David Ricardo

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David Ricardo
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Portrait de David Ricardo peint par Thomas Phillips.

Naissance
Londres (Royaume-Uni)
Décès (à 51 ans)
Gatcombe Park (Royaume-Uni)
Nationalité Britannique
Domaines Économie
Politique
Renommé pour Avantage comparatif
Équivalence ricardienne
Valeur travail
Rente de situation
Loi des rendements décroissants

David Ricardo, né le à Londres et mort le à Gatcombe Park, est un économiste britannique et également un agent de change et un député. Il est considéré comme l'un des économistes libéraux les plus influents de l'école classique aux côtés d'Adam Smith et de Thomas Malthus.

Biographie

Jeunesse

David Ricardo est le troisième des dix-sept enfants d'une famille bourgeoise de financiers juifs (d'origine portugaise), ayant émigré des Pays-Bas vers l'Angleterre juste avant sa naissance.
À quatorze ans, David Ricardo rejoint son père à la Bourse de Londres, où il commence à apprendre le fonctionnement de la finance.
Ricardo rejette le judaïsme orthodoxe de sa famille et s'enfuit à l'âge de 21 ans avec une quaker, Priscilla Anne Wilkinson, qu'il vient d'épouser.
Sa mère, en représailles, ne lui parlera plus jamais. À cette époque, Ricardo devient également un unitarien.

Financier : praticien et théoricien

La rupture avec sa famille le contraint à se mettre à son compte en devenant agent de change. Ses premiers écrits, sur les problèmes monétaires des guerres napoléoniennes, paraissent sous forme de trois articles publiés dans le Morning Chronicle entre 1809 et 1810. Il publie un an plus tard Essai sur le haut prix du lingot : preuve de la dépréciation des billets de banque (1811), où il développe une thèse quantitativiste où l'excès d'émission de billets a contribué à déprécier la devise anglaise lors des guerres napoléoniennes. Ce livre influencera la rédaction du « Bullion Report » par la commission du même nom de la Chambre des communes.

Le député

Les débats engendrés par la publication de ses ouvrages monétaires amènent Ricardo à développer ses connaissances en économie. En 1799 lors de vacances particulièrement ennuyeuses passées dans le lieu de villégiature anglais de Bath, il s'intéresse à l'économie en lisant Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776) d'Adam Smith

Son travail d'agent de change le rend suffisamment riche pour prendre sa retraite en 1814, à l'âge de 42 ans. Il déménage à Gatcombe Park et partage son temps entre la politique et l'économie.

Entré au parlement britannique en 1819, après avoir acheté un siège de pair représentant de Portarlington, une pairie d'Irlande, il siège jusqu'en 1823, l'année de sa mort.

En tant que député, Ricardo défend le libre-échange et l'abrogation des Corn Laws (lois sur le blé), votées en 1815.

L'économiste

Ricardo est un autodidacte de la pensée économique. Il correspond en abondance avec Jeremy Bentham, Thomas Malthus et Jean-Baptiste Say, sur des sujets tels que le rôle des propriétaires terriens dans la société. Il fréquente aussi les milieux intellectuels londoniens, et devient membre du Club d'économie politique de Malthus (Malthus' Political Economy Club) et du Roi des clubs (King of Clubs).

En 1815, Ricardo publie Essai sur l'influence des bas prix du blé sur les profits du capital (1815).

En 1817, est publiée son œuvre maîtresse, Des principes de l'économie politique et de l'impôt (1817) qu'il modifiera le restant de sa vie. La deuxième édition sort en 1819 et la troisième en 1821.

En 1820[1], David Ricardo écrit à Malthus quelques années avant sa mort :

« L'économie politique est selon vous une enquête sur la nature et les causes de la richesse. J'estime au contraire qu'elle doit être définie : une enquête sur la distribution... De jour en jour, je suis plus convaincu que la première étude est vaine et décevante et que la seconde constitue l'objet propre de la science »

Il meurt d'une otite en 1823 à Gatcombe Park à l'âge de 51 ans, un an après avoir fait un grand tour d'Europe.
À son décès, sa fortune était d'environ 725 000 £, une importante somme pour l'époque[2].

