Désherbage (bibliothèque)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Dans une bibliothèque, le désherbage (ou élagage, révision des collections, évaluation critique, désélection, etc.) est l'opération qui consiste à éliminer et à renouveler des collections.

Objectifs de l'opération[modifier | modifier le code]

Elle est destinée à mettre en valeur les collections disponibles et à offrir des ressources constamment actualisées aux usagers des bibliothèques.

Dans ce but, le désherbage s'avère être la solution incontournable pour les bibliothèques de lecture publique, confrontées à des problèmes récurrents de réorganisation, d'encombrement ou d'impossibilité d'extension.

La littérature disponible (voir ci-dessous) insiste sur le fait que cette opération doit être planifiée et réalisée sur la base de critères et en observant certaines méthodes.

Selon Françoise Tinel[1], le désherbage est un terme générique pour :

  • la restauration des documents ;
  • la relégation ;
  • l'élimination.

Les livres désherbés peuvent être[2] :

Historique[modifier | modifier le code]

La notion de désherbage est un décalque de l'américain weeding. Les bibliothécaires américains ont en effet mis en pratique le désherbage de leurs collections et théorisé l'opération bien avant leurs collègues français. Le premier manuel de désherbage a été publié en 1940 aux États-Unis[3].

En France, le thème a émergé officiellement en 1975, lorsque la Direction des bibliothèques de lecture publique a commandé à Noë Richter une recherche sur l'élimination des documents, thème repris par l'ABF lors de son colloque annuel en 1978. Les bibliothécaires de la Bibliothèque publique d'information, ouverte en 1977, ont joué un rôle clef dans la réflexion sur le désherbage. Pionnière du libre accès et ne possédant pas de réserve, la BPI devait nécessairement éliminer certains documents pour pouvoir faire de la place pour les nouvelles acquisitions[4].

Dans les années 1980 et 1990, la pratique du désherbage s'est généralisée dans toutes les bibliothèques n'ayant pas de mission de conservation. La réflexion sur le sujet a également progressé, avec la publication de plusieurs ouvrages et d'articles dans les revues professionnelles (voir bibliographie).

Quelques critères et méthodes[modifier | modifier le code]

On utilise fréquemment les critères d'usage et d'âge du document, mais ceux-ci peuvent parfois se révéler de mauvais choix.

Il convient alors de travailler de manière plus méthodique :

  • Méthode DC (désherbage des collections)
  • Méthode IOUPI
  • Méthode d'élagage développée dans le Réseau public de Lecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles[5]
  • Cadre législatif
  • Recherche de substituts

Plusieurs de ces méthodes sont décrites dans les liens ci-dessous.

La méthode IOUPI et les critères de désherbage[modifier | modifier le code]

La méthode IOUPI a été créée par la Bibliothèque publique d'information (BPI) de Paris[6] et est « un acronyme aide-mémoire »[2] résumant les critères pour décider si on peut éliminer ou non un ouvrage d’une collection.

Le I de l’acronyme rappelle de vérifier si le document est incorrect, le O juge de la qualité du document (si celui-ci est ordinaire, superficiel ou médiocre), le U regarde plutôt l’état du matériel (s’il est usé, détérioré ou laid), le P rappelle de vérifier si le document est périmé ou obsolète et le dernier I indique de vérifier si le document est inadéquat dans la collection (s’il correspond ou non au fonds documentaire)[7].

Françoise Gaudet et Claudine Lieber, dans le livre «Désherber en bibliothèques: manuel pratique de révision des collections»[2] expliquent, entre autres, certains des critères de sélection que nous verrons ci-dessous.

Le contenu intellectuel et la qualité du document[modifier | modifier le code]

Lors du désherbage, il faut observer la qualité de l’information dans le document que l’on évalue. Si ce dernier présente des éléments erronés en raison, entre autres, parce qu'il n'est plus d'actualité, il faut envisager de l’enlever de la collection. De plus, effectuer un désherbage sur des critères qualitatifs permet de s’assurer d’avoir des collections cohérentes et pertinentes, ainsi que de vérifier si les données contenues dans le document sont périmées ou non[2].

