Coup d'État de Skhirat

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L’ancien roi du Maroc Hassan II.

Le « coup d'État de Skhirat » est la première tentative de coup d'État militaire contre le régime de Hassan II[1],[2], alors roi du Maroc, la seconde étant le « coup d'État des aviateurs »[2]. Ce putsch avorté a lieu le dans le palais royal situé dans la petite localité de Skhirat, Hassan II fêtant son 42e anniversaire dans cette résidence d'été qui accueille pour l'occasion un millier d'hôtes venus du monde entier, répartis entre les différents pavillons et les tentes caïdales[3].

Cette tentative de coup d'État est menée par le général Mohamed Medbouh (fils du caïd Mebouh), instigateur devant dégarnir la garde du palais, les lieutenant-colonels Mohamed et M'hamed, Ababou (fils de Cheikh Mohand ben Messaoud Ababou), chargés d'investir avec leurs troupes le palais et de s’emparer des points stratégiques de Rabat, ainsi que le colonel Chelouati (intime du général Oufkir, au rôle trouble), auquel revient, avec ses compagnons de l’état-major, de rallier l’ensemble de l’armée, de contrôler le pays et de coordonner l'intervention tout comme les communiqués à la radio. L'opération mobilise 1 400 cadets de l'École militaire des sous-officiers d'Ahermoumou[4].

De nombreuses zones d'ombres[5] demeurent à ce jour concernant cet épisode majeur de l'histoire du Maroc post indépendance. L'implication de Dlimi et Oufkir demeurant sujette à de multiples spéculations, tout comme les motivations réelles des leaders, le déroulement même du putsch demeure obscur voire contradictoire (degré d'implication de l'armée, chronologie des évènements, circonstances de la mort de Medbouh ou de Ababou, configuration du palais...) plus d'un demi siècle après cet évènement[6].

Déroulement[modifier | modifier le code]

Deux colonnes de cadets commandées par quelques dizaines d'officiers et sous-officiers firent irruption à 14 h 08 en plein déjeuner et tirèrent sur la foule des invités. Cette véritable tuerie fit une centaine de morts et environ 200 blessés parmi les invités du roi[7]. Hassan II sauva sa vie en se cachant plusieurs heures dans un « dressing-room » jouxtant la salle du trône et protégé par sa garde personnelle. Medbouh voulut négocier, en vain, et le coup d'État avorta quand des unités fidèles furent alertées[4].

Victimes décédées[modifier | modifier le code]

Une centaine de victimes ont trouvé la mort lors de cette tentative de coup d'État, dont huit Français, un Belge et un Espagnol[8]. Parmi elles :

Procès[modifier | modifier le code]

Parmi les cadets, près de 200 furent pris dans les tirs croisés de leurs camarades et une centaine furent abattus lors de la tentative de putsch ; 74 officiers et sous-officiers furent condamnés à des peines allant de un an de prison à la perpétuité en 29 février 1972 ; 10 officiers supérieurs (dont quatre généraux) furent exécutés[17] trois jours après l'attentat (13 juillet 1971).

L'ensemble des cadets fut radié du corps militaire marocain[18].

Bagne de Tazmamart[modifier | modifier le code]

Une partie des militaires impliqués et survivants seront emprisonnés à Tazmamart à partir de 1973.

Jusqu'en 1991, les autorités marocaines ont nié l'existence du bagne de Tazmamart[19]. Sur les 58 officiers incarcérés, seulement 28 ont survécu aux conditions inhumaines du bagne.

L'Instance équité et réconciliation (IER)[modifier | modifier le code]

