Corrida au cinéma

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 6 janvier 2015 à 23:15 et modifiée en dernier par Lepetitlord (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

Les premiers films mettant en scène la corrida correspondent aux premières applications des découvertes des frères Lumière. Le cinéma taurin a fait son apparition en France à Paris, lors d'une projection dans les sous-sols du Salon indien du Grand Café en 1895, et à Madrid, en 1896 où une équipe d'opérateurs de Louis Lumière a présenté la découverte lors de la Feria de San Isidro[1].

Depuis lors, la corrida a été un thème traité tantôt sous forme de document tel le Arruza de Budd Boetticher ou Les Années Arruza de Emilio Maillé (1996), tantôt sous forme de fiction comme le film de Pedro Almodóvar Parle avec elle ou sous forme de docu-fiction tel Manolete (film, 2010) de Menno Meyjes.

Si la majorité des fictions taurines produites au cinéma ont été jugées secondaires (voire mauvaises) par la critique spécialisée, les documentaires et reportages sont considérés par les mêmes comme des références importantes, tant pour l'histoire de la tauromachie que pour celle du cinéma[2]. La Cinémathèque française en possède un grand nombre, parmi lesquels le document des frères Lumière sur les premières écoles taurines : premières écoles taurines

Historique

« L'histoire du cinéma taurin est intimement liée à l'histoire du cinéma tout court les premières images de corrida filmées étant apparues au tout début du cinématographe[1] ».

Les frères Lumière ont été les premiers à faire réaliser de courtes bandes d'inspiration taurine aussitôt ajoutées à leur catalogue de vente ; parmi celles-ci, le torero Luis Mazzantini est présenté avec sa cuadrilla. La bande tournée à Madrid en 1896 par l'opérateur de Louis Lumière, Alexandre Promio, s'intitulait Madrid arrivée des toréadors. le même Alexandre Promio tourna cette même année Course de taureaux. En 1898, à Nîmes, douze bandes taurines ont été tournées par les opérateurs des frères Lumière, détaillant toutes les phases de la corrida depuis le transfert des taureaux aux arènes, jusqu'à l'arrastre[2]. Le catalogue des frères Lumière comprenant ces douze films taurins a été reproduit par Maurice Bessy et Lo Duca dans leur ouvrage Louis Lumière inventeur, édition Prisma, 1948[1].

La « pré-histoire » du cinéma taurin français ne se limite pas aux productions des frères Lumière puisque dès 1908 la société Lux produit un documentaire naturaliste Course de taureaux à Séville ; la même année, la société Gaumont tourne Corrida de taureaux en Espagne avec Bombita, et les studios Raleigh Corrida de Taureaux à Barcelone en 1909[3].

En 1911, la société Gaumont a encore produit Carolino toréador et Max Linder inaugure le genre comico-taurin avec Max toréador[1]. Georges Sadoul considère que Max toréador est le meilleur film de Linder[4]. Il y eut une vive polémique avec le scénariste russe Brechki Brechkowski, qui accusait Max Linder d'avoir usé d'une doublure pour revêtir l'habit de lumières et affronter un taureau. Il fut question d'un duel d'honneur qui n'eut jamais lieu[5].

L'ancien critique taurin de Lunel, Louis Feuillade, devenu cinéaste, tourne en 1906 dans les arènes de Nîmes Jolies passes du toréador Machaquito et en 1914, il réalise en Espagne deux fictions taurines : Les Fiancés de Séville (1915)[3]. En 1916, il intercale des scènes taurine dans Les Yeux qui fascinent, cinquième épisode de la série Les Vampires dont une partie avait déjà été tournée au moment de la déclaration de la première Guerre mondiale[6].

Vers 1921, l'actrice Musidora fut productrice et actrice du film Soleil et ombre dans lequel le rejoneador Antonio Cañero était conseiller artistique et acteur. La comédienne fut bousculée par un taureau, ce qui ne l'empêcha pas de revenir en 1923 pour réaliser La Terre des taureaux, un documentaire sur la vie de élevages[6]. En 1923, Henry Vorins adapte un texte de Théophile Gautier sur la corrida et il filme le matador Pedrucho. Le document a un tel succès que Vorins produit l'année suivante un long métrage Pedrucho[7],[8].

