Droit d'auteur des œuvres architecturales en France

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Le Code de la propriété intellectuelle (articles L.112-3 et L.122-3, alinéa 3) accorde aux œuvres architecturales la protection du droit d'auteur dès lors qu'elles sont originales. Ses modalités sont réglées par le droit commun du droit d'auteur, par le contrat d'architecte (CCAG), par les usages et la déontologie de la profession.

Nature des œuvres protégées[modifier | modifier le code]

Le Code de la propriété intellectuelle (CPI) à l'article L.112-2, 7º mentionne expressément les œuvres d'architecture comme pouvant être protégées par le droit d'auteur en même temps que les œuvres de dessin, de peinture, de sculpture, de gravure et de lithographie ; elles sont également visées à l'article L.122-3, alinéa 3. À l'instar de toutes les autres œuvres de l'esprit, la protection du droit d'auteur leur est accordée dès lors que l'œuvre est originale, c'est-à-dire qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur[1]. N'entre pas en considération la qualification ou non d'architecte, telle qu'elle est définie aux articles 10 et 11 de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture : la protection du droit d'auteur peut également profiter aux œuvres d'ingénieurs ou d'urbanistes[2]. Inversement, être architecte diplômé par le gouvernement (DPLG) ou architecte diplômé de l'École spéciale d'architecture (DESA) ne suffit pas à ce que son œuvre soit considérée comme protégée[3].

Comme pour les autres œuvres de l'esprit, l'originalité est appréciée par le juge pour chaque espèce. La jurisprudence conduit à exiger pour l'œuvre protégée « un caractère artistique certain » et le fait qu'elle n'appartienne pas à une série[4], et inversement à rejeter une architecture jugée banale[5]. La protection s'applique également à l'architecture marine[6] et à l'architecture d'intérieur[7].

La protection s'applique aux œuvres elles-mêmes, mais aussi aux « plans, croquis et ouvrages plastiques », expressément cités par l'article L.112-2, 12º du CPI, pour eux-mêmes en tant qu'œuvre graphique ou au titre de la construction qu'ils préfigurent ou représentent[8].

Droit moral[modifier | modifier le code]

Le droit moral comporte quatre volets : le droit à la paternité, le droit de repentir et de retrait, le droit de divulgation et le droit au respect de l'œuvre.

L'auteur d'une œuvre architecturale qui peut être protégée a le droit d'exiger la mention de son nom sur le bâtiment[9], sur la photographie de celui-ci[10] et sur les reproductions des plans[6]. Ce droit est en pratique assez peu revendiqué[11].

L'article L.121-2 du CPI dispose que « l'auteur a seul le droit de divulguer son œuvre », c'est-à-dire de la présenter au public. Il peut s'appliquer aux plans et maquettes, mais cesse d'opérer en pratique quand le bâtiment est construit[11].

Le droit de repentir et de retrait, consacré par l'article L.121-4 du CPI, permet à l'auteur de retirer l'œuvre de la circulation ou de la modifier après qu'elle a été divulguée ; là encore, il est délicat à exercer compte tenu des particularités de l'œuvre architecturale[11].

Le droit de modifier un édifice met en conflit le droit de propriété du maître de l'ouvrage qui comporte le droit d'aménager et d'adapter l'édifice qu'il habite, et le droit moral de l'architecte qui exige le respect de l'œuvre.

Droits patrimoniaux[modifier | modifier le code]

Sauf mention spéciale lorsqu'il s'agit d'un modèle destiné à être construit en série, les contrats d'architectes donnent droit à l'utilisation des plans pour la construction d'un seul exemplaire de l'édifice. Le Code des devoirs professionnels des architectes interdit le plagiat entre architectes. Cette protection est conditionnée au fait que les bâtiments, éléments de décor ou de construction reproduits, soient originaux par leur forme ou leur dispositif.

Interprétant la reproduction photographique des édifices dont ils sont les auteurs comme une contrefaçon[12], certains architectes interdisent qu'on publie des photographies ou des dessins des bâtiments construits sans leur autorisation, et exigeraient des droits d’auteur. Comme ils sont peu nombreux, sans être exhaustifs, on peut en établir une liste.

Pour les autres architectes, seule la reproduction physique de leurs bâtiments ou de leurs plans est une contrefaçon, sans qu'il soit besoin pour eux d'en déposer le modèle.

Dans tous les cas, la reproduction de photographie des œuvres d'art ou de dessins est soumise aux règles du droit d'auteur.

