eugène Devéria, peintre protestant romantique », sur www.croirepublications.com (consulté le )
  6. André Roussard, Dictionnaire des Peintres à Montmartre, éditions Roussard, Montmatre, 1999, p.197 (ISBN 9782951360105)
  7. Isabelle julia, conservateur en chef du patrimoine, « Eugène Devéria », Célébrations nationales, ministère de la culture et de la communication.,‎ , p. 140-140
  8. En 2017, la galerie La Nouvelle Athènes a fait don au Louvre de trois dessins préparatoires de Devéria pour le tableau, conservés désormais au département des arts graphiques.
  9. (en) Alexandre Vassiliev Foundation, « Portrait of a woman », sur www.vassilievfoundation/digitalcatalog
  10. D'après la base Joconde qui localise encore ce tableau à Bonn, ancienne capitale de la république fédérale d'Allemagne de l'ouest.
  11. Éric Moinet, Le Temps des passions. Collections romantiques des musées d’Orléans, Orléans, musée des Beaux-Arts, (ISBN 2-910173-07-0), n°204
  12. Éric Moinet, Le Temps des passions. Collections romantiques des musées d’Orléans, Orléans, musée des Beaux-Arts, (ISBN 2-910173-07-0), n°205
  13. « Pharmacie et Chapelle de la Miséricorde »
  14. « Les Peaux-Rouges », sur Alienor.org,
  15. « Les Peaux-Rouges », sur Alienor.org,
  16. « Les Peaux-Rouges », sur Alienor.org,
  17. « Les Peaux-Rouges », sur Alienor.org,
  18. « Les Peaux-Rouges », sur Alienor.org,
  19. « Odalisque, Eugène Devéria, sur Cat'zArts »
  20. Sous la direction d’Emmanuelle Brugerolles, Le dessin romantique, de Géricault à Victor Hugo, Carnets d’études 50, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2021, p 134-136, Cat. 28
  21. Dominique Brême et Mehdi Korchane, Dessins français du musée des Beaux-Arts d’Orléans. Le Trait et l’Ombre, Orléans, musée des Beaux-Arts, (ISBN 9 788836 651320), n°156
  22. Dominique Brême et Mehdi Korchane, Dessins français du musée des Beaux-Arts d’Orléans. Le Trait et l’Ombre, Orléans, musée des Beaux-Arts, (ISBN 9 788836 651320), n°157

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Théophile Gautier, Histoire du romantisme, G. Charpentier et Cie, libraires-éditeurs, 1874
  • Sophie Peyre Alone, Eugène Devéria d’après des documents originaux 1805-1865, Paris, Fischbacher, 1887
  • Maximilien Gauthier, La Vie et l’Art romantiques. Achille et Eugène Devéria, Paris, Floury, 1925.
  • René Ancely, La Vie pyrénéenne d’Eugène Devéria, Pau, Lescher-Moutoué, 1940.
  • Dominique Morel, Achille Devéria, témoin du romantisme parisien, Maison Renan-Scheffer, Paris, 1985 (cat. exp.)
  • Hélène Saule-Sorbé, Pyrénées, voyage par les images, éditions de Faucompret, 1993
  • Suzanne Tucoo-Chala, « Eugène Devéria : un romantique transplanté en Béarn au milieu du XIXe siècle (1841-1865) », Bulletin de la Société des amis du château de Pau, 137, 1998-2, p. 9-32
  • Vincent David, Eugène Devéria : La peinture et l'histoire et Eugène Devéria : Variations sur les genres artistiques, Réunion des musées nationaux, Paris, 2005
  • Paul Mironneau et Guillaume Ambroise (dir.), Eugène Devéria 1805-1865, catalogue des expositions de Pau (-), Paris, Réunion des musées nationaux, 2005
  • Guillaume Ambroise (dir.), Peintures du XIXe siècle. Musée des Beaux-Arts de Pau, Bordeaux, éditions Le Festin, 2007, notices de quatre tableaux d’Eugène Devéria, p. 68-75

Liens externes[modifier | modifier le code]

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