L'état du document[modifier | modifier le code]

Vérifier l’état des documents d’une collection permet de retirer ceux qui sont endommagés ou fragilisés. Il faut vérifier l’apparence globale du document, si ce dernier semble défraîchi ou démodé. Avant de retirer le document sélectionné, il faut se demander s’il est possible de le réparer, de le rafraîchir, et le coût probable pour en améliorer l’état[2].

L’élagage en Fédération Wallonie-Bruxelles[modifier | modifier le code]

Le décret relatif au développement des pratiques de lecture organisé par le réseau public de la lecture et les bibliothèques publiques du 30 avril 2009 demande aux bibliothèques publiques de disposer de collections, de documents sous divers supports matériels ou immatériels destinés à l'emprunt, à la consultation ou à tout autre usage, tenus à jour par des accroissements et des élagages réguliers. En outre, ces collections et documents doivent être :

  • quantitativement et qualitativement significatifs à l'égard de la population à desservir ;
  • représentatifs des besoins socioculturels contemporains inhérents au caractère public de l'institution.

Pour aider les bibliothécaires dans leur élagage, l'arrêté d'application de ce décret, publié en juillet 2011, cite nommément la Réserve centrale du Réseau public de la Lecture en Communauté française pour l’élagage et la réorientation de certains documents des opérateurs et définit également ses missions. Celle-ci doit assurer :

  • la réception, le traitement bibliographique, la sélection en vue de la conservation, de la réorientation ou de la destruction des ouvrages élagués des bibliothèques du Réseau public de la Lecture ;
  • la conservation physique d’exemplaires des ouvrages dont l’état le permet ou dont l’intérêt patrimonial l’exige ;
  • le prêt interbibliothèques des ouvrages qu’elle conserve à défaut de les trouver dans les collections des opérateurs directs.

Vu sous cet angle, l'élagage n'apparaît plus exclusivement comme le facteur négatif du travail bibliothéconomique. Pour les bibliothécaires, chaque envoi à la Réserve centrale représente un véritable « bol d'air ». Ceux-ci ne doivent plus gérer la conservation d'ouvrages qui ne sont plus ni prêtés, ni consultés et surtout qui bloquent de l'espace de rangement. Cela leur permet de travailler davantage le plaisir de lire et la recherche documentaire avec leurs lecteurs. Or, c’est la raison d'être d'une bibliothèque telle qu’elle est définie dans le nouveau décret.

L'élagage a toujours été perçu comme fondamental, essentiel non seulement pour conserver aux collections de toute bibliothèque, un attrait constant, une meilleure mise en valeur des documents en accès direct, mais aussi pour garantir la conservation d'ouvrages moins récents dans des conditions adéquates. Néanmoins, il a fallu de nombreuses années de travail et de réflexions pour que cette perception de l'élagage se voie dans les pratiques et dans la législation.

Retour en arrière sur le travail accompli

L'ancienne législation, et plus précisément le dernier arrêté relatif à l'organisation du Service de la lecture publique, daté du 14 mars 1995, prévoyait l'élagage en bibliothèque. Mais hormis l'obligation d’élaguer ou de retirer annuellement 5 % de l’ensemble des collections, pour faire place au même pourcentage de nouveautés, on n'y trouvait aucune précision significative ni sur la méthode, ni sur le devenir des livres écartés. Vu sous cet angle, l'élagage apparaissait exclusivement comme un aspect négatif du travail bibliothéconomique.

Déjà en octobre 1988, à Namur, l'Association professionnelle des Bibliothécaires et Documentalistes avait organisé une première journée de réflexion sur le sujet. Le Centre de Lecture publique de la Communauté française (CLPCF) avait relancé en 1992 une tentative sans résultat concret.

Ensuite, l'expérience, un peu forcée par les circonstances, acquise dans le réseau urbain liégeois des bibliothèques a conduit certains bibliothécaires de la Province de Liège à se rencontrer pour échanger leurs réflexions sur l'élagage. Une commission est née, regroupant des agents du CLPCF et des responsables de bibliothèques centrales, principales et locales. Au terme d'une série de réunions très constructives, la méthode décrite dans la brochure Élagages et retraits en bibliothèque publique[5] est née. Celle-ci a ensuite été soumise aux bibliothécaires de la Province de Liège lors d'une journée d'information et de formation pratique. Grâce à leurs remarques, mais aussi par l'analyse d'exemples concrets, les travaux ont été poursuivis par la Commission d’élagage du Réseau central de Liège. Ces confrontations ont permis de perfectionner la méthode, d'affiner les textes et le vocabulaire employés.

