Maladie à corps de Lewy

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Démence à corps de Lewy
Description de cette image, également commentée ci-après
Les corps de Lewy sont une caractéristique de cette maladie pathophysiologique
Classification et ressources externes
CIM-10 G31.8
CIM-9 331.82
OMIM 127750
DiseasesDB 3800
eMedicine neuro/91 
MeSH D020961

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La démence à corps de Lewy (DCL) ou maladie à corps diffus de Lewy, maladie à corps corticaux de Lewy ou démence sénile de type Lewy (à ne pas confondre avec le Corps de Luys autre nom du noyau sous-thalamique) est un type de démence partageant des caractéristiques avec la maladie de Parkinson et la maladie d'Alzheimer. Elle est anatomiquement caractérisée par la présence de corps de Lewy, constitués d'amas d'alpha-synucléine et d'ubiquitine dans les neurones. On les retrouve dans l'analyse histologique des cerveaux des patients atteints[1]. La démence à corps de Lewy atteint 1,3 million de personnes aux États-Unis.

Classification

La démence à corps de Lewy regroupe des aspects cliniques de la maladie d'Alzheimer et de la maladie de Parkinson tout en étant plus proche de cette dernière[1]. Dans la DCL, la perte des neurones cholinergiques serait la cause du dysfonctionnement cognitif (comme dans la maladie d'Alzheimer) et la perte des neurones dopaminergiques entraînerait la dégradation du contrôle moteur (comme dans la maladie de Parkinson). Le diagnostic de DCL est donc difficile.

Alors que la maladie d'Alzheimer apparaît souvent progressivement, la DCL a tendance à progresser plus rapidement[2].

La DCL doit être distinguée de certaines formes démentielles qui apparaissent dans la maladie de Parkinson par le délai d'apparition de la démence après les symptômes extra-pyramidaux[3]. La maladie de Parkinson avec démence apparaît la plupart du temps après plus d'un an d'évolution du syndrome extra-pyramidal alors qu'un diagnostic de DCL peut être envisagé lorsque les troubles cognitifs apparaissent en même temps que le syndrome extra-pyramidal.

Diagnostic

Le diagnostic de la DCL s'appuie sur les recommandations de la conférence de consensus de 2005[4].
Les symptômes pouvant évoquer le diagnostic de DCL sont :

  1. atteinte des fonctions cognitives associées à une perte d'autonomie ;
  2. confusion
  3. fluctuation rapide du fonctionnement cognitif (attention et vigilance) dans la journée voire d'heure en heure ;
  4. ralentissement moteur
  5. hallucinations essentiellement visuelles (retrouvées chez 75 % des patients) ; ce sont souvent des visions de personnes ou d'animaux, des paramnésies reduplicatives et d'autres troubles de la perception (double vision) ou de l'interprétation. Les patients peuvent critiquer ces hallucinations[5] ;
  6. syndrome extrapyramidal (parkinsonien) ; les tremblements sont cependant moins fréquents que dans la maladie de Parkinson ;
  7. intolérance aux neuroleptiques et apparentés (antiémétiques) avec risque d'une forme de catatonie proche du syndrome malin des neuroleptiques[6] ;
  8. apparition des troubles moteurs et cognitifs dans la même année ;
  9. chutes répétées.

Profil neuropsychologique

La DCL a un profil neuropsychologique différent de la maladie d'Alzheimer[7] :

  1. syndrome sous-cortico-frontal avec un ralentissement intellectuel et une atteinte des fonctions exécutives ;
  2. troubles visuo-spatiaux majeurs ;
  3. troubles mnésiques avec un rappel libre altéré, mais une amélioration à l'indiçage (trouble parfois absent en début de maladie) ;
  4. retentissement sur l'autonomie ;
  5. pas de syndrome aphaso-apraxo-agnosique.

