Ennéades (Plotin)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ennéades
Titre original
(grc) ἘννεάδεςVoir et modifier les données sur Wikidata
Langue
Auteur
Genre
Sujet
Éditeur

Au nombre de sept, les Ennéades sont des ensembles regroupant chacun neuf courts traités, rédigés en grec ancien par Plotin à partir de 254[1] et jusqu'à sa mort en 270 ap. J.-C.. Le nom d'ennéade vient du grec ἐννέα (ennea), signifiant « neuf ». Cette collection d'écrits contient la totalité de la philosophie de Plotin ; elle constitue sa seule et unique œuvre et elle nous est parvenue en intégralité. L'œuvre de Plotin était déjà reconnue de son vivant, et il ne fait aucun doute qu'elle influença toute la philosophie occidentale, particulièrement grâce au succès qu'elle rencontra auprès des Pères de l'Église, notamment Grégoire de Nysse et saint Augustin, par l'intermédiaire de Marius Victorinus. Elle est l'expression la plus aboutie du néoplatonisme.

Sur les autres projets Wikimedia :

Histoire et organisation des Ennéades[modifier | modifier le code]

Alors qu'il avait fondé un cercle néoplatonicien dans la ville de Rome (246), Plotin mit par écrit, à partir de 254, son enseignement oral et les recherches qu'il menait avec ses disciples, dont les plus fameux sont Porphyre de Tyr et Amelius. De 254 à 263, Plotin rédigea ses 21 premiers traités. Il continua sur sa lancée après l'arrivée à ses côtés de Porphyre de 263 à 268, en écrivant 24 traités supplémentaires. Après 268 et le départ pour la Sicile de Porphyre, atteint de dépression, Plotin rédigea encore 9 traités avant de rendre l'âme en 270.

Classement chronologique[2] :

  • 254-263 : les 21 premiers traités
  • 263-268 : traités 22 à 45
  • 269 : traités 46-50
  • 270 : les 4 derniers traités (51-54).

La diffusion de ses écrits était limitée à ses disciples proches (et même à quelques auditeurs non convertis au néoplatonisme, comme Longin), et Porphyre était chargé du soin de les éditer[3]. Chaque fois qu'il avait terminé un texte, Plotin le faisait parvenir à Porphyre pour que celui-ci le corrige et y apporte toutes les modifications de style nécessaires. Il faut attendre 301[4] pour que Porphyre édite, en même temps que sa biographie de Plotin, tous les écrits de son maître dans le même volume. Dans sa Vie de Plotin, Porphyre explique la façon dont il a procédé :

« Voilà donc achevé notre récit de la vie de Plotin. Maintenant, puisque lui-même nous a confié le soin d'assurer la mise en ordre et la correction de ses livres, et que je lui ai promis de son vivant de m'acquitter de cette tâche et en ai pris aussi l'engagement auprès des autres compagnons, d'abord j'ai jugé bon de ne pas laisser dans l'ordre chronologique ces livres qui avaient été produits pêle-mêle. […] De la même façon moi aussi, qui avais en main les livres de Plotin au nombre de cinquante-quatre, je les ai divisés en six ennéades, heureux d'avoir rencontré la perfection du nombre six et les groupes de neuf, tandis que, prenant les livres propres à chaque ennéade, je les ai réunis, donnant en outre la première position aux questions les plus faciles[5]. »

— Porphyre, Vie de Plotin.

Ainsi Porphyre ne s'est-il pas contenté de rassembler et de publier les écrits de Plotin. Il a aussi profité du champ libre offert par celui-ci pour réorganiser complètement ses écrits. Il les a d'abord coupés et assemblés afin d'obtenir le nombre de 54 traités. De la sorte, il a ensuite pu les ordonner en six groupes de neuf (ennea, en grec), pour composer six Ennéades. Les raisons de ce classement sont multiples. Porphyre justifie son acte en insistant sur le fait que 6 et 9 sont des nombres parfaits (6=2x3 : premier nombre pair x premier impair ; 9=carré du premier impair[6]) ; cependant il est possible d'entrevoir une autre raison, moins apparente, qui justifierait ce choix de Porphyre par une ambition pédagogique. En effet, depuis les Stoïciens, l'enseignement de la philosophie s'accomplit par paliers successifs : il faut d'abord connaître la logique et la physique avant de pouvoir se mettre à étudier l'éthique. Fidèle à ce mouvement de scolarisation de la philosophie, Porphyre classe les traités en six groupes, correspondant à chaque fois à une étape supplémentaire dans la connaissance de la réalité suprême :

  • La première ennéade est consacrée à l'éthique (vue comme purification préliminaire) ;
  • La seconde et la troisième ennéade sont consacrées à la physique ;
  • La quatrième ennéade est consacrée à l'Âme ;
  • La cinquième ennéade est consacrée à l'Intelligence ;
  • La sixième ennéade est consacrée à l'Un.

Cet ordre systématique, bien qu'artificiel, est préféré par Porphyre à l'ordre chronologique des traités. Celui-ci pousse même son désir d'organisation jusqu'à ce que « toute l'œuvre de Plotin se trouve transcrite en trois volumes, dont le premier contient trois Ennéades, le deuxième deux, le troisième une seule[7] ».

Comment citer les Ennéades ?[modifier | modifier le code]

Pour renvoyer correctement à un passage des Ennéades, il faut suivre une procédure particulière. Les usages universitaires imposent en effet de mentionner en premier le numéro de l'Ennéade (en chiffres romains), puis le numéro du traité concerné, le numéro du chapitre à l'intérieur du traité, et enfin le(s) numéro(s) de ligne adéquat(s). Exemple :

  • Ennéades VI, 8, 12, 5-10.