Fort de cette méthode et des nombreuses formations sur l’élagage organisées par le Centre de Lecture publique de la Communauté française (CLPCF.), un groupe de travail, émanant en partie de cette Commission d’élagage, a été chargé de poursuivre la réflexion et d’étudier, de manière concrète, les possibilités de création d’une institution qui recueillerait les documents retirés des bibliothèques publiques de la Communauté française. Après des enquêtes et des analyses auprès des institutions nationales et internationales sensibilisées à la problématique, un rapport, intitulé « Comment les bibliothécaires du 3e millénaire vont-ils assumer ‘l’héritage papier’ qui leur a été confié ? », a été rédigé en 2000. Cette étude a reçu l’avis favorable du Conseil Supérieur des bibliothèques publique et a conduit en 2004 à la mise en place de la Réserve centrale du Réseau public de lecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles

La Réserve centrale du Réseau public de Lecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles[modifier | modifier le code]

Une nécessité[modifier | modifier le code]

Du fait, notamment, de la communautarisation de la culture, la Lecture publique n'avait pas d'institution centrale chargée de constituer et d'entretenir le patrimoine écrit. Ainsi, les bibliothèques publiques, destinées pourtant par décret à l'éducation permanente, ne pouvaient pas ignorer qu'en réalité et par défaut la responsabilité de conservation de ce patrimoine leur incombait. Cet état de fait a contribué au gel de la gestion des magasins des bibliothèques : ignorant de ce que chacun s'engage à conserver, chaque site a gardé maints ouvrages qui auraient été retirés, si ce n'était la crainte de provoquer leur hypothétique disparition. À présent, ce problème est résolu grâce à la mise sur pied depuis septembre 2004 du dépôt central appelé Réserve centrale du Réseau public de Lecture de la Communauté française. Cet outil transversal au Réseau public de Lecture dépend du Service de la Lecture publique. Il se veut un outil de centralisation pour les ouvrages retirés des collections des bibliothèques. À la fois réservoir et lieu de réorientation, il donne aux bibliothécaires la garantie qu’un document élagué des collections de la bibliothèque pourra soit être récupéré au sein du Réseau de la Lecture publique via notamment le prêt interbibliothèques, soit bénéficiera d’une seconde vie au sein notamment de fonds spécialisé. La Réserve centrale possède également une Réserve précieuse pour les ouvrages qui possèdent une valeur patrimoniale.

Son fonctionnement[modifier | modifier le code]

La Réserve centrale reçoit les ouvrages retirés des collections des bibliothèques en échange d’un accord permanent du pouvoir organisateur et en assume l'entière propriété. Elle les trie, les gère et leur applique un mode d'accès au public au mieux de leurs caractéristiques :

  • au moins un exemplaire est gardé en vue de constituer un réservoir dans lequel les bibliothèques publiques peuvent venir puiser via le prêt interbibliothèques. La consultation sur place est également possible pour ces ouvrages ;
  • les livres rares ou précieux d’auteurs et d’éditeurs belges et paru avant 1945 sont rangés séparément et sont consultables sur place ;
  • les ouvrages déjà présents dans ses collections en deux exemplaires ou d'édition courante comme les poches, sont réorientés vers des fonds spécialisés intéressés, vers des institutions telles que les prisons, vers les pays en voie de développement pour des projets d’éducation permanente. De cette manière, la Réserve centrale donne une seconde vie à 60 % des ouvrages qu’elle reçoit.

Des avantages[modifier | modifier le code]

Du point de vue des pouvoirs organisateurs locaux, les avantages de la Réserve centrale sont importants : d'abord, les bibliothèques reconnues sont tenues d'élaguer et ce travail bibliothéconomique aussi nécessaire que les autres tâches du métier, ne peut plus être reporté. Ensuite, aux yeux des citoyens, les bibliothèques locales remises en état revalorisent leurs collections en identifiant mieux le patrimoine public qu'elles conservent. En outre, vu l'accroissement requis des collections, les pouvoirs organisateurs ne peuvent multiplier indéfiniment les locaux de stockage, qu'il vaut mieux rentabiliser qualitativement par un tri intelligent de leur contenu.

