Couvent des Mathurins de Paris

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 26 octobre 2014 à 11:04 et modifiée en dernier par 83.192.211.141 (discuter). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

Le couvent des Mathurins fut la maison parisienne de l'ordre des Trinitaires du début du XIIIe siècle jusqu'à la dissolution de l'ordre en 1790. Il occupait le terrain délimité actuellement par la rue Saint-Jacques, le boulevard Saint-Germain, l'Hôtel de Cluny et la rue Du Sommerard (anciennement appelée rue des Mathurins-Saint-Jacques)[1].

Histoire

Il y avait en cet endroit, au début du XIIIe siècle, un hôpital Saint-Benoît (connu depuis au moins 1138) avec une chapelle Saint-Mathurin contenant la majeure partie des reliques de Mathurin de Larchant. Un document atteste que l'ordre des Trinitaires (approuvé officiellement en 1198) disposait d'une maison à Paris dès 1209. Ce n'est qu'au chapitre général célébré à Cerfroid en 1230, que les Trinitaires acceptèrent le don fait par le chapitre de Paris et l'évêque Guillaume d'Auvergne de prendre l'hôpital et la chapelle[2]. Le cloître du couvent fut construit à partir de 1219. Il y eut plusieurs reconstructions et aménagements au cours des siècles, notamment à la fin du XVe siècle sous le généralat de Robert Gaguin, qui fit réaliser d'importants travaux sur l'église et le cloître ; au cours du XVIIe siècle sous les généralats de Louis Petit et de Pierre Mercier (reconstruction partielle et surtout décoration de l'église, extension des corps de logis) ; et au cours du XVIIIe siècle (portail classique sur la façade de l'église en 1729, reconstruction du cloître, avec deux étages, et aménagement d'une nouvelle bibliothèque en 1761).

Le couvent des Mathurins, situé au cœur du Quartier latin, jouait un rôle important dans l'ancienne Université de Paris. Depuis le XIIIe siècle, il accueillait dans son cloître les assemblées de l'Université (jusqu'en 1764, date à laquelle, après l'expulsion des Jésuites, elles furent transférées dans le collège Louis-le-Grand). Il abritait aussi au Moyen Âge la halle aux parchemins, où ceux-ci étaient entreposés avant d'être vendus. C'est là que se faisait, tous les trois mois, l'élection du recteur de l'Université, et de l'église du couvent partait la procession qui suivait. Les religieux de l'ordre, qui venaient de toutes ses maisons pour prendre leurs grades universitaires à Paris, pouvaient soutenir leur thèse dans les locaux du couvent. La bibliothèque des Mathurins était composée au XVIIIe siècle de cinq à six mille volumes, parmi lesquels quelques manuscrits précieux[3].

Cinq confréries du quartier Saint-Jacques étaient hébergées dans le couvent : celle de saint Jean l'Évangéliste pour les libraires, imprimeurs et papetiers (dits « suppôts de l'Université ») ; celle de saint Charlemagne pour les messagers-jurés de l'Université ; celle de sainte Barbe pour les paumiers et tripotiers[4] ; celle de saint Nicolas pour les huiliers et chandeliers ; celle de la sainte Trinité pour le rachat des captifs[5].

Les derniers religieux de l'ordre (en février 1790, on comptait dix-huit chanoines réguliers plus deux frères convers) quittèrent les lieux en août 1792. En mars et avril 1793, les tableaux furent enlevés de l'église, et un entrepreneur disposa des marbres. Les bâtiments conventuels furent vendus à des particuliers en 1799. Quant à l'église elle-même, elle fut démolie en 1863 en même temps que les bâtiments claustraux situés contre l'Hôtel de Cluny au moment de l'aménagement de la rue de Cluny[6].