La plupart des films tournés ensuite ont été taxés « d'espagnolades », c'est-à-dire de films sans grandes valeur, soit qu'il s'agisse de mélodrames larmoyants comme Le Picador de Jacquelux, soit de films burlesques comme Arènes joyeuses mis en scène par Karel Anton avec Alibert et Charpin comme acteurs.

Dans les années 1950, un bon documentaire de Pierre Braunberger La Course de taureaux vient relever le niveau, un peu bas, de la cinématographie taurine[9]. La liste de « nanards » taurins est assez longue. Mais il y a aussi de grandes réussites aussi bien comiques que dramatiques[10].

Les différents styles

La veine burlesque lancée par Max Linder est très vite passée à Hollywood avec Rigolo matador (Stan Laurel, 1924), The Bullfight (Mack Sennett), Le Terrible toréador (parodie de Carmen de Raoul Walsh, 1927), et même dans les studio d'animation : Woody Woodpecker apparaît dans Hollywood matador de Walter Lantz (1942), Donald Duck devient un des Trois caballeros de Norman Ferguson (1945), Droopy devient Señor Droopy de Tex Avery (1949) ainsi que Dingo, Popeye et Tom et Jerry (1957)[10].

Plus sérieuses et de meilleure qualité, les adaptations d'œuvres littéraires ont connu un certain succès ; notamment Arènes sanglantes, le roman de Vicente Blasco Ibáñez, a inspiré quatre adaptations dont la première (1916) met en valeur l'ensemble du mundillo à titre documentaire. En 1922, une version muette de Fred Niblo connaîtra un grand succès grâce à sa vedette : Rudolph Valentino. D'autres versions suivent, mais la plus flamboyante est celle de Rouben Mamoulian avec Rita Hayworth et Tyrone Power dont le matador John Fulton dit que c'est après avoir vu ce film qu'il a eu la vocation de torero[11]. Plusieurs autres romans taurins ont été adaptés à l'écran avec succès : Sang et lumière de Georges Rouquier d'après Joseph Peyré, Le Soleil se lève aussi d'Henry King d'après Ernest Hemingway

À cinq heures de l'après-midi réalisé par Juan Antonio Bardem en 1960 d'après la pièce d'Alfonso Sastre La Cornada montre comment deux toreros sont manipulés par leurs apoderados.

Présenté au festival de Cannes en 1960 le premier long métrage de Carlos Saura : Los Golfos (Les Voyous) met en scène une bande de voyous obligés de se sacrifier pour que l'un d'entre eux puisse réaliser son rêve le plus cher : devenir torero[12].

En 1964, c'est le réalisateur Francesco Rosi qui traite de la corrida dans Le Moment de la vérité (film) interprété par le matador Miguelín il décrit l'ascension et la chute d'un torero[12].

Parmi les adaptations d'œuvres littéraires à succès, on compte la nouvelle de Prosper Mérimée Carmen, adaptée par Carlos Saura avec Laura del Sol (1983), Carmen Jones et celle de Francesco Rosi avec Julia Migenes Johnson (1984).

Sharon Stone au festival de Cannes en 2005

Certains réalisateurs hollywoodiens, qui étaient aussi des aficionados, ont réussi à comprendre la réalité de la tauromachie, notamment Budd Boetticher et Orson Welles qui, tous deux, se sont essayés au métier de torero[13]. Le premier a réalisé deux fictions inspirées par son séjour au Mexique, La Dame et le toréador (1951) et Le Brave et la belle (1955), ainsi que Arruza (1968), biographie du torero Carlos Arruza pour laquelle Boetticher s'est pratiquement ruiné[13]. De l'afición d'Orson Welles, il ne reste qu'une partie d'un ensemble d'épisodes de la série All is true intitulé My Friend Bonito et quelques émissions télévisées telles que Corrida à Madrid (1955) et Orson Welles : the art of bullfighting (1961)[13].

De nombreuses stars d'Hollywood ont été aficionadas. On a notamment pu voir dans les gradins Ava Gardner, Rita Hayworth dans les années 1950, 1960, même Brigitte Bardot qui admirait notamment le torero Chamaco père surnommé le torero des plages car il était fort bel homme[14].

