Coup de Prague

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Le Coup de Prague est le nom donné à la prise de contrôle de la Tchécoslovaquie en février 1948 par le Parti communiste tchécoslovaque, avec le soutien de l'Union soviétique, aboutissant au remplacement de la « troisième République tchécoslovaque » par le régime communiste tchécoslovaque. Les historiens tchèques parlent en tchèque de « Février 1948 ».

Pendant la période communiste, le terme Vítězný únor (« Février victorieux ») était le terme officiellement employé pour décrire les événements qui, du 17 au , conduisent le président de la République tchécoslovaque, Edvard Beneš, à céder le pouvoir aux staliniens et à leurs chefs, Klement Gottwald et Rudolf Slánský, après deux semaines de pressions intenses des Soviétiques.

Genèse

De tous les pays d'Europe centrale qui ont été libérés de l'Allemagne nazie et occupés par les Soviétiques, la Tchécoslovaquie est le seul à avoir une longue tradition démocratique et un parti communiste puissant. Celui-ci obtient 38 % des suffrages aux élections de 1947 et tient trois postes-clés au gouvernement : Klement Gottwald est un Premier ministre aux pouvoirs étendus, le ministère de l'Intérieur (et donc la police) est aux mains de Václav Nosek et celui de la Défense aux mains du général Ludvík Svoboda. Au total, sur les vingt-six portefeuilles ministériels, neuf sont détenus par les communistes. Toutefois, les élections demeurent libres et démocratiques, et le pouvoir politique est partagé entre le Parti communiste et quatre autres partis démocrates.

Alors que le gouvernement tente de se positionner en tant que pays charnière entre les deux blocs émergents, l'annonce du Plan Marshall en vient mettre un terme à toute ouverture possible vers l'Ouest. Dans un premier temps approuvé à l'unanimité par le gouvernement, le plan est rejeté à l'unanimité quelques jours plus tard sur l'injonction de Staline. La Tchécoslovaquie est désormais clairement associée à l'Union soviétique, qui affirme son emprise idéologique et politique sur le pays.

À cette occasion, en 1947, au cours de son congrès tenu à Brno, le Parti social-démocrate tchèque avait pris conscience du danger grave que représente la toute-puissance du Parti communiste tchécoslovaque ; aussi, entreprend-il un virage à droite et Zdenek Fierlinger, le représentant de la collaboration étroite avec les communistes est éliminé de la direction du parti.

La crise

La crise éclate le quand le ministre de l'Intérieur promeut huit nouveaux commissaires de police à Prague, tous communistes, montrant la mainmise totale du Parti communiste sur les forces de sécurité. Cela provoque la protestation, suivi de la démission des ministres libéraux (agrariens, démocrates slovaques et socialistes-nationaux, le parti de Beneš). Ceux-ci pensent bénéficier du soutien du président Beneš, qui les avait d'abord encouragés. Les démissionnaires pensent provoquer une crise politique suivie d'élections générales qui aboutiraient à la défaite du Parti communiste en raison de son refus du Plan Marshall.

Chronologie du coup d'État

Le , le gouvernement doit débattre du rapport du ministre de la Justice sur le contrôle de la Sécurité d'État par les communistes, ce que Gottwald, chef du gouvernement, refuse de mettre à l'ordre du jour. Les ministres non-communistes préparent un plan ; si leurs exigences ne sont pas acceptées, ils démissionnent en bloc et le président Beneš peut nommer un gouvernement « bureaucratique » intérimaire (úřednická vláda).

Beneš est informé par Gottwald des intentions des ministres non-communistes et annonce que seul un gouvernement réunissant à nouveau toutes les forces politiques du pays serait nommé. Le plan des non-communistes de se débarrasser des communistes échoue.

Gottwald fait une déclaration publique appelant « le peuple des travailleurs à se tenir prêt dans l'éventualité d'une réaction ». Les milices pragoises (communistes) sont mises en état d'alerte.

Le , la réunion du gouvernement d'union nationale (le « Front national ») se déroule sans que la question du contrôle de la Sécurité d'État par les communistes ne soit à l'ordre du jour et sans les ministres non-communistes qui la boycottent. Le Parti social-démocrate veut apaiser la situation et conserver le Front national. Le président Beneš négocie avec les nationaux-socialistes[Qui ?] et il aurait à ce moment été informé du plan de démission collective des ministres non-communistes, ce qu'il démentira par la suite.