Du point de vue des bibliothécaires, les appréhensions que suscite encore le retrait, quand il est erronément et dramatiquement assimilé à l'autodafé, n'ont plus cours dès lors que les ouvrages, quittant la bibliothèque, restent en Lecture publique. Le dépôt central écarte le risque de la suppression irréparable. Les mises au pilon ne se justifient plus que par l'usure extrême des livres qui ont bien fait leur office auprès du public et ne présentent pas de valeur patrimoniale. En outre, le transfert des ouvrages mis au retrait vers la Réserve centrale n’est pas une obligation pour les bibliothécaires. Ceux-ci peuvent toujours, en accord avec leur pouvoir organisateur, vendre ou réorienter les livres par eux-mêmes. La Réserve centrale permet cependant au bibliothécaire de gagner du temps, de garder les ouvrages, qui en valent la peine, à disposition pour leurs lecteurs et d’obtenir des garanties sur les réorientations qui sont faites.

Du point de vue des organismes bénéficiant des dons, toute institution qui reçoit des livres de la Réserve centrale signe une convention demandant notamment que le transfert des ouvrages soit à leur charge. En outre, une évaluation succincte de l’utilisation des documents est demandée aux institutions qui ont bénéficié de don. En contrepartie de ses obligations, celles-ci peuvent choisir les livres qu’elles veulent recevoir et ces livres sont nettoyés et mis en caisse.

Le plan de conservation partagée des périodiques[modifier | modifier le code]

Depuis, novembre 2009, la Réserve centrale coordonne un plan de conservation partagée des périodiques au niveau des bibliothèques publiques. Plus de 4800 périodiques[8] ont été examinés. 2990 revues ont été gardées dont 2217 titres de revues par des bibliothèques de conservation (pôles de conservation et bibliothèques associées) et 113 titres de revues spécifiques par des centres de documentation.

Les pôles de conservation se sont engagés

  • à poursuivre l’abonnement du périodique et à compléter leur collection ;
  • à satisfaire gratuitement les demandes de communication d’articles ;
  • à garantir l’accès gratuit à la consultation sur place des collections de référence ;
  • à ne pas prêter leur collection afin d’en garantir la conservation.

À côté des pôles de conservation, les bibliothèques associées (BA) conservent également des périodiques mais ne s’engagent pas à respecter les conditions imposées aux pôles de conservation en ce qui concerne l’abonnement et le prêt.

Ce plan de conservation partagée permet aux bibliothèques de la Fédération Wallonie-Bruxelles et à leurs partenaires de rationaliser la politique de conservation de leurs revues. En outre, il améliore la visibilité des collections des revues pour les publics. Les revues conservées sont décrites et localisées sur Perioclic.be. Cette base de données est le fruit du travail de la Commission de conservation partagée des périodiques et de la Commission de dépouillement partagé des périodiques. Ces commissions  sont coordonnées par le Service de la Lecture publique via sa cellule numérique et via la Réserve centrale (Lobbes). Elle permet aux usagers de localiser les revues conservées et de demander gratuitement par courriel des copies numériques d’article.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Le désherbage, intervention de Françoise Tinel en juin 1999 (retranscription comportant un tableau et des informations complémentaires).
  2. a b c d et e Gaudet, Françoise. Lieber, Claudine., Désherber en bibliothèque : manuel pratique de révision des collections, Paris, Éd. du Cercle de la librairie, dl 2013, 160 p. (ISBN 978-2-7654-1381-3 et 2765413819, OCLC 842462113, lire en ligne)
  3. (en) Weeding the Library, Division of adult education and library extension, State educational department, University of the state of New York
  4. Françoise Gaudet et Claudine Lieber, Désherber en bibliothèque : manuel pratique de révision des collections, Cercle de la Librairie, 1996, p 14-15 et p 36-37
  5. a et b Élagages et retraits en bibliothèque publique : pour une meilleure gestion des collections de la bibliothèque. les monographies. Service de la Lecture publique, Les cahiers des bibliothèques n°27, novembre 2020.
  6. Bibliothèque Départementale de la Sarthe. (2007). Désherbage. [1]
  7. David, Stéphanie. (2008). Désherber en bibliothèque. [2]
  8. Chiffres d'octobre 2015 rassemblés par la Réserve centrale (Lobbes)

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]