Couronne boréale

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Couronne boréale
Image illustrative de l'article Couronne boréale
Vue de la constellation.
Désignation
Nom latin Corona Borealis
Génitif Coronae Borealis
Abréviation CrB
Observation
(Époque J2000.0)
Ascension droite Entre 227,75° et 245,00°
Déclinaison Entre 26° et 40°
Taille observable 179 deg2 (73e)
Visibilité Entre 90° N et 50° S
Méridien 30 juin, 21h00
Étoiles
Brillantes (m≤3,0) 1 (α)
À l’œil nu 38
Bayer / Flamsteed 22
Proches (d≤16 al) 0
La plus brillante α CrB (2,22)
La plus proche ? (? al)
Objets
Objets de Messier 0
Essaims météoritiques Aucun
Constellations limitrophes Bouvier
Hercule
Serpent

La Couronne boréale est une petite constellation de l'hémisphère nord. Elle est effectivement formée d'étoiles disposées en un arc-de-cercle, l'étoile centrale, α Coronae Borealis (Alphecca), étant la plus brillante et formant le diadème. Elle est le pendant septentrional de la Couronne australe.

Nomenclature, mythologie et histoire[modifier | modifier le code]

En Mésopotamie, la désignation la plus ancienne que nous ayons est mul.BAL.TEŠ.A SUKAL d.MÚŠ, comme le rappelle la Série MUL.APIN[1] : ainsi l’étoile Alpha Coronae Borealis, « l’étoile de Balteša, déesse de la « Dignité » – qualité qui se dit bāštu en akkadien –, est la Messagère de Tišpak, « le Seigneur des armées »[2]. Mais cette étoile est aussi attribuée, dans un document contemporain du précédent à NANNA, nom de la Lune[3], aussi appelée « Notre Maîtresse ».

Pourtant, à cette époque déjà, soit au début du 1er millénaire av. è. c., le ciel est contexturé en constellations et α CBr fait partie d’une figure analogique, et non plus mythologique, appelée GAM = kippatu[4], soit « le Cercle, l’Anneau ».

En Grèce, cette figure est nommée ὁ Στέφανος, comme cela est attesté chez Épiménide, actif au milieu du VIe siècle, puis chez Euctémon, Démocrite et naturellement Eudoxe et Aratos, puis Hipparque (IIe siècle av. J.-C.): en effet, des études d'un palimpseste du Codex Climaci Rescriptus (VIe siècle) ont permis de retrouver un fragment du catalogue d'étoiles d'Hipparque, où cette constellation est décrite[5],[6]. Il faudra attendre Ptolémée pour qu’elle soit qualifiée de βόρειος, ceci pour la distinguer de celle qu’il créée symétriquement dans le ciel austral[7]. Même si l’on peut imaginer que cette figure soit née de façon indépendante chez les Grecs, il est peu douteux qu’il ne s’agisse pas d’une acclimatation de la constellation mésopotamienne, dont maintes reprises – à peu près la moitié de leurs figures célestes – prouvent que ceux-ci connaissaient le ciel de Babylone[8].

Les Romains n’ont fait que reprendre à leur compte la figure grecque, l’appelant tout simplement Corona, ainsi que cela est attesté chez Cicéron. Mais on trouve aussi chez eux exceptionnellement le nom Ariadna, c’est-à-dire « d’Ariane », notamment chez Hyginus, et Serta, « la Guirlande » chez parfois même Serta Coronae, chez Germanicus et Avienus[9].

Chez les Arabes, nous avons, de façon habituelle, deux représentations du ciel parallèles et non exclusives, le ciel arabe traditionnel formaté à partir des manāzil al-qamar ou « stations lunaires », et le ciel formaté par les Grecs et adopté par les astronomes arabes au IXe siècle, ou ciel gréco-arabe.

Dans le ciel des astronomes classiques, cette constellation est اكليل الشمالي al-Iklīl al-Šamālī, « la Couronne Boréale », soit la traduction du grec ὁ Στέφανος βόρειος.

En revanche, existe, dans le ciel arabe traditionnel, une autre figure analogique, الفكّة al-Fakka, « le Bris ». Mais du fait que la configuration des étoiles suggère un cercle brisé, la constellation porte aussi, selon ᶜAbd al-Raḥmān al-Sūfī al-Ṣūfī (964), le nom pittoresque de قصعة المساكين Qaṣᶜat al-masākin, « l’Écuelle des Pauvres »[10], et bien d’autres appellations expressives encore[11].