Le , les événements des deux jours précédents se répètent peu ou prou à ceci près que la menace de démission collective des ministres non-communistes est officielle et transmise au président. Le vice-ministre soviétique des Affaires étrangères, Valerian Zorine, arrive à Prague. L'ambassadeur américain, Laurence Steinhardt, interrompt une cure de santé pour reprendre ses fonctions.

Le , seuls les communistes et les sociaux-démocrates assistent au conseil des ministres. Une requête formelle est adressée par les partis non-communistes au gouvernement afin de compléter l'agenda du jour. À la suite de leur rejet, les douze ministres « bourgeois » démissionnent et en informent Jan Masaryk. Celui-ci refuse leur démission. Les sociaux-démocrates ne démissionnent pas plus qu'ils ne soutiennent les communistes. Gottwald rencontre Edvard Beneš et lui propose de pourvoir aux postes vacants avec des communistes et des sociaux-démocrates. Les communistes préparent une manifestation de masse, place de la Vieille-Ville, en soutien de leur projet.

Dénouement

Klement Gottwald et Rudolf Slánský agissent rapidement et subornent complètement Edvard Beneš, affaibli par une attaque cérébrale. Les démissionnaires sont remplacés par des personnalités favorables au Parti communiste, issues de l'aile gauche du Parti social-démocrate, puis Gottwald et Slánský mobilisent leurs milices ouvrières. Des centaines d'opposants au sein de la classe politique, de la presse ou d'officiers jugés suspects dans l'armée sont immédiatement arrêtés, grâce à la complicité du ministre de la Défense, le général Svoboda, membre clandestin du Parti communiste. Jan Masaryk, qui avait accepté dans un premier temps de faire partie du nouveau gouvernement, est retrouvé mort le , officiellement « suicidé » en sautant d'un immeuble, en fait assassiné par défenestration comme le démontrera l'enquête judiciaire diligentée en 2004.

Après l'épuration, le parlement approuve à l'unanimité le nouveau gouvernement, issu du coup d'État, mais le président Beneš refuse son aval, avant de démissionner lui-même, le . Il meurt au mois de septembre suivant.

Le Parti communiste et le Parti social-démocrate fusionnent, et les partis de droite sont réunis de force au sein d'un Front national contrôlé par les communistes. Les élections de ont lieu sous le régime de listes uniques sans opposition légale, et donnent officiellement 90 % des voix au gouvernement.

La responsabilité du Président Beneš est très importante : fort de l'illusion de l'amitié personnelle de Staline, il pensait que les élections anticipées, qui auraient dû se tenir après la démission des ministres libéraux, auraient marqué un recul des communistes : « Pas trop ! Sinon Staline se fâcherait ! » croyait-il naïvement. Ce recul aurait permis un recentrage de la politique vers l'Ouest. Or, ni Gottwald ni Staline n'avaient l'intention de lâcher quoi que ce soit. Sa seconde erreur fut d'encourager les libéraux dans leur projet de démission avant de les abandonner devant les menaces proférées par Gottwald et l'ambassadeur soviétique Zorine.

Conséquences

Par le Coup de Prague, Klement Gottwald et Rudolf Slánský mettent la main sur tous les rouages du pays. Celui-ci passe sous la coupe d'un régime totalitaire pour quarante ans : le 9 mai 1948, une nouvelle constitution entre en vigueur, dans laquelle la République tchécoslovaque est proclamée « République populaire ». La répression s'abat sur les opposants et les membres de l'élite démocratique du pays, comme Milada Horáková, condamnée à la pendaison en 1950.

À l'Ouest, le coup de Prague provoqua une émotion considérable parce que la Tchécoslovaquie était le plus occidental des pays d'Europe centrale et orientale, à la fois sur le plan géographique, historique et politique.

Cet événement favorise l'acceptation par l'aile républicaine du Congrès américain du Plan Marshall.

Article connexe

Notes et références

  • François Fejtö, Le coup de Prague 1948, Paris, Seuil 1976.
  • Henry Bogdan, Histoire des Pays de l'Est, Paris, Perrin 1990.
  • Torsten Hartleb, La France antimunichoise. Genèse, phénoménologie et fonction décisionnelle d’un complexe historique en 1947/48, Fribourg (Allemagne), Carsten Drecoll 2007.

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