Causes

Les causes de la DCL ne sont pas bien connues mais un lien avec le gène PARK11 a été décrit[8]. Comme pour la maladie de Parkinson et d’Alzheimer, la plupart des cas de DCL apparaissent sporadiquement. On ne pense pas que le caractère héréditaire soit fort. Comme pour la maladie d'Alzheimer, le risque de DCL est augmenté par transmission de l'allèle ε4 de l'apolipoprotéine E (APOE)[9].

Anatomopathologie

Macrophotographies des régions de la substance noire d'un patient montrant des corps de Lewy sous différents grossissements.

La DCL est caractérisée par le développement d'inclusions cytoplasmiques de protéines alpha-synucléine dans tout le cerveau (les corps de Lewy). Ces inclusions sont proches des classiques corps de Lewy retrouvés en sous-cortical dans la maladie de Parkinson. Il existe une perte des neurones producteurs de dopamine (dans la substance noire) proche de celle vue dans la maladie de Parkinson et une perte des neurones produisant l'acétylcholine proche de celle constatée dans la maladie d'Alzheimer. Des séries autopsiques ont montré que la DCL est souvent concomitante avec des lésions retrouvées dans la maladie d'Alzheimer surtout avec des atteintes de l'hippocampe : plaques séniles avec dépôts de protéines bêta-amyloïdes, des dégénérescences granulovacuolaires (des dépôts granuleux à l'intérieur des neurones de l'hippocampe et une zone plus claire autour). Les enchevêtrements neurofibrillaires (protéines tau anormalement phosphorylées) sont moins fréquents dans la DCL, bien que décrits. Des anomalies des astrocytes ont aussi été décrites[10],[11],[12],[13].

Il n'est, à ce jour, pas décidé si la DCL est une variante de la maladie d'Alzheimer ou une maladie en elle-même[1],[14],[15]. Contrairement à la maladie d'Alzheimer, le cerveau peut sembler grossièrement normal sans signe visible d'atrophie[16].

Prise en charge thérapeutique

Il n'y a pas de traitement curatif de la DCL. Les traitements disponibles permettent une prise en charge symptomatique d'une faible efficacité.

Prise en charge médicamenteuse

Le traitement spécifique des troubles moteurs par de la L-Dopa a des résultats modestes sur la rigidité parkinsonienne et peut aggraver les troubles psychiques (hallucinations, agitation...)[17]. Concernant les troubles cognitifs, l'effondrement des taux d'acétylcholine corticaux peut suggérer une efficacité des anticholinestérasiques. Le donépézil, la rivastigmine et la galantamine peuvent être recommandés[2]. Des études rapportent que la DCL serait plus réceptive au Donepezil que la maladie d'Alzheimer[18]. La Mémantine peut aussi être utile[19].

Il faut avoir une prudence extrême dans l'utilisation des neuroleptiques, mal tolérés dans cette pathologie. En cas de troubles psychotiques majeurs, la clozapine peut être utilisée[20].

Il faut également s'assurer de l'absence d'iatrogénie médicamenteuse pouvant aggraver les symptômes (en particulier les traitements avec une action anticholinergique).

Prise en charge non médicamenteuse

Il s'agit d'adapter l'environnement, l'habitat, d'organiser un programme avec des activités et des échanges pour s'adapter aux diminutions des capacités cognitives et aux symptômes parkinsoniens[5] . Au cours de l'évolution de la maladie, il faut insister sur l'importance de la stimulation cognitive, de la kinésithérapie et des thérapies comportementales. Il faut sans cesse s'assurer de l'absence d'iatropathologie (effets indésirables dus à la prise de médicaments) et lutter contre tout facteur qui peut entraîner une confusion et perturber le comportement (fécalome, rétention d'urine, infection, médicaments). L'information aux familles et aux proches est essentielle pour que tous comprennent la maladie et que l'accompagnement du patient se déroule le plus sereinement possible.

