Elena Cornaro Piscopia

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Elena Cornaro Piscopia (portrait du XVIIIe siècle - auteur inconnu).

Elena Lucrezia Cornaro Piscopia (née le à Venise et morte le à Padoue) est une philosophe et mathématicienne italienne, membre de la famille Cornaro, qui donna quatre doges à la République de Venise.

Elle fut la première femme à obtenir un doctorat de philosophie, et est passée à la postérité comme ayant été la première femme à obtenir un diplôme universitaire[1].

Biographie

Elena était la cinquième des sept enfants de Giovan Battista Cornaro et de Zanetta Boni. Son père, qui appartenait à l'une des plus importantes familles vénitiennes, était procurateur de la basilique Saint-Marc. Il eut avec Zanetta, une femme de très humble origine, une longue relation au cours de laquelle naquirent tous leurs enfants : tous furent légitimés à leur naissance, mais le couple ne se maria qu'en 1654. En raison de l'origine de la mère, les deux jeunes garçons, Francesco et Girolamo ne purent être inscrits au Livre d'Or de la noblesse avant 1664, quand leur père obtint cette reconnaissance qu'il désirait tant en versant 105 000 ducats.

Cette famille ancienne avait été pendant des siècles exclue des plus hautes magistratures de la République, mais il lui restait le prestige que lui donnaient son nom, son patrimoine et sa culture : le grand-père maternel de Giovan Battista, Giacomo Alvise Cornaro, avait été comme scientifique un des amis de Galilée, son père, Girolamo, érudit en physique, avait constitué une grande bibliothèque ainsi qu'une collection de peintures et d'instruments scientifiques.

Il est probable que Giovan Battista, quand il s'aperçut des qualités de sa fille, favorisa autant qu'il put son enrichissement culturel et son succès auprès du public : il était en fait tout à fait extraordinaire qu'une femme s'imposât dans le domaine des études et un exemple aussi exceptionnel ne pouvait que contribuer au prestige du nom de famille. Elena elle-même semblait bien consciente de cette complaisance un peu vaine de son père[2], mais ne voulut pas le décevoir, quoiqu'elle n'eût aucune intention d'acquérir de l'érudition pour en faire étalage dans les salons et les académies.

De fait, la preuve de son penchant pour une vie retirée est bien montrée par le fait qu'en 1665 Elena se fit oblate bénédictine, un choix qui apparaît comme un compromis avec sa vocation religieuse : de cette manière, tout en observant la règle de l'Ordre, elle pouvait échapper à la réclusion monastique et fréquenter le monde extérieur où il lui était possible de trouver la liberté et les moyens de poursuivre les études de son choix.

Quoi qu'il en soit, le père d'Elena tint à lui assurer la meilleure instruction : ses professeurs de grec furent jusqu'en 1668 Giovan Battista Fabris, curé de l'église de San Luca, puis Alvise Gradenigo, bibliothécaire de la Marciana qui avait longtemps vécu à Candie tandis que Giovanni Valier, chanoine de San Marco, lui donnait des leçons de latin. C'est peut-être le jésuite Carlo Maurizio Vota qui lui inculqua des notions de science tandis que Carlo Renaldini, professeur à Pise puis à Padoue, lui enseigna la philosophie. Elena apprit également l'hébreu et l'espagnol grâce au rabbin Shemel Aboaf et la théologie grâce à Felice Rotondi, qui enseigna par la suite à l'université de Padoue[3].

Désormais réputée pour ses connaissances parmi les spécialistes italiens, elle fut accueillie en 1669 à l'Académie des Ricovrati de Padoue, et ensuite à l'Accademia degli Infecondi de Rome dans l'Accademia degli Intronati de Sienne, à l'Accademia degli Erranti de Brescia et les Académies des Dodonei et des Pacifici de Venise. Sa renommée s'étendit à l'étranger : le cardinal Frédéric de Hesse-Darmstadt la consulta en 1670 sur des problèmes de géométrie dans l'espace ; de Genève, Louise de Frotté, nièce du célèbre médecin Théodore de Mayerne, invita en 1675 Gregorio Leti à faire entrer Elena Cornaro dans son recueil de biographies de personnages célèbres, L'Italia regnante, et en 1677 le cardinal Emmanuel de Bouillon la fit interroger par deux érudits, Charles Caton de Court et Ludovic Espinay de Saint-Luc, qui en restèrent admiratifs[4].

