Décision

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Première page de l'édition de 1837 de l'Éthique à Nicomaque, l'un des premiers ouvrages à théoriser la décision.

La décision est le fait d'un acteur (ou d'un ensemble plus ou moins cohérent d'acteurs) qui effectue un choix entre plusieurs solutions susceptibles de résoudre le problème ou la situation auxquels il est confronté.

•D'une manière générale, la décision est l'action de l'esprit qui décide quelque chose ou se décide après délibération individuelle ou collective.

En psychologie, la décision est l'action volontaire et réfléchie de l'esprit qui se détermine à l'occasion d'un choix d'une des issues au terme d'un processus de délibération.

En droit ou dans les domaines administratifs, la décision est une disposition arrêtée par une autorité compétente collégiale ou unique, après délibération, ou une instruction de service émanant d'une autorité hiérarchique ( par ex: militaire).

En économie, les micro ou macro décisions correspondent aux décisions prises par des agents économiques simples ou complexes.

En stratégie, la décision est d'abord un courage opposé constamment aux détracteurs, appliqué à une situation d'incertitude, se révélant perspicace dans la capacité à anticiper et réactualisé constamment pour s'adapter aux aléas de l’adversité. Pour Guy Sallat[1] elle est ainsi une synthèse de présuppositions, d'observations et de perspicacité, sensible aux opportunités, ayant pour conséquence finale de fixer une loi ou une règle dans la coercition. Dans cette acception toute décision doit anticiper ses effets et s'accompagner de mesures palliatives de nature à la faire accepter.

•La décision peut également désigner une disposition de l'esprit : L'esprit de décision est la qualité d'une personne qui sait rapidement prendre parti et ne revient pas sans motif valable sur ce qu'elle a décidé. Ce peut être aussi la fermeté de caractère d'une personne qui sait prendre et assumer des choix difficiles.

Étymologie

Décider provient du verbe latin « decidere » signifiant « trancher » et plus anciennement de « caedere » signifiant « couper »[2]

Approches

L'une des premières théorisations est celle d'Aristote dans l'Éthique à Nicomaque, qui fait de la décision l'aboutissement de la délibération. Aujourd'hui co-existent plusieurs approches du concept de la décision qui divergent sur beaucoup d'aspects et ne sont pas réconciliables. Ainsi la décision continue à être un concept clé de la philosophie, donnant même son nom à l'une de ses spécialités, la philosophie de l'action, ainsi qu'en sociologie. Par ailleurs, elle fait l'objet de modélisations en mathématiques, avec notamment la théorie des jeux et la théorie de l'action.

Limites empiriques du mécanisme décisionnel

Au XVIIe et XVIIIe siècles des auteurs pointent des cas où la logique décisionnelle se trouve prise en défaut . Ainsi Jean de La Fontaine, dans sa Fable Le meunier, son fils et l'âne montre qu'un décideur réputé unique, lorsqu'il n'est pas stable, peut subir des influences externes et prendre successivement des décisions contradictoires... Mise en évidence aussi par Condorcet que le choix opéré par un ensemble de décideurs se révèle hautement complexe voire dans certains cas impossible: C'est l'objet du célèbre paradoxe de Condorcet (repris plus tard par l'économiste Arrow dans son théorème d'impossibilité d'Arrow.

Rationalité du mécanisme décisionnel

Manifestation du collectif Women Strike for Peace durant la crise des missiles de Cuba, ici à New York à côté du bâtiment des Nations unies. On lit notamment un poster: « Laissez l'ONU gérer la crise! ». Ce tournant de la guerre froide est l'objet du livre de Graham Allison, L'Essence de la décision.

Une première école estime que la décision est un choix rationnel de type optimisateur. Cette approche s'illustre par le courant de la recherche opérationnelle. L'optimisation linéaire, en particulier, formalise la décision comme étant le fait de maximiser ou de minimiser une fonction objectif dans le respect d'une série de contraintes. Exemple : déterminer les quantités à produire, en maximisant le volume produit, sous des contraintes de coût et de disponibilité des matières premières. Dans ce cadre, la décision résulte d'un calcul logique où les données, non prises en compte par la formulation de la fonction objectif ou des fonctions de contrainte sont évacuées.

Dimension cognitive du mécanisme décisionnel

Au XXe siècle, la sociologie des organisations, dès les années 1940-50, avec les travaux d'Herbert Simon introduit le modèle de la rationalité limitée. Cette école met en avant la dimension cognitive des décideurs et notamment leurs limites quant à l'appréciation de la rationalité. Ici, il est toujours question d'un choix entre solutions potentielles, mais en insistant sur le fait que celui-ci intervient dans un processus de décision qui fait appel à un ou plusieurs critère(s) de satisfaction. Voir les travaux de H.A. Simon et des neurosciences qui montrent que le processus de décision peut difficilement être étudié sous le seul angle de la rationalité. Pour eux, le processus décisionnel est le siège de confrontations entre cognition, ignorance et émotion[3].