Éléments de jurisprudence[modifier | modifier le code]

Les cas d'architectes qui ont perçu des droits d'auteurs sur des photographies d'immeubles sont extrêmement récents et peu nombreux en France.

Architectes ayant intenté une action contre des auteurs de photos[modifier | modifier le code]

Architectes ayant exigé le paiement de droit d'auteur sur des photos prises par un photographe[modifier | modifier le code]

Ne concerne que ceux qui perçoivent eux-mêmes des droits sur les photographies de bâtiments.

Architectes membres adhérents de l'ADAGP[modifier | modifier le code]

Cette association privée se donne pour mission d'aider ses adhérents à faire payer des droits d'auteur par tous ceux qui publient des photos de leurs œuvres artistiques, y compris celles d'œuvres architecturales.

Sculpteurs ayant des œuvres dans l'espace public[modifier | modifier le code]

  • Daniel Buren, débouté contre un auteur de cartes postales, la représentation de l'œuvre litigieuse ayant été jugée accessoire au sujet traité[14].

Actions judiciaire sur des photos d'architecture dans lesquelles l'autorisation de l'architecte s'avère ne pas être exigée[modifier | modifier le code]

  • Paul Chemetov, action contre un fabricant de procédé imperméabilisant dans laquelle il lui était reproché de ne pas avoir mentionné le nom de l'architecte en publiant une photographie d'une partie de la façade du bâtiment du ministère des Finances.

Bâtiments dont les occupants perçoivent des droits au titre du Code de la propriété intellectuelle[modifier | modifier le code]

En principe, le propriétaire d'un édifice n'a pas de droit moral sur son image, sauf pour empêcher des actions qui peuvent nuire à sa propre image.

Dans les cas suivants, c'est l'administration qui a pris l'initiative de percevoir des droits de reproduction sur des photographies de l'édifice dont elle était propriétaire comme étant les droits d'auteur de l'architecte (ce qui ne s'était jamais fait auparavant). Les architectes ont ouvert des actions en revendication et obtenu du juge que leur soit reversée l'intégralité des sommes perçues.

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Critère traditionnel appliqué expressément à l'architecture par la Cour d'appel de Paris, 1re chambre, 1er avril 1957. Cité par Touzeau 2011, p. 55.
  2. Touzeau 2011, p. 32, note 83.
  3. Touzeau 2011, p. 53.
  4. Cour d'appel de Riom, 26 mai 1967. Cité par Caron 2006, p. 124.
  5. Cour de Cassation, 1re chambre civile, 5 juillet 2006. Cité par Gautier 2010, p. 121, note 3.
  6. a et b Gautier 2010, p. 121.
  7. Par exemple Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre civile, 17 déc. 2002, Jean Dominique B., B.B.A. Architecture c/ Sotheby's France, Sotheby's International Realty ou TGI Paris, 25 mars 1993. Cités par Caron 2006, p. 125, note 225.
  8. Philippe Gaudrat, « Objet du droit d'auteur. Œuvres protégées. Notion d'œuvre », Juris-Classeur Propriété littéraire et artistique, fascicule no 1134, 1995, no 46.
  9. Cour d'appel de Paris, 20 novembre 1996. Cité par Caron 2006, p. 203.
  10. Cour d'appel de Toulouse, 11 mai 1999 ; Cour d'appel de Versailles, 14 janvier 1999. Cité par Caron 2006, p. 203.
  11. a b et c Touzeau 2011, p. 63.
  12. Position admise par Lydia di Martino et François Faucher, juristes du CNOA, dans un article « La reproduction photographique de l'œuvre architecturale », dans Cahiers de la profession, no 32, 2e trimestre 2008. Sans donner de décision de jurisprudence qui fasse explicitement cette interprétation.
  13. Déboutés par décision de la Cour d'appel de Paris, 4e chambre, 7 novembre 1980, CAP Thiojac. Cité par Lydia di Martino et François Faucher
  14. Débouté dans son action en contrefaçon, dans la célèbre affaire de la Place des Terreaux à Lyon. Cour de cassation (Civ. 1re, 15 mars 2005). La cour d'appel de Lyon avait considéré qu'« échappe au grief de contrefaçon la représentation d'une œuvre située dans un lieu public lorsqu'elle est accessoire au sujet traité », ce qu'a confirmé la Cour de cassation. Cet arrêt intervient presque un an après celui du 7 mai 2004 qui revenait aussi sur une jurisprudence inaugurée en 1999, en décidant que « le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle –ci » (Ass. Plén., 7 mai 2004, JCP G, 2004, 10085, note Caron).

Références[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]