Apports théoriques

Théorie de la valeur

La valeur d'échange d'un produit n'est pas fonction de son utilité, la preuve en est que des produits très utiles comme l'eau n'ont aucune valeur d'échange. Si quelques marchandises sont naturellement limitées, la plupart ont leur volume en fonction du travail que l'on accepte de consacrer à leur production. Ainsi c'est donc bien le travail qui fait la valeur d'échange des marchandises. D'autre part, la quantité de travail que requiert la production du bien comprend aussi celle qu'a nécessité la constitution du capital fixe. De plus, Ricardo distingue les biens reproductibles des non-reproductibles. La valeur d'échange de ces derniers dépend de leur rareté.

Considérer le travail comme source unique de la valeur conduira plus tard Karl Marx, dans sa théorie de la lutte des classes, à considérer le profit des capitalistes comme étant un résultat de l'exploitation de la force de travail des prolétaires. Marx cite d'ailleurs fréquemment Ricardo dans Le Capital[3] et reprendra la notion de « biens reproductibles » de Ricardo sous le nom de « marchandises ».

Opposition au protectionnisme

L'importation du blé, interdite par des lois protectionnistes (les « Corn Laws »), semble être une solution permettant la restauration des profits (Essai sur l'influence des bas prix du blé sur les profits du capital). De fait, un lobby de filateurs britanniques, l'Anti Corn Laws League, obtiendra leur abrogation en 1846.

Ricardo avance aussi la théorie de « l'avantage comparatif » (en supplément de la théorie de l'avantage absolu d'Adam Smith) : à savoir que chaque nation a intérêt à se spécialiser dans la production où elle possède l'avantage le plus élevé ou le désavantage le moins prononcé vis-à-vis des autres nations.

Théorie de l'avantage comparatif

David Ricardo a montré que tous les pays, même les moins compétitifs, trouvent dans certaines conditions théoriques (concurrence parfaite, sans pressions politiques donc), un intérêt à rentrer dans le jeu du commerce international en se spécialisant dans la production où ils détiennent l'avantage relatif le plus important ou le désavantage relatif le moins lourd de conséquences.

Dans le chapitre VII des Principes de l'économie politique et de l'impôt, Ricardo développe l'exemple des échanges de vin et de drap entre l'Angleterre et le Portugal. Avec un nombre d'heures de travail donné, le Portugal produit 20 mètres de drap et 300 litres de vin tandis que l'Angleterre produit 10 mètres de drap et 100 litres de vin. L'Angleterre est donc désavantagée dans les deux productions. Ricardo montre pourtant que l'Angleterre a intérêt à se spécialiser dans la production de drap, où elle possède un avantage relatif, car avec 10 mètres de drap, elle obtiendra 150 litres de vin portugais (contre 100 chez elle). À l'inverse, le Portugal devra se spécialiser dans la production vinicole puisque l'échange avec l'Angleterre de 300 litres de vin portugais lui permettra d'obtenir 30 mètres de drap anglais au lieu de 20 mètres de drap portugais. L'Angleterre a un avantage comparatif dans la production de drap alors que le Portugal possède un avantage absolu.

L'analyse de Ricardo montre ainsi que la spécialisation fondée sur les avantages comparatifs permet une augmentation simultanée de la production de vin et de drap. Dans son modèle, il existe toujours une combinaison de prix telle que le libre-échange soit profitable à chaque pays, y compris le moins productif ; il s'agit d'un jeu à somme positive.

Pour arriver à cette conclusion David Ricardo émet quatre hypothèses : la valeur du travail est égale au prix multiplié par la quantité de travail ; la concurrence doit être parfaite ; il doit y avoir immobilité des facteurs de production au niveau international (seules les marchandises circulent) et enfin la productivité doit être constante. Dans la réalité, ces conditions théoriques ne sont jamais remplies, et l'application pratique de la théorie de l'avantage comparatif pose un certain nombre de problèmes qu'il convient d'examiner.