Il est également possible d'indiquer l'ordre chronologique du traité entre crochets droits :

  • Ennéades VI, 8 [39], 12, 5-10.

Les numéros de ligne à indiquer sont ceux de l'actuelle édition de référence, due à P. Henry et H.-R. Schwyzer ; c'est sur elle que sont faites toutes les traductions récentes (elle remplace celle d'Émile Bréhier, dont le texte n'est pas toujours fiable).

Table des matières[modifier | modifier le code]

Les traités des Ennéades sont recensés, ci-dessous, dans l'ordre systématique élaboré par Porphyre, mais le chiffre entre crochets droits indique la place du traité dans l'ordre chronologique de rédaction. Les titres qui suivent sont de la main de Porphyre et non de Plotin, mais permettent d'identifier l'objet particulier d'un traité. Ils peuvent varier selon la traduction utilisée[8].

Première Ennéade[modifier | modifier le code]

Il y est question d'éthique.

Deuxième Ennéade[modifier | modifier le code]

Il y est question du monde sensible et du cosmos.

Troisième Ennéade[modifier | modifier le code]

Il y est question du monde sensible et du cosmos.

Quatrième Ennéade[modifier | modifier le code]

Il y est question de l'âme.

Cinquième Ennéade[modifier | modifier le code]

Il y est question de l'Intelligence.

Sixième Ennéade[modifier | modifier le code]

Il y est question de l'Un.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Porphyre, Vie de Plotin, 4.
  2. Luc Brisson et Jean-François Pradeau : Plotin, Traités 7-21, Garnier-Flammarion, 2003, p. 518-519.
  3. Pierre Hadot, Plotin ou la simplicité du regard, Paris, Gallimard, 1997, p. 149-154.
  4. Lambros Couloubaritsis, Aux origines de la philosophie européenne, Bruxelles, De Boeck, 2005, p. 660.
  5. Porphyre, Vie de Plotin, 24 (traduction de l'édition : Luc Brisson, Jean-Louis Cherlonneix, et al., Porphyre. La vie de Plotin, vol. 2, Paris, Vrin, 1992).
  6. Luc Brisson, « Plotin : une biographie », in Luc Brisson, Jean-Louis Cherlonneix, et al., Porphyre. La Vie de Plotin, t. II, Paris, Vrin, 1992, p. 28.
  7. Porphyre, Vie de Plotin, 26 (traduction de l'édition : Luc Brisson, Jean-Louis Cherlonneix, et al., Porphyre. La vie de Plotin, vol. 2, Paris, Vrin, 1992).
  8. Nous utilisons ici la traduction la plus récente : Plotin, Traités, traduction sous la direction de L. Brisson et J.-F. Pradeau, Paris, GF-Flammarion, 2002-2010. (9 vol.)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Éditions et manuels[modifier | modifier le code]

  • Plotin, Les Ennéades de Plotin (Wikisource), trad. fr. par M.-N. Bouillet, 3 vol., Paris, Hachette, 1857-1861.
  • Plotin (trad. Émile Bréhier), Ennéades, vol. 1 à 7, t. I, Paris, Les Belles Lettres, coll. « des Universités de France », (1re éd. 1928).
  • Plotin, Les Écrits de Plotin, traduction de chaque traité confiée à un traducteur différent, Paris, Cerf, 1988-. (Toujours en cours de parution)
  • Plotin, Traités, traduction sous la direction de L. Brisson et J.-F. Pradeau, Paris, GF-Flammarion, 2002-2010. (9 volumes)
  • Plotin, Plotini Opera, texte établi et traduit par P. Henry et H.-R. Schwyzer, 3 vol., Oxford, Clarendon Press, 1964-1982.
  • Plotin, Plotini enneades cum marsilii ficini interpretatione castigata iterum ediderunt FRID ; CREUZER et GEORG ; HENRICUS MOSER primum accedunt PORPHYRII et PROCLI institutiones et PRISCIANI PHILOSOPHI solutiones ex codice sangermanensi edidit et annotatione critica instruxit FR DUBNER, PARISIIS Editore AMBROSIO FIRMIN DIDOT, 1855.
  • J.H. Sleeman, G. Pollet, Lexicon Plotinianum, Louvain-Leyde, Presses Universitaires de Louvain-Brill, 1980.
  • Richard Dufour, Plotinus : A Bibliography 1950-2000, Leiden, Brill, 2002. (Pour la bibliographie après 2000, voir son site Internet : Bibliographie plotinienne)

Études[modifier | modifier le code]

  • Jean-Marc Narbonne, « Les écrits de Plotin : genre littéraire et développement de l’œuvre », Laval théologique et philosophique, : Le commentaire philosophique dans l'Antiquité (II), vol. 64, no 3,‎ , p. 627-640 (lire en ligne, consulté le ).
  • Henri Dominique Saffrey, "Pourquoi Porphyre a-t-il édité Plotin ? Réponse provisoire", in Luc Brisson, Jean-Louis Cherlonneix, et al., Porphyre. La vie de Plotin, vol. 2, Paris, Vrin, 1992, p. 31-64.
  • Jean-Marc Gabaude, « Les Ennéades et l’expression poétique de la métaphysique », Publications de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres « Platonisme et néo-platonisme, Actes du Colloque de la villa Kérylos du 27 au 30 septembre 1990 », no 1,‎ , p. 34-45 (lire en ligne, consulté le ).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]