Plus récemment, Pedro Almodovar a réalisé en 2002 Parle avec elle. Il était déjà l'auteur en 1985 de Matador.

Une biographie romancée du matador « Manolete » a été réalisée en 2008 par Menno Meyjes : Manolete.

En 1989, Sharon Stone a repris le rôle de Doña Sol, dans un film considéré comme secondaire par la critique : Arènes sanglantes (film, 1989) du réalisateur espagnol Javier Elorrieta, troisième adaptation du roman de Vicente Blasco Ibáñez, sorti dans un premier temps en français sous le titre L'Indomptée[note 1].

Tout récemment, le 29 juin 2012 lors d'une entrevue sur ABC es., l'actrice américaine a fermement défendu la corrida face au présentateur Jorge Javier Vázquez, « declarado antitaurino [15] » notoirement anti-taurin, en déclarant « que les taureaux faisaient partie de la culture historique de l'Espagne et qu'il en étaient la poésie [15] ».

Outre les documentaires sur la tauromachie et les biographies de matadors, il existe une catégorie cinématographique assez méconnue du grand public[16] : les matadors-acteurs. Parmi les plus « flamboyants », on trouve « le cyclone » Arruza, le « beatnik » « El Cordobés »[17] qui sont aussi les plus connus. Mais les carrières cinématographiques des toreros ont toutes été assez brèves. Seuls deux ont véritablement embrassé la carrière de comédien : Mario Cabré, catalan, issu d'une famille de comédiens et le gitan Rafael Albaicín[16].

Il existe aussi des court-métrages comme La Corrida interdite, 1958, ballet cinématographique réalisé à partir d'images de corrida au ralenti par Denys Colomb de Daunant et Le Drame du taureau réalisé par Lucien Clergue[12].

Il y a eu encore, dans les années 1980, un certain nombre de productions honorables comme Matador (film), 1986, réalisé par Pedro Almodóvar, Duende ,1986, de Jean-Blaise Junod, De sable et de sang, 1987, de Jeanne Labruneref name="Bérard 2003 394"/>.

Bibliographie

  • Georges Sadoul, Histoire générale du cinéma, Paris, Denoël, (1re éd. 1947), 684 p. (ISBN 2-207-22149-0)
  • Robert Bérard (dir.), Histoire et dictionnaire de la Tauromachie, Paris, Bouquins Laffont, (ISBN 2221092465)
  • Véronique Flanet et Pierre Veilletet, Le Peuple du toro, Paris, Hermé, (ISBN 2866650344)
  • (en) Lynn Sherwood, Yankees in the afternoon, une histoire illustrée des toreros américains, Jefferson, Caroline du Nord, Mac Farland, (ISBN 2-86665-034-4) préface de Barnaby Conrad, réédition 2008.
  • Claude Popelin et Yves Harté, La Tauromachie, Paris, Seuil, (ISBN 2020214334)

Notes et références

Notes

  1. chroniqué sous le titre Arènes sanglantes dans le dictionnaire du cinéma de Télérama 2002, p.69 notice de Philippe Piazzo

Références

  1. a b c et d Jean-Louis Lopez dans Flanet et Veilletet 1986, p. 183
  2. a et b Bérard 2003, p. 389
  3. a et b Bérard 2003, p. 390
  4. Sadoul 1975, p. 89
  5. Sadoul 1975, p. 91
  6. a et b Jean-Louis Lopez dans Flanet et Veilletet 1986, p. 184
  7. de sorte que le matador devint acteur professionnel
  8. Sadoul 1975, p. 87
  9. Jean-Louis Lopez dans Flanet et Veilletet 1986, p. 185
  10. a et b Bérard 2003, p. 391
  11. Sherwood 2001, p. 61
  12. a b et c Bérard 2003, p. 394
  13. a b et c Bérard 2003, p. 392
  14. Claude Popelin et Yves Harté, La Tauromachie, Paris, Seuil, (ISBN 2020214334), p. 68
  15. a et b Sharon Stone prend la défense de la corrida
  16. a et b Bérard 2003, p. 393
  17. Sherwood 2001, p. 67