En Europe, les clercs latins connaissaient le nom Corona Borealis par les encyclopédies et les quelques manuscrits des Aratea, c’est-à-dire les versions latines des Φαινόμενα d’Aratos, à leur disposition, mais ils connurent dès l’an mil le nom arabe de cette figure. Nous lisons ainsi, chez Gérard de Crémone (ca. 1175) : Stellatio Corone septentrionalis : & est Alfeta[12], qui reprend al-Ḥağğāğ b. Maṭar et Isḥāq b. Ḥunayn, lequels écrivent : كوكب الإكليل الشمالي وهو الفكّة kawkab Ikīl al-šamālī wa huwwa al-Fakka[13]. À son époque, on ne lit pas encore le nom grec dans le texte, ce qui n’adviendra qu’à la Renaissance. Et l’on trouve par exemple, dans l’Uranometria de Johann Bayer (1603), une liste de noms connus dans les différentes langues, selon l’usage de l’époque, et pour une fois sans le nom grec, en particulier In Arabica mappa, Acliluschemali, qui est l’arabe الإكليل الشمالي al-Ikīl al-šamālī, qui est le nom de la constellation dans le ciel gréco-arabe, et Chaldeis Malphacarre, une curiosité venant de الفكّة al-Fakka, soit le nom de la constellation dans le ciel arabe traditionnel[14]. Ces noms figurent encore dans plusieurs catalogues jusqu’à ce que la nomenclature approuvée en 1930 par l’Union astronomique internationale (UAI) ne chasse définitivement les appellations autres que Libra, à l’exception du grec Στέφανος βόρειος.

Le nom Maphelcarre, que l’on trouve chez Johann Bayer (1603)[15], suiv par bien d’autres, notamment Giovanni Battista Riccioli (1665) [16], et noté par Richard Allen (1899) pour le nom de la constellation[17], vient d’un nom relevé dans une des éditions des Tables alphonines par Joseph Juste Scaliger (1579). Il l’interprète audacieusement comme l’ar. mālaf al-qurra, « sertum pupillae »[18], mais il ne s’agit de rien d’autres qui n’est que déformation Munir Elfeca, introduit au XIe par les disciples de Gerbert d’Aurillac à partir de l’arabe منير الفكّة Munīr al-Fakka[19],[20].

Chez les Chinois , le nom traditionnel de cet astérisme est 貫索 (pinyin : Guàn suǒ), « le Cordon »[21].

Bibliographie /Nomenclature[modifier | modifier le code]

  • Hermann Hunger & David Pingree, Astral science in Mesopotamia, Leiden / Boston (Mass.) / Köln : Brill, 1999, , 303 p. (ISBN 90-04-10127-6).
  • Paul Kunitzsch, Untersuchungen zur Sternnomenklatur der Araber, Wiesbaden : O. Harrassowitz, 1961.
  • Roland Laffitte, Le ciel des Arabes. Apport de l’uranographie arabe, Geuthner, , 296 p. (ISBN 978-2-7053-3865-7).
  • André Le Bœuffle, Les Noms latins d'astres et de constellations, Paris: Les Belles lettres, , 292+cartes (ISBN 978-2-251-32882-9, ISSN 1151-826X).
  • Otto Neugebauer & Richard A. Parker, Egyptian astronomical texts... 3. Decans, planets, constellations and zodiacs, 2 vol., Providence, R. I. : Brown university press / London : L. Humphries, 1969.
  • Sun Xiachun Sun & Jacob Kistemarker =, The Chinese Sky During the Han, Leiden Köln : Brill, , 240 p..

Observation des étoiles[modifier | modifier le code]

Constellation de la Couronne boréale.
Visibilité nocturne de la constellation.

La constellation est faible, mais ramassée, et donne un spectacle plaisant quand les conditions d'observation sont bonnes.

La couronne boréale se repère assez facilement (quand elle est visible) entre α Lyrae (Véga) et α Bootis (Arcturus), et dans le prolongement du « manche de la casserole » que forme la partie gauche de la Grande Ourse.

Sa forme en couronne est assez nette, contrairement à celle de son homologue austral.

Étoiles principales[modifier | modifier le code]

α Coronae Borealis (Alphecca)[modifier | modifier le code]

L'étoile la plus brillante de la Couronne boréale est α Coronae Borealis (Alphecca) dont le nom dérive de l'arabe cassé et qui est également connue par son nom latin Gemma, la gemme. Alphecca est une étoile blanche de la séquence principale et en réalité une étoile binaire ; son compagnon est une étoile similaire au Soleil et l'éclipse légèrement tous les 17,4 jours. Elle est aussi appelée Margarita ou la perle.

Autres étoiles[modifier | modifier le code]

β Coronae Borealis (Nusakan) est la deuxième plus brillante étoile, de magnitude 3,68. Il s'agit d'une étoile binaire et la principale est une étoile naine étrangement riche en terres rares et dépourvue d'oxygène.

θ CrB, au bout d'une des pointes de la couronne, est une étoile environ trois fois plus grande que le Soleil, dont la rotation à l'équateur est égale à 393 km/s, soit 200 fois celle de ce dernier. Cette vitesse est encore inexpliquée.

T CrB est une nova récurrente. D'ordinaire, elle a une magnitude d'environ 10, mais par deux fois elle est devenue suffisamment brillante pour être visible à l'œil nu : en 1866, elle atteignit la deuxième magnitude et en 1946, la troisième.