Avaient été inhumés dans l'église : Robert Gaguin, vingt-troisième général des Trinitaires († 1501) ; Joannes de Sacrobosco, célèbre mathématicien du XIIIe siècle ; Jeanne de Vendôme, fille du comte Bouchard VI, bienfaitrice de l'ordre († 1395) ; Jacques de Rully, conseiller de Charles VI, président au Parlement de Paris († 1409) ; Pierre des Essarts, gendre du précédent († 1413), avec sa femme Marie de Rully ; François Baudouin, savant jurisconsulte († 1573).

Œuvres d'art

L'église était décorée de dix-neuf scènes de la vie de Jean de Matha et de Félix de Valois, fondateurs de l'ordre des Trinitaires, dues à Theodoor van Thulden (peintes sur des panneaux de bois placés au-dessus des stalles du chœur)[7]. Le maître-autel, réalisé en 1647, comprenait un grand retable central pour lequel le même artiste avait peint trois toiles qu'on changeait selon le temps liturgique. Le jubé (avec deux figures d'anges) avait été commandé au sculpteur Simon Guillain par un marché passé devant notaire le 17 août 1629. Il y avait aussi un tabernacle richement décoré de pilastres et de ciselures de bronze doré, avec sur le couronnement la statue d'un ange tenant les chaînes de deux captifs agenouillés sur les angles de l'entablement.

Dépendances

Depuis 1239, l'ordre possédait au nord-ouest de Paris une ferme de soixante arpents (environ trente hectares), arrosée par la rivière appelée la Grange-Batelière (aujourd'hui souterraine). Au XVIIIe siècle, ces terrains avaient acquis une énorme valeur. En 1790, les Mathurins étaient propriétaires au même endroit de soixante-treize arpents, entièrement loués en baux emphytéotiques[8]. L'ordre possédait plusieurs autres propriétés autour de Paris (dont une maison de campagne à Bièvres, au « Fief des Damoiseaux »).

Les Mathurins possédaient d'autre part plusieurs maisons tout autour de leur couvent et dans le quartier environnant : en 1634, ils avaient seize maisons dans leur censive, et possédaient vingt-deux autres maisons et boutiques qu'ils louaient à des particuliers, notamment des artisans.

Bibliographie

  • Paul et Marie-Louise Biver, Abbayes, monastères et couvents de Paris des origines à la fin du XVIIIe siècle, Paris, Éditions d'histoire et d'art, 1970, p. 231-240.
  • Emmanuelle Bermès, Le couvent des Mathurins de Paris et l'estampe au XVIIe siècle, thèse à l'École des chartes, 2001.

Notes et références

  1. Paul et Marie-Louise Biver, op. cit., p. 231.
  2. C'est à cause de cette église que les Trinitaires reçurent en France le nom de « Mathurins ».
  3. Dans ses lettres, Érasme parle à plusieurs reprises de la belle bibliothèque constituée par Robert Gaguin à la fin du XVe siècle, mais elle fut pillée dans le courant du siècle suivant.
  4. Les paumiers fabriquaient les balles du jeu de paume, appelées « éteufs » ; les tripotiers tenaient les « tripots », qui étaient à l'origine les salles de jeu de paume.
  5. Cette dernière confrérie, non liée à une profession, constituait le « tiers ordre » des Trinitaires.
  6. Une arcade de cette église est encore visible au 7, rue de Cluny.
  7. Il ne subsiste du cycle que L'Arrivée de saint Jean de Matha et de saint Félix de Valois à Paris (coll. A. Roy), mais l'artiste a réalisé en 1633 un recueil de vingt-quatre gravures à l'eau-forte de ses propres compositions, intitulé Revelatio Ordinis Sanctæ Trinitatis Redemptionis Captivorum..., édité alors à Paris avec un frontispice aux armes du ministre général Louis Petit. Sur la décoration de l'église des Mathurins sous le généralat de Louis Petit, voir Frédéric Cousinié, Maîtres-autels et retables parisiens (1610-1660) : pratiques religieuses et expériences artistiques dans le Paris du XVIIe siècle, Paris et Lille, 1997 (thèse), t. II, p. 298 sqq.
  8. L'actuelle rue des Mathurins est une ancienne voie desservant les bâtiments agricoles de la ferme.