En effet un pays qui se spécialise sur une production devient dépendant, pour les autres productions, du marché international. Cela implique qu'il peut subir des pressions politiques. La réciproque est cependant tout aussi vraie : il peut aussi, à son tour, faire subir aux autres pays qui dépendent de lui des pressions politiques. On peut ainsi dire que cela entraîne, dans l'ensemble, une dépendance accrue des pays engagés dans l'échange les uns par rapport aux autres, ce qui peut avoir comme conséquence un intérêt commun au maintien de la paix. En effet, la guerre venant interrompre les échanges, tous les participants y ont quelque chose à perdre. Nous ne manquerons pas de souligner que c'est l'idée même qui sous-tend la création de la CECA - CEE - Union Européenne.

Un exemple de conséquence : la spécialisation d'un pays pauvre dans une culture destinée à l'export peut momentanément entraîner la baisse de disponibilité sur place des denrées alimentaires de base dans ce pays. Il s'ensuit une hausse des prix locaux de ces denrées alimentaires de base, et des risques de famine. Sur le long terme cependant, si des conditions de gouvernance interne sont remplies (diminution de la corruption), la position du pays en question comme source d'exportation d'une denrée alimentaire donnée tend a créer des débouchés pour les producteurs et stimule en conséquence l'appareil productif le rendant ainsi plus robuste.

Il y a également des exemples qui montrent les avantages de la spécialisation : la spécialisation de la Chine dans la production de terres rares lui a conféré un pouvoir de pression sur tous les pays consommateurs de ces matériaux.

Une analyse équilibrée tend à montrer que, bien que la spécialisation comporte des risques, lorsqu'elle n'est pas poussée à outrance et que les risques sont pris en compte en amont de manière adéquate, le contexte réel des échanges entre pays peut s'approcher du contexte théorique idéal et ainsi créer les conditions d'un jeu à somme positive.

Le théoricien de l'étalon-or

Dans le Bullion Report remis à la Chambre des communes en 1810, Ricardo dénonce l'émission excessive des billets de banque, source selon lui de l'inflation.
Il préconise que l'émission de monnaie soit limitée par le stock d'or, afin d'en garantir la valeur.

La théorie de la rente de la terre

La richesse se répartit entre trois composantes que sont les salaires, les profits et la rente. Pour Ricardo, l'évolution de la population mène inévitablement à la hausse du prix des subsistances (du fait des rendements décroissants de la terre) et à celle de la rente foncière (suite au besoin accru de terres cultivables). Le résultat de cette inflation, que subissent des travailleurs déjà dans la misère, est de rendre nécessaire une hausse des salaires afin d'assurer la survie de ces derniers. Ainsi la croissance démographique provoquera nécessairement un écrasement des profits par la rente, et par conséquent la fin de l'investissement productif, ce que Ricardo appelle « l'état stationnaire » de l'économie, état qui peut être freiné par le progrès technique. Ricardo rejoint donc le point de vue de Thomas Malthus et critique les aides sociales accordées aux indigents qui créent la pauvreté sur le long terme en favorisant des naissances non souhaitables.

Représentation graphique de la distribution des revenus

La répartition des revenus entre les propriétaires fonciers, les capitalistes et les travailleurs dépend de la fertilité des terres agricoles, des capitaux disponibles (fonds de salaire) et du nombre de travailleurs[4]. Les premiers reçoivent la rente, les deuxièmes le profit et les travailleurs le salaire.

On peut représenter graphiquement la répartition des revenus en utilisant les courbes de rendement moyen et de rendement marginal des terres agricoles[5]. Le fonds de salaire sert à payer les travailleurs. Le taux de salaire dépend du nombre de travailleurs. La rente est donnée par la différence entre le rendement moyen et le rendement marginal. Le profit est ce qui reste après avoir rémunéré les propriétaires fonciers et les travailleurs. A court terme on aura alors le nombre de travailleurs   et le salaire .