Après qu'Elena eut soutenu en public à Venise une discussion de philosophie en grec et en latin, son père, Giovan Battista, aurait souhaité que l'université de Padoue accordât à sa fille un doctorat en théologie, mais il se heurta à l'opposition de l'évêque de Padoue, le cardinal Gregorio Barbarigo, dont l'autorisation était indispensable puisqu'il était chancelier de l'université. Il soutint qu'il était « hors de question d'accorder le titre de docteur à une femme » et que ce serait quelque chose « à nous rendre ridicules à tout le monde[5]. » Il s'ensuivit un conflit entre le cardinal et Cornero, qui se termina par un compromis selon lequel Elena obtiendrait un doctorat en philosophie : le 25 juin 1678 elle soutint sa thèse et fut accueillie dans le Collège des médecins et des philosophes des savants padouans, bien qu'il lui fût impossible d'enseigner de toutes façons puisqu'elle était une femme. Elle devint ainsi la première femme au monde à être diplômée d'un titre universitaire[6].

Établie à Padoue, déjà gravement malade, elle mourut à trente-huit ans seulement, le 26 juillet 1684, et fut enterrée dans l'église de Santa Giustina. Elle avait ordonné que tous ses manuscrits seraient détruits, et le peu qu'il en restait, consistant en discours et argumentations morales et religieuses, avec quelques poèmes, fut publié à titre posthume: Benedetto Croce trouve « très faible, voire nulle, la valeur de toute cette littérature ascétique et de ces rimailleries spirituelles[7]. » Au cours de sa vie, elle a publié seulement, en 1669, une traduction de l'espagnol d'un opuscule spirituel de Johannes Justus von Landsberg, Alloquia Jesu Christi ad animam fidelem[8].

Hommages

Œuvres

  • Lettera overo colloquio di Christo N. R. all'anima devota composta dal R. P. D. Giovanni Laspergio in lingua spagnola e portata nell'italiana, Venise, Giuliani, 1669
  • Helenae Lucretiae Corneliae Piscopiae opera quae quidem haberi potuerunt, Parmae, Rosati, 1688

Bibliographie

  • Massimiliano Deza, Vita di Helena Lucretia Cornara Piscopia, Venise, Antonio Bosio, 1686
  • Benedetto Croce, Appunti di letteratura secentesca inedita o rara, in «La Critica», XXVII, 1929
  • Sebastiano Serena, S. Gregorio Barbarigo e la vita spirituale e culturale nel suo seminario di Padova. Lettere e saggi editi dagli amici in memoria, 2 voll., Padoue, Antenore, 1963
  • Francesco Ludovico Maschietto, Elena Lucrezia Cornaro Piscopia (1646-1684), prima donna laureata nel mondo, Padoue, Antenore, 1978 ISBN 88-8455-340-7
  • Renzo Derosas, Corner, Elena Lucrezia, in «Dizionario Biografico degli Italiani», XXIX, Rome, Istituto dell'Enciclopedia italiana, 1983.
  • Patrizia Carrano, Illuminata. La storia di Elena Lucrezia Cornaro, prima donna laureata nel mondo, Milan, Mondadori, 2001 ISBN 88-04-49090-X
  • Clelia Pighetti, Il vuoto e la quiete. Scienza e mistica nel '600. Elena Cornaro e Carlo Rinaldini, Milan, Franco Angeli, 2004 ISBN 88-464-6333-1
  • Barbara e Gian Paolo Borsetto, Elena Cornaro Piscopia. La Venexiana prima laureanda al mondo, Venise, 2010

Notes

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  1. http://www.agnesscott.edu/lriddle/women/piscopia.htm
  2. M. Dezza, Vita di Helena Lucretia Cornara Piscopia, 1686, p. 105.
  3. C. Pighetti, Il vuoto e la quiete. Scienza e mistica nel '600. Elena Cornaro e Carlo Rinaldini, 2004, pp. 28-29.
  4. C. Pighetti, Il vuoto e la quiete. Scienza e mistica nel '600. Elena Cornaro e Carlo Rinaldini, 2004, p. 73.
  5. S. Serena, San Gregorio Barbarigo e la vita spirituale e culturale nel suo seminario di Padova, I, 1963, p. 215.
  6. (en) Francesco Ludovico Maschietto, Elena Lucrezia Cornaro Piscopia (1646-1684): The First Woman in the World to Earn a University Degree, Saint Josephs University Press, , 318 p. (ISBN 0916101576)
  7. B. Croce, Appunti di letteratura secentesca inedita o rara, 1929, p. 471.
  8. Il a été traduit en français sous le titre Entretiens de Jésus-Christ avec l'âme fidèle
  9. (en) Venus: Piscopia
  10. vitrail en couleur