Anatole France, dans Le Jardin d'Épicure (1894) — texte Sur le miracle — parle de cette observation, mais sans en connaître la cause : « (nous) avons vu, en 1866, une étoile s'allumer tout à coup dans la couronne boréale, briller pendant un mois, puis s'éteindre. »

R CrB est une étoile de sixième magnitude dont la luminosité peut descendre jusqu'à la 14e magnitude en l'espace de quelques semaines, de façon aléatoire, avant de remonter à la normale en quelques mois. On pense que des particules de carbone s'accumulent dans les couches externes de l'étoile avant d'être éjectées de façon chaotique par ses radiations.

γ CrB et η CrB sont deux étoiles doubles. Le premier couple effectue une révolution en 101 ans, le deuxième en 42 ans.

Objets célestes[modifier | modifier le code]

La constellation de la Couronne boréale est très petite et ne contient pas d'objet particulier.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Roland Laffitte, « Série MUL.APIN (BM 86378) », Tab. I, i, 14, sur URANOS, le site astronomique de la Selefa. »
  2. Jeremy Black & Anthony Green, Gods, Demons and Symbols of Ancient Mesopotamia, an Illustrated Dictionary, London: British Museum Press, 1992, p. 178.
  3. Roland Laffitte, « La Liste VR 46, sur URANOS, le site astronomique de la Selefa. »
  4. Roland Laffitte, « Le cercle des culminantes ‘(kippat ziqpi)’, sur URANOS, le site astronomique de la Selefa. »
  5. Vahé Ter Minassian, « Le catalogue d’étoiles de l’astronome grec Hipparque révélé dans un palimpseste », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  6. Victor Gysembergh, Peter J. Williams et Emanuel Zingg, « New evidence for Hipparchus’ Star Catalogue revealed by multispectral imaging », Journal for the History of Astronomy, vol. 53, no 4,‎ (lire en ligne).
  7. André Le Bœuffle, Les Noms latins d’astres et de constellations, éd. Paris : Les Belles Lettres, 1977, pp. 99-100.
  8. Roland Laffitte,, « L’héritage mésopotamien des Grecs en matière de noms astraux (planètes, étoiles et constellations, signes du zodiaque), in Lettre SELEFA n° 10 (décembre 2021), pp. 27-28. »
  9. Idem.
  10. Voir (ar/fr) Hans Karl Frederik Christian Schjellerup, Description des étoiles fixes composée au milieu du Xe siècle de notre ère par l'astronome persan Abd-al-Rahman Al-Sûfi. Traduction littérale de deux manuscrits arabes de la Bibliothèque royale de Copenhague et de la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg…, Saint-Pétersbourg : Eggers et Cie, 1874, repr. Fuat Sezgin, Islamic mathematics and Astronomy, vol. XXVI, Frankfurt am Main : Institut für Geschichte der arabisch-islamischen Wissenschaft an der Johann Wolfgang Goethe-Universität, 1997, p. 77.
  11. Voir Roland Laffitte, Le ciel des Arabes. Apport de l’uranographie arabe, Paris : Geuthner, 2012, p. 98.
  12. Gérard de Crémone, Almagestum Cl. Ptolemei Pheludiensis Alexandrini astronomorum principis…, Venise : ex. Officina Petri Liechtenstein, 1515, fol. 84v.
  13. Claudius Ptolemäus, Der Sternkatalog des Almagest. I. Die arabischen Übersetzungen, éd. par Paul Kunitzsch, Wiesbaden : Otto Harrassowitz, 1986, p. 235.
  14. (la)Johann Bayer, Uranometria, omnium asterismorum continens schemata, nova methodo delineata…, Augusta Vindelicorum : C. Mangus, 1603, fol. 73r.
  15. (la)Johann Bayer, Uranometria, omnium asterismorum continens schemata, nova methodo delineata…, Augusta Vindelicorum : C. Mangus, 1603, fol. 4r.
  16. (la) Giovanni Battista Riccioli, « Astronomia reformata, Bononiae : ex typ. Haeredis Victorii Benatii, 1665, p. 127. »
  17. (en) Richard Hinckley Allen, « ''Star-names and their meaning, New York & al., G. E. Stechert, 1899, p. 176. »
  18. Joseph-Juste Scaliger, Marci Minilii Astronomicon libri quinque, Lugduni Batavorum : s.Éd, Scaliger1600 (2nd éd.), p. 475.
  19. Paul Kunitzsch, Arabische Sternnamen in Europa, Wiesbaden : Otto Harrassowitz, 1959, pp. 131-132.
  20. Roland Laffitte, Héritages arabes. Des noms arabes pour les étoiles, Paris : Geuthner, 2005, p. 164.
  21. Sun Xiachun Sun & Jacob Kistemarker, The Chinese Sky During the Han, Leiden / Köln : Brill, 1997, p. 131