Le profit augmente le fonds de salaire pour l'année suivante. D'autre part, si les travailleurs reçoivent un salaire supérieur au salaire de subsistance, la population augmente (loi de Malthus). À long terme, on aura un état stationnaire avec un salaire égal au salaire de subsistance () et un profit nul.

L'équivalence ricardienne

L’« équivalence ricardienne » ou la « neutralité ricardienne » est une théorie économique également appelée « effet Ricardo-Barro » ou « théorème d'équivalence de Ricardo-Barro », énoncé en premier lieu par David Ricardo, économiste classique du XIXe siècle, puis repris par Robert Barro en 1974.
Selon ce théorème, il y aurait, sous certaines conditions, équivalence entre l'augmentation de la dette publique aujourd'hui et l'augmentation des impôts requise demain par le remboursement de cette dette et le paiement des intérêts. Si les agents économiques se comportent de manière rationnelle, une politique de relance (distributions de revenus financée par la dette publique) ne les poussera pas à consommer, mais plutôt à économiser (augmentation des taux d'épargne), en prévision de hausse d’impôts futures. La validité de l'« équivalence ricardienne » a longtemps été – et est encore – discutée. Le théorème n'a été énoncé que dans des situations très précises, limitées par des hypothèses nombreuses. Une étude de la DGTPE suggère que les ménages, de la zone euro et en France, pouvaient suivre un comportement ricardien : « une hausse de 1 point de PIB du déficit public structurel serait compensée par une augmentation de 3/4 de point de PIB de l'épargne privée, ce qui serait cohérent avec un comportement largement ricardien des ménages de la zone euro. » (les auteurs de cette étude notent qu’il convient de ne pas « interpréter trop hâtivement comme une causalité ce type de corrélation »). Christian Bialès, dans son blog, parle de contestation des hypothèses de l'équivalence ricardienne alors que ses développements devraient aussi conduire à la contestation du principe lui-même : en effet, une augmentation de la dette publique n'induit en rien une augmentation future des impôts. Les pouvoirs publics peuvent choisir de réduire les dépenses, d'emprunter ou d'augmenter les impôts voire une combinaison des trois.

Œuvres

  • Le cours élevé du lingot, preuve de la dépréciation des billets de la banque (1810)
  • Réponse aux observations pratiques de M. Bosanquet sur le « Rapport du Bullion Comittee » (1811)
  • Essai sur le haut prix des lingots (The High Price of Bullion, A Proof of the Depreciation of Bank Notes, 1811)
  • Essai sur l'influence des bas prix du blé sur les profits du capital (An Essay on the Influence of a Low Price of Corn on the Profits of Stock, 1815)[6]
  • Des principes de l'économie politique et de l'impôt (On the Principles of Political Economy and Taxation, 1817)[7]
  • Le système de consolidation, Encyclopaedia Britannica (1820)
  • De la protection de l'Agriculture (On Protection in Agriculture, 1822)
  • Plan pour l'établissement d'une Banque Nationale (1824)

Bibliographie

  • (de) Alfred Amonn, Ricardo als Begründer der theoretischen Nationalökonomie, 1924

Autres livres

  • (fr) Éric Pichet, David Ricardo, le premier théoricien de l'économie, Les éditions du siècle, 2004[8]

Notes et références

  1. Lettre à Malthus du 9 octobre 1920, citée par A. Piettre, Fondements, moyens et Organes de la répartition du revenu national, in Annales des 35e Semaines sociales, Dijon, 1932, Éditions de la Chronique sociale (1952)
  2. (en) E. Ray Canterbery, A Brief History of Economics, World Scientific Publishing, , 481 p. (ISBN 981-02-3848-7), « The Distribution of Income : Ricardo vs Malthus », p. 80
  3. voir l'article Théorie de la valeur (marxisme)
  4. David Ricardo, On the Principles of Political Economy and Taxation, London, 1817, Préface
  5. Nicholas Kaldor, « Alternative Theories of Distribution », Review of Economic Studies, 1955-1956, p. 83-100
  6. Fac-simile en ligne, Gallica
  7. Lire le texte transcrit sur wikisource
  8. David Ricardo, le premier théoricien de l'économie

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes