Coordonnées de Kruskal-Szekeres

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Les coordonnées de Kruskal-Szekeres[1] ()[2] sont un système de coordonnées d'espace-temps[3]. Elles permettent d'obtenir l'extension de Kruskal-Szekeres[4] qui est l'extension analytique maximale de la métrique de Schwarzschild[4]. L'espace-temps ainsi étendu se décompose en quatre régions (I, II, III et IV) : les régions I et II sont respectivement l'extérieur et l'intérieur d'un trou noir ; les régions III et IV, respectivement l'extérieur et l'intérieur d'un trou blanc[5].

L'extension de Kruskal-Szekeres décrit un trou noir éternel[6].

Les éponymes des coordonnées et de l'extension sont le mathématicien et physicien américain Martin D. Kruskal (-) et le mathématicien hungaro-australien György (George) Szekeres (-) qui les ont tous deux proposées en afin de décrire la géométrie d'un trou noir de Schwarzschild[7],[8],[9].

En coordonnées de Kruskal-Szekeres, la métrique de Schwarzschild s'écrit[10] :

,

où :

Avec (cf. rayon de Schwarzschild), (cf. fonction exponentielle) et (cf. angle solide), elle s'écrit :

.

En unités géométriques (), elle s'écrit :

.

Historique[modifier | modifier le code]

En , Karl Schwarzschild décrit la première solution exacte des équations d'Einstein, qui fait apparaitre une singularité inattendue, le rayon de Schwarzschild, dont la nature reste longtemps mal comprise.

En 1924, Arthur Eddington ébauche le premier système de coordonnées non singulier à ce fameux rayon[11]. En 1938, Georges Lemaître élabore une métrique synchrone (métrique de Lemaître) ; David Finkelstein en découvre une autre, non-synchrone, en 1958[12], et nommée aujourd'hui métrique d'Eddington-Finkelstein. Synge démontrera que cette dernière métrique ne recouvre qu'une partie de la géométrie de l'espace-temps de Schwarzschild[13], tout comme celle de Lemaître : ces métriques ne permettent pas d'envisager tous les cas dynamiques d'un corps dans l'environnement d'un trou noir de Schwarzschild. Elles ont toutefois montré que ce rayon n'est pas une singularité réelle, physique, mais seulement pour la métrique choisie par Schwarzschild.

En 1960, Martin Kruskal et George Szekeres construisent une nouvelle métrique permettant d'étudier tous les types de mouvements d'un corps à l'extérieur et sous le rayon de Schwarzschild[14].

Les coordonnées de Kruskal-Szekeres[modifier | modifier le code]

Convention : la signature de la métrique est (– + + +).

Kruskal et Szekeres utilisent des coordonnées sans dimension, pour la coordonnée radiale et pour la coordonnée temporelle, définies dans le but d'éliminer le terme dans la nouvelle métrique. Elles reconstruisent par des fonctions transcendantes.

Les variables et sont définies par :

Les coordonnées et de Kruskal-Szekeres sont reliées aux coordonnées et de Schwarzschild par[15],[16] :

et par[15],[16] :

.

On distingue deux cas pour le temps :

  • si alors  ;
  • si alors .

On obtient la métrique diagonale :

qui est définie pour tout . Le temps t est par contre infini au rayon de Schwarzschild ().

Remarque

Les coordonnées de Kruskal-Szekeres sont parfois notées [17].

En unités géométriques , et sont définies comme suit[18],[19],[20] :

,

[17] :

est la gravité de surface,

et et v sont deux coordonnées de genre lumière[21], à savoir :

  • est le temps retardé[22] défini comme[23],[24],[25] : ,
  • est le temps avancé[22] défini comme[23],[24][26] : ,

où :

,
où :
  • est la coordonnée de Schwarzschild ;
  • est le logarithme naturel.

Avec les coordonnées , la métrique de Schwarzschild s'écrit[32] :

.

Les coordonnées de Kruskal-Szekeres sont parfois notées avec et définies comme suit[29],[33] :

.

La métrique de Schwarzschild s'écrit alors[34] :

.

Les coordonnées de Schwarzschild sont reliées aux coordonnées de Kruskal-Szekeres par[35] :

.

Propriétés[modifier | modifier le code]

Représentation en coordonnées de Kruskal-Szekeres.

Les propriétés des coordonnées de Kruskal-Szekeres sont les suivantes :

  1. La métrique à l'horizon des évènements est non-singulière[36] ;
  2. reste de genre temps et de genre espace sur tout l'espace-temps[36] ;
  3. Les lignes d'univers de photons en mouvement radial satisfont [36] ;
  4. À l'intérieur de l'horizon, ,
    où le facteur de proportionnalité est défini positif et ne diverge que pour [36].

Avec les coordonnées de Kruskal-Szekeres, la singularité en de la métrique de Schwarzschild est située en [37].

On a donc maintenant deux singularités : .

Les droites en coordonnées de Schwarzschild sont les hyperboles en coordonnées de Kruskal. Leurs asymptotes sont les bissectrices et . Les droites en coordonnées de Schwarzschild sont les droites passant par l'origine en coordonnées de Kruskal. Les singularités sont représentées par les frontières des zones hyperboliques grises sur le dessin ci-contre.

Les géodésiques de type lumière sont les lignes orientées à 45°. Il est facile de vérifier que pour , on a .

La métrique de Schwarzschild différencie deux régions de l'espace-temps délimitées par l'horizon des événements. La région est segmentée en deux avec la métrique de Kruskal-Szekeres.

La condition correspond à .

La totalité de la géométrie de Schwarzschild est donc représentée par quatre régions différentes en coordonnées de Kruskal.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Taillet, Villain et Febvre 2018, s.v. Kruskal-Szekeres (coordonnées de), p. 414, col. 1.
  2. Hobson, Efstathiou et Lasenby 2010, chap. 11, § 11.9, p. 264.
  3. Deza et Deza 2012, partie VI, chap. 26, sec. 26.2, s.v. Schwarzschild metric, p. 512.
  4. a et b Chruściel 2020, § 4.2.3, p. 132.
  5. Grumiller et Sheikh-Jabbar 2022, chap. 2, sec. 2.3, § 2.3.2, p. 43.
  6. Ferrari, Gualtieri et Pani 2020, chap. 9, sec. 9.5, § 9.5.4, p. 175.
  7. Taillet, Villain et Febvre 2018, s.v.Kruskal-Szekeres (coordonnées de), p. 414, col. 2.
  8. Kruskal 1960.
  9. Szekeres 1960.
  10. Taillet 2013, p. 61.
  11. (en) A.S. Eddington, « A comparison of Whitehead's and Einstein's formulæ », Nature, (DOI 10.1038/113192a0, Bibcode 1924Natur.113..192E), p. 192 url=http://www.strangepaths.com/files/eddington.pdf
  12. Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique, t. 2 : Théorie des champs [détail des éditions], §102, note en bas de page.
  13. Synge, J. L., The gravitational field of a particule, 1950, Proc. R. Irish Acad. A 53, 83-114.
  14. Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique, t. 2 : Théorie des champs [détail des éditions], §103, note en bas de page. Landau y évoque également le travail de Igor Novikov qui, en 1963, obtient une métrique synchrone aux propriétés similaires.
  15. a et b Guidry 2019, p. 221.
  16. a et b Misner, Thorne et Wheeler 1973, p. 327.
  17. a et b Carlip 2019, chap. 10, § 10.4, p. 86.
  18. Carlip 2019, chap. 10, § 10.4, p. 86 (10.16).
  19. Deruelle et Uzan 2018, chap. 7, § 7.2, p. 470 (7.11).
  20. Wald 1984, chap. 6, § 6.4, p. 153 (6.4.26) et (6.4.27).
  21. a et b Wald 1984, chap. 6, § 6.4, p. 152.
  22. a et b Faraoni 2015, chap. 1er, § 1.3.3, p. 7.
  23. a et b Deruelle et Uzan 2018, chap. 7, § 7.2, p. 470 (7.10).
  24. a et b Faraoni 2015, chap. 1er, § 1.3.3, p. 7 (1.14).
  25. Wald 1984, chap. 6,§ 6.4, p. 152 (6.4.21).
  26. Wald 1984, chap. 6, § 6.4, p. 152 (6.4.22).
  27. Wald 1988, p. 172.
  28. Carlip 2019, chap. 10, § 10.4, p. 85.
  29. a b et c Deruelle et Uzan 2018, chap. 7, § 7.2, p. 470.
  30. Carlip 2019, chap. 10, § 10.4, p. 85 (10.11).
  31. Wald 1984, chap. 6, § 6.4, p. 152 (6.4.20).
  32. Carlip 2019, chap. 10, § 10.4, p. 86 (10.18).
  33. Wald 1984, chap. 6, § 6.4, p. 153.
  34. Wald 1984, chap. 6, § 6.4, p. 153 (6.4.29).
  35. Wald 1984, chap. 6, § 6.4, p. 153 (6.4.30) et (6.4.31).
  36. a b c et d Dick 2019, chap. 7, § 7.4, p. 7-14.
  37. Misner, Thorne et Wheeler 1973, chap. 31, § 31.5, p. 333.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles originaux de Kruskal et Szekeres[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Dictionnaires et encyclopédies[modifier | modifier le code]

Manuels d'enseignement supérieur[modifier | modifier le code]

Ouvrages fondamentaux[modifier | modifier le code]

Lien externe[modifier | modifier le code]

  • [Szeftel 2013] Jérémie Szeftel, « Introduction à la relativité générale d'un point de vue mathématique », base Gargantua de l'École polytechnique,‎ , p. 79 p., chap. 6 (« Exemples de solutions explicites »), sections 6.2 (« Solution de Schwarzschild »), 6.2.1. (« Solution et extension maximale »), p. 59-61 (lire en ligne).