Épidémiologie

Des estimations récentes indiquent que 60 à 75 % des démences diagnostiquées sont de type Alzheimer ou mixte (Alzheimer et vasculaire). Dix pour cent des démences sont de type à corps de Lewy. Les autres types sont plus rares, notamment, la dégénérescence lobaire frontotemporale, le syndrome de Korsakoff alcoolique. La DCL est légèrement plus fréquente chez les hommes que chez les femmes[9].

Histoire

Frederic Lewy (1885-1950) a été le premier à découvrir les dépôts anormaux de protéines (corps de Lewy) au début des années 1900.

La première description de la DCL a été faite en 1961 à propos de deux cas clinico-pathologiques de « démence progressive et quadriplégie en flexion » associée à des « inclusions circonscrites, polychromes, argyrophiles » dans le cortex cérébral (les corps de Lewy corticaux)[21].

La DCL a commencé à être diagnostiquée dans le milieu des années 1990 avec la découverte de la coloration de l'alpha-synucléine qui mettait en évidence les corps de Lewy dans le cortex des sujets autopsiés. Découverte récemment, la DCL n'est pas reconnue dans le DSM-IV de 1994 mais on la trouve dans le DSM-IV-TR publié en 2000.

La première conférence de consensus concernant la démence à corps de Lewy date de 1996[22] où les critères diagnostics ont été précisés.

Références dans la culture populaire

  • Le personnage principal Tom Kane joué par Kelsey Grammer, le maire de Chicago dans la série télévisée Boss souffre d'une DCL au stade précoce.
  • Dans la série japonaise Ghost Hound, le psychiatre Atsushi Hirata envoie un courriel avec des numérisations de son IRM cérébrale à son collègue neurologue Reika Ōtori qui diagnostique une DCL.