L'Instance équité et réconciliation (IER), organisme marocain mis en place le 12 avril 2004 par le roi Mohammed VI, qui a pour but de réconcilier le peuple marocain avec son passé durant les années de plomb sous le règne du roi Hassan II, finit d'établir les faits concernant la répression du coup d'état et de fournir reconnaissance ainsi que réparations aux familles des victimes de militaires disparus ou emprisonnés à Tazmamart dans le cadre d'un mouvement plus large d'ouverture politique et d'apaisement des mémoires voulu par le nouveau souverain (limogeage de Driss el Basri, retour des exilés).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Michel Abitbol, Histoire du Maroc, Paris, Perrin, [détail de l’édition], p. 572
  2. a et b Nadia Lamlili, « Palais de Skhirat au Maroc : Hassan II, un roi miraculé », sur jeuneafrique.com,
  3. Article de Telquel (consulté le ).
  4. a et b « Le rôle d'Oufkir II », sur le Nouvel Observateur, .
  5. Abdelhak Serhane, Kabazal - Les Emmurés de Tazmamart : Mémoires de Salah et Aïda Hachad., Primento Digital Publishing, (ISBN 978-9954-419-80-9 et 9954-419-80-2, OCLC 975225499, lire en ligne)
  6. « Maroc : Makhzen, mode d’emploi… Les confidences exclusives d’Abdelhak El Merini, porte-parole du Palais – Jeune Afrique », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
  7. Michel Abitbol, p. 573
  8. a et b « Ghannam : “L'insupportable attente des victimes” », Aujourd'hui le Maroc,‎ (lire en ligne)
  9. « La tragédie des victimes de Skhirat », Aujourd'hui le Maroc,‎ (lire en ligne)
  10. Pierre Doublet, « Le complot de Skhirat », sur L'Express, (consulté le )
  11. Bargach 2007, p. 82
  12. « Skhirat : Les oubliés de l’histoire » (consulté le )
  13. Jean Daniel, « Charles Guetta », Le Nouvel Observateur,‎ , p. 12 (lire en ligne [PDF])
  14. a et b Bargach 2007, p. 83
  15. « Skhirat : Ces oubliés de la réconciliation », Libération, Casablanca,‎ (lire en ligne)
  16. Allal Amraoui, « Docteur Abdelmalek Faraj: L’histoire méconnue d’un pionnier de la médecine moderne au Maroc », sur L'Opinion Maroc - Actualité et Infos au Maroc et dans le monde. (consulté le )
  17. Stephen Smith, Oufkir un destin marocain, Calmann-Lévy, , 518 p. (ISBN 978-2-702-12938-8), p. 207
  18. « "Vidéo Inédite de la tentative de coup d'État à Rabat et Skhirate de 1971" »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur Lemag.ma,
  19. (en) « Morocco: The "disappeared" reappear » [archive du ], Amnesty International,

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Maâti Monjib, « Affaire d'État : Ce qu'on sait du putsch de Skhirat », Zamane, Casablanca, no 17,‎ (lire en ligne)
  • Bernard Lugan, Histoire du Maroc : Des origines à nos jours, Paris, Ellipses, , 403 p. (ISBN 978-2-7298-6352-4 et 2729863524, OCLC 717543501), « Les menaces sur le trône », p. 327-333
  • Mohamed Bargach, Au-delà du coup d'État de Skhirat : Ses victimes, Rabat, s.n., , 210 p. Document utilisé pour la rédaction de l’article
    Mohamed Bargach est un ex-officier supérieur des Forces armées royales marocaines, qui était présent ce jour-là.
  • Youssef Ziraoui, Mehdi Sekkouri Alaoui et Ayla Mrabet, « Histoire : Les minutes d'un anniversaire sanglant », TelQuel, no 359,‎ (lire en ligne) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Aziz Daki, « Skhirat : Les oubliés de l’histoire », Libération, Casablanca,‎ (lire en ligne) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Association des familles des victimes des événements de Skhirat, Le Massacre de Skhirat, 10 juillet 1971 : Crime contre l'humanité, Rabat, AFVES, , 239 p. (ISBN 9954-8158-0-5 et 9789954815809, OCLC 469712538)
  • Ahmed Marzouki, Tazmamart cellule 10, Paris-Méditerranée, 2001
  • « Le putsch du 10 juillet 1971 », dans Annuaire de l'Afrique du Nord, vol. 10, Paris, Éditions du CNRS, (lire en ligne [PDF]), p. 866-877
    Série de documents : déclarations et discours du roi Hassan II.
  • J. Gourdon, « Chronique politique : Maroc », dans Annuaire de l'Afrique du Nord, vol. 10, Paris, Éditions du CNRS, (lire en ligne [PDF]), p. 322-334

Liens externes[modifier | modifier le code]