Dès les années 1940, Simon remet en effet en cause le modèle de l'homo œconomicus en introduisant le concept de rationalité limitée (Administrative Behavior, A Study of Desicion-Making Processes in administrative organizations). Dans cet ouvrage, il montre que « dans les décisions réelles, la sélection des moyens alternatifs ne se fait pas selon une vision panoptique permettant la découverte de la solution optimale, mais selon une procédure séquentielle qui s’achève quand l’individu découvre une solution adaptée à des critères minima de satisfaction » [4]. Dans l'article cité, Ph. Urfalino évoque ensuite deux livres importants, !A Behavioral Theory of the Firm! (1963) de Richard Cyert et James March, ouvrage fondateur de la sociologie des organisations, puis L'Essence de la décision (1971) de Graham T. Allison, sur la crise des missiles de Cuba, lequel constitue une critique de la théorie des jeux et de l'affirmation selon laquelle la guerre nucléaire ne pourrait avoir lieu en raison de la rationalité supposée des États.

Décisions conditionnées par le Jeu des acteurs

Michel Crozier a bien décrit comment dans les organisations, les décisions sont prises et par conséquent doivent être interprétées à la lumière des luttes de pouvoir entre différents individus et groupe, notamment pour le contrôle des zones d'incertitude.

Le cas du paradoxe d’Abilene, présenté par Jerry Harvey dans son ouvrage The Abilene Paradox and Other Meditations on Management (San Francisco : Jossey-Bass, 1988), illustre dans un autre registre la difficulté d’un groupe non structuré à prendre une décision et à gérer collectivement son accord. Dans cette fable moderne, aucun des quatre membres d'un groupe ne souhaitait se rendre à Abilene mais par crainte d'offenser et de se contredire mutuellement, ils y finissent tous !

Influence du contexte de la décision

Une autre approche récente (G. Klein, 1998) introduit dans le mécanisme décisionnel, outre le décideur, le contexte dans lequel se déroule la décision. Il est question de Naturalistic Decision Making (le terme Naturalistic renvoyant au travail des naturalistes). Il ne s'agit pas de construire un modèle a priori de la décision selon lequel les décideurs sont censés fonctionner, mais plutôt d'observer comment les décideurs se comportent en situation et d'essayer de modéliser ce comportement. Ici, le moteur de la décision - plus qu'un choix rationnel entre alternatives- , réside dans la capacité du décideur à reconnaître la situation dans laquelle il se trouve . Cette approche met en avant l'expérience du décideur et son degré de conscience de la situation (situation awareness).

Influence du degré de certitude/incertitude affectant la décision

Le choix peut s'opérer dans le cadre d'un univers dit certain (où les aléas sont évacués sinon réduits au strict minimum) ou dans un univers dit incertain (où les aléas sont importants et nombreux).

Exemples :

  • En avenir certain, l'exemple typique consiste à choisir l'itinéraire le plus court pour livrer un certain nombre de clients
  • En avenir incertain, un bon cas de figure est fourni par le lancement d'une innovation dite de rupture (cad n'ayant pas d'équivalent à ce jour).
  • Le choix peut s'opérer selon la théorie des jeux dans le cadre de situations où les enjeux sont « ouverts » (problématique et solution pouvant être élargies) ou au contraire « fermés » (problématique figée et solution consistant en un partage forcément de type "gagnant-perdant"

Nicolas Tenzer, intellectuel français et président du Centre d’études et de réflexion pour l’action politique (CERAP), affirme que si toute décision consiste initialement pour l'individu en un mélange de certitudes et de doutes, c'est en raison de ce qu'elle adviendra, en tant que décision, comme ce qui "changera le système", ce qui "déplacera les lignes"[5].Guy Sallat, stratégiste politologue, estime dans, Décider en stratège : la voie de la performance, que celui qui sait gérer l'incertitude dans l'audace et l'équilibre prend le dessus sur l'adversaire, s'ils sait comprendre l'évolution des rapports de force et l'évolution des fenêtres d'opportunité au fil du temps de l'action.Guy Sallat, stratégiste politologue, estime dans, Décider en stratège : la voie de la performance, que celui qui sait gérer l'incertitude dans l'audace et l'équilibre prend le dessus sur l'adversaire, s'ils sait comprendre l'évolution des rapports de force et l'évolution des fenêtres d'opportunité au fil du temps de l'action.

Processus décisionnel

Déroulement logique

Pour le décideur, deux phases principales et successives sont à distinguer :

  1. la détermination du problème (problem finding) : Déterminer le problème auquel il estime être confronté ;
  2. la résolution du problème (problem solving) : Répondre au problème précédemment formulé.

Il est possible que les étapes nécessaires à la résolution du problème amènent le décideur :

à reformuler la détermination initiale du problème
à décomposer la résolution du problème en plusieurs étapes et notamment :
  1. la collecte d'informations ;
  2. l'analyse de ces informations et la création de solutions potentielles ;
  3. la prise de décision qui fait suite à cette analyse consiste à faire le choix et donc à renoncer aux autres possibilités.

Le processus de décision est plus ou moins rationnel, du fait de l'intrusion de biais cognitifs et émotionnels dans ces diverses phases. Une fois la décision prise, un certain nombre d'effets vont se produire conditionnant alors les prochaines prises de décision.

Par exemple, dans un cadre juridique, l'instruction d'une affaire qui est l'étape, longue, de préparation et la délibération du jury qui est courte malgré le nombre des intervenants.

L'aide à la décision

Le mythe de la liberté absolue du décideur s'est dissipé. Julien Sfez, professeur émérite de l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, considère par exemple, dans son ouvrage Critique de la Décision[6], que sur le plan politique la tendance s'est inversée : décision et pouvoir ne sont plus solidaires. À un processus décisionnel descendant et linéaire, il propose une analyse multi-linéaire et systémique[précision nécessaire]. Avant lui, Michel Foucault avait bien isolé cette dissémination des instances décisionnelles qu'il avait conceptualisé en "micro-physique du pouvoir". Si la rationalité non-entravée de l'individu n'est plus le facteur déterminant de la décision, d'autres processus, d'autres co-processus, s'y sont substitués. Cet ensemble constitue ce qu'on appelle les "techniques d'Aide à la décision". Empruntant tantôt aux mathématiques, à la physique, aux théories de la communication, ces instruments, parmi lesquels on peut citer l’algorithme (en finance, le trading algorithmique) ou encore le sondage (en politique, le sondage d'intention de vote), ont pris une importance considérable. Importance telle qu'ils apparaissent parfois comme coercitifs : structurant la stratégie décisionnelle, l'approche quantitative outrepasse désormais les notions de sensibilité et de vision comme le remarque Robin Rivaton, économiste et membre du conseil scientifique de Fondapol[7].

Cas spécifiques de processus décisionnels

Décisions dans le cadre de l'intelligence économique

Le processus de décision est l'un des 11 facteurs d'intelligence économique dans le modèle de l'AFDIE. Il se compose des critères suivants :

  • processus de management stratégique et processus décisionnel ;
  • pertinence des objectifs par rapport au champ des possibilités ;
  • résultats obtenus par rapport aux objectifs ;
  • retour d'expérience et analyse des échecs.

Décisions politiques dans l'Union européenne

La question de savoir si les décisions peuvent être prises au niveau de l'Union européenne ou au niveau des États membres s'est posée au moment des négociations sur le traité de Maastricht (1992).

Un protocole sur le principe de subsidiarité a été annexé au traité instituant la Communauté européenne (1992), révisant le traité de Rome de 1957. Ce même principe de subsidiarité fait l'objet d'un protocole spécial dans le traité d'Amsterdam.

Voir aussi :

Décisions en matière Constitutionelle (France)

Voir : le processus décisionnel prévu par l'article 16 de la Constitution de la Cinquième République française

L'article 16 de la de la Constitution permet, en période de crise, de donner les pleins pouvoirs au président de la République française.
L'existence de cet article 16 rejoint les difficultés évoquées ci-dessus lorsqu'il s'agit de prendre une décision collectivement : c'est pourquoi, en période de crise grave, où des décisions rapides et parfois drastiques doivent être prises, la Démocratie républicaine accepte la principe de donner le pouvoir de décision à un seul décideur (en l'occurrence le président de la République).
Le Conseil d'État précise la portée de ce pouvoir décisionnel : il ne s'agit pas de pouvoirs absolus, mais de pouvoirs exceptionnels dévolus pour un objet et une durée strictement limités

Dans la Constitution de 1958, le mécanisme décisionnel d'une instance de haut niveau de l’État : Au niveau du Conseil constitutionnel en France.

Notes et références

  1. Décider en stratège: la voie de la performance, LHARMATTAN, 2013.
  2. Larousse Étymologique 1971, Paris.
  3. Antonio R. Damasio (trad. Marcel Blanc), L'Erreur de Descartes [« Descartes'error »], Paris, Odile Jacob, 2006 (1re éd. 1995), 368 p. (ISBN 2-7381-1713-9)
  4. Philippe Urfalino, « La décision fût-elle jamais un objet sociologique? », texte provisoire sur le site du CESPRA/EHESS.
  5. « Interview de Nicolas Tenzer - Série "Faire la décision" », sur Comfluence,
  6. Lucien Sfez, Critique de la décision, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1992 (4ème édition), 571 p. (ISBN 2-7246-0607-8), Décision, Pouvoir et Communication
  7. « Interview de Robin Rivaton - série Faire la décision », sur Comfluence,

Annexes

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