Notes et références


  1. a b et c (en) Jay A. Van Gerpen, « New Trends in Lewy Body Dementia, from "The Many Faces of Lewy Body Dementia" series at Coral Springs Medical Center, FL », YouTube, [vidéo]
  2. a et b (en) « Dementia with Lewy Bodies », sur Alzheimer Scotland, action on dementia
  3. (en) Daniel Weintraub et Howard I. Hurtig, « Presentation and Management of Psychosis in Parkinson's Disease and Dementia with Lewy Bodies », American Journal of Psychiatry, vol. 164, no 10,‎ , p. 1491–1498 (PMID 17898337, PMCID 2137166, DOI 10.1176/appi.ajp.2007.07040715, lire en ligne)
  4. (en) I. G. McKeith, D. W. Dickson, J. Lowe, M. Emre, J. T. O'Brien, H. Feldman et al., « Diagnosis and management of dementia with Lewy bodies : third report of the DLB Consortium  », Neurology, vol. 65, no 12,‎ , p. 1863-1872 (PMID 16237129)
  5. a et b (en) [vidéo] Tanis J. Ferman (2007) Behavioral Challenges in Dementia with Lewy Bodies, from "The Many Faces of Lewy Body Dementia" series at Coral Springs Medical Center, FL sur YouTube
  6. (en) Graham Lennox, « Dementia with Lewy Bodies », sur Nottingham Medical School
  7. (en) Simard M, van Reekum R, Cohen T. « A review of the cognitive and behavioral symptoms in dementia with Lewy bodies » J Neuropsychiatry Clin Neurosci. 2000;12(4):425-50. PMID 11083160
  8. (en) V. Bogaerts, S. Engelborghs, S. Kumar-Singh et al., « A novel locus for dementia with Lewy bodies : a clinically and genetically heterogeneous disorder », Brain, vol. 130, no 9,‎ , p. 2277–2291 (PMID 17681982, DOI 10.1093/brain/awm167, lire en ligne)
  9. a et b (en) Howard A. Crystal, « Dementia with Lewy Bodies », E-Medicine from WebMD,‎ (lire en ligne)
  10. (en) N. Hishikawa, Y. Hashizume, M. Yoshida, J. Niwa, F. Tanaka et G. Sobue, « Tuft-shaped astrocytes in Lewy body disease », Acta Neuropathol., vol. 109, no 4,‎ , p. 373-380 (PMID 15668789)
  11. (en) E. =Iseki, T. Togo, K. Suzuki, O. Katsuse, W. Marui, R. de Silva, A. Lees, T. Yamamoto et K. Kosaka, « Dementia with Lewy bodies from the perspective of tauopathy », Acta Neuropathol., vol. 105, no 3,‎ , p. 265–270 (PMID 12557014, DOI 10.1007/s00401-002-0644-3)
  12. (en) Marla Gearing, Michael Lynn et Suzanne S. Mirra, « Neurofibrillary Pathology in Alzheimer Disease With Lewy Bodies », Archives of Neurology, vol. 56, no 2,‎ (lire en ligne)
  13. (en) Hiroshige Fujishiro, Tanis J. Ferman, Bradley F. Boeve, Glenn E. Smith, Neill R. Graff-Radford, Ryan J. Uitti, Zbigniew K. Wszolek, David S. Knopman et Ronald C. Petersen, « Validation of the neuropathologic criteria of the third consortium for dementia with Lewy bodies for prospectively diagnosed cases », J Neuropathol Exp Neurol., vol. 67, no 7,‎ , p. 649–656 (PMID 18596548, PMCID 2745052, DOI 10.1097/NEN.0b013e31817d7a1d, lire en ligne)
  14. (en) H Uchikado, WL Lin et MW Delucia, « Alzheimer disease with amygdala Lewy bodies : a distinct form of alpha-synucleinopathy », Journal of neuropathology and experimental neurology, vol. 65, no 7,‎ , p. 685–697 (PMID 16825955, DOI 10.1097/01.jnen.0000225908.90052.07)
  15. (en) P. T. Kotzbauer, J. Q. Trojanowsk et V. M. Lee, « Lewy body pathology in Alzheimer's disease », Journal of molecular neuroscience, vol. 17, no 2,‎ , p. 225–232 (PMID 11816795, DOI 10.1385/JMN:17:2:225)
  16. (en) S. Love, « Neuropathological investigation of dementia : a guide for neurologists », J Neurol Neurosurg Psychiatry, vol. 76, no 5,‎ (lire en ligne)
  17. (en) McKeith IG. « Dementia with Lewy bodies » Br J Psychiatry 2002 Feb;180:144-7. PMID 11823325
  18. (en) Doug Neef et Anne D. Walling, « Dementia with Lewy Bodies : an Emerging Disease », American Family Physician, vol. 73, no 7,‎ , p. 1223–1229 (PMID 16623209, lire en ligne, consulté le )
  19. (en) D. Aarsland, C. Ballard, Z. Walker, F. Bostrom, G. Alves, K. Kossakowski, I. Leroi, F. Pozo-Rodriguez et L. Minthon, « Memantine in patients with Parkinson's disease dementia or dementia with Lewy bodies : a double-blind, placebo-controlled, multicentre trial », Lancet neurology, vol. 8, no 7,‎ , p. 613–618 (PMID 19520613, DOI 10.1016/S1474-4422(09)70146-2)
  20. (en) Cummings JL, Street J, Masterman D, Clark WS. « Efficacy of olanzapine in the treatment of psychosis in dementia with lewy bodies » Dement Geriatr Cogn Disord. 2002;13(2):67-73. PMID 11844887
  21. (en) H. Okazaki, L.E. Lipkin et S.M. Aronson, « Diffuse intracytoplasmic inclusions (Lewy type) associated with progressive dementia and quadriparesis in flexion », Journal Neuropathology and Experimental Neurology, no 20,‎ , p. 237-244
  22. (en) IG McKeith, D. Galasko, K. Kosaka, E.K. Perry, D.W. Dickson, L.A. Hansen et al., « Consensus guidelines for the clinical and pathologic diagnosis of dementia with Lewy bodies (DLB) : report of the consortium on DLB international workshop », Neurology, vol. 47,‎ , p. 